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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
1B_258/2016
Arrêt du 29 septembre 2016
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Karlen et Chaix.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Sabrina Burgat, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, Parquet régional de Neuchâtel, rue du Pommier 3A, 2000 Neuchâtel.
Objet
Procédure pénale; levée de scellés,
recours contre l'ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers de la République et canton de Neuchâtel du 8 juillet 2016.
Faits :
A.
A la suite de la plainte pénale déposée par B.________ le 19 avril 2016, le Ministère public, Parquet régional de Neuchâtel, a ouvert une instruction le 27 avril 2016 contre A.________ pour soustraction de données personnelles (art. 179novies CP), subsidiairement pour accès indu à un système informatique (art. 143bis CP). Il lui est en substance reproché d'avoir accédé indûment à la boîte de réception électronique de la plaignante, son ex-épouse, afin de soustraire des données personnelles dont il aurait notamment fait usage dans le cadre d'une procédure civile en modification du jugement de divorce. Le prévenu conteste les faits, soutenant avoir eu connaissance desdites informations par deux personnes tierces, dont il souhaite taire les noms.
Dans ce cadre, une perquisition a été opérée le 21 juin 2016 au domicile de A.________; ont en particulier été saisis l'ordinateur portable du prévenu, celui appartenant à C.________, un disque dur noir dans un étui noir, un NAS disque dur réseau et un téléphone portable IPhone. La mandataire de A.________ a sollicité la mise sous scellés de l'ensemble du matériel informatique et, le 29 juin 2016, le Ministère public a demandé leur levée, sous réserve de la correspondance échangée entre le prévenu et son avocate. Par ordonnance du 8 juillet 2016, le Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers de la République et canton de Neuchâtel (Tmc) a ordonné la levée des scellés apposés sur le matériel informatique séquestré, la correspondance échangée entre le prévenu et son avocate étant exclue.
B.
Par acte du 14 juillet 2016, A.________ forme un recours en matière pénale contre cette décision, concluant à son annulation et au maintien des scellés sur toutes les données informatiques saisies. A titre subsidiaire, il demande que le Tmc procède, le cas échéant avec l'aide d'un expert, au tri de l'ensemble des données, y compris la correspondance, et ne transmette à l'autorité de poursuite pénale que les données nécessaires à la procédure. Encore plus subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à l'autorité précédente. Le recourant sollicite l'effet suspensif au recours et l'octroi de l'assistance judiciaire.
S'en remettant à justice s'agissant de l'effet suspensif, le Ministère public a conclu au rejet du recours; il a en particulier relevé que, le 21 juin 2016, la mandataire du recourant avait limité la demande de mise sous scellés à la correspondance concernant ses relations avec le prévenu et n'avait requis l'extension de cette mesure que le 23 juin 2016, soit notamment après que le service informatique de la police neuchâteloise avait commencé ses recherches par mots-clés. Quant à l'autorité précédente, elle a renoncé à se déterminer. Le 24 août 2016, le recourant a notamment produit une requête d'assistance judiciaire et les pièces y relatives.
Par ordonnance présidentielle du 4 août 2016, la requête d'effet suspensif a été admise.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement les conditions de recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 140 IV 57 consid. 2 p. 59).
1.1. Conformément à l'art. 393 al. 1 let. c CPP, le recours au sens du CPP n'est ouvert contre les décisions du Tmc que dans les cas prévus par ledit code. Aux termes de l'art. 248 al. 3 let. a CPP, cette autorité statue définitivement sur la demande de levée des scellés au stade de la procédure préliminaire. Le recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF est donc en principe ouvert (art. 80 al. 2 in fine LTF).
1.2. Ne mettant pas un terme à la procédure pénale, la décision attaquée est de nature incidente. Elle est notamment susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF lorsque le secret professionnel de l'avocat (arrêt 1B_18/2016 du 19 avril 2016 consid. 1 et les arrêts cités) et/ou un secret commercial ou d'affaires au sens de l'art. 162 CP (arrêt 1B_300/2012 du 14 mars 2013 consid. 1.1) sont invoqués.
En l'occurrence, il n'est pas contesté que la correspondance du recourant avec son avocate est protégée par le secret professionnel de cette dernière et qu'elle ne pourra être produite au dossier pénal. Le recourant soutient cependant en substance que le tri des éléments à retirer pour ce motif n'aurait pas été effectué par le Tmc, mais aurait été confié aux autorités de poursuite pénale; ce faisant, la protection conférée par le secret professionnel ne serait plus garantie. Sous cet angle, un préjudice irréparable doit donc être reconnu au recourant (arrêt 1B_90/2016 du 8 septembre 2016 consid. 1.4).
Dès lors qu'il semble que les éléments protégés par le secret de l'avocat n'ont pas encore été - pour le moins entièrement - déterminés, il n'y a ainsi pas lieu de vérifier si, au stade de la recevabilité, l'invocation d'une atteinte à la sphère privée permettrait de retenir l'existence d'un préjudice irréparable pour les documents non couverts par le secret professionnel de l'avocat.
1.3. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir statué au-delà des conclusions prises par le Ministère public en levant les scellés sur l'ensemble du matériel informatique saisi, à l'exclusion de la correspondance bénéficiant du secret professionnel de l'avocat.
Selon l'art. 248 al. 2 CPP, si l'autorité pénale ne demande pas la levée des scellés dans les vingt jours, les documents et autres objets mis sous scellés sont restitués à l'ayant droit.
En l'occurrence, il n'est pas contesté que le Ministère public a agi dans le délai imparti. Cependant, il a conclu à la levée des "scellés pour toute autre correspondance que celle échangée entre le prévenu et son avocate". Si le Procureur n'est pas, lors de la procédure de levée de scellés, la direction de la procédure, il n'en reste pas moins responsable et en charge de l'instruction principale (cf. art. 16 al. 2 et 61 let. a CPP). A ce titre, il doit entreprendre les actes nécessaires, de manière conforme à la loi et aux règles de procédure, afin de faire progresser l'instruction; ses conclusions ont dès lors un poids décisif et un caractère déterminant (ATF 142 IV 29 consid. 3.4 p. 32 s.). Il s'ensuit que, sans autre requête déposée en temps utile et visant l'entier du matériel informatique saisi, le Tmc, autorité de contrôle de la légalité des mesures de contrainte ordonnées, respectivement requises, par le Ministère public (ATF 142 IV 29 consid. 3.4 p. 33), ne pouvait, sauf à violer le droit fédéral, se distancer des conclusions prises par le Procureur et ordonner la levée des scellés sur l'entier du matériel informatique saisi. Partant, ce grief doit être admis.
3.
Le recourant soutient que l'ampleur du séquestre violerait le principe de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. b et d CPP), eu égard en particulier à la saisie de pièces qui seraient sans pertinence pour la procédure pénale, ainsi qu'en raison de la violation de son droit à la protection de sa sphère privée (art. 264 al. 1 let. b CPP).
Vu la limitation de la levée des scellés à la correspondance contenue dans les supports séquestrés (cf. consid. 3 ci-dessus), l'ampleur de la saisie opérée est déjà réduite dans une certaine mesure. En effet, la levée des scellés ne devrait en principe pas concerner les vidéos ou photographies - types de fichiers brièvement évoqués par le recourant (cf. ad ch. 5 p. 8 de son mémoire) -, sous réserve de l'hypothèse où elles auraient été jointes à une correspondance.
Pour le surplus, il y a lieu de rappeler que l'autorité en matière de levée des scellés statue sous l'angle de la vraisemblance (art. 263 al. 1 CPP); elle doit ainsi s'en tenir au principe de l' "utilité potentielle" des pièces saisies (ATF 132 IV 63 consid. 4.4 p. 66 s.; arrêts 1B_18/2016 du 19 avril 2016 consid. 3.1; 1B_167/2015 du 30 juin 2015 consid. 2.1; 1B_300/2012 du 14 mars 2013 consid. 3.2). Tel est le cas en l'espèce. En effet, l'instruction - qui se trouve à un stade encore précoce - porte sur des infractions qui peuvent notamment avoir été réalisées par le biais des supports saisis; ceux-ci peuvent donc contenir des informations susceptibles d'être séquestrées, ainsi que potentiellement utiles pour faire avancer l'instruction (art. 246 al. 1 CPP), eu égard par exemple à leur (s) destinataire (s), leur contenu et à la date de leur émission/réception. Dans la limite où le recourant entendait demander le retrait d'autres documents que ceux protégés par le secret de l'avocat, il avait l'obligation de désigner quelles pièces seraient couvertes par un autre secret protégé par la loi ou ne présenteraient pas de lien avec l'enquête (ATF 141 IV 77 consid. 4.3 p. 81 et 5.6 p. 87), ce qu'il ne fait pas. En particulier, il ne se prévaut pas du secret médical pour exclure la correspondance avec des médecins, mais relève uniquement le caractère "véritablement privé[...]" de celle-ci. Cependant, dès lors que par sa nature, la perquisition, respectivement la saisie de matériel informatique ou de documents, puis leur exploitation, porte nécessairement atteinte à la sphère privée, cette seule circonstance - sans autre indication - ne constitue pas un obstacle à la levée des scellés.
Par conséquent, la levée des scellés sur l'entier de correspondance contenue dans les différents supports saisis, à l'exception de celle protégée par le secret professionnel de l'avocat, ne viole pas le principe de proportionnalité et ce grief peut être rejeté.
4.
Le recourant reproche encore à l'autorité précédente de ne pas avoir effectué elle-même le tri des pièces couvertes par le secret professionnel de l'avocat et d'avoir en substance confié cette tâche aux autorités de poursuite pénale.
4.1. Selon la jurisprudence, il appartient au Tmc de prendre les précautions nécessaires pour éviter que des tierces personnes, notamment des membres des autorités d'enquête et d'instruction, puissent procéder à l'examen des données mises sous scellés sans autorisation ou de manière anticipée. Ce but peut notamment être assuré par le recours à un expert (cf. art. 248 al. 4 CPP en lien avec les art. 182 ss CPP [arrêt 1B_90/2016 du 8 septembre 2016 consid. 3.1 destiné à la publication]). Cette manière de procéder permet en effet de garantir la protection des secrets invoqués, d'assurer le respect des droits de la personnalité, ainsi que le principe de proportionnalité (ATF 137 IV 189 consid. 4.2 p. 195). L'expert désigné agit en outre sous la direction du Tmc (arrêt 1B_19/2013 du 22 février 2013 consid. 3), autorité qui peut aussi requérir l'assistance des parties (ATF 141 IV 77 consid. 4.3 p. 81 et 5.6 p. 87; 138 IV 225 consid. 7.1 p. 229; arrêt 1B_90/2016 du 8 septembre 2016 consid. 3.1).
Il découle des éléments précédents que le tri judiciaire ne peut en principe pas être transféré ou délégué aux autorités d'instruction en charge de l'affaire (ATF 137 IV 189 consid. 5.1.1 p. 196), dont font partie le ministère public et la police (cf. art. 12 let. a et b CPP; arrêt 1B_90/2016 du 8 septembre 2016 consid. 3.1).
La jurisprudence a toutefois précisé que, si l'autorité judiciaire entend bénéficier de l'assistance de policiers membres de brigades spécialisées - ce qui peut se justifier pour des motifs de célérité et d'économie de procédure -, elle doit s'assurer que ceux-ci ne pourront pas avoir accès au contenu des données protégées par le secret invoqué. Les tâches confiées à la police dans ce cadre particulier doivent donc être limitées à des recherches d'ordre purement technique - notamment par le biais de l'informatique - et seule l'autorité judiciaire doit avoir connaissance des résultats découlant de ces démarches, puis procéder elle-même au tri des documents (arrêt 1B_90/2016 du 8 septembre 2016 consid. 3.1 et les références citées).
4.2. En l'occurrence, il semble qu'entre le 21 et le 23 juin 2016, la police a déjà procédé à des recherches par mots-clés pour exclure les documents protégés par le secret professionnel (cf. les déterminations du Ministère public du 21 juillet 2016), cela sans que le recourant ne lui reproche d'avoir alors abusé de ses prérogatives.
Cependant, la levée des scellés ne peut concerner que la correspondance contenue dans les supports saisis (cf. consid. 2 ci-dessus). Il s'ensuit que la recherche uniquement par mots-clés - éventuellement envisageable pour exclure les seuls échanges entre le recourant et son avocate - ne permet en revanche pas d'effectuer le tri des documents qui peuvent être considérés comme de la correspondance de ceux qui n'entreraient pas dans cette catégorie. Il ne peut en effet être exclu que, pour procéder à cette distinction, il soit nécessaire d'avoir accès au contenu des dossiers. La tâche de tri ne peut donc être confiée aux autorités de poursuite pénale, dont fait partie la police, et ce grief doit être admis.
5.
Il s'ensuit que le recours est partiellement admis. L'ordonnance du 8 juillet 2016 est annulée. La levée des scellés est ordonnée s'agissant de la correspondance contenue dans les appareils saisis, sous réserve de celle bénéficiant du secret professionnel de l'avocat. Les scellés sont en revanche maintenus sur le reste du matériel informatique séquestré. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle effectue, le cas échéant avec l'assistance d'un expert, le tri des éléments contenus dans les supports saisis qui peuvent être considérés comme de la correspondance, détermine celle protégée par le secret de l'avocat, lève les scellés sur la correspondance n'en bénéficiant pas et procède de manière conforme à l'art. 248 al. 2 in fine CPP pour les éléments maintenus sous scellés.
Le recourant, assisté par une mandataire professionnelle, obtient gain de cause sur deux points de son recours. Il se justifie dès lors de lui octroyer une pleine indemnité de dépens à la charge de la République et canton de Neuchâtel (art. 68 al. 1 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Sa requête d'assistance judiciaire est dès lors sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'ordonnance du 8 juillet 2016 du Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers est annulée. La levée des scellés est ordonnée sur la correspondance contenue dans le matériel informatique saisi, sous réserve de celle bénéficiant du secret professionnel de l'avocat. Pour le surplus, les scellés sont maintenus et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle procède au sens des considérants.
2.
Une indemnité de dépens de 2'500 fr. est allouée à la mandataire du recourant à la charge de la République et canton de Neuchâtel.
3.
La requête d'assistance judiciaire est sans objet.
4.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
5.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, Parquet régional de Neuchâtel, et au Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers de la République et canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 29 septembre 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
La Greffière : Kropf