BGer 8C_324/2017
 
BGer 8C_324/2017 vom 22.02.2018
 
8C_324/2017
 
Arrêt du 22 février 2018
 
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard, Heine, Wirthlin et Viscione.
Greffière : Mme Castella.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Yannis Sakkas, avocat,
recourant,
contre
Administration communale de Leytron,
représentée par Me Jacques Philippoz, avocat,
intimée.
Objet
Droit de la fonction publique (résiliation),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 17 mars 2017 (AI 16 80).
 
Faits :
 
A.
A.a. A.________ a été engagé par le conseil communal de Leytron en qualité d'employé au service B.________ dès le 1
Le 22 juillet 2015, A.________ a contesté son licenciement et exigé que les motifs de son congé lui fussent communiqués. Par lettre du 23 juillet 2015, la commune a répondu que les motifs lui avaient été exposés de manière claire et précise à l'occasion des deux séances précitées, ainsi que lors d'une séance du 3 juillet 2015 au cours de laquelle le Président de la commune lui avait communiqué la décision du conseil municipal. A.________ ayant souhaité obtenir la communication par écrit des motifs de son congé, la commune lui a précisé qu'il avait contrevenu non seulement aux ordres clairs et précis qui lui avaient été donnés à maintes reprises, mais également à des règles élémentaires en matière de protection de l'environnement et de sécurité. De plus, il avait manifesté une attitude irrespectueuse envers l'autorité "lors de l'établissement des faits" (lettre du 29 juillet 2015).
A.b. A.________ s'est trouvé en incapacité de travail en raison d'un accident. Le délai de congé a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2015.
A.c. Entre-temps, A.________ a recouru contre la décision du 30 juin 2015 devant le Conseil d'Etat, qui a rejeté son recours par décision du 3 février 2016.
B. A.________ a recouru contre la décision du Conseil d'Etat devant le Tribunal cantonal du Valais (Cour de droit public). Il a conclu au paiement de la somme de 103'505 fr., avec intérêts à 5 % dès le 1 er juillet 2015, soit son traitement pour décembre 2015, le versement de son salaire jusqu'à la fin de la période administrative, une indemnité pour licenciement abusif correspondant à six mois de salaire et une indemnité pour tort moral. La commune de Leytron a conclu au rejet du recours.
Statuant par arrêt du 17 mars 2017, le Tribunal cantonal a rejeté le recours, dans la mesure de sa recevabilité. Il a invité le conseil communal à statuer sur la prétention de A.________ à son salaire pour le mois de décembre 2015. Il a déclaré irrecevable la conclusion tendant à une réparation morale, une telle prétention relevant de la juridiction civile. Pour le reste, il a rejeté les prétentions de l'intéressé.
C. A.________ forme un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire, dans lesquels il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en reprenant ses conclusions formées en instance cantonale.
La commune de Leytron conclut au rejet du recours en matière de droit public.
Considérant en droit :
1. Le jugement entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public au sens de l'art. 83 let. g LTF. Il s'agit d'une contestation pécuniaire. Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF n'entre donc pas en considération. La valeur litigieuse - qui est déterminée par les conclusions recevables restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF; arrêt 5A_544/2014 du 17 septembre 2014 consid. 1.2.1) - dépasse par ailleurs le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine (cf. art. 85 al. 1 let. b LTF). Le seuil requis est atteint même si l'on fait abstraction des prétentions au titre du salaire de décembre 2015 et de l'indemnité pour tort moral, jugées irrecevables par l'autorité cantonale. La décision attaquée peut donc être entreprise par la voie du recours en matière de droit public. En conséquence, le recours constitutionnel subsidiaire - formé simultanément par le recourant - est irrecevable (art. 113 LTF a contrario).
2. Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), l'on ne peut invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 et 96 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d'autres droits constitutionnels (ATF 142 III 153 consid. 2.5 p. 156; 140 III 385 consid. 2.3 p. 387; 138 V 67 consid. 2.2 p. 69). Le Tribunal fédéral n'examine de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiée prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 V 577 consid. 3.2 p. 579; 141 I 36 consid. 1.3 p. 41).
3. Bien qu'il conclue au versement de son salaire pour le mois de décembre 2015 et au paiement d'une indemnité à titre de réparation morale, le recourant ne démontre pas, d'une manière recevable (art 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF) en quoi le jugement attaqué serait contraire au droit en tant qu'il invite la commune à rendre une décision sur le salaire de 2015 et renvoie le recourant à agir par la voie civile en ce qui concerne le tort moral. Sur ces deux points, l'arrêt cantonal est donc désormais en force.
4. Selon l'art. 4 SPC, au terme de l'engagement provisoire, le conseil municipal procède à la nomination définitive ou résilie l'engagement en observant les délais. La durée de la période administrative est de quatre ans. Elle commence le premier janvier qui suit le renouvellement du conseil municipal.
L'art. 37 ch. 1 SPC prévoit que le contrat définitif peut être résilié de part et d'autre conformément aux délais prévus à l'art. 5, lequel dispose que, sauf convention contraire, le délai de congé, après l'expiration du temps d'essai, est fixé, dès la troisième année de service, à trois mois pour la fin d'un mois.
L'art. 20 SPC prévoit d'autre part des mesures disciplinaires qui sont, selon un ordre croissant, la réprimande, la mise au provisoire, la suspension d'emploi jusqu'à six mois au maximum et, enfin, la destitution. Ces mesures sont prononcées par le conseil communal après enquête administrative.
 
5.
5.1. La juridiction cantonale a rejeté le recours porté devant elle essentiellement pour les motifs suivants:
Le recourant a été définitivement engagé au sens de l'art. 4 SPC. Le conseil communal était libre de résilier son engagement en respectant, comme il l'a fait, un délai de trois mois pour la fin d'un mois. L'autorité n'était pas tenue de démontrer l'existence de justes motifs ou de fautes graves éventuellement commises par l'employé au détriment des intérêts de la commune. Le recourant contestait certes les faits retenus par le conseil communal en réfutant, en particulier, le reproche d'avoir de sa propre initiative procédé à un épandage abusif de "Roundup" en violation des instructions reçues. Il contestait également être lié à la disparition puis à la réapparition inexpliquées d'une partie de ce produit dans le stock de la commune. Il n'était toutefois pas nécessaire d'examiner si "les faits avérés et jugés graves" invoqués par le conseil communal étaient fondés, ni si l'intéressé avait, comme on le lui reprochait, adopté une attitude "irrespectueuse" envers l'autorité. En effet, le règlement communal ne subordonnait pas la résiliation des rapports de travail à l'existence de motifs particuliers. Selon les pièces du dossier, la confiance nécessaire à une bonne collaboration entre les parties était, au moment de l'envoi de la décision du 30 juin 2015, fortement ébranlée, l'employeur reprochant à l'employé d'avoir, à maintes reprises, contrevenu aux ordres clairs et précis, mais aussi à des règles élémentaires en matière de protection de l'environnement et de sécurité. La réalité de ces reproches n'avait toutefois pas été démontrée et ne ressortait pas du dossier, mais cette absence de preuves ou d'indices n'avait aucune influence sur l'appréciation de la légalité de la décision entreprise. Pour les mêmes raisons, il était inutile d'administrer les preuves proposées par le recourant, de toute façon non pertinentes.
Dès lors, la juridiction cantonale conclut que les prétentions du recourant au titre de résiliation abusive et de salaires jusqu'à la fin de la période administrative ne sont pas fondées.
 
5.2.
5.2.1. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir fait une application arbitraire du SPC, notamment de ses art. 20 (mesures disciplinaires), 40 (attributions de la commission des finances et du personnel) et 41 (litiges relatifs à l'application du statut). Il soutient qu'au regard des reproches qui lui ont été adressés, il aurait dû faire l'objet d'une procédure disciplinaire, avec les garanties que celle-ci comporte. Si tel avait été le cas, une destitution ne pouvait de surcroît être prononcée qu'en cas de faute grave. Au demeurant, quelle que soit la nature du licenciement prononcé à son encontre, la procédure requise n'a pas été respectée. Aucune procédure externe n'a été mise en oeuvre comme l'exigerait la voie disciplinaire. Il n'y a pas eu d'audition par la commission du personnel et des finances, contrairement à ce que prescrirait l'art. 41 SPC. Dans ce contexte, le recourant fait valoir que trois autres employés impliqués - à savoir C.________, D.________ et E.________ - ont quant à eux fait l'objet, pour les mêmes faits, d'une procédure disciplinaire au sens de l'art. 20 du statut. Le premier, chef d'équipe, aurait été rétrogradé au rang d'employé. Le second aurait reçu un simple avertissement, cependant que le troisième n'aurait pas été sanctionné.
5.2.2. Certains statuts de la fonction publique prévoient, comme en l'espèce, à côté d'une résiliation ordinaire, la possibilité d'une révocation (ou destitution) disciplinaire. Le choix entre le renvoi disciplinaire et la résiliation administrative est souvent difficile (voir à ce sujet WYLER/BRIGUET, La fin des rapports de travail dans la fonction publique, 2017, p. 47 s.). Toujours est-il que dans le domaine des mesures disciplinaires, la révocation implique une violation grave ou continue des devoirs de service. Il peut s'agir d'une violation unique spécialement grave, soit d'un ensemble de transgressions dont la gravité résulte de leur répétition. L'importance du manquement doit être appréciée à la lumière des exigences particulières qui sont liées à la fonction occupée. Toute violation des devoirs de service ne saurait cependant être sanctionnée par la voie de la révocation disciplinaire. Cette mesure revêt, en effet, l'aspect d'une peine qui présente un caractère plus ou moins infamant. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêts 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.5; 8C_679/2013 du 7 juillet 2014 consid. 2.4; FRANÇOIS BELLANGER, Le contentieux des sanctions et des licenciements en droit genevois de la fonction publique, in Les réformes de la fonction publique, Tanquerel/Bellanger [éd.], 2012, p. 230 ss).
5.2.3. On ne saurait taxer d'arbitraire le fait que la commune a choisi, en l'espèce, la voie de la résiliation ordinaire. Si le principe même d'une collaboration est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre difficile ou inacceptable la continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (WYLER/BRIGUET, op. cit., p. 47 sv.; arrêt 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Que d'autres employés communaux aient fait l'objet d'une procédure disciplinaire pour des faits semblables à ceux qui sont reprochés au recourant peut s'expliquer par le fait que la commune - à tort ou à raison - a d'emblée écarté l'éventualité d'un licenciement en ce qui les concernait et qu'elle entendait uniquement prononcer à leur encontre une mesure disciplinaire autre que la révocation. Pour le reste, le recourant ne démontre pas, par une motivation qui satisfasse aux réquisits de l'art. 106 al. 2 LTF, en quoi la procédure de résiliation ordinaire aurait été viciée au regard des exigences statutaires. Certes, la différence invoquée entre la voie de la résiliation (choisie dans le cas du recourant) et la voie disciplinaire (pour d'autres employés) pourrait susciter des interrogations sous l'angle de l'égalité de traitement (cf. MAHON/ROSELLO, Les réformes en cours du droit de la fonction publique: tendances et perspectives, in Les réformes de la fonction publique, op. cit., p. 35). Le recourant paraît d'ailleurs se plaindre d'une inégalité de traitement dans ce contexte, mais son argumentation est insuffisante au regard des exigences de motivation susmentionnées. En réalité, le recourant invoque principalement le droit à l'égalité en rapport avec la différence des sanctions prononcées (infra consid. 5.3). Il n'y a dès lors pas lieu de l'examiner en lien avec la procédure suivie.
5.2.4. Les griefs soulevés ici se révèlent dès lors mal fondés.
 
5.3.
5.3.1. Le recourant soutient qu'en tout état de cause un licenciement ordinaire doit reposer sur des motifs objectifs. Or, le jugement attaqué ne retient aucun motif pouvant justifier un licenciement. En l'absence de raisons probantes pour un licenciement ordinaire et, a fortiori, d'une faute grave (pour une révocation disciplinaire), la décision communale serait abusive. Le licenciement violerait en outre les principes de la confiance et de l'interdiction de l'abus de droit. C'est la commune - par l'intermédiaire de ses représentants (un conseiller communal et le chef d'équipe) - qui lui aurait donné l'ordre de procéder comme il l'a fait à l'épandage d'herbicide. On lui aurait aussi demandé d'en acheter. Le recourant se prévaut en outre du principe d'égalité de traitement. Il serait choquant qu'il soit sanctionné plus sévèrement que C.________, lequel, en sa qualité de chef d'équipe, aurait organisé le travail et donné des ordres. Quant à D.________, il aurait fait l'objet d'un simple avertissement, alors qu'il aurait reconnu avoir également procédé aux épandages, acheté le produit et procédé aux dosages. Enfin, E.________ aurait agi de la même manière, mais il n'aurait pas été inquiété.
5.3.2. La collectivité publique en sa qualité d'employeur est tenue de respecter les principes constitutionnels régissant l'ensemble de son activité, tels la légalité, l'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire ou encore le droit d'être entendu, cela quand bien même elle soumettrait les rapports de travail de son personnel au droit privé directement applicable et non pas seulement applicable à titre de droit public cantonal supplétif (arrêts 2P.137/2005 du 17 octobre 2005 consid. 3.2, in RDAF 2007 I 42; 2P.63/2003 du 29 juillet 2003 consid. 2.3; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7
5.3.3. En l'espèce, les premiers juges n'ont pas discuté les motifs de licenciement invoqués par la commune et contestés par le recourant. Ils sont partis de la prémisse erronée que le licenciement pouvait être donné indépendamment du bien-fondé des griefs formulés par la commune ou de tout autre reproche de quelque nature que ce soit. Ce faisant, ils n'ont pas examiné, en particulier, si la mesure reposait ou non sur un motif objectivement fondé. Les faits constatés sont inexistants sur ce point (art. 105 al. 1 LTF). Cette absence de constatations factuelles concerne également les circonstances qui pouvaient justifier la différence de traitement, quant aux sanctions, entre le recourant et les autres employés communaux qui n'ont pas fait l'objet d'un licenciement. A ce propos, il ressort effectivement d'un procès-verbal d'une séance du conseil communal du 8 septembre 2015, que deux autres employés, pour des faits semblables, ont fait l'objet, l'un d'une rétrogradation au niveau d'employé (C.________), l'autre d'un simple avertissement (D.________). E.________ quant à lui, n'est pas mentionné dans ce procès-verbal, peut-être justement parce qu'il n'a pas été inquiété. La juridiction cantonale n'a pas examiné le grief d'inégalité de traitement, pourtant régulièrement invoqué devant elle. Force est dès lors de constater que l'état de fait présenté par les premiers juges est insuffisant. Il convient, en conséquence, d'admettre partiellement le recours et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau, dans une décision qui soit conforme aux exigences de l'art. 112 LTF (arrêts 5A_580/2017 du 29 août 2017 consid. 3; 1C_435/2015 du 17 septembre 2015 consid. 3).
5.3.4. Pour le reste, il est prématuré, à ce stade, de se prononcer sur les conséquences éventuelles, par rapport aux prétentions émises par le recourant, d'un licenciement qui serait contraire au droit.
6. Il s'ensuit que le jugement attaqué doit être annulé, sous réserve des points relatifs au salaire pour le mois de décembre 2015 et à la prétention pour tort moral (supra consid. 3).
7. Les frais judiciaires seront supportés par la commune (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera en outre une indemnité de dépens au recourant (art. 68 al. 1 LTF).
1. Le recours est admis partiellement et le jugement attaqué est annulé au sens du considérant 6. La cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3. L'intimée versera au recourant une indemnité de 2'800 fr. à titre de dépens pour l'instance fédérale.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, et au Conseil d'Etat du canton du Valais.
Lucerne, le 22 février 2018
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : Castella