Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
8C_166/2016
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Arrêt du 27 janvier 2017
Ire Cour de droit social
Composition
MM. les Juges fédéraux Maillard, Président,
Frésard et Wirthlin.
Greffière : Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Jean-Louis Duc, avocat,
recourante,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (rente d'invalidité; évaluation de l'invalidité; rente complémentaire),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 28 janvier 2016.
Faits :
A.
A.________ travaillait pour le compte de la société B.________ SA. A ce titre, elle était assurée contre les accidents professionnels et non professionnels par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 28 octobre 2004, elle a fait une chute sur le genou droit ayant entraîné des lésions ligamentaires sur un terrain d'arthrose. La CNA a pris en charge le cas. L'assurée a été victime d'un accident de la circulation le 21 août 2007, entraînant une fracture du tibia-péroné droit avec luxation de la cheville et enfoncement du pilon tibial. Elle a présenté une incapacité totale de travail. La CNA a pris en charge les suites de ce nouvel accident. Entre-temps, l'assurée a bénéficié de rentes de l'assurance-invalidité jusqu'au 31 mars 2010. A partir du 1
er mai 2010, elle a été mise au bénéfice d'une rente de vieillesse, après avoir atteint l'âge ordinaire de la retraite. Dans une appréciation médicale du 15 avril 2013, le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la CNA, a constaté que la situation de l'assurée était stabilisée en ce qui concernait son genou et sa cheville droits. Il a ainsi proposé de retenir un taux d'atteinte à l'intégrité de 40,5 %. Dans une appréciation médicale du 17 mai 2013, le docteur D.________, spécialiste FMH en chirurgie et également médecin d'arrondissement de la CNA, a constaté que l'assurée était en mesure d'exercer en plein une activité sédentaire, "sans fréquents déplacements, avec des déplacements uniquement en terrain régulier et sans fréquent escalier".
Par décision du 10 mars 2014, la CNA a reconnu à l'assurée, à partir du 1
er janvier 2014, le droit à une rente d'invalidité (complémentaire à la rente AVS) fondée sur un taux d'incapacité de gain de 14 %. Le taux d'invalidité était fondé sur un revenu annuel sans invalidité de 67'025 fr. et un revenu d'invalide annuel de 57'454 fr. Le montant de la rente était fixé à 0 fr. dès lors que la rente AVS dépassait le 90 % du gain assuré, lequel se montait à 25'834 fr. En revanche, la CNA lui a accordé une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) fondée sur un taux de 40,5 %. L'assurée a formé opposition à cette décision, sans toutefois contester le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.
Par une nouvelle décision du 1
er avril 2014, la CNA a écarté l'opposition.
B.
Saisie d'un recours de l'assurée, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 28 janvier 2016.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. Elle conclut principalement à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à la CNA pour qu'elle lui alloue une rente conformément aux considérants. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.
La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
D.
Par ordonnance du 9 mai 2016, le Tribunal fédéral a rejeté la demande d'assistance judiciaire, au motif que la condition d'indigence de l'assurée n'était pas réalisée.
Considérant en droit :
1.
Le litige porte sur le droit à une rente d'invalidité de l'assurée à partir du 1
er janvier 2014.
2.
2.1. Selon l'art. 18 al. 1 LAA (dans sa version, en l'espèce déterminante, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016), l'assuré a droit à une rente d'invalidité s'il est invalide à 10 % au moins par suite d'un accident. Est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA; RS 830.1). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).
2.2. Aux termes de l'art. 18 al. 2 LAA, le Conseil fédéral règle l'évaluation du degré de l'invalidité dans des cas spéciaux; il peut à cette occasion déroger à l'art. 16 LPGA. Il a fait usage de cette compétence à l'art. 28 OLAA (RS 832.202). D'après l'art. 28 al. 4 OLAA, si, en raison de son âge, l'assuré ne reprend pas d'activité lucrative après l'accident ou si la diminution de la capacité de gain est due essentiellement à son âge avancé, les revenus de l'activité lucrative déterminants pour l'évaluation du degré d'invalidité sont ceux qu'un assuré d'âge moyen dont la santé a subi une atteinte de même gravité pourrait réaliser. Cette disposition réglementaire, qui vise à empêcher l'octroi de rentes d'invalidité qui comporteraient, en fait, une composante de prestation de vieillesse, est conforme à la loi (ATF 122 V 426; 113 V 132 consid. 4b p. 135 s.). D'après cette norme, il y a lieu de faire abstraction du facteur de l'âge non seulement pour la fixation du revenu d'invalide, mais également pour la détermination du revenu sans invalidité (ATF 114 V 310 consid. 2 p. 312; consid. 7b/aa non publié de l'arrêt ATF 122 V 426). Selon la jurisprudence, la notion d'âge moyen au sens de l'art. 28 al. 4 OLAA se situe autour de 42 ans ou entre 40 et 45 ans; on considère que l'âge est avancé lorsque l'assuré est âgé d'environ 60 ans au moment où il a droit à la rente (ATF 122 V 418 consid. 1b p. 419, 426 consid. 2 p. 427).
3.
3.1. Se fondant sur l'avis du docteur D.________, la CNA a considéré que compte tenu de ses séquelles accidentelles, l'assurée disposait d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée, telle que décrite par ce médecin. Elle a fixé le revenu d'invalide déterminant pour la comparaison des revenus compte tenu de données salariales résultant de cinq descriptions de postes de travail (DPT), à savoir un montant de 57'454 fr., lequel, comparé à un revenu sans invalidité d'un montant annuel - non contesté - de 67'025 fr., fait apparaître un taux d'incapacité de gain de 14 %.
3.2. La recourante conteste l'application de l'art. 28 al. 4 OLAA dans le cas d'espèce. Elle fait valoir qu'un marché équilibré du travail n'offre aucune chance sérieuse de retrouver du travail à une femme de son âge, de sorte que c'est à tort que l'intimée a pris en compte un revenu d'invalide de plus de 57'000 fr. pour calculer son taux d'incapacité de gain.
3.2.1. Selon la jurisprudence, pour que le revenu d'invalide soit fixé en fonction du gain que pourrait réaliser un assuré d'âge moyen présentant les mêmes séquelles accidentelles, il faut que l'âge avancé soit la cause essentielle de la diminution de la capacité de gain (ATF 122 V 418 consid. 3b p. 422; RAMA 1998 n
o U 296 p. 235, U 245/96 consid. 3c). Par ailleurs, l'art. 28 al. 4 OLAA ne vise pas seulement l'éventualité dans laquelle l'âge avancé est la cause essentielle de la limitation de la capacité de travail mais il concerne également la situation où il est la cause essentielle de l'empêchement d'exercer une activité professionnelle qui aurait permis de maintenir la capacité de gain (RAMA 1998 n
o U 296 p. 235, U 245/96 consid. 3c; arrêt U 538/06 du 30 janvier 2007 consid. 3.2).
3.2.2. En l'espèce, il apparaît que c'est en raison de son âge (68 ans au moment de la naissance du droit à la rente) que la recourante n'a pas repris d'activité lucrative. Cela étant, du moment que l'âge avancé apparaît comme la cause essentielle de l'incapacité de gain, la CNA était fondée à fixer le revenu d'invalide en fonction du gain que pourrait réaliser un assuré d'âge moyen présentant les mêmes séquelles accidentelles. Le revenu d'invalide de 57'454 fr. pris en compte par la CNA en se fondant sur les DPT n'est par conséquent pas critiquable.
4.
Même en admettant que l'incapacité de gain de l'assurée soit supérieure, cela ne modifierait pas son droit aux prestations. En effet, aux termes de l'art. 20 al. 2, première phrase, LAA, si l'assuré a droit à une rente de l'assurance-invalidité ou à une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, une rente complémentaire lui est allouée; celle-ci correspond, en dérogation à l'art. 69 LPGA, à la différence entre 90 % du gain assuré et la rente de l'assurance-invalidité ou de l'assurance-vieillesse et survivants, mais au plus au montant prévu pour l'invalidité totale ou partielle. En l'espèce, le gain assuré est de 25'834 fr., dont le 90 % représente 23'250 fr. 60 (ou 1'937 fr. 55 par mois). Ce montant constitue donc la limite de surindemnisation. Cela a pour effet qu'à partir du moment où la rente AVS est plus élevée que cette limite - ce qui est le cas en l'occurrence (2'179 fr.) -, l'assurée n'a de toute façon pas droit à une rente de l'assurance-accidents, quel que soit son taux d'invalidité.
5.
5.1. La recourante est d'avis qu'une rente d'invalidité LAA devrait lui être versée en plein en sus de sa rente AVS. En résumé, elle soutient que l'art. 20 al. 2 LAA pose une simple règle de calcul pour fixer le montant maximum de la rente LAA quand elle vient s'ajouter à une autre rente. Selon elle, cette disposition ne concerne pas une question de surindemnisation, de sorte que l'art. 69 LPGA demeure applicable. A l'appui de son argumentation, elle invoque l'avis exprimé par GHÉLEW/RAMELET/RITTER (Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents [LAA], 1992, p. 108 ss) ainsi qu'une étude de NATHALIE KOHLER (Surindemnisation choquante dans la LAA en cas de salaire résiduel, RSAS 1987 p. 288 ss).
5.2. Le grief est mal fondé. En effet, le Tribunal fédéral a exposé à multiples reprises, en dernier lieu dans un arrêt 8C_275/2016 consid. 8.2 du 21 octobre 2016, que la réglementation sur la surindemnisation en matière de rentes complémentaires d'invalidité de l'assurance-accidents était réglée à l'art. 20 al. 2 LAA (cf. ATF 123 V 204 consid. 6b p. 210; 122 V 316 consid. 2a p. 317, 152 consid. 3c p. 155) et, qu'en tant que règle spéciale de coordination, cette disposition s'appliquait à l'exclusion de toute autre règle générale sur la surindemnisation (ATF 115 V 275 consid. 1c p. 279 s. confirmé aux ATF 126 V 193 consid. 1 p. 193 s.; 121 V 137 consid. 1b p. 139, 130 consid. 2b p. 132). L'existence d'opinions divergentes dans la doctrine ne suffit pas pour s'écarter de cette jurisprudence constante, respectivement du texte clair de l'art. 20 al. 2 LAA (à propos de la doctrine citée par la recourante, cf. ATF 121 V 137 précité consid. 3b et c p. 142 ss). Cela étant, c'est à bon droit que l'intimée a fixé à 0 fr. le montant de la rente complémentaire, en comparant le 90 % du gain assuré (1'937 fr. 55) et le montant de la rente AVS (2'179 fr.).
6.
On notera pour terminer que les premiers juges n'ont pas fait application de l'art. 32 al. 3 OLAA en l'espèce. Selon cette disposition, dans sa version valable jusqu'au 31 décembre 2016, si, avant la survenance de l'invalidité, l'assuré était au bénéfice d'une rente de vieillesse de l'AVS, il y a lieu de prendre en compte pour la détermination de la limite de 90 % au sens de l'art. 20, al. 2, de la loi, non seulement le gain assuré, mais également la rente de vieillesse jusqu'à concurrence du montant maximum du gain assuré. Les premiers juges ont considéré que les versions allemande et italienne
("vor dem Unfall"; "prima dell'infortunio") de cette disposition traduisaient mieux son sens et qu'elle ne s'appliquait par conséquent pas lorsque la rente AVS avait pris naissance après la survenance de l'accident. Depuis le 1
er janvier 2017, la version française de l'art. 32 al. 3 OLAA a été modifiée en ce sens que l'expression "
avant la survenance de l'invalidité " a été remplacée par "
avant la survenance de l'accident " (cf. RO 2016 4395). Sur cette question, la recourante ne remet pas en cause le jugement attaqué, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus avant ce qu'il en est (art. 42 al. 2 LTF).
7.
Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé. Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 27 janvier 2017
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : Fretz Perrin