Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_1256/2016
Arrêt du 21 février 2018
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffière : Mme Paquier-Boinay.
Participants à la procédure
X.X.________, représenté par
Me Fabien Mingard, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud,
2. A.X.________,
3. B.X.________,
toutes les deux représentées par
Me Coralie Devaud, avocate,
intimés.
Objet
Concours d'infractions; sursis à l'exécution de la peine; indemnité pour frais de défense,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 septembre 2016 (PE13.017952 [247]).
Faits :
A.
Par jugement du 14 mars 2016, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné X.X.________ pour lésions corporelles simples, voies de fait qualifiées, menaces et violation du devoir d'assistance ou d'éducation, à une peine privative de liberté de 14 mois dont 7 mois avec sursis durant 5 ans ainsi qu'à une amende de 2'000 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 20 jours. Il a subordonné le sursis à la condition que le condamné s'acquitte des mensualités dont il s'est reconnu débiteur en faveur de ses filles et a renoncé à révoquer un précédent sursis assortissant une peine de 10 jours-amende à 60 fr. infligée par le ministère public bâlois en date du 7 juin 2012 pour un délit contre la loi fédérale sur les armes. Le tribunal correctionnel a en outre dit que X.X.________ est le débiteur d'A.X.________ et de B.X.________ de la somme de 6'000 fr. chacune à titre de réparation du tort moral.
B.
Statuant le 14 septembre 2016, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par X.X.________ contre ce jugement, qu'elle a confirmé. Elle a par ailleurs alloué à son conseil d'office une indemnité de 1'489 fr. 55 pour la procédure d'appel (ch. III), une indemnité de 1'684 fr. 80 au conseil juridique des parties plaignantes pour la procédure d'appel (ch. IV), mis les frais d'appel par 5'004 fr. 35, y inclus les indemnités précitées, à charge de X.X.________ (ch. V) et dit que celui-ci ne sera tenu de rembourser à l'Etat les indemnités précitées que lorsque sa situation financière le permettra (ch. VI).
Les faits à l'origine de cette condamnation sont en substance les suivants.
X.X.________, ressortissant du Kosovo né en 1973, est le père de cinq enfants dont A.X.________, née en 1993 et B.X.________, née en 2002. Il est entré en Suisse en 2004; il a été rejoint en 2007 par A.X.________, âgée de 13-14 ans, et en 2012 par B.X.________, qui avait 10 ans. Le reste de la famille est resté au Kosovo. X.X.________ s'est alors occupé de ses filles. Par la suite, le 30 juin 2014, la Justice de paix lui a retiré la garde sur B.X.________; A.X.________ était alors majeure.
Dès l'arrivée de ses filles en Suisse, X.X.________, de nature exigeante et colérique, a fait régner un climat de terreur et de violence dans le foyer. Ainsi, à tout le moins entre le début de l'année 2013 et le 29 août 2013, il a porté atteinte à de nombreuses reprises à l'intégrité physique et psychique de ses filles, sur lesquelles il avait pourtant le devoir de veiller, s'acharnant principalement sur l'aînée. Son cousin a indiqué à cet égard qu'il frappait rageusement ses filles, les terrorisait, et leur adressait des injures telles que " pute " ou " garce ". A plusieurs reprises, pour des motifs futiles, il leur a infligé des coups de poing et de pied sur tout le corps, des gifles, leur a frappé la tête contre le mur. A une occasion, il a saisi A.X.________ au cou avec les deux mains et l'a soulevée du sol. Il lui a ensuite mordu la joue droite. Profitant d'une brève accalmie, celle-ci s'est réfugiée dans sa chambre, où son père l'a retrouvée quelques instants plus tard pour lui asséner des coups de poing et de pied sur tout le corps. Il a de surcroît plusieurs fois affirmé qu'il allait la " foutre dehors " et même la tuer. En été 2013, il s'en est pris à B.X.________, qu'il a giflée violemment, saisie par les cheveux et par le cou, jetée par terre, lui donnant par ailleurs des coups de pied, notamment au niveau des côtes. Profondément choquée et le souffle coupé, l'enfant a dû être conduite à l'hôpital et a fait le lendemain un malaise qui a impliqué une nouvelle prise en charge médicale.
Une psychologue qui a suivi B.X.________ depuis le mois de mai 2015 a indiqué que celle-ci " présentait un état de stress suite aux faits qui s'étaient passés. Elle était très angoissée avec des répercussions sur sa scolarité. Elle avait des rêves récurrents. Elle avait l'impression que son père pouvait être là même s'il n'était pas là ". La psychologue a avancé l'hypothèse selon laquelle le syndrome de stress post-traumatique était lié aux violences infligées par son père, hypothèse accréditée par le fait que ses résultats scolaires s'étaient améliorés dès lors qu'il n'avait plus été question de reprendre contact avec celui-ci.
C.
X.X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement de la Cour d'appel pénale. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement attaqué en ce sens que le sursis complet lui est accordé, l'amende est réduite à 1'000 fr. et la peine privative de liberté de substitution à 10 jours; enfin, les frais d'appel, par 3'319 fr. 55, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, sont mis à sa charge.
Le recourant sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire, requête qui a été rejetée par ordonnance de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral du 12 décembre 2016.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recourant ne remet en question ni les faits qui lui sont imputés ni la qualification juridique de voies de fait qualifiées au sens de l'art. 126 CP ainsi que de violation du devoir d'assistance ou d'éducation au sens de l'art. 219 CP. Il conteste en revanche le concours entre ces deux infractions retenu par la cour cantonale.
1.2. Selon l'art. 49 al. 1 CP si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur encourt plusieurs peines privatives de liberté, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et en augmente la durée d'après les circonstances. Il y a concours idéal, lorsque, par un seul acte ou un ensemble d'actes formant un tout, l'auteur enfreint plusieurs dispositions pénales différentes, dont aucune ne saisit l'acte délictueux sous tous ses aspects. Pour déterminer s'il y a concours idéal entre deux infractions ou si, au contraire, l'une d'elles absorbe l'autre, il convient de déterminer si les biens juridiques protégés par chacune d'elles se recouvrent. S'ils ne se recouvrent pas ou pas entièrement, aucune des deux infractions ne saisit le comportement de l'auteur sous tous ses aspects, de sorte que toutes deux doivent être retenues (ATF 133 IV 297 consid. 4.1 et 4.2 p. 300 ss).
L'art. 219 CP sanctionne le comportement de celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir. Le bien juridique protégé par cette disposition est le développement physique et psychique du mineur (ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138). L'infraction est un délit de mise en danger concrète. Il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat, c'est-à-dire à une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur. La simple possibilité abstraite d'une atteinte ne suffit cependant pas, il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138 s.).
Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Le bien protégé par cette disposition est l'intégrité physique et mentale.
1.3. Le Tribunal fédéral a déjà admis la possibilité d'un concours entre les art. 123 CP (lésions corporelles simples) et 219 CP. Il a relevé que les biens juridiquement protégés par les art. 123 et 219 CP , soit l'intégrité physique et mentale d'une part et le développement physique ou psychique d'autre part, sont très proches. Néanmoins, le fait de porter atteinte à l'intégrité physique d'un enfant ne menace pas forcément son développement, d'autant moins s'il s'agit d'actes isolés. En revanche, la maltraitance d'un enfant d'une certaine durée et d'une certaine intensité porte non seulement atteinte à son intégrité physique et mentale mais également à son développement physique ou psychique: Le Tribunal fédéral en a ainsi conclu que les art. 123 et 219 CP doivent être appliqués en concours (arrêts 6S.736/2000 du 28 novembre 2000 consid. 1; 6S.859/2000 du 2 février 2001 consid. 4c/bb; 6B_498/2008 du 18 août 2008 consid. 3.3).
1.4. Le bien protégé par les art. 123 et 126 CP étant similaire, ce raisonnement peut être repris dans le cas d'espèce. Les mauvais traitements régulièrement infligés par le recourant à sa fille B.X.________ consistant d'une part à lui asséner des gifles et des coups répétés n'ayant pas laissé de marques et d'autre part à la tyranniser et à la terroriser par exemple en la faisant assister à des scènes au cours desquelles sa soeur aînée était violemment battue ont constitué à la fois des atteintes physiques et ont mis en cause son développement physique et psychique puisque les actes de son père ont induit chez elle du stress et des difficultés scolaires. C'est donc sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a retenu un concours entre les voies de fait qualifiées et la violation du devoir d'assistance ou d'éducation imputées au recourant.
2.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 42 et 43 CP . Il soutient que c'est un sursis complet qui doit lui être accordé.
2.1. Conformément à l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. L'art. 43 al. 1 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.
Lorsque la durée de la peine privative de liberté se situe, comme en l'espèce, entre un et deux ans, permettant donc le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 CP est la règle et le sursis partiel l'exception. Celui-ci ne doit être prononcé que si, sous l'angle de la prévention spéciale, l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie. La situation est comparable à celle où il s'agit d'évaluer les perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis. Lorsqu'il existe, notamment en raison de condamnations antérieures, de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne justifient cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, un pronostic concrètement défavorable, le tribunal peut accorder un sursis partiel au lieu du sursis total. On évite ainsi, dans les cas de pronostics très incertains, le dilemme du " tout ou rien ". Un pronostic défavorable, en revanche, exclut tant le sursis partiel que le sursis total (ATF 134 IV 1 consid. 5.3.1 p. 10).
Selon la jurisprudence, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel (ATF 139 IV 270 consid. 3.3 p. 277; 134 IV 1 consid. 5.3.1 p. 10). Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s.; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.1 p. 5). Le défaut de prise de conscience de la faute peut justifier un pronostic défavorable, car seul celui qui se repent de son acte mérite la confiance que l'on doit pouvoir accorder au condamné bénéficiant du sursis (arrêt 6B_682/2017 du 11 décembre 2017 consid. 3.1).
Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'émission du pronostic. Le Tribunal fédéral n'intervient que s'il en a abusé, notamment lorsqu'il a omis de tenir compte de critères pertinents et s'est fondé exclusivement sur les antécédents du condamné (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 p. 143; 133 IV 201 consid. 2.3 p. 204).
2.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir omis de prendre en considération ses déclarations selon lesquelles si la possibilité lui était offerte il ne se comporterait plus de la même manière, ainsi que le fait qu'il a respecté les décisions relatives aux relations personnelles avec sa fille cadette de même que les mesures préconisées par le Service de protection de la jeunesse. Il soutient par ailleurs qu'elle a méconnu le long délai d'épreuve et la règle de conduite qui assortissent le sursis.
Contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale n'a pas ignoré les efforts qu'il a faits et qu'elle a expressément relevés. Elle a néanmoins estimé ne pas pouvoir accorder un plein sursis en raison du manque de prise de conscience de la gravité de ses actes.
Il ressort des constatations de la cour cantonale, non valablement remises en cause par le recourant sous l'angle de l'arbitraire et qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que le recourant a constamment nié ou minimisé les faits qui lui sont reprochés, cherchant plutôt à se poser en victime. La cour a exclu une prise de conscience. Il apparaît donc que le recourant n'a pas effectué la remise en question qui s'imposait. Dans ces conditions, c'est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a exclu un plein sursis. Elle n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en considérant que les perspectives d'amendement étaient douteuses et que ce pronostic mitigé justifiait le prononcé d'un sursis partiel.
3.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 428 al. 1 CPP, en relation avec les art. 136 ss CPP, au motif que l'indemnité en faveur du conseil de ses filles pour la procédure d'appel a été mise à sa charge alors qu'elle devait selon lui être laissée à la charge de l'Etat. A titre subsidiaire, il soutient que le montant alloué est excessif.
Au vu de la déclaration d'appel et de la motivation y relative, il n'apparaît pas que le recourant ait entendu mettre en cause les prétentions civiles allouées aux intimées en première instance. Dès lors que l'assistance judiciaire pour une partie plaignante se justifie en priorité pour défendre ses prétentions civiles (cf. art. 136 CPP), on ne perçoit pas, faute de motivation dans le jugement attaqué, à quel titre le recourant devrait assumer les frais y afférents. Sur ce point le recours doit être admis.
4.
Le recours doit être partiellement admis. Dans la mesure où le point sur lequel le recours est admis concerne une question procédurale relative aux frais, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2), étant ici précisé que le principe de l'indemnité allouée au conseil juridique des parties plaignantes (cf. jugement attaqué, ch. IV du dispositif) n'est pas remis en cause.
Le recourant, qui n'obtient gain de cause que sur un point annexe, doit supporter une partie des frais de la cause (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à des dépens réduits à la charge de l'Etat de Vaud (art. 68 al. 1 LTF), lequel est dispensé de tout frais (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis, les chiffres V et VI du dispositif du jugement d'appel sont annulés et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge du recourant.
3.
Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de 500 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 21 février 2018
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Paquier-Boinay