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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1C_221/2016
Arrêt du 10 juillet 2017
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Fonjallaz et Chaix.
Greffière : Mme Sidi-Ali.
Participants à la procédure
Pro Natura - Ligue suisse pour la protection de la
nature, représentée par Me Stéphane Voisard, avocat,
recourante,
contre
B.________, représenté par Me Pierre Boillat, avocat,
intimé,
Section des permis de construire de la République et canton du Jura, rue des Moulins 2, 2800 Delémont.
Objet
permis de construire une halle d'engraissement pour poulets en zone agricole,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, du 7 avril 2016.
Faits :
A.
Le 10 juin 2014, la Section des permis de construire du Service jurassien du développement territorial (SPC) a délivré à B.________ un permis de construire une halle d'engraissement avec jardin d'hiver pour 19'800 poulets, ventilation en toiture, silos d'alimentation, fosse à purin et citerne à gaz enterrée sur la parcelle n° 2242 de la commune de Bonfol, sise en zone agricole. Les dimensions de la construction prévue sont de 75.20 m de long, 23.40 m de large et 3.70 m de haut. Une haie vive, 32 arbres fruitiers et trois bosquets seront plantés.
A cette même occasion, le SPC a rejeté les oppositions, dont celle de Pro Natura Jura.
B.
Statuant sur recours de Pro Natura Jura et de Pro Natura, la juge administrative de première instance du canton du Jura a annulé la décision précitée le 16 juin 2015.
Saisie à son tour, la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a annulé la décision de la juge administrative et délivré l'autorisation requise par arrêt du 7 avril 2016.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Pro Natura demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal, de sorte qu'aucune autorisation n'est délivrée pour le projet de halle d'engraissement de poulets.
La cour cantonale se prononce en faveur du rejet du recours et de la confirmation de son arrêt. Le SPC se détermine et conclut au rejet du recours. Le constructeur fait de même, concluant lui aussi au rejet du recours.
Consultés, l'Office fédéral du développement territorial (ARE) et l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) s'en remettent à justice. L'ARE indique adhérer à certaines critiques de la recourante: il considère que le projet litigieux devrait faire l'objet d'une planification et que la motivation de l'arrêt attaqué relative aux critères du développement interne et à la subsistance à long terme de l'exploitation est lacunaire. L'OFAG partage cette position et souligne l'importance que la législation fédérale accorde à la protection des surfaces d'assolement.
Par ordonnance du 31 mai 2016, le Président de la Ire Cour de droit public a accordé l'effet suspensif au recours.
Considérant en droit :
1.
Le recours est formé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale, dans une cause de droit public. Il est recevable au regard des art. 82 let. a, 86 al. 1 let. d et 90 LTF.
Pro Natura fait partie des organisations habilitées à recourir conformément aux art. 55 LPE et 12 LPN (ch. 6 de l'annexe à l'ordonnance du 27 juin 1990 relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage [ODO; RS 814.076]). A ce titre, elle a en principe qualité pour agir par la voie du recours en matière de droit public en vertu de l'art. 12 LPN, l'art. 16a LAT prescrivant une tâche fédérale (ATF 139 II 271 consid. 3 p. 272; arrêts 1C_397/2015 du 9 août 2016 consid. 1.1 et 1C_17/2015 du 16 décembre 2015 consid. 1.1).
Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue en raison du refus de la cour cantonale de verser au dossier les pièces produites à l'appui de ses observations finales du 26 février 2016.
2.1. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299 et les réf. citées).
L'art. 75 al. 2 de la loi jurassienne du 30 novembre 1978 de procédure et de juridiction administrative et constitutionnelle (Code de procédure administrative; RS JU 175.1) prévoit que l'autorité doit examiner les allégués de fait et de droit et administrer les preuves requises si ces moyens n'apparaissent pas d'emblée dénués de pertinence, des moyens tardifs devant aussi être pris en considération s'ils paraissent décisifs.
2.2. En l'occurrence, la cour cantonale a considéré que les pièces produites par la recourante avec ses dernières déterminations après la clôture de l'instruction n'étaient pas décisives. La "note d'expertise" avait été établie par un opposant et les autres pièces produites (articles de journaux et photos), outre que l'on ignorait dans quelles circonstances elles avaient été écrites ou prises, ne concernaient pas l'exploitation litigieuse. Cette appréciation anticipée des preuves est convaincante, dites pièces n'ayant manifestement pas de véritable caractère probant. Les brèves allégations de la recourante à cet égard ne sauraient remettre en cause cette appréciation. En particulier, il est appellatoire d'affirmer sans autre explication que l'opposant auteur du rapport doit être présumé impartial. Quant aux photos et articles de presse mentionnés par la cour cantonale, la recourante n'en parle même pas.
Ainsi, en écartant les pièces produites avec les dernières déterminations de la recourante, la cour cantonale n'a pas violé le droit d'être entendue de celle-ci.
3.
Au fond, la recourante expose que le projet litigieux doit faire l'objet d'une planification spéciale comme le prescrit l'art. 16a al. 3 LAT, la condition d'une construction nécessaire au développement interne de l'exploitation n'étant pas réalisée.
3.1. A teneur de l'art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1); l'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone et le terrain est équipé (al. 2). Selon l'art. 16a LAT, sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice (al. 1) et celles qui servent au développement interne d'une exploitation (al. 2). Les constructions et installations dépassant le cadre de ce qui peut être admis au titre du développement interne peuvent être autorisées moyennant une procédure de planification (al. 3).
L'art. 34 al. 1 OAT reprend ces conditions et précise que sont conformes à l'affectation de la zone les constructions et installations qui servent à l'exploitation tributaire du sol ou au développement interne. Selon l'art. 36 al. 1 OAT, est en outre considérée comme du développement interne au sens de l'art. 16a al. 2 LAT la garde d'animaux de rente selon un mode de production indépendant du sol lorsque la marge brute du secteur de production indépendante du sol est inférieure à celle de la production dépendante du sol (let. a), ou le potentiel en matières sèches de la culture végétale représente au moins 70 % des besoins en matières sèches des animaux de rente (let. b).
3.2. La cour cantonale a retenu que le potentiel de matière sèche produite sur l'exploitation couvrait 92,5 voire 100 % des besoins des animaux de rente en tenant compte de l'élevage de poulets prévu. La recourante fait valoir que ce critère de l'art. 36 al. 1 let. b OAT ne peut être préféré à celui de l'art. 36 al. 1 let. a OAT qu'en vertu d'un concept de gestion, ce qui ferait défaut en l'espèce. Or, la jurisprudence sur laquelle s'appuie la recourante pour affirmer cela (arrêt 1C_120/2012 du 22 août 2012 consid. 3.3) ne pose pas une telle règle. Dans cette affaire, rien au dossier ne permettait d'évaluer la part des matières sèches et cultures végétales de l'exploitation couvrant les besoins des animaux de rente. Dans ces circonstances, le défaut de concept de gestion rendait cette donnée manquante. Cet arrêt n'exclut toutefois pas qu'une telle information puisse émaner d'autres sources, pour autant qu'elles soient probantes. En l'occurrence, la cour cantonale s'est appuyée sur trois pièces du dossier - dont un rapport de planification - pour retenir le taux d'autosuffisance en matière sèche. La recourante ne conteste pas cette constatation, laquelle lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). La recourante n'est pas non plus convaincante lorsqu'elle soutient qu'il existerait une hiérarchie entre les deux options prévues par l'art. 36 OAT, le but poursuivi par la disposition étant, dans les deux cas, d'assurer que l'exploitation reste de manière prépondérante tributaire du sol, que ce soit en vertu du critère des revenus ou de celui de la production (cf. RUCH/MUGGLI, in Commentaire pratique LAT - construire en zone à bâtir, 2017, n. 36 ad art. 16a LAT; WALDMANN/HÄNNI, Raumplanungsgesetz, 2006, n. 19 ad art. 16a LAT).
On ne parvient pas à une autre solution si l'on veut s'assurer que le critère de la matière sèche de l'art. 36 al. 1 let. b OAT est conforme à la loi lorsqu'il est question de déterminer si le développement interne prévu a un caractère accessoire de sorte que le caractère tributaire du sol de l'exploitation subsiste (cf. ATF 133 II 370 consid. 4.4 p. 376 s.). Le potentiel de couverture des besoins en matière sèche dont dispose l'intimé est particulièrement important. La garde d'animaux est manifestement exclusivement destinée à de la production laitière et de viande. Les bêtes peuvent en principe être nourries par les cultures de l'exploitation. Certes, avec 100 unités de gros bétail (UGV), le cheptel est déjà très important. Cela étant, il ne fait aucun doute - et cela n'a au demeurant pas été remis en question - que, vu la surface agricole utile de l'exploitation de plus de 100 ha, le seul fait d'y ajouter l'engraissement de poulets, même de l'ampleur prévue, ne compromettra ni la couverture de 70 % au moins des besoins en matière sèche, ni la prépondérance du fourrage spécial de production interne sur le fourrage spécial acheté. Aussi, compte tenu de la nature de l'exploitation, on pourra alors toujours considérer que celle-ci a un caractère tributaire du sol prépondérant.
En résumé, c'est à juste titre que la cour cantonale a constaté que la construction prévue servait au développement interne de l'exploitation conformément à l'art. 16a al. 2 LAT, de sorte qu'une planification spéciale prévue par l'art. 16a al. 3 LAT ne s'imposait pas.
4.
Consulté, l'ARE considère que le projet litigieux doit faire l'objet d'une planification en raison de son ampleur, indépendamment de son caractère conforme à la zone agricole selon les dispositions de l'OAT. La recourante ne fait quant à elle pas valoir un tel grief. L'office fédéral se réfère à l'art. 2 OAT ainsi qu'à l'ATF 129 II 413 consid. 3.3 et 3.4 p. 416. Or, le droit fédéral prescrit une obligation spéciale de planifier qui vise des objets ou des activités non conformes à l'affectation de la zone dont l'incidence sur la planification locale ou l'environnement est importante. En revanche, lorsqu'il s'agit d'un projet, même de grande ampleur, conforme à l'affectation de la zone, le droit fédéral n'oblige pas de passer par la voie de la planification spéciale (arrêts 1C_800/2013 du 29 avril 2014 consid. 2.1.2; 1C_57/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2.1). Lorsque la collectivité publique a procédé concrètement à la différenciation de son territoire entre les divers types de zones, elle a en principe d'ores et déjà pondéré les intérêts en présence et a veillé à la participation de toutes les parties concernées dans le cadre de la procédure d'adoption du plan général d'affectation (cf. ATF 119 Ia 362 consid. 5a p. 372; 115 Ia 350 consid. 3d p. 353 et les références).
Il est certes envisageable qu'une installation, même conforme à l'affectation de la zone, ait une incidence telle sur le territoire qu'une planification soit nécessaire pour assurer une évaluation du projet à une échelle plus étendue - en particulier s'il s'agit d'une zone non constructible. Les critères permettant de déterminer si la planification s'impose ne peuvent toutefois pas être plus stricts que pour des constructions ou installations non conformes à l'affectation de la zone. Pour celles-ci, selon la jurisprudence, il peut y avoir obligation de planifier notamment lorsqu'elles sont soumises à l'étude d'impact sur l'environnement, lorsqu'elles s'étendent sur une vaste surface (gravières, installations de gestion des déchets, centres sportifs, installations d'enneigement artificiel), ou lorsque, à l'instar d'une forte augmentation du trafic, elles ont des effets importants sur l'environnement (ATF 129 II 63 consid. 2.1 p. 65 s. et les réf.; arrêts 1C_304/2008 du 30 avril 2009 consid. 4.1; 1A.242/2005 du 4 avril 2006 consid. 4).
En l'espèce, l'appréciation de la cour cantonale peut être confirmée. En effet, si l'incidence spatiale du projet est certes d'importance, elle demeure d'une ampleur qui se situe dans les limites de la taille que peut atteindre un bâtiment agricole. Comme le relève la cour cantonale, la construction litigieuse, destinée à accueillir 19'800 poulets de chair, n'est pas soumise à l'obligation de réaliser une étude d'impact (cf. art. 1 de l'ordonnance du 19 octobre 1988 relative à l'étude de l'impact sur l'environnement [OEIE; 814.011], ch. 80.4 annexe OEIE; ch. 8.3 de l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur la terminologie agricole et la reconnaissance des formes d'exploitation [Ordonnance sur la terminologie agricole, OTerm; RS 910.91]). L'arrêt attaqué retient en outre que le volume de production génère 7,5 rotations des effectifs par année, ce dont ni la recourante ni l'ARE ne font valoir que cela engendrerait un trafic excessif. La recourante, dans un autre grief, affirme que la parcelle choisie n'est guère plus accessible que d'autres, celle-ci n'étant desservie que par un "chemin caillouteux" non raccordé à une route cantonale. Il ne ressort toutefois pas du dossier que l'accès serait véritablement problématique. On ne voit ainsi pas quels aspects du projet commanderaient véritablement une procédure de planification. Or, on peut attendre de l'office fédéral spécialisé qu'il expose en quoi le projet serait contestable ou le dossier lacunaire à cet égard.
En résumé, le projet, dans la mesure où il est conforme à l'affectation de la zone dans laquelle il est prévu (consid. 3 et 5), ne présente pas de caractéristique qui imposerait une planification spéciale complémentaire.
5.
La recourante conteste ensuite que les autres conditions posées par la législation applicable soient réalisées pour que le projet puisse être admis en zone agricole.
La zone agricole est en principe inconstructible. Aussi, le fait qu'une construction soit reconnue conforme à l'affectation de la zone ne signifie pas encore que le permis doit être délivré. L'autorité compétente doit examiner en premier lieu si la nouvelle activité peut être réalisée dans les locaux existants; si tel n'est pas le cas, elle doit vérifier d'une part que la nouvelle construction correspond à l'utilisation envisagée et aux besoins de l'exploitation et d'autre part qu'aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation du nouveau bâtiment à l'endroit prévu (ATF 129 II 413 consid. 3.2 p. 416; 125 II 278 consid. 3a p. 281; 123 II 499 consid. 3b/cc p. 508).
L'art. 34 al. 4 OAT précise ainsi qu'une autorisation ne peut être délivrée que si la construction ou l'installation est nécessaire à l'exploitation en question (let. a), si aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation de la construction ou de l'installation à l'endroit prévu (let. b) et s'il est prévisible que l'exploitation pourra subsister à long terme (let. c).
5.1.
5.1.1. Le critère de la nécessité exprimé aux art. 16a al. 1 LAT et 34 al. 4 let. a OAT signifie que les constructions doivent être adaptées, notamment par leur importance et leur implantation, aux besoins objectifs de l'exploitation en cause (ATF 132 II 10 consid. 2.4 p. 17). En principe (sous réserve par exemple de la conservation d'un bâtiment digne de protection, du principe de proportionnalité ou de nouveaux besoins prévisibles), le volume total des bâtiments d'une exploitation agricole ne doit pas excéder ce que les besoins de celle-ci nécessitent (ATF 123 II 499 consid. 3b/cc p. 508; arrêt 1C_892/2013 du 1er avril 2015 consid. 3.1 in RDAF 2015 I p. 453 et les réf. citées).
En ce qui concerne l'emplacement d'une construction agricole, le droit fédéral n'exige pas l'étude de variantes. Le requérant ne dispose pas pour autant d'un libre choix absolu du lieu d'implantation à l'intérieur de sa parcelle (ATF 129 II 413 consid. 3.2 p. 416; 125 II 278 consid. 3a p. 281). Il faut qu'il apparaisse objectivement nécessaire que la construction soit réalisée à l'endroit prévu (arrêts 1C_437/2009 du 16 juin 2010 consid. 6.1, in ZBl 112/2011 p. 209; 1C_144/2013 du 29 septembre 2014 consid. 4.2; 1C_550/2009 du 9 septembre 2010 consid. 4.2). Cela suppose un examen de tous les intérêts en présence (arrêt 1C_144/2013 du 29 septembre 2014 consid. 4.2). Dans tous les cas, vu l'important intérêt public à éviter la dispersion des constructions, les bâtiments et installations doivent être regroupés autant que possible (" Konzentrationsprinzip ") (ATF 141 II 50 consid. 2.5 p. 54; arrêt 1C_892/2013 du 1er avril 2015 consid. 3.1 in RDAF 2015 I p. 453).
5.1.2. En l'occurrence, la cour cantonale a retenu qu'excepté les locaux libérés par la cessation de l'élevage de porcs, trop petits pour l'engraissement de poulets prévus (150 m2) et qui seront réaffectés à d'autres fins agricoles, tous les bâtiments de l'exploitation sont utilisés, de sorte qu'il se justifie de construire une nouvelle halle. Compte tenu des distances minimales recommandées par l'administration fédérale pour ce genre d'activité, la halle ne peut être érigée sur les autres sites appartenant à l'exploitant, trop proches des habitations. En outre, celui-ci ne dispose pas de terrains adéquats en zone industrielle, où il n'est que locataire de locaux de stockage. Enfin, les sites restants ont été écartés, soit qu'ils sont contigus à un bas-marais d'importance nationale ou à une rivière, soit encore qu'ils ne sont pas accessibles aux camions. Quant à l'emplacement sur la parcelle choisie - à son extrémité la plus éloignée du village -, il s'impose selon les juges cantonaux pour éviter la partie du terrain qui abrite un site inscrit au cadastre des sites pollués.
La recourante considère que des variantes en zone industrielle auraient dû être examinées, y compris avec un scenario impliquant l'aménagement de filtres. Elle n'indique toutefois pas quelle (s) parcelle (s) du constructeur aurai (en) t présenté les caractéristiques nécessaires à la réalisation du projet. A la lecture du plan représentant les parcelles dont l'intimé est propriétaire, on constate qu'aucun de ses terrains de forme et surface permettant d'accueillir la halle projetée n'est situé dans la zone industrielle. Il en possède en revanche quelques-uns à proximité, affectés en zone agricole. La cour cantonale a écarté ces options essentiellement en raison de l'absence d'accès par camion. Avec la recourante, on pourrait certes concevoir que l'absence d'un tel accès n'est en l'état pas un obstacle en soi insurmontable, un chemin de remaniement équivalant à celui qui dessert la parcelle choisie pouvant être créé. Toutefois, intégré à une pesée globale des intérêts, l'avantage que présenterait le choix d'une de ces parcelles, avant tout motivé par la mise en oeuvre du principe de concentration, est moindre. En effet, le projet serait ainsi certes réalisé à plus proche distance d'une zone constructible et de bâtiments existants. Il resterait toutefois relativement isolé, entouré de terrains non construits, le secteur ne comprenant pas d'autres bâtiments agricoles. Aussi, vu l'inconvénient de l'accès encore inexistant, il n'est pas manifeste que cette solution doive être préférée à celle validée par les autorités cantonales, qui ne se révèle pas, dans les présentes circonstances, contraire au droit fédéral.
5.2.
5.2.1. La pesée des intérêts exigée à l'art. 34 al. 4 let. b OAT doit se faire à l'aune des buts et principes de l'aménagement du territoire énoncés aux art. 1 et 3 LAT (cf. arrêts 1C_5/2015 du 28 avril 2015 consid. 3 et 1A.154/2002 du 22 janvier 2003 consid. 5.1 in ZBl 2004 p. 110). Elle comprend la détermination de tous les intérêts, publics et privés, touchés par le projet (art. 3 al. 1 let. a OAT). Il s'agit d'abord des intérêts poursuivis par la LAT elle-même (notamment la préservation des terres cultivables, l'intégration des constructions dans le paysage, la protection des rives, des sites naturels et des forêts), mais aussi des autres intérêts protégés dans les lois spéciales (LPE, LPN, LFo, OPB, OPAir; cf. ATF 134 II 97 consid. 3.1 p. 100; 129 II 63 consid. 3.1 p. 68).
5.2.2. S'agissant de l'intérêt à la préservation du paysage, la recourante fait valoir que l'entité paysagère est reconnue pour son caractère dénudé, de sorte que non seulement la construction d'un bâtiment, mais également l'entité végétalisée qui allait être créée autour, n'étaient conformes ni à la réalité des faits ni au plan directeur. Elle se réfère en outre au caractère exceptionnel de cette partie de l'Ajoie, que le Tribunal fédéral aurait reconnu à l'ATF 137 II 254. Sur ce point, la recourante ne fait que présenter sa propre appréciation. Elle n'expose pas en quoi le paysage en question serait exceptionnel et la référence à l'arrêt attaqué n'est ni précise ni conforme à ses allégations. Elle n'explique pas non plus en quoi le plan directeur ne serait pas respecté. On lit au contraire dans la fiche du plan directeur cantonal relative aux éléments structurels boisés et arborisés (fiche 3.14) que la structuration du paysage tient pour beaucoup aux cordons boisés des cours d'eau, aux haies et forêts, ainsi qu'aux vergers et arbres isolés et que, dans le canton du Jura comme ailleurs, ces milieux ont souvent été victimes de la pression urbaine et de mesures de rationalisation pour augmenter les surfaces disponibles pour les activités humaines, dont l'agriculture. Le Service cantonal de l'aménagement du territoire est ainsi invité à veiller à ce qu'à l'échelon des microrégions, il soit planifié des mesures de reconstitution, d'amélioration et d'entretien des structures paysagères. La recourante n'apporte du reste aucun élément convaincant en relation avec l'incohérence écologique qu'elle relève entre la situation existante et l'arborisation prévue, ce que l'on pourrait pourtant particulièrement attendre d'une organisation de protection de la nature. Il ressort au contraire de l'arrêt attaqué que la Commission cantonale de protection des sites (CPS), certes dans un premier temps opposée au projet, l'a approuvé après qu'il avait été revu.
Il est manifeste que, dès lors qu'il est prévu en zone agricole, le projet contribue au mitage du paysage, ce qui contrevient à un intérêt public majeur. L'art. 34 al. 4 let. b OAT prévoyant précisément une pesée des intérêts dans le cadre de l'octroi d'autorisations en zone agricole, on ne saurait ériger en obstacle absolu le seul fait que la construction porte atteinte à la séparation du bâti et du non-bâti, ceci étant inévitablement le cas. Or, en l'occurrence, la recourante ne parvient pas à démontrer un mauvais établissement des faits ni une mauvaise appréciation des faits en ce qui concerne la valeur du paysage concerné. En outre, sa critique de la plus-value paysagère des plantations prévues ne repose sur aucun élément objectif, alors qu'une telle mesure va au contraire dans le sens d'une valorisation du paysage rural concerné. Vu ce qui précède et vu la retenue que s'impose le Tribunal fédéral à l'égard de l'appréciation des circonstances locales, l'argumentation de la recourante, purement appellatoire, doit être écartée.
La recourante fait par ailleurs valoir que le projet porterait une trop grande atteinte aux surfaces d'assolement (SDA), lesquelles ne seront en outre pas compensées. A cet égard, la cour cantonale a retenu que presque toutes les surfaces agricoles en Ajoie sont des terres d'assolement, de sorte qu'une emprise sur de telles surfaces était difficilement évitable. L'arrêt attaqué est en revanche muet sur la qualité des SDA concernées. Selon la recourante, qui n'est pas contredite, il s'agirait de surfaces d'assolement de première qualité. Celle-ci se réfère également au fait que le quota minimal de 15'000 ha de SDA imposé par la Confédération est presque épuisé, puisque, selon le plan directeur cantonal, celles-ci couvraient 15'080 ha au 1er janvier 2011.
Il est effectivement regrettable que les autorités cantonales n'aient pas pris en considération la qualité des SDA condamnées par le projet litigieux dans leur examen. Sur le plan quantitatif en revanche, le canton dispose encore d'une légère marge de manoeuvre dans la gestion de ses SDA par rapport aux prescriptions du droit fédéral. Dans un tel contexte, la préservation des surfaces d'assolement n'apparaît pas décisive vu l'absence de véritable alternative sur d'autres parcelles de l'exploitant. En tout état, dans les présentes circonstances, au terme d'une pesée des intérêts en présence, il se révélerait ainsi disproportionné d'interdire complétement que la construction conforme à la zone soit érigée en zone agricole.
5.3.
5.3.1. La condition de la subsistance à long terme a pour but d'éviter que des autorisations ne soient délivrées inconsidérément en zone non constructible, pour des constructions et installations qui seront rapidement mises hors service en cas d'abandon de l'exploitation agricole. La possibilité de construire de nouveaux bâtiments doit être réservée aux domaines agricoles rentables et dont le maintien semble assuré à long terme. Il faut donc, outre le professionnalisme et le savoir-faire spécialisé que cette activité exige, l'engagement durable, structuré et rentable de capitaux et de forces de travail, et cela dans une mesure économiquement significative. La réalisation de cette condition doit faire l'objet d'un examen concret et précis dans chaque cas particulier, en tenant compte de la structure et de l'importance de l'exploitation ainsi que des circonstances locales (arrêt 1C_535/2008 du 26 mars 2009 consid. 4.1 et les références), si possible par l'établissement d'un plan de gestion (ATF 133 II 370 consid. 5 p. 378; arrêt 1C_157/2009 du 26 novembre 2009 consid. 3, in ZBl 112/2011, p. 217).
5.3.2. Les juges cantonaux se sont référés au rapport de planification et au rapport de faisabilité du projet, documents établis par la Fondation rurale interjurassienne, pour considérer que l'entreprise présente une bonne solidité. La recourante juge ces documents insuffisants, dès lors qu'ils limitent les projections à la période 2014-2020, soit une durée bien inférieure aux 15-25 ans que prescrirait la jurisprudence et la doctrine. Cette durée a tout d'abord été évoquée par le législateur lors de l'adoption de l'art. 16a LAT s'agissant de la condition de la nécessité exprimée dans cette disposition (Message du 22 mai 1996 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 1996 III 503 ch. 204.1). Il était toutefois question de s'assurer que "l'exploitant concerné envisage le maintien à long terme - 15 à 25 ans environ - de son exploitation agricole". En l'occurrence, si les projections financières au dossier ne courent que sur une période de sept ans, la subsistance de l'exploitation ne se révèle pas pour autant limitée à une telle période. Au contraire, aucun élément du dossier ne laisse penser qu'elle perde en rentabilité à cette échéance. En effet, on ne saurait véritablement douter de la reproductibilité sur une plus longue durée des chiffres exposés. Ceux-ci attestent, sur les sept premières années de développement du projet, de la solvabilité et de la rentabilité de l'exploitation; ils intègrent le remboursement des emprunts avec un taux d'intérêt crédible. Il ressort en outre de l'état de fait de l'arrêt attaqué que l'intimé exploite actuellement le domaine avec son père et que son frère s'y associera à la retraite du précité. Du point de vue des acteurs de l'exploitation, la pérennité semble ainsi également assurée.
Ni la recourante ni l'OFAG ne formulent de critiques concrètes à l'égard des éléments retenus par la cour cantonale, dont les considérants à cet égard sont convaincants. Aussi l'appréciation à laquelle elle s'est livrée sur la subsistance à long terme de l'exploitation doit-elle être confirmée.
5.4.
En définitive, les conditions des art. 16a LAT et 34 ss OAT sont réunies, de sorte que rien ne s'oppose à la délivrance de l'autorisation de construire litigieuse.
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté et l'arrêt attaqué confirmé. La recourante, qui succombe, s'acquittera des frais de justice (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimé, qui a agi par l'intermédiaire d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est accordée à l'intimé, à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Section des permis de construire de la République et canton du Jura, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, à l'Office fédéral du développement territorial et à l'Office fédéral de l'agriculture.
Lausanne, le 10 juillet 2017
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
La Greffière : Sidi-Ali