Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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9C_607/2017
Arrêt du 15 décembre 2017
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente,
Parrino et Moser-Szeless.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
recourant,
contre
A.________,
agissant par sa mère B.________,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (infirmité congénitale; prédisposition),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 29 juin 2017 (AI 22/16 - 190/2017).
Faits :
A.
A.________, né en 2006, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 10 décembre 2014. Il y indiquait souffrir d'une infirmité congénitale (ch. 322 de l'annexe à l'Ordonnance du 9 décembre 1985 concernant les infirmités congénitales [OIC; RS 831.232.21]; anémies congénitales hypoplastiques ou aplastiques, leucopénies et thrombocytopénies congénitales). Par la suite, le 8 septembre 2015, il a requis des mesures médicales de l'assurance-invalidité en raison d'un syndrome de Wolff Parkinson White.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a recueilli des renseignements auprès des médecins traitants de l'assuré, qui ont posé les diagnostics de myélodysplasie avec monosomie 7 responsable d'une aplasie médullaire sévère, de GVH cutanée aiguë, grade 2-3, corticodépendante, et d'insuffisance surrénale secondaire au traitement prolongé par corticoïdes (rapport des docteurs B.________, spécialiste en pédiatrie et oncologie-hématologie pédiatrique, et C.________, spécialiste en pédiatrie, du 16 mars 2015). Le 7 octobre 2015, l'office AI a informé l'assuré qu'il prenait en charge les coûts du traitement de l'infirmité congénitale (diagnostic de Wolff Parkinson White, sous le ch. 313 OIC) du 8 septembre 2014 au 30 juin 2026, mais qu'il comptait refuser les mesures médicales liées à la myélodysplasie avec monosomie 7. Contestant ce refus, l'assuré a produit l'avis de ses médecins traitants. Dans leur rapport du 22 octobre 2015, les docteurs B.________ et D.________, spécialiste en pédiatrie, ont indiqué que leurs investigations avaient permis de mettre en évidence que la myélodysplasie avec monosomie 7 à l'origine de l'aplasie médullaire résultait d'un "SNP au niveau du gène TERC, se traduisant par un raccourcissement des télomères de tous les sous-types leucocytaires", soit d'une "anomalie très suggestive d'un syndrome d'insuffisance médullaire d'origine génétique". L'administration a soumis ces informations au Service médical régional (SMR), dont le docteur E.________, spécialiste en pédiatrie, a retenu que l'insuffisance médullaire n'était pas d'origine congénitale. Le médecin du SMR précisait que l'assuré ne présentait pas une monosomie congénitale pour tout le corps, mais qu'une partie de ses cellules (les cellules souches de l'hématopoïèse) s'étaient transformées après la naissance pour une raison indéterminée et que l'examen de leur DNA relevait une monosomie 7 (avis du 2 décembre 2015). Sur cette base, l'administration a rejeté la demande de prestations de l'assuré (décision du 16 décembre 2015).
B.
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales. A l'appui de son recours, il a produit un rapport des docteurs B.________ et D.________, selon lesquels l'insuffisance médullaire résultait clairement d'une anomalie génétique présente à la naissance (rapport du 28 janvier 2016). Dans sa réponse au recours, l'office AI s'est référé à un avis rendu le 23 février 2016 par la doctoresse F.________, spécialiste en pédiatrie et oncologie-hématologie pédiatrique et médecin au SMR.
Par jugement du 29 juin 2017, le Tribunal cantonal a admis le recours et réformé la décision du 16 décembre 2015 en ce sens que l'office AI était tenu de prendre en charge les frais liés aux mesures médicales nécessaires au traitement de l'aplasie médullaire et du syndrome myélodysplaique avec monosomie 7 de A.________.
C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il conclut à la confirmation de sa décision du 16 décembre 2015 et sollicite l'attribution de l'effet suspensif au recours.
L'intimé et l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue sur la base des faits retenus par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF), qu'il peut rectifier ou compléter d'office si des lacunes et erreurs manifestes apparaissent aussitôt (art. 105 al. 2 LTF). Il n'examine en principe que les griefs allégués et motivés (art. 42 al. 2 LTF) surtout s'ils portent sur la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant n'est habilité à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références).
2.
2.1. Le litige a trait au droit de l'intimé à des mesures médicales en cas d'infirmité congénitale. Il porte plus particulièrement sur le point de savoir si l'aplasie médullaire dont souffre l'intimé est une infirmité congénitale ou une atteinte à la santé "acquise" postérieurement à la naissance.
2.2. Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs à la notion d'infirmité congénitale (art. 3 al. 2 LPGA) et à la prise en charge des mesures médicales nécessaires au traitement d'une telle atteinte à la santé (art. 13 LAI), ainsi qu'à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; ATF 125 V 351 consid. 3 p. 352) et au principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), de telle sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
On rappellera que selon l'art. 1 al. 1 OIC, sont réputées infirmités congénitales au sens de l'art. 13 LAI les infirmités présentes à la naissance accomplie de l'enfant. La simple prédisposition à une maladie n'est pas réputée infirmité congénitale. Le moment où une infirmité congénitale est reconnue comme telle n'est pas déterminant. La condition de la présence de l'infirmité à la naissance est également réalisée lorsque l'infirmité congénitale n'est pas encore reconnaissable comme telle à ce moment-là, mais qu'apparaissent ultérieurement des symptômes nécessitant un traitement, symptômes dont la présence permet de conclure qu'une infirmité congénitale ou que les éléments nécessaires à son émergence existaient déjà à la naissance accomplie de l'assuré (arrêt I 356/88 du 21 novembre 1988 consid. 3, RCC 1989 p. 222; Circulaire sur les mesures médicales de réadaptation de l'AI [CMRM], ch. 4, A 2). Selon les directives administratives (ch. 7 et 8, A 4, CMRM), lorsqu'une affection peut être aussi bien acquise que congénitale, et qu'il existe des doutes sur l'authenticité d'une infirmité congénitale, l'avis dûment motivé d'un médecin spécialisé, qui tient celle-ci pour hautement probable en se fondant sur l'enseignement médical actuel, est alors déterminant. Il ne suffit cependant pas que le diagnostic posé corresponde à l'une des infirmités figurant dans l'annexe de l'OIC. Encore faut-il, lorsqu'il n'y a pas d'indications suffisantes à ce sujet dans le rapport médical, examiner, en se fondant sur l'anamnèse, l'état de l'assuré et d'éventuelles instructions complémentaires, s'il s'agit bien de la forme congénitale de la maladie (cf. aussi arrêt 8C_196/2009 du 5 août 2009 consid. 2 et les références).
3.
La juridiction cantonale a constaté que l'intimé souffrait d'une aplasie médullaire sévère (pathologie initiale) et d'un syndrome myélodysplasique avec monosomie 7 (diagnostic secondaire), dont l'étiologie résidait dans la présence d'anomalies chromosomiques dans son patrimoine génétique (monosomie 7), ainsi que dans celui de ses parents (raccourcissement des télomères). Elle a considéré qu'il s'agissait d'une infirmité congénitale au sens du chiffre 322 OIC et que l'office AI avait l'obligation de prendre en charge les mesures médicales nécessaires au traitement de ce trouble. Pour ce faire, les premiers juges se sont fondés sur les conclusions des médecins traitants de l'assuré, selon lesquels si le syndrome myélodysplasique avec monosomie 7 était certes une anomalie acquise des cellules hématopoïétiques, l'insuffisance médullaire, en tant que pathologie initiale, était en revanche d'origine congénitale; de l'avis des spécialistes, cette dernière résultait en effet clairement d'une anomalie génétique, soit d'un SNP (single nucleotid polymorphysm) sur les gènes TCAB1 et TERC, ainsi que d'une anomalie familiale de la longueur des télomères (rapports des docteurs B.________ et D.________ des 22 octobre 2015 et 28 janvier 2016). Ils ont écarté l'avis contraire de la doctoresse F.________ du SMR (avis médical du 23 février 2016) et admis l'existence d'un lien de causalité entre les mutations génétiques incriminées et l'insuffisance médullaire.
4.
4.1. L'office recourant reproche à l'instance cantonale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves, en privilégiant, sans raison valable, l'avis des docteurs B.________ et D.________, selon lesquels l'atteinte à la santé présentée par l'intimé est une infirmité congénitale, à celui de la doctoresse F.________, selon laquelle cette atteinte est acquise.
4.2. Le grief de l'administration est bien fondé. Les premiers juges ont considéré que les médecins traitants de l'assuré avaient clairement exposé que l'insuffisance médullaire était d'origine congénitale et que le médecin du SMR ne s'était pas déterminé sur cette conclusion, ni n'avait motivé les raisons pour lesquelles il convenait de s'en écarter. Or cette affirmation est fausse. La doctoresse F.________ s'est en effet prononcée sur l'avis des docteurs B.________ et D.________ puisqu'elle a indiqué que les anomalies génétiques mises en évidence par ces derniers constituaient, non pas la cause de l'insuffisance médullaire, mais une simple prédisposition pour développer une telle pathologie; elle a motivé son évaluation divergente en exposant qu'une mutation du télomérase ne suffisait pas pour induire une anémie aplastique, un raccourcissement des télomérases se retrouvant dans pratiquement tous les syndromes d'insuffisance médullaire qu'ils fussent acquis ou congénitaux. Selon elle, il avait fallu un événement supplémentaire pour que la maladie se déclarât; l'insuffisance médullaire était survenue à la suite d'un développement clonal d'une cellule hématopoïétique pathologique (avis médical du 23 février 2016). S'il est vrai, comme l'ont retenu les premiers juges, que l'assuré présente une mutation génétique ainsi qu'une insuffisance médullaire et que les spécialistes consultés ont conclu que cette mutation était la cause de son insuffisance médullaire, un autre avis spécialisé contredit de manière motivée le caractère congénital de l'insuffisance médullaire.
Par conséquent, on se retrouve en présence de deux thèses médicales contradictoires convaincantes qu'il n'est pas possible de départager sans une évaluation médicale supplémentaire. En particulier, au regard de la complexité de la situation médicale mise en évidence par les avis médicaux recueillis, il n'est pas possible de se prononcer sur le point de savoir si la mutation génétique en question constitue une prédisposition à l'infirmité congénitale ou un élément nécessaire à son émergence. A cet égard, la référence qu'ont faite les médecins traitants à l'avis de la Professeure G.________, spécialiste en médecine interne générale et hématologie et cheffe du département d'hématologie, cellules souches hématopoïétiques et laboratoire moléculaire de l'hôpital H.________ à V.________, n'est pas suffisamment claire pour un non-spécialiste. Ce médecin a utilisé le terme de prédisposition ("les SNP trouvés dans les analyses prédisposent clairement à une insuffisance médullaire et au cancer"), alors que ce qui est déterminant, sous l'angle juridique en relation avec la prise en charge par l'assurance-invalidité, c'est le caractère congénital et non acquis ou "prédisposant" de l'atteinte à la santé (consid. 2.2 supra).
4.3. Dans ces circonstances, la cause ne pouvait pas être tranchée sans une investigation médicale complémentaire pour lever les doutes sur le caractère congénital de l'atteinte dont souffre l'intimé. Aussi, la cause doit-elle être renvoyée à l'office AI pour instruction complémentaire, puis nouvelle décision. Dans cette mesure, le recours est bien fondé.
5.
Vu le présent arrêt, la requête d'attribution de l'effet suspensif au recours est sans objet.
6.
Compte tenu des circonstances, il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. La décision du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 29 juin 2017 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 16 décembre 2015 sont annulées. La cause est renvoyée à l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais de la procédure antérieure.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 15 décembre 2017
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Pfiffner
La Greffière : Perrenoud