BGer 6B_791/2017
 
BGer 6B_791/2017 vom 08.03.2018
 
6B_791/2017
 
Arrêt du 8 mars 2018
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffière : Mme Klinke.
Participants à la procédure
1. A.A.________,
2. B.A.________,
3. C.A.________,
4. D.A.________,
tous les quatre représentés par
Me Claude Laporte, avocat,
recourants,
contre
1. Ministère public du canton du Valais,
2. X.________, représenté par
Me Dominique Rigot, avocat,
intimés.
Objet
Ordonnance de classement (escroquerie, abus de confiance, etc.),
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale, du 14 juin 2017 (P3 16 119).
 
Faits :
A. En leur qualité de médecins dentistes, A.A.________, son épouse C.A.________, sa mère B.A.________ et sa soeur D.A.________ (ci-après: famille A.________) ont tous travaillé dans les différentes cliniques du groupe E.________ fondé par le premier nommé en 2006 et qui englobait plusieurs cliniques dentaires en Suisse romande, constituées sous forme de sociétés.
En 2010, dans un contexte de difficultés de liquidités ayant abouti à la faillite de quatre de ces sociétés, le groupe E.________ a été vendu à la société F.________ SA (contrôlée par deux personnes externes à la famille A.________), laquelle s'est trouvée dans une situation financière préoccupante. A.A.________ a poursuivi l'exploitation des cliniques dentaires en les intégrant, en 2012, dans une nouvelle structure juridique, la société G.________ SA. Pour assurer le fonctionnement des différentes cliniques, A.A.________ a trouvé en la personne de X.________ un investisseur qui a accepté de souscrire à titre fiduciaire les actions et d'être désigné administrateur, en contrepartie de quoi il devait apporter des liquidités de l'ordre de 300'000 à 500'000 francs. Lors de la fondation de cette société le 28 juin 2012, dotée d'un capital de 100'000 fr., X.________ a déclaré être l'unique souscripteur des actions, en lieu et place de A.A.________, qui ne souhaitait pas apparaître et qui a été engagé en qualité de directeur général et médical, tandis que les autres membres de sa famille ont pu travailler pour la société en tant que médecins dentistes.
En juillet 2012, l'administrateur X.________ a signé la reprise, par G.________ SA, des sociétés chapeautées par F.________ SA.
X.________ a soumis à A.A.________ un document intitulé " contrat de vente d'actions " daté du 8 octobre 2012, qui prévoyait la cession au premier nommé de la totalité des actions détenues par le second pour le prix de 100'000 fr., assortie d'un droit d'emption à concurrence de 80% des titres. Ce contrat a été signé par A.A.________ et le montant de la transaction versé par X.________ le 7 décembre 2012.
En janvier 2013, les relations de la famille A.________ et de X.________ se sont détériorées au point qu'à la fin du mois, ce dernier a résilié les contrats de travail de ses membres, à l'exception de l'épouse de A.A.________.
A.A.________ a signifié à X.________, le 27 février 2013, qu'il souhaitait exercer son droit d'emption et lui a versé, le 7 mars 2013, le montant de 80'000 francs. X.________ a aussitôt émis des réserves quant à l'origine des fonds versés et l'a informé de l'état de surendettement dans lequel se trouvait la société G.________ SA. Il a ajouté qu'il avait trouvé un investisseur susceptible d'assainir la situation, à condition que A.A.________ renonce à l'exercice du droit d'emption, lequel s'est exécuté.
Le 1er septembre 2014, la famille A.________ a dénoncé pénalement X.________ pour escroquerie, abus de confiance, gestion déloyale et contrainte.
Lors de l'assemblée générale de G.________ SA du 3 juillet 2015, le capital-actions de cette société a été porté à 1'000'000 fr., moyennant conversion en actions des créances de l'administrateur X.________, et transformation des actions au porteur en actions nominatives liées.
B. Par ordonnance du 28 avril 2016, le Ministère public a classé la procédure pénale ouverte contre X.________ (art. 319 al. 1 let. a et b CPP).
S'agissant de l'escroquerie (art. 146 CP), les actes de la cause ne permettaient pas de démontrer que la prise de contrôle de X.________ sur la société reposait sur des manoeuvres frauduleuses de ce dernier. La poursuite de l'infraction d'abus de confiance (art. 138 CP) a été classée faute de valeurs patrimoniales confiées. La gestion déloyale (art. 158 CP) n'entrait pas en ligne de compte en l'absence d'un mandat de gestion entre les intéressés et faute de dommage allégué par la société G.________ SA.
C. Par ordonnance du 14 juin 2017, le Tribunal cantonal du Valais, Chambre pénale, a rejeté le recours formé par A.A.________, C.A.________, B.A.________ et D.A.________ contre l'ordonnance de classement, ne remettant en cause que la violation des art. 146, 138 et 158 CP.
D. A.A.________, C.A.________, B.A.________ et D.A.________ forment un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l'ordonnance du 14 juin 2017 dont ils requièrent l'annulation et concluent, avec suite de frais et dépens, à la mise en prévention de X.________ des chefs de gestion déloyale, abus de confiance et escroquerie. Subsidiairement, ils concluent à ce que la reprise de l'instruction soit ordonnée.
 
Considérant en droit :
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 142 IV 196 consid. 1 p. 197).
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 et les arrêts cités).
Lorsque le recours émane de plusieurs parties plaignantes qui procèdent ensemble, elles doivent chacune individuellement exposer quel est leur dommage (cf. arrêt 6B_9/2016 du 21 juillet 2016 consid. 1.3). En outre, si la partie plaignante invoque des infractions distinctes, elle doit mentionner par rapport à chacune d'elles en quoi consiste son dommage. Si le dommage n'est motivé qu'en ce qui concerne l'une des infractions, le recours est irrecevable pour les autres infractions (cf. arrêt 6B_1100/2016 du 25 octobre 2017 consid. 1.2).
1.2. Les recourants entendent faire valoir une 
Cette motivation ne distingue ni les infractions concernées, ni le préjudice que ferait valoir chacun des recourants. Ceux-ci ne consacrent aucun développement quant au lien entre les actes concrets reprochés et les prétentions civiles invoquées. En cela, leur recours ne remplit pas les conditions de motivation relatives à leur qualité pour recourir.
1.2.1. Les recourants ne rendent pas vraisemblable un quelconque droit sur la valeur de la société, alors même que les cliniques dentaires ont été vendues à F.________ SA et que les recourants n'ont pas trouvé de financement pour garantir leur exploitation. Ce, contrairement à l'intimé, administrateur de la société G.________ SA, qui a racheté les actifs des cliniques dentaires et investi les montants nécessaires à leur pérennité. Aussi, l'on ne voit pas en quoi la valorisation de la société pourrait être traduite en dommage résultant des infractions dénoncées, dont les recourants ne précisent pas en quoi celles-ci auraient consisté à cet égard.
Pour le surplus, les recourants ne démontrent d'aucune manière en quoi les comportements reprochés (notamment caractère fictif du contrat de cession d'actions et des avances consenties, souscription et utilisation des actions, suppression du droit d'emption, etc.) leur auraient personnellement causé un préjudice équivalant à la valeur vénale de la société. Tout au plus, les recourants pourraient se prévaloir d'un dommage résultant notamment des actes d'escroquerie et d'abus de confiance dénoncés, ayant trait à la valeur des actions cédées à l'intimé. Or il est établi et non contesté que les recourants ont contribué à constituer le capital-actions à hauteur de 100'000 fr. et que les actions ont été cédées à l'intimé au même prix. En cela l'on ne voit pas en quoi les recourants auraient subi un préjudice. Ils ne sauraient rien déduire en leur faveur de l'augmentation du capital-actions de la société en 2015.
Les recourants ne sauraient pas déduire de prétentions civiles propres résultant d'une gestion déloyale de la société, dès lors que, lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut prétendre à la qualité de lésée, à l'exclusion notamment de ses actionnaires (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158; arrêt 6B_367/2017 du 17 janvier 2018 consid. 1.2 et les références citées).
Quant à la " perte de l'outil de travail et de la patientèle " invoquée par les recourants, elle découle éventuellement de leur licenciement en janvier 2013. Les recourants n'exposent pas en quoi elle constituerait une conséquence directe des infractions en cause.
La nature des infractions dénoncées ne permet pas de déduire directement et sans ambiguïté que les recourants auraient subi un dommage, en particulier sous la forme de la perte de leur société, de leur patientèle ou de leur outil de travail.
1.2.2. En tant que les recourants font valoir un tort moral causé par la perte de leur réputation professionnelle, ils ne consacrent aucun développement permettant de comprendre en quoi l'atteinte subie atteindrait la gravité objective et subjective que la jurisprudence exige pour l'allocation d'une indemnité pour tort moral (cf. art. 49 CO; ATF 131 III 26 consid. 12.1 p. 29; arrêt 1B_648/2012 du 11 juillet 2013 consid. 1.2). En effet, n'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une telle réparation (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704; 125 III 70 consid. 3a p. 75; arrêt 6B_1162/2017 du 5 février 2018 consid. 3.1).
Enfin, comme la jurisprudence l'a rappelé à maintes reprises, les frais liés aux démarches judiciaires des parties plaignantes ne sauraient constituer des prétentions civiles au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (cf. arrêt 6B_306/2017 du 2 novembre 2017 consid. 1.2 et arrêts cités).
1.3. Partant, en l'absence de toute démonstration et d'explication circonstanciée sur leurs conclusions civiles, la qualité pour recourir au fond doit être déniée aux recourants (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF).
1.4. L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en considération, les recourants ne soulevant aucun grief quant à leur droit de porter plainte.
1.5. En tant que les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir violé leur droit d'être entendus, en leur refusant l'administration de preuves propres à fonder les infractions dénoncées, ils n'invoquent pas d'atteinte à un droit procédural entièrement séparé du fond (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5; 136 IV 29 consid. 1.9 p. 40 et les références citées). Il en va de même en tant qu'ils lui reprochent d'avoir confirmé une décision résultant d'une instruction des circonstances qui étaient à la décharge du prévenu.
En dernier lieu, les recourants font valoir une violation du principe de l'égalité des armes et de la maxime de l'instruction dès lors que le ministère public aurait agi de manière " contraire aux usages ". Ce faisant, ils se fondent sur des faits qui ne ressortent pas de la décision entreprise et dont l'arbitraire de leur omission n'est pas invoqué (cf. art. 105 al. 1 et 106 al. 2 LTF). Ils ne remplissent pas les exigences minimales de motivation déduites de l'art. 42 al. 2 LTF. Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière sur ce grief.
2. Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable. Les recourants supportent les frais judiciaires conjointement et solidairement (art. 66 al. 1 et 5 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est irrecevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale.
Lausanne, le 8 mars 2018
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Klinke