BGer 1B_393/2017
 
BGer 1B_393/2017 vom 12.10.2017
1B_393/2017
 
Arrêt du 12 octobre 2017
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Karlen, Juge présidant,
Fonjallaz et Chaix.
Greffière : Mme Arn.
Participants à la procédure
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Détention provisoire,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale
de recours, du 24 août 2017 (ACPR/572/2017 - P/19794/2014).
 
Faits :
A. Prévenu de nombreuses infractions en lien avec l'exploitation d'un réseau de prostituées provenant de Hongrie (notamment art. 146, 156, 179quater, 179sexies, 180, 181, 182, 189, 195 et 252 CP; 95 et 96 LCR), A.________ se trouve en détention provisoire depuis le 19 février 2015. L'enquête comporte de nombreux actes de procédure, en particulier des recherches de données de téléphonie et de transferts monétaires télégraphiques. Outre de nombreuses auditions par la police et le Ministère public, des commissions rogatoires ont été envoyées en juin 2017 en Roumanie et en Hongrie.
A compter du mois de juillet 2016, A.________ s'est plaint de la durée de l'instruction. Il a fait plusieurs fois valoir que des actes d'instruction avaient été exécutés juste à temps pour pouvoir étayer une demande de prolongation de détention.
B. La détention de A.________ a été régulièrement prolongée par le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc), la dernière fois le 3 août 2017 pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 3 novembre 2017.
Le recours formé par A.________ contre cette décision a été rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, par arrêt du 24 août 2017 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. En substance, la cour cantonale a considéré que l'intéressé n'avait aucun intérêt juridiquement protégé à recourir et que, en tout état, l'instance inférieure n'avait pas violé l'art. 226 al. 4 let. b CPP en renonçant à astreindre le Ministère public à procéder à certains actes de procédure.
C. A.________ recourt contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral. Il conclut principalement à l'annulation de cette décision, à la confirmation de la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 3 novembre 2017 et à l'astreinte du Ministère public à procéder, avant le 3 novembre 2017, aux actes d'instruction annoncés dans sa demande de prolongation de la détention provisoire du 28 juillet 2017, le tout sous suite de frais et dépens.
Tout en exposant que le détenu n'a pas d'intérêt juridique à recourir et qu'il ne subit pas de préjudice irréparable du fait de la décision attaquée, le Ministère public conclut uniquement au rejet du recours. La cour cantonale se réfère aux considérants de sa décision et n'a pas d'observations à formuler. Le recourant a répliqué.
 
Considérant en droit :
1. Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
1.1. Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie celles relevant de la procédure pénale (art. 29 al. 3 du règlement du Tribunal fédéral du 20 novembre 2006; RS 173.110.131).
En vertu de l'art. 90 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure. Il est également recevable contre certaines décisions préjudicielles et incidentes. Il en va ainsi de celles qui concernent la compétence et les demandes de récusation (art. 92 LTF). Quant aux autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément, elles peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).
1.2. En l'espèce, le recours est dirigé contre un arrêt cantonal qui, d'une part, a dénié au recourant la qualité pour recourir en raison de son absence d'intérêt juridique à contester la décision entreprise, mais qui, d'autre part, a néanmoins traité le fond de la contestation pour nier toute violation de l'art. 226 al. 4 let. b CPP. Dans la mesure où la cour cantonale a ainsi abordé le fond de la contestation, l'arrêt peut être qualifié de décision matérielle. Le dispositif de la décision entreprise ne laisse d'ailleurs pas de doute sur ce point, puisqu'il procède principalement au rejet du recours, certes "dans la mesure où il est recevable".
Dans tous les cas, l'arrêt entrepris ne met pas fin à la procédure pénale ouverte contre le recourant et revêt, de ce fait, un caractère incident, de sorte que le recours n'est recevable qu'aux conditions restrictives de l'art. 93 al. 1 LTF. En procédure pénale, seule entre généralement en ligne de compte l'hypothèse du préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, par quoi la jurisprudence entend un dommage de nature juridique, qui ne puisse être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 141 IV 284 consid. 2.2 p. 287; 137 IV 172 consid. 2.1 p. 173). En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir (ATF 141 IV 284 consid. 2.3 p. 287), à moins que celle-ci soit d'emblée évidente (ATF 142 V 26 consid. 1.2 p. 28).
1.3. Au chapitre de la recevabilité de son recours, le recourant se limite à indiquer qu'il s'agit d'une décision "relative à la détention provisoire". Or l'objet du présent recours n'a pas trait au refus de la mise en liberté prononcé à l'encontre du recourant, hypothèse dans laquelle un préjudice irréparable est admis sans autre discussion (arrêt 1B_373/2016 consid. 1.1 non publié aux ATF 143 IV 9). La présente contestation vise une tout autre question, soit celle de savoir si le juge de la détention devait, dans sa décision de prolongation qui n'est pas contestée en tant que telle, astreindre le Ministère public à procéder à différents actes d'instruction dans un délai déterminé. Dans ce contexte, on ne discerne pas en quoi le refus d'appliquer l'art. 226 al. 4 let. b CPP serait de nature à porter préjudice au recourant et celui-ci ne l'explique pas non plus. A raison, la cour cantonale a exposé que le refus d'astreindre le Ministère public à accélérer le rythme de l'enquête n'empêchera pas le détenu de requérir, si nécessaire et en temps utile, sa mise en liberté pour violation des principes de célérité ou de proportionnalité.
Dans sa réplique, le recourant répète que toute procédure relative à la détention provisoire entraîne un préjudice irréparable puisque "le temps passé à tort ou en trop en détention provisoire ne peut être réparé". A titre d'illustration, il se réfère à la jurisprudence relative à l'exécution anticipée de peine (arrêt 1B_365/2016 consid. 1 non publié aux ATF 142 IV 367). Or refuser à un détenu une exécution anticipée de peine l'empêche de jouir d'un régime de détention plus favorable que celui de la détention provisoire, ce qui est constitutif d'un préjudice qui ne peut pas être réparé ultérieurement par une décision favorable. En revanche, comme rappelé par l'instance précédente, que l'injonction prévue par l'art. 226 al. 4 let. b CPP soit prononcée ou non, le détenu conserve sans restriction le droit de demander et, si les conditions en sont réunies, d'obtenir sa mise en liberté pour violation des principes de célérité (ATF 140 IV 74 consid. 3.2 p. 80) ou de proportionnalité (art. 212 al. 3 CPP).
2. Au vu de ce qui précède, le présent recours doit être déclaré irrecevable. Comme les conclusions du recours étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut pas être accordée (art. 64 al. 1 LTF). A titre exceptionnel, il est renoncé à percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est irrecevable.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public, ainsi qu'à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 12 octobre 2017
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Karlen
La Greffière : Arn