BGer 4A_551/2016
 
BGer 4A_551/2016 vom 03.11.2016
{T 0/2}
4A_551/2016
 
Arrêt du 3novembre 2016
 
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les juges Kiss, présidente, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Thélin.
Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Viviane Martin,
demanderesse et recourante,
contre
A.________,
B.________,
représentés par Me Bénédict Fontanet,
défendeurs et intimés.
Objet
bail à loyer; expulsion du locataire
recours contre l'arrêt rendu le 29 août 2016 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Considérant en fait et en droit :
1. Dès le 1er mai 1983, les époux H.U.________ et F.U.________ ont pris à bail un appartement de quatre pièces au sixième étage d'un bâtiment du centre de Genève. L'épouse est demeurée seule locataire après le décès de l'époux et elle a elle-même défunté le 31 décembre 2015. Elle a laissé pour héritiers ses enfants A.________ et B.________.
2. Le 9 novembre 2015, la locataire a ouvert action contre la bailleresse X.________ SA devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève; l'action tendait à une réduction du loyer et à l'exécution de travaux. La bailleresse a passé une transaction avec les héritiers le 22 mars 2016. Elle a reconnu devoir une indemnité de 2'917 fr.50 correspondant à une réduction du loyer de 15% durant deux ans; pour le surplus, les héritiers se sont désistés de l'action.
3. Le 27 janvier 2016, sur formules officielles adressées à chacun des héritiers, la bailleresse a résilié le contrat avec effet au 30 avril suivant. Elle se référait à une clause des règles et usages locatifs genevois dans leur édition de 1978, dont le texte était incorporé au contrat, autorisant le bailleur à donner congé en cas de décès du locataire.
Les héritiers ont saisi en temps utile l'autorité de conciliation compétente; ils ont articulé des conclusions tendant principalement à l'annulation du congé et, subsidiairement, à la prolongation du bail pour une durée de quatre ans.
4. Le 7 avril 2016, alors que la requête de conciliation était pendante, X.________ SA a requis le Tribunal des baux et loyers de condamner les héritiers à évacuer et restituer l'appartement; elle usait de la procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC pour la solution rapide des cas clairs. Le tribunal s'est prononcé le 11 mai 2016; il a déclaré la requête irrecevable au motif que la situation juridique n'était pas claire.
La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a statué le 29 août 2016sur l'appel de la demanderesse; elle a confirmé le jugement.
5. Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le Tribunal fédéral de condamner les deux défendeurs à l'évacuation de l'appartement.
Les défendeurs n'ont pas été invités à procéder.
6. Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail et sur l'expulsion du locataire, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre ici en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO. Pour le calcul de la valeur litigieuse, cette période de protection s'écoule dès la date de la décision attaquée (ATF 137 III 389 consid. 1.1 p. 390; 111 II 384 consid. 1 p. 386). En l'espèce, compte tenu d'un loyer mensuel de 9'725 fr., frais accessoires en sus, la valeur litigieuse minimum de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) est atteinte.
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont par ailleurs satisfaites.
7. La procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC est une alternative aux procédures ordinaire ou simplifiée normalement disponibles, destinée à offrir à la partie demanderesse, dans les cas dits clairs, une voie particulièrement simple et rapide. Selon l'art. 257 al. 1 let. a et b CPC, cette voie suppose que l'état de fait ne soit pas litigieux ou qu'il soit susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a), et que la situation juridique soit claire (let. b). Selon l'art. 257 al. 3 CPC, le juge n'entre pas en matière si l'une ou l'autre de ces hypothèses n'est pas vérifiée.
Le cas n'est pas clair, et la procédure sommaire ne peut donc pas aboutir, lorsqu'en fait ou en droit, la partie défenderesse oppose à l'action des objections ou exceptions motivées sur lesquelles le juge n'est pas en mesure de statuer incontinent. L'échec de la procédure sommaire ne suppose pas que la partie défenderesse rende vraisemblable l'inexistence, l'inexigibilité ou l'extinction de la prétention élevée contre elle; il suffit que les moyens de cette partie soient aptes à entraîner le rejet de l'action, qu'ils n'apparaissent pas d'emblée inconsistants et qu'ils ne se prêtent pas à un examen en procédure sommaire. La situation juridique est claire lorsque l'application du droit au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire s'il est nécessaire que le juge exerce un certain pouvoir d'appréciation, voire rende une décision en équité (ATF 141 III 23 consid. 3.2 p. 25; 138 III 123 consid. 2.1.2; 138 III 620 consid. 5).
S'il est clair qu'un bail à loyer a pris fin par l'effet du congé signifié par le bailleur, celui-ci peut mettre en oeuvre la procédure prévue par l'art. 257 CPC afin d'obtenir rapidement l'évacuation forcée des locaux, alors même que le locataire a éventuellement introduit une action en annulation du congé sur la base des art. 271, 271a et 273 CO; la litispendance n'est alors pas opposable au bailleur (ATF 141 III 262 consid. 3 p. 263).
8. Une procédure judiciaire portant sur une réduction du loyer et sur l'exécution de travaux était pendante entre les parties lorsque la demanderesse a résilié le bail le 27 janvier 2016; la validité de ce congé est par conséquent douteuse au regard de l'art. 271a al. 1 let. d CO. De plus, à supposer que le congé soit valable, la demanderesse ne peut se prévaloir d'aucun des cas où la prolongation judiciaire du contrat est exclue à teneur de l'art. 272a al. 1 CO. Or, selon la jurisprudence relative à l'art. 272 CO, le juge de la prolongation doit procéder à la pesée des intérêts en présence et prendre en considération tous les éléments du cas particulier (ATF 136 III 190 consid. 6 p. 195; 135 III 121 consid. 2 p. 123), ce qui exige typiquement l'exercice du pouvoir d'appréciation. Dans ce contexte, il n'est nullement clair que le bail à loyer ait pris fin le 30 avril 2016 comme la demanderesse le prétend, et les autorités précédentes ont correctement appliqué l'art. 257 al. 3 CPC en refusant l'entrée en matière.
La demanderesse conteste que par suite du décès de F.U.________, les défendeurs soient devenus les locataires de l'appartement et qu'ils puissent actuellement revendiquer la protection contre les congés prévue par les art. 271 et ss CO. Cette argumentation est vaine car même s'ils n'ont pas le même rapport avec l'appartement loué ni le même intérêt à maintenir le contrat (Nadja Schwery, in Präjudizienbuch OR, Peter Gauch et al., éd., 9e éd., 2016, n° 1 ad art. 266i CO) ou a en obtenir une éventuelle prolongation, les défendeurs ont accès aux voies juridiques que la loi prévoit en faveur des locataires.
9. Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral. Les adverses parties n'ont pas été invitées à répondre et il ne leur sera donc pas alloué de dépens.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.
3. Il n'est pas alloué de dépens.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 3 novembre 2016
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente : Kiss
Le greffier : Thélin