Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
1B_383/2016
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Arrêt du 4 novembre 2016
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Karlen et Kneubühler.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Stéphane Boillat, avocat,
recourant,
contre
Ministère public du canton de Berne, Région Jura bernois-Seeland, rue du Château 13, 2740 Moutier.
Objet
détention provisoire,
recours contre la décision de la Chambre de recours pénale de la Cour suprême du canton de Berne du 14 septembre 2016.
Faits :
A.
Le 1
er février 2016, B.________ a été entendue par la police cantonale bernoise. Elle a affirmé se nommer en réalité C.________, être née le 20 février 2000 à Lomé, au Togo, et être la fille de D.________ et E.________. Elle exposait avoir été envoyée en Suisse à l'âge de sept ans, pour vivre avec le couple formé de A.________ et la soeur de celui-ci, F.________, alias G.________, tous deux originaires du Togo, en se faisant passer pour leur fille afin de faciliter leur séjour en Suisse. Elle a dit avoir été menacée de retour dans son pays d'origine si elle évoquait sa véritable identité et avoir subi des actes de maltraitance de la part de F.________ chez qui elle est allée vivre après la séparation du couple. En décembre 2012, elle a été renvoyée au Togo et a vécu chez la soeur de A.________ avant que sa mère biologique ne vienne la chercher pour la ramener en Côte d'Ivoire. Elle a finalement été rapatriée en Suisse en automne 2013 et placée dans une famille d'accueil.
B.
Le 21 avril 2016, le Ministère public du canton de Berne, Région Jura bernois-Seeland, a ouvert une procédure pénale contre A.________ et F.________ pour séquestration et enlèvement, voies de fait et/ou lésions corporelles simples, violation du devoir d'assistance et d'éducation et faux dans les certificats au préjudice de B.________ alias C.________. Ils sont également soupçonnés d'avoir facilité l'entrée illégale sur le territoire national d'un autre Etat, induit la justice en erreur par de fausses indications, par la dissimulation de faits essentiels et par un mariage en vue d'éluder les prescriptions sur l'admission et le séjour. A.________ a été arrêté le 11 mai 2016 et placé en détention provisoire en raison d'un risque de fuite et d'un danger de collusion.
Par décision du 10 août 2016, le Tribunal régional des mesures de contrainte Jura bernois-Seeland a prolongé la détention provisoire du prévenu pour une durée de trois mois.
La Chambre de recours pénale de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté le recours formé le 22 août 2016 contre cette décision par A.________ au terme d'une décision rendue le 14 septembre 2016.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'enjoindre la Chambre de recours pénale à admettre le recours du 22 août 2016 et à ordonner sa mise en liberté moyennant, le cas échéant, le dépôt au dossier de ses documents d'identité conformément à l'ordonnance de séquestre du 18 août 2016, l'obligation de se présenter deux fois par semaine au poste de police de son domicile et l'interdiction de prendre contact avec C.________ et les parents de celle-ci ainsi qu'avec tout autre tiers souhaité. Il requiert l'assistance judiciaire.
La Chambre de recours pénale a renoncé à se déterminer. Le Ministère public conclut au rejet du recours.
Le recourant a répliqué.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable.
2.
Dans un argument formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant soutient que le Tribunal des mesures de contrainte a violé son droit d'être entendu en statuant sur la demande de prolongation de sa détention provisoire sans avoir tenu une audience malgré une demande expresse en ce sens. La décision attaquée qui confirme qu'une telle audience n'était pas nécessaire serait contraire à l'art. 227 al. 6 CPP.
La cour cantonale a considéré que la procédure de prolongation de la détention provisoire se déroulait en principe par écrit et qu'il n'existait aucun droit constitutionnel, ni disposition légale prescrivant l'audition personnelle du prévenu par le Tribunal des mesures de contrainte. Ce dernier peut ordonner une audition si la recherche de la vérité l'impose ou si les motifs à la base de la demande de prolongation de la détention provisoire sont peu clairs. Les questions sur lesquelles le prévenu souhaitait s'exprimer oralement dans le détail, à savoir celles de son logement à Saint-Julien-en-Genevois et des photographies, ont été étayées à suffisance dans le dossier ou par des explications complémentaires apportées par la défense. Cette dernière n'a pas fait valoir de motifs pertinents permettant de faire grief au Tribunal des mesures de contrainte de ne pas avoir ordonné l'audition personnelle du prévenu avant de statuer.
Comme l'a relevé la cour cantonale, le recourant ne disposait pas d'un droit absolu à être entendu oralement puisque l'art. 227 al. 6 CPP prévoit que la procédure de prolongation de la détention se déroule en règle générale par écrit (cf. ATF 137 IV 186 consid. 3.2 p. 188). Ce principe se justifie par le fait que le prévenu a eu l'occasion de se faire entendre par le Tribunal des mesures de contrainte dans le cadre de l'audience consacrée à la demande de placement en détention provisoire (arrêt 1B_568/2012 du 31 octobre 2012 consid. 6.1). La tenue d'une audience est laissée à l'appréciation du tribunal et celui-ci peut statuer sur la base du dossier et des écritures des parties s'il s'estime suffisamment renseigné (cf. arrêts 1B_338/2014 du 22 octobre 2014 consid. 2.1 et 1B_461/2013 du 16 janvier 2014 consid. 2). Le fait que le recourant a renoncé à se faire entendre par le Tribunal des mesures de contrainte avant que celui-ci ne statue sur son placement en détention provisoire ne commande pas de déroger à la règle de l'art. 226 al. 7 CPP et de lui accorder un droit inconditionnel à obtenir une audience lors de la prolongation de celle-ci. L'accès au juge est suffisamment garanti par la possibilité que la loi accorde au prévenu d'être entendu par le Tribunal des mesures de contrainte appelé à statuer sur la demande initiale de mise en détention du Ministère public (art. 225 al. 1 CPP) puis sur une éventuelle demande de mise en liberté provisoire ultérieure (art. 228 al. 4 CPP) sans qu'une audition soit nécessaire pour se prononcer en connaissance de cause sur la prolongation de la détention, sous réserve d'une décision contraire du juge. Au surplus, le recourant ne critique pas avec raison l'appréciation de la Chambre des recours pénale qui tient les motifs invoqués à l'appui de sa demande d'audition pour non pertinents et impropres à justifier la tenue d'une audience.
3.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst. ), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. ; art. 212 al. 3 CPP). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à l'examen de ces hypothèses, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 § 1 let. c CEDH), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction. Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73).
4.
Le recourant conteste en premier lieu l'existence de soupçons de culpabilité suffisamment graves en l'état de la procédure pour justifier son maintien en détention.
4.1. Pour qu'une personne soit placée et maintenue en détention provisoire, il doit exister à son égard des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, c'est-à-dire des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH). Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention provisoire n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 137 IV 122 consid. 3.1 p. 126).
4.2. La cour cantonale a considéré que le recourant ne faisait pas valoir d'argument nouveau susceptible d'écarter les forts soupçons de commission d'infractions qui pesaient sur lui. Il admettait avoir fait venir en Suisse C.________ sous l'identité d'une enfant déclarée dans sa demande d'asile à la demande de I.________, pour lui assurer un meilleur avenir. Il admettait également avoir produit des documents relatifs à cette identité qui n'était pas exacte. La situation de fait n'avait pas changé depuis lors.
Le recourant ne remet pas en cause ces éléments. Il conteste en revanche l'existence de forts soupçons de commission des infractions de séquestration et d'enlèvement au motif que les actes d'instruction accomplis depuis son arrestation auraient permis d'établir que les parents biologiques de la plaignante ont voulu qu'il accueille leur fille C.________ en Suisse. Il se fonde à cet égard sur les déclarations de la lésée, de sa soeur coprévenue et des époux J.________. La Chambre des recours pénale ne s'est pas prononcée sur ce point sans que l'on puisse le lui reprocher vu que le recourant, dans son recours cantonal du 22 août 2016, ne contestait pas avoir fait venir la plaignante en Suisse sous l'identité d'un enfant déclaré dans sa demande d'asile et reconnaissait que ces actes, notamment les fausses déclarations faites, suffisaient à ce stade à fonder des soupçons suffisants à son encontre. Quoi qu'il en soit, dans le cadre de l'examen du risque de collusion, la cour cantonale a jugé que ces déclarations devaient être appréciées avec prudence et devaient être confirmées par les parents biologiques de la lésée en Côte d'Ivoire et par la soeur du recourant domiciliée au Togo. Cette motivation à laquelle il peut être souscrit (cf. consid. 5.3) suffit en l'état pour conclure à l'existence de charges suffisantes également pour ces infractions. Cela étant, il n'y a pas lieu d'examiner ce qu'il en est des actes de maltraitance et préventions de voies de fait et/ou lésions corporelles simples, ainsi que des violations du devoir d'assistance et d'éducation.
5.
Le recourant conteste également l'existence d'un risque de collusion.
5.1. Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour compromettre la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves (art. 221 al. 1 let. b CPP). L'autorité doit démontrer que les circonstances particulières de l'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses liens avec les autres prévenus (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 127; 132 I 21 consid. 3.2 p. 23 et les références citées).
5.2. La cour cantonale a considéré que le risque de collusion subsistait et que l'audition des parents biologiques de la lésée était déterminante pour élucider le rôle exact joué par le prévenu. Le message sur lequel se fonde la défense pour alléguer que ceux-ci ont consenti à la venue de leur fille en Suisse (soit un sms adressé prétendument le 27 mai 2014 à I.________ par E.________, la mère biologique de la lésée) n'était pas suffisamment fondé et d'origine douteuse. Les déclarations du prévenu, qui avait un intérêt évident à minimiser sa culpabilité à ce sujet, et celles des époux J.________, qui avaient aussi intérêt à enjoliver leur rôle, ne suffisaient pas à l'heure actuelle pour prouver que la lésée avait été placée chez le prévenu avec l'accord de ses parents biologiques. Les déclarations de la lésée qui allaient en ce sens devaient également être accueillies avec réserve en raison de son jeune âge au moment des faits et de l'influence que les adultes avaient pu avoir sur ses dépositions. Le fait que ses parents biologiques étaient d'accord avec son retour en Suisse en 2013 ne permet pas d'inférer qu'ils avaient également donner leur accord à son premier départ en Suisse.
La cour cantonale a retenu que le risque de collusion demeurait en lien avec la lésée et les autres intervenants. Le fait que le prévenu se soit tenu éloigné de la lésée durant ces trois dernières années ne voulait pas encore dire qu'il continuera de se tenir à l'écart de cette dernière et qu'il ne tentera pas d'exercer des pressions sur elle. Les circonstances avaient changé depuis et la situation personnelle du prévenu pouvait pâtir des déclarations de la lésée. Enfin, le risque de collusion existe également par le fait que la soeur du prévenu qui habite au Togo a été en contact direct avec les parents de la lésée, de même que les époux J.________. S'agissant des photos versées au dossier, il n'était pas possible d'en conclure que la lésée avait toujours été traitée correctement pendant son séjour dans la famille F.________/A.________.
Partant, la cour cantonale a estimé que le danger de collusion devait être retenu tant que la situation n'aura pas été clarifiée par l'audition des parents biologiques et celle de la soeur du prévenu ayant accueilli la lésée à son retour en Afrique en 2012.
5.3. Il existe certes des éléments au dossier corroborant les dires du recourant selon lesquels la lésée aurait été envoyée en Suisse par ses parents biologiques. La cour cantonale ne les a pas ignorés, mais elle a considéré qu'ils devaient être appréciés avec précaution compte tenu du jeune âge de la lésée au moment des faits et de l'influence qu'elle pourrait avoir subie et du fait qu'ils émanaient de personnes qui avaient intérêt à minimiser leur implication dans les faits dénoncés. Cette appréciation des faits n'est pas insoutenable. La cour cantonale pouvait également sans arbitraire ni violer l'art. 221 al. 1 let. b CPP admettre à ce stade de la procédure qu'il convenait d'attendre l'audition des parents biologiques et celles de la soeur du recourant domiciliée au Togo sans que le prévenu puisse influencer leurs dépositions avant d'exclure les soupçons d'accusation d'enlèvement et de séquestration pesant à son encontre. Les mesures de substitution proposées ne permettent pas de pallier le risque de collusion vis-à-vis des personnes à entendre par voie de commission rogatoire. Le maintien en détention est donc justifié en l'état pour ce motif, ce qui rend superflu l'examen du bien-fondé du risque de fuite également retenu pour justifier la prolongation de la détention.
Les considérations développées dans le mémoire de recours en lien avec le caractère prétendument inexploitable des résultats des commissions rogatoires ne sont plus d'actualité. Depuis lors, en effet, le recourant a pu prendre connaissance de ces documents et déposer un questionnaire complémentaire à l'attention des personnes qui doivent être entendues à l'étranger. De plus, le temps écoulé depuis l'envoi des commissions rogatoires et les difficultés rencontrées en règle générale en matière d'entraide avec les pays concernés ne permettent pas encore de considérer que ces mesures d'instruction ne pourront pas aboutir et ne suffisent pas à rendre en l'état la détention provisoire du recourant non conforme au principe de la proportionnalité. Il convient toutefois de relever que le recourant est détenu et que ce statut impose des contraintes de célérité particulière dans l'instruction de la procédure (art. 5 al. 2 CPP). Si l'audition des parents biologiques et celle de la soeur du recourant résidant au Togo ne pouvaient intervenir dans les prochaines semaines, il appartiendra à la direction de la procédure d'en tirer les conséquences sur l'appréciation du risque de collusion et de la proportionnalité de la détention provisoire. Le prévenu détenu n'a en effet pas à subir les conséquences d'un retard injustifié dans l'administration des preuves quand bien même ce retard ne serait pas imputable à l'autorité en charge de l'instruction. Pour le surplus, la détention subie à ce jour reste encore proportionnée à la peine encourue.
6.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Stéphane Boillat comme avocat d'office et d'allouer à celui-ci une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est pas perçu de frais judiciaires ( art. 64 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Stéphane Boillat est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Berne, Région Jura bernois-Seeland, et à la Chambre de recours pénale de la Cour suprême du canton de Berne.
Lausanne, le 4 novembre 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
Le Greffier : Parmelin