BGer 4A_220/2017 |
BGer 4A_220/2017 vom 08.01.2018 |
4A_220/2017 |
Arrêt du 8 janvier 2018 |
Ire Cour de droit civil |
Composition
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Mmes les Juges Kiss, présidente, Hohl et Niquille.
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Greffier: M. Carruzzo.
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Participants à la procédure
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A.________ Inc.,
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représentée par Mes François Roger Micheli, avocat,
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et Thomas Legler, avocat,
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recourante,
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contre
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B.________ SA,
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représentée par Mes Gerrit Straub et Ingrid Bertschy, avocats,
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intimée.
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Objet
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arbitrage international,
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recours en matière civile contre la sentence rendue le 14 mars 2017 par l'arbitre unique siégeant sous l'égide de la Swiss Chambers' Arbitration Institution (SCAI N° 300329-2015).
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Faits: |
A.
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A.a. Le 23 avril 2015, A.________ Inc., une société des Îles Caïmans, se fondant sur la clause compromissoire insérée à l'art. 10 du contrat daté du 6 septembre 2014, intitulé "
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B.________ SA a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, au remboursement des montants qu'elle avait versés à A.________ Inc., respectivement consignés au profit de celle-ci sur un compte de séquestre, en sa qualité d'acquéresse.
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A.b. Un arbitre unique (ci-après: l'arbitre), siégeant à Genève, a rendu, le 14 mars 2017, une sentence finale au terme de laquelle il a rejeté la demande principale et admis en partie la demande reconventionnelle. Les motifs qui l'ont conduit à statuer ainsi peuvent être résumés comme il suit.
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A.________ Inc. a soutenu, durant l'arbitrage, que le seul point litigieux consistait dans l'inexécution partielle de l'obligation incombant à B.________ SA de payer le prix de vente du Se74. Après avoir remplacé son collège de défense originaire, B.________ SA s'est inscrite en faux contre cette affirmation. Selon elle, le SPA n'était qu'une étape d'une opération beaucoup plus complexe visant un tout autre but et nécessitant la conclusion d'autres contrats impliquant des tiers. Les faits constatés et les preuves administrées lui donnent raison. Il en appert que les protagonistes de l'affaire - à savoir, C.________, le directeur de A.________ Inc., Mme D.________, la directrice de E.________ Limited et Mme F.________, la directrice de B.________ SA - étaient parfaitement conscients et d'accord de conclure une opération résultant des trois étapes suivantes:
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a) premièrement, la conclusion de l' Agreement for the sale, transfer and assignment of 100% of the issued and outstanding shares of G.________ Inc. and B.________ SAentre A.________ Inc. et Mme F.________. Par ce contrat, Mme F.________, ressortissante suisse domiciliée à H.________ - elle ne possédait pas de pouvoir décisionnel relativement à l'opération en question mais était aux ordres de Mme D.________, l'instigatrice de celle-ci, qui en assurait aussi le financement -, se voyait attribuer par A.________ Inc., contre paiement de 55'000 USD, la propriété des actions de deux sociétés panaméennes, i.e. B.________ SA, précitée, et G.________ Inc.;
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b) deuxièmement, la conclusion du SPA (cf. let. A.a ci-dessus); ce contrat précisait que, d'entente entre les parties, les 500,48 grammes de Se74 seraient censés avoir été délivrés à G.________ Inc. via l'acquéresse B.________ SA, qui détenait les actions de cette société;
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c) troisièmement, la conclusion, entre B.________ SA et E.________ Limited, du Sales and Purchase Agreementen vertu duquel la première cédait à la seconde les actions de G.________ Inc. et la propriété du Se74 pour un prix global de 140'000'000 USD quatorze fois supérieur à celui exigé de B.________ SA par A.________ Inc. dans le SPA pour les mêmes quantité et isotope de cet élément chimique.
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Ces trois étapes étaient interdépendantes en ce sens que l'une d'elles ne pouvait pas exister sans l'exécution des autres. Aussi bien, la réelle et commune intention des parties s'étant prêtées à cette opération consistait à établir une structure contractuelle dont la finalité était de permettre à Mme D.________ de transférer des capitaux de Hong Kong (Chine) vers la Suisse.
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Dès lors, agir, comme le fait A.________ Inc., en exécution du contrat ne formant que la deuxième de ces trois étapes, sans que la troisième et dernière étape n'ait été exécutée par les parties ni E.________ Limited, c'est méconnaître cette finalité et s'affranchir de la volonté commune manifestée par M. C.________, Mme D.________ et Mme F.________. Il y a lieu, partant, de rejeter les conclusions de A.________ Inc. et de rétablir le statu quo anteen accueillant les conclusions reconventionnelles de B.________ SA tendant à la restitution des prestations réciproques effectuées par les parties au SPA.
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B. Le 28 avril 2017, A.________ Inc. (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif. Elle y dénonce une violation de son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP) et conclut à l'annulation de la sentence du 14 mars 2017.
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Par ordonnance présidentielle du 19 juin 2017, la recourante a été invitée, sur demande de l'intimée, à verser jusqu'au 10 juillet 2017, le montant de 51'000 fr. au greffe du Tribunal fédéral en garantie des dépens de cette partie. Elle s'est exécutée en temps utile.
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Dans sa réponse du 6 septembre 2017, l'arbitre, qui a produit le dossier de la cause sous la forme d'une clé USB, conteste le bien-fondé du recours sans formuler de conclusion expresse sur le sort à réserver à celui-ci.
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B.________ SA (ci-après: l'intimée) conclut principalement à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet du recours en tête de sa réponse du 13 septembre 2017.
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La recourante n'a pas déposé de réplique.
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L'effet suspensif a été accordé au recours par ordonnance présidentielle du 9 octobre 2017.
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Considérant en droit: |
1. D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant lui, celles-ci se sont servies qui du français (la recourante), qui de l'allemand (l'intimée). Dès lors, le présent arrêt sera rendu dans la langue du recours, conformément à l'usage.
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2. Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 let. a LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par la recourante ou encore du motif de recours invoqué, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière.
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3. Dans un unique moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, reproche à l'arbitre d'avoir violé son droit d'être entendue. Selon elle, l'argument retenu dans la sentence attaquée pour rejeter ses conclusions n'aurait pas été soulevé, même implicitement ou de façon allusive, par les parties dans leurs écritures. Du reste, lorsque l'arbitre envisageait l'application d'une norme dont aucune des parties ne s'était prévalue, il en informait préalablement celles-ci et les invitait à se déterminer à ce sujet, ce qu'il n'avait pas fait relativement audit argument. Il n'avait, de surcroît, pas mentionné ce dernier dans les instructions qu'il avait données aux parties, sur requête de la demanderesse, quant aux sujets qu'il souhaitait les voir traiter dans leurs conclusions après auditions. Dans ces conditions, la recourante, selon ses dires, ne pouvait pas s'attendre à ce que l'arbitre élaborât de son propre chef, et sans donner aux parties l'occasion de s'exprimer sur ce point, un nouvel argument voulant que les différents accords souscrits par les parties fussent dépourvus d'un droit d'action, en dépit de la mention expresse d'un tel droit dans le texte de chacun d'entre eux.
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3.1. En Suisse, le droit d'être entendu en procédure contradictoire, loin d'être illimité, connaît, au contraire, d'importantes restrictions dans le domaine de l'arbitrage international. Ainsi n'exige-t-il pas qu'une sentence arbitrale internationale soit motivée. Une partie n'a, en outre, pas le droit de se prononcer sur l'appréciation juridique des faits ni, plus généralement, sur l'argumentation juridique à retenir, à moins que le tribunal arbitral n'envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué au cours de la procédure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence dans la cause en litige. Le tribunal arbitral n'est pas non plus tenu d'aviser spécialement une partie du caractère décisif d'un élément de fait sur lequel il s'apprête à fonder sa décision, pour autant que celui-ci ait été allégué et prouvé selon les règles. Au demeurant, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2 et les précédents cités).
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3.2. Considéré à la lumière de ces principes, le grief soulevé apparaît dénué de tout fondement.
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L'interprétation subjective constitue l'un des deux piliers sur lesquels repose l'interprétation des contrats en droit suisse (cf. art. 18 al. 1 CO), le second étant l'interprétation objective (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1 et les arrêts cités). En ce domaine, il n'y a donc, a priori, guère de place pour un effet de surprise susceptible de prendre les parties au dépourvu, que celles-ci aient été invitées ou non par le tribunal arbitral ou l'arbitre unique à répondre à des questions spécifiques sans rapport apparent avec la problématique soulevée par le cas concret (cf. arrêt 4A_136/2016 du 3 novembre 2016 consid. 5.2). De fait, une partie appelée à s'interroger, comme en l'espèce, sur le sens d'une opération multiforme ayant donné lieu à la signature de plusieurs contrats paraissant interdépendants prima facieen raison, notamment, de la mention, dans l'un ou l'autre de ceux-ci, du nom de personnes physiques et/ou morales apparaissant comme parties à une ou plusieurs autres conventions versées au dossier de la procédure arbitrale pendante ne doit pas limiter le champ des possibles à l'interprétation individuelle de ces contrats chacun pour soi, mais doit, à tout le moins envisager, qu'il puisse exister entre eux un lien de connexité, puis, sur la foi de cette hypothèse, se demander quelle pourrait être la conséquence concrète, in casu, d'un tel lien à l'égard des prétentions élevées par elle ou par son adverse partie sur le fondement d'une seule des conventions entrant en ligne de compte. Dans ce cadre-là, elle sera immanquablement conduite à se demander si l'existence d'un groupe de contrats connexes, dont l'un au moins n'a pas encore été exécuté, ne fait pas obstacle à la possibilité pour elle de déduire en justice une prétention que lui confère l'un de ces contrats dans lequel figure une clause arbitrale.
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Pour le surplus, dans chacun de leurs mémoires de réponse respectifs, tant l'intimée que l'arbitre démontrent de manière convaincante, références aux écritures des parties et aux déclarations des témoins à l'appui, sans que la recourante ne vienne les contredire puisqu'elle n'a pas déposé de réplique, que les deux parties se sont amplement exprimées, au cours de la procédure, sur la nature de l'opération litigieuse considérée dans sa globalité et que les nouveaux conseils de l'intimée ont saisi cette occasion pour mettre l'accent sur l'interdépendance des trois conventions susmentionnées (cf. let. A.b). Que l'arbitre ne leur ait pas posé directement des questions à ce sujet et qu'il ait même soulevé spontanément un autre aspect du litige - l'applicabilité de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises conclue à Vienne le 11 avril 1980 (RS 0.221.211.1) - n'y change rien, comme on l'a déjà souligné.
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En définitive, ce que la recourante cherche à démontrer, sous le couvert du grief tiré de la violation de son droit d'être entendue, c'est une prétendue méconnaissance par l'arbitre de l'art. 18 CO et de la jurisprudence y relative dans l'interprétation de la volonté exprimée par les parties lors de la négociation puis de la conclusion de l'opération litigieuse. Elle cherche, par ce biais, à entraîner la Cour de céans sur le terrain de l'application du droit matériel et à l'inciter indirectement à se prononcer sur la qualification juridique des contrats concernés par l'opération sus-indiquée. Or, telle n'est pas la tâche du Tribunal fédéral lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international.
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D'où il suit que le présent recours ne peut qu'être rejeté, ce qui entraîne également la caducité de l'ordonnance présidentielle qui lui avait accordé l'effet suspensif.
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4. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'indemnité allouée à cette partie sera prélevée sur les sûretés fournies par la recourante.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 41'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. La recourante versera à l'intimée une indemnité de 51'000 fr. à titre de dépens; cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre unique.
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Lausanne, le 8 janvier 2018
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: Kiss
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Le Greffier: Carruzzo
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