BGer 1B_498/2017 |
BGer 1B_498/2017 vom 27.03.2018 |
1B_498/2017 |
Arrêt du 27 mars 2018 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
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Fonjallaz et Eusebio.
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Greffière : Mme Kropf.
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Participants à la procédure
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A.________ Ltd,
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représentée par Me Richard W. Allemann, avocat,
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recourante,
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contre
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Ministère public de la Confédération.
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Objet
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Séquestre pénal; qualité pour recourir,
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recours contre la décision de la Cour des plaintes
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du Tribunal pénal fédéral du 19 octobre 2017 (BB.2017.136).
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Faits : |
A. Le Ministère public de la Confédération (MPC) instruit une enquête contre B.________ pour des actes de blanchiment d'argent aggravé perpétrés en particulier par le biais de la société C.________ AG.
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Par décision du 17 octobre 2014, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a ordonné la dissolution de C.________ AG et cette société a été radiée du Registre du commerce le 9 janvier 2017.
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Le 9 février 2017, le MPC a ordonné le séquestre des avoirs de C.________ AG déposés sur un compte ouvert auprès de la banque D.________ AG, dont le titulaire était le liquidateur de C.________ AG.
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B. La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après la Cour des plaintes) a, par arrêt du 19 octobre 2017, déclaré irrecevable le recours déposé par A.________ Ltd contre cette ordonnance, faute de qualité pour agir. Cette autorité a retenu que la société recourante n'était pas la titulaire de la relation bancaire en cause et, dans la mesure en substance où la qualité d'ayant droit économique permettrait d'agir, la société n'avait pas démontré qu'elle aurait un tel statut.
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C. Par acte du 22 novembre 2017, A.________ Ltd forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant en substance à son annulation, à la levée du séquestre portant sur les avoirs du compte xxx "Liquidation C.________ AG" détenu auprès de la banque D.________ AG et au versement des fonds sur un compte bancaire de E.________ AG, à U.________, ancienne liquidatrice de C.________ AG en liquidation. A titre subsidiaire, la recourante demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
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Invitée à se déterminer, l'autorité précédente a renoncé à formuler des observations. Quant au Ministère public, il a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, sous réserve de ses explications en lien avec l'avance de frais, n'a pas déposé d'autres déterminations.
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Considérant en droit : |
1. Conformément à l'art. 54 al. 1 LTF, le présent arrêt sera rendu en français, langue de la décision attaquée, même si le recours a été libellé en allemand comme l'autorise l'art. 42 al. 1 LTF.
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2. Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité prise par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Sur le fond, le litige porte sur le refus de lever un séquestre prononcé par le MPC dans le cadre d'une procédure pénale, ce qui constitue une mesure de contrainte ouvrant, le cas échéant, la voie du recours en matière pénale au Tribunal fédéral (art. 79 LTF; ATF 143 IV 357 consid. 1.1 p. 358; 136 IV 92 consid. 2.2 p. 94).
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Le recours porte sur le refus de reconnaître l'existence d'un droit de recourir, ce qui équivaut à un déni de justice formel. Il y a donc lieu d'entrer en matière indépendamment de l'existence d'un éventuel préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 143 I 344 consid. 1.2 p. 346; 138 IV 258 consid. 1.1 p. 261). Seule la question de la recevabilité du recours peut cependant être portée devant le Tribunal fédéral. Il s'ensuit que la conclusion principale de la recourante - qui tend à la levée du séquestre - est irrecevable. Pour ce même motif, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs soulevés en lien avec les conditions du séquestre (cf. en particulier ad 3 du mémoire de recours p. 4 s.). Cela étant, la recourante conclut, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à l'autorité précédente, conclusion recevable au sens de l'art. 107 al. 2 LTF.
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L'arrêt attaqué a été notifié à la recourante le 23 octobre 2017 (cf. acte 17 du dossier de l'autorité précédente) et le recours déposé le 22 novembre suivant l'a donc été en temps utile (art. 100 al. 1 LTF). La recourante dispose d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification entreprise (art. 81 al. 1 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
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3. La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, soutenant que l'autorité précédente n'aurait pas examiné les arguments soulevés pour démontrer sa qualité d'ayant droit économique (cf. en particulier ses écritures relatives à ses revendications au cours de la procédure de liquidation fondées sur les contrats de fiducie la liant à C.________ AG, ainsi que la mention de sa créance dans la comptabilité 2014/2015 établie par l'ancien liquidateur).
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La juridiction précédente a considéré que, dans la mesure où l'ayant droit économique aurait la qualité pour agir, la recourante n'avait pas produit de pièces, notamment des relevés bancaires, permettant de retracer le cheminement des avoirs en question. Ce faisant, la Cour des plaintes a considéré - implicitement - que les documents produits n'étaient pas suffisants pour établir un lien entre la recourante et les fonds placés sous séquestre. Une autorité pouvant procéder à une appréciation anticipée des preuves (ATF 141 I 60 consid. 3.3 p. 64; 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299) et limiter son examen aux griefs pertinents (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183), les conclusions qui en découlent - certes différentes de celles auxquelles aspire la recourante - ne constituent ainsi pas une violation du droit d'être entendue de cette dernière et ce grief peut être écarté.
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4. La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 382 al. 1 CPP en lui déniant la qualité pour recourir. La première soutient à cet égard qu'à la suite de sa radiation du Registre du commerce, C.________ AG n'aurait plus d'organe pouvant, le cas échéant, agir en son nom; la qualité pour agir appartiendrait en conséquence aux clients de la société radiée.
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4.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.
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Un intérêt juridiquement protégé est reconnu à celui qui jouit d'un droit de propriété ou d'un droit réel limité (notamment un droit de gage) sur les valeurs saisies ou confisquées. Le titulaire d'avoirs bancaires bloqués ou confisqués peut également se prévaloir d'un tel intérêt, car il jouit d'un droit personnel de disposition sur un compte, équivalant économiquement à un droit réel sur des espèces (ATF 133 IV 278 consid. 1.3 p. 282; 128 IV 145 consid. 1a p. 148). La qualité pour recourir est en revanche déniée au détenteur économique (actionnaire d'une société ou fiduciant) d'un compte bloqué par un séquestre dont le titulaire est une société anonyme, dans la mesure où il n'est qu'indirectement touché; la qualité d'ayant droit économique ne fonde donc pas un intérêt juridiquement protégé (ATF 139 II 404 consid. 2.1.1 p. 411 s.; 137 IV 134 consid. 5.2.1 p. 137 s.; arrêts 1B_319/2017 du 26 juillet 2017 consid. 5; 1B_380/2016 du 6 décembre 2016 consid. 3; 1B_253/2014 du 20 février 2015 consid. 1.1; 1B_94/2012 du 2 avril 2012 consid. 2.1 publié in SJ 2012 I 353). De plus, au cours d'une procédure de faillite, il appartient en principe au liquidateur de contester, le cas échéant, le séquestre portant sur les avoirs de la société en liquidation (arrêts 1B_388/2016 du 6 mars 2017 consid. 3.4; 1B_109/2016 du 12 octobre 2016 consid. 1).
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Selon la jurisprudence rendue en matière d'entraide pénale internationale, la qualité pour agir de l'ayant droit économique d'une société est exceptionnellement admise lorsque celle-ci a été dissoute, sous réserve de l'abus de droit (ATF 139 II 404 consid. 2.1.1 p. 412; 137 IV 134 consid. 5.2.1 p. 138 et les arrêts cités). Il appartient dans ce cas à l'ayant droit de prouver la liquidation, documents officiels à l'appui. Il faut en outre que l'acte de dissolution indique clairement l'ayant droit comme son bénéficiaire (arrêts 1C_2/2016 du 11 janvier 2016 consid. 2.2; 1C_183/2012 du 12 avril 2012 consid. 1.4 et les arrêts cités).
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4.2. A supposer que la pratique susmentionnée soit applicable par analogie dans une cause relevant de la procédure pénale fédérale interne, la recourante ne satisfait cependant pas aux exigences en matière de preuve précitées. En effet, il est tout d'abord incontesté que la recourante n'est ni la titulaire du compte séquestré, ni l'ayant droit économique désigné par les documents en lien avec celui-ci. Elle ne fait état ensuite d'aucun élément permettant de remettre en cause le raisonnement tenu par l'autorité précédente pour lui dénier un tel statut (cf. consid. 3 ci-dessus). La recourante se limite à cet égard à affirmer que le versement des fonds aurait été effectué au cours de l'année 2006 (cf. ad 4.2 p. 8 du mémoire de recours) et qu'à cette date, elle n'aurait plus eu d'obligation de conserver les pièces y relatives (cf. art. 958f al. 1 CO).
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Si tel est peut-être le cas, notamment en matière de comptabilité, il n'en résulte pas pour autant que la recourante serait ensuite dispensée d'apporter la démonstration de ses allégations. Cela vaut en particulier quand les documents écrits dont elle se prévaut à titre principal - soit les contrats de fiducie de 2013, 2012, 2011 et 2010 - sont postérieurs au début de la procédure pénale (2009; cf. ad 1 p. 2 du mémoire de recours) et dont certains ont été signés par le prévenu agissant parfois en tant que représentant des deux parties. En tout état de cause, il doit être rappelé que ce type de contrat engendre le transfert de la propriété des créances et objets remis au fiduciaire (ATF 130 III 417 consid. 3.4 p. 427; 117 II 429 consid. 3b p. 430 s.); le fiduciant ne dispose en conséquence que d'une créance personnelle en restitution (arrêt 2C_148/2016 du 25 août 2017 consid. 8.1; TERCIER/BIERI/CARRON, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n° 4810 p. 701; DANIEL A. GUGGENHEIM/ANATH GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 5e éd. 2014, n° 1891 p. 603). En l'absence de toute indication quant à l'utilisation des fonds prétendument versés durant l'année 2006, la recourante ne peut pas non plus se prévaloir d'un droit de revendication fondé sur l'art. 401 CO pour obtenir la restitution des valeurs patrimoniales qui auraient été acquises pour son compte mais au nom du fiduciaire (ATF 130 III 312 consid. 5.1 p. 315 s.; 117 II 429 consid. 3b p. 430 ss). Cette possibilité ne lui confère au demeurant aucun droit de propriété (TERCIER/BIERI/CARRON, op. cit., n° 4519 p. 645).
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Au regard de ces considérations, la Cour des plaintes pouvait donc, sans violer le droit fédéral, nier la qualité pour recourir de la recourante et ce reproche peut être écarté.
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5. Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de la Confédération et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
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Lausanne, le 27 mars 2018
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Merkli
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La Greffière : Kropf
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