Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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8C_610/2017
Arrêt du 3 avril 2018
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard et Viscione.
Greffier : M. Beauverd.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Pierre Gabus, avocat,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (évaluation de l'invalidité),
recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève, du 12 juillet 2017 (A/3552/2016 ATAS/631/2017).
Faits :
A.
A.________, né en 1974, titulaire d'un BEP en administration commerciale et comptable et d'un CAP en maintien et hygiène des locaux, obtenus en France, a travaillé en qualité de conducteur de bus au service des B.________. A ce titre il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 6 janvier 2013 il a été victime d'une rupture du ligament scapho-lunaire du poignet droit après une chute à son domicile. La CNA a pris en charge le cas.
Après avoir mis en oeuvre un cours de bureautique d'une durée de trois mois, l'assurance-invalidité a accordé à l'assuré un reclassement professionnel d'aide-comptable, formation dispensée par l'Institut de formation C.________. L'intéressé a obtenu un diplôme d'aide-comptable au mois de février 2015 puis il a bénéficié d'un stage pratique d'aide-comptable auprès du service de comptabilité des B.________ du 2 mars au 31 août 2015. Par des courriers des 29 septembre et 10 octobre 2015 les B.________ ont résilié les rapports de travail avec effet au 31 janvier 2016 au motif qu'ils n'avaient pas de poste d'aide-comptable à lui proposer. Le 1
er février 2016 ils ont informé la CNA que sans l'accident l'assuré aurait perçu en 2016 - toutes gratifications comprises - un salaire de base de 88'533 fr. 60, des primes de fidélité et horaires s'élevant à 4'762 fr. 05, respectivement 1'707 fr. 40, ainsi que 7'200 fr. au titre des allocations familiales.
Par décision du 21 avril 2016 la CNA a alloué à l'intéressé, à partir du 1er avril 2016, une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 18 % et une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 15 %. L'assuré ayant fait opposition, elle a rendu une nouvelle décision le 16 septembre 2016 par laquelle elle a porté à 20 % le taux de la rente d'invalidité.
B.
Saisie d'un recours de l'assuré qui concluait à l'octroi d'une rente d'invalidité fondée sur un taux de 56 %, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par jugement du 12 juillet 2017.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation en concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité fondée sur un taux de 53 %, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour complément d'instruction, le tout sous suite de frais et dépens.
L'intimée conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
Par écriture du 27 novembre 2017 le recourant s'est déterminé sur la réponse de l'intimée.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le litige porte sur le taux de l'incapacité de gain déterminant pour le droit à la rente d'invalidité servie au recourant depuis le 1
er avril 2016, singulièrement sur le revenu sans invalidité et le revenu d'invalide qui doivent être retenus pour la comparaison des revenus prescrite à l'art. 16 LPGA (RS 830.1).
La procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).
3.
Par un premier moyen le recourant conteste le montant du revenu sans invalidité retenu par la cour cantonale.
3.1. Celle-ci a confirmé le montant du revenu sans invalidité de 95'003 fr. 05 fixé par l'intimée dans sa décision sur opposition du 16 septembre 2016. Ce montant se compose d'un salaire annuel de base de 88'533 fr. 60, d'une prime de fidélité de 4'762 fr. 05 et d'une prime horaire annuelle de 1'707 fr. 40. La cour cantonale a établi ce montant en se fondant sur les renseignements fournis par les B.________ dans leur courrier du 1
er février 2016 et en écartant la somme allouée au titre des allocations familiales. En ce qui concerne la prime de "repos supprimés" elle a constaté que l'assuré avait perçu cette rémunération trois ans seulement au cours des neuf années passées au service des B.________, à savoir en 2005 (trois jours de repos supprimés), en 2009 (un jour) et 2012 (huit jours). Etant donné leur fréquence et leur nombre aléatoire, il n'apparaissait pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'intéressé aurait obtenu des primes de "repos supprimés" en 2016, année déterminante pour l'évaluation du taux de la rente d'invalidité. Quant au "planning provisionnel" pour les années 2013 et 2014 dont se prévalait l'assuré, la cour cantonale est d'avis qu'il n'est pas de nature à démontrer que le montant des primes horaires indiqué par les B.________ pour l'année 2016 ne correspondrait pas à la réalité.
3.2. Le recourant ne conteste pas les montants retenus par la cour cantonale aux titres du salaire annuel de base (88'533 fr. 60) et de la prime de fidélité (4'762 fr. 05) mais soutient que le montant de la prime horaire annuelle de 1'707 fr. 40 ne tient pas du tout compte des primes qu'il percevait effectivement en sa qualité de conducteur de bus au service des B.________. Se référant à l'art. 7 al. 1 let. a OLAA (RS 832.202) qui définit la notion de salaire déterminant au sens de l'art. 3 al. 2 LAA, lequel concerne la fin de l'assurance, l'intéressé soutient qu'en l'occurrence le montant de ces primes doit être fixé à l'aune des sommes perçues durant l'année 2012 et non pas sur la base des informations communiquées par les B.________ relatives au revenu hypothétique qu'il aurait réalisé en 2016. Selon le recourant l'année 2012 est en effet déterminante pour calculer le montant des primes perçues étant donné que c'est la dernière année durant laquelle il a exercé son activité de conducteur de bus. Se référant à des décomptes mensuels des rémunérations perçues en 2012, il soutient qu'en plus du salaire annuel de base et de la prime de fidélité, le revenu sans invalidité doit aussi inclure la prime en raison du travail de nuit, la prime en raison du travail le samedi, dimanche et jour férié, la prime pour heures supplémentaires, ainsi que la prime de repos et de repas supprimé, soit un montant total de 6'885 fr. au titre des primes liées à sa fonction. Par ailleurs le recourant reproche aux premiers juges d'avoir écarté le "planning provisionnel" concernant les années 2013 et 2014 durant lesquelles il n'exerçait plus son activité de conducteur de bus. Selon l'intéressé ce document établit que s'il avait pu continuer son activité de chauffeur, il aurait perçu au moins 3'808 fr. en 2013 et 3'580 fr. en 2014 au titre de la prime en raison du travail le samedi, dimanche et jour férié, sans tenir compte de la prime en raison du travail de nuit, de la prime pour heures supplémentaires ni de la prime de repos et de repas supprimé.
3.3.
3.3.1. Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). Le revenu sans invalidité est celui que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas devenu invalide. Selon la jurisprudence, pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait - au degré de la vraisemblance prépondérante - réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 p. 30; 135 V 297 consid. 5.1 p. 300; 134 V 322 consid. 4.1 p. 325). Revenu sans invalidité et gain assuré sont deux notions distinctes. Le revenu sans invalidité représente le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide; il permet calculer le taux d'invalidité selon la méthode générale de la comparaison des revenus et, partant, de déterminer le droit ou non d'un assuré à une rente d'invalidité ( art. 18 al. 1 et 2 LAA ). Le gain assuré, lui, sert de base au calcul du montant proprement dit de cette rente (art. 20 al. 1 LAA). La fixation de l'un et de l'autre sont soumis à des règles différentes. Le revenu sans invalidité s'évalue, en règle générale, d'après le dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 p. 223).
3.3.2. En invoquant les rémunérations sous forme de primes occasionnelles perçues au cours de l'année 2012 et les perspectives envisagées pour 2013 et 2014, le recourant ne démontre toutefois pas en quoi le montant des primes horaires pour 2016 indiqué par les B.________ ne correspondrait pas à la réalité. D'une part on ne saurait en effet tirer des conclusions définitives à partir des années 2012 à 2014 du moment que seul le moment de la naissance du droit à la rente - en l'occurrence 2016 - est déterminant pour évaluer le revenu qu'aurait réalisé l'assuré sans l'atteinte à la santé. D'autre part, étant donné la différence entre le montant des primes perçues par l'intéressé durant la période du 6 janvier 2012 au 5 janvier 2013 et le montant indiqué pour l'année 2016, la CNA a requis des renseignements complémentaires auprès des B.________. Par courriels des 8 et 22 août 2016, l'ancien employeur a indiqué que les primes de repos supprimé sont des rémunérations occasionnelles non planifiées, allouées à des collaborateurs qui travaillent les jours de congé à leur demande ou sur requête de l'entreprise lorsque le collaborateur se met à disposition. En l'occurrence l'assuré n'effectuait toutefois pas régulièrement de telles prestations de travail depuis son entrée en service en 2004 puisqu'il s'était mis à disposition seulement à trois reprises en 2005, une fois en 2009 et 8 fois en 2012. Sur le vu de ces indications, qui ne sont pas contestées par le recourant, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir violé le droit en retenant qu'étant donné leur fréquence et leur nombre aléatoire, il n'apparaissait pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'intéressé aurait obtenu des primes de "repos supprimés" en 2016. En ce qui concerne les autres primes alléguées le recourant se contente de faire valoir que le montant de 1'707 fr. 40 attesté par les B.________ est incohérent si on le compare au montant obtenu à ce titre en 2012. Ce faisant il n'expose toutefois pas en quoi les indications de l'ancien employeur ne refléteraient pas la rémunération qu'il aurait perçue en 2016 sans la survenance de l'atteinte à la santé.
3.4. Vu ce qui précède il n'y a pas lieu de s'écarter du revenu sans invalidité de 95'003 fr. retenu par l'intimée et confirmé par la cour cantonale.
4.
4.1. Par ailleurs le recourant s'en prend au montant retenu par la CNA et confirmé par la cour cantonale au titre du revenu d'invalide. Celui-ci a été calculé compte tenu d'une pleine capacité de travail dans des activités juridiques, comptables de gestion, selon la ligne 69-71 du tableau TA1, niveau de compétences 2, hommes, de l'Enquête suisse sur la structure des salaires 2014 (ESS) publiée par l'Office fédéral de la statistique (OFS).
4.2. En premier lieu le recourant fait valoir que le revenu d'invalide retenu ne repose pas sur une analyse concrète du marché du travail dans la mesure où il n'a pas été évalué en fonction de descriptions de postes de travail (DPT), mais sur la base de l'ESS.
En ce qui concerne la relation entre ces deux méthodes d'évaluation du revenu d'invalide, la jurisprudence considère qu'en règle générale les DPT n'ont pas la priorité sur les statistiques de l'ESS. Au demeurant chacune de ces méthodes a ses avantages et ses inconvénients en fonction de leur mode d'élaboration et de leur spécificité. En revanche comme il n'existe pas en droit des assurances sociales un principe selon lequel le doute profite à l'assuré ("
in dubio pro assicurato "; ATF 134 V 315 consid. 4.5.3 p. 322), il n'y a pas lieu, en cas de litige, de comparer les résultats obtenus par les deux méthodes et de se fonder sur celui qui est plus favorable à l'assuré (ATF 129 V 472 consid 4.2.1 p. 477). Cela étant le recourant ne peut tirer aucun avantage du fait que l'intimée a évalué le revenu d'invalide sur la base de l'ESS sans recourir à des DPT.
4.3. Par un autre moyen le recourant voudrait que l'on se réfère à la branche "activités de service administratif sans activités liées à l'emploi" avec niveau de compétences 1 (ligne 77, 79-82 du tableau TA1 ESS) au lieu de la branche "activités juridiques, comptables de gestion" avec niveau de compétences 2 (ligne 69-71 du tableau TA1 ESS), comme l'a fait la cour cantonale. Il fait valoir que compte tenu de sa formation et des activités professionnelles effectuées par le passé, il n'est pas en mesure d'exercer les activités mentionnées à la ligne 78, à savoir les activités d'orientation ou de placement de candidats à l'emploi, en particulier les activités de recherche et de placement de cadres, ainsi que les activités des agences de casting (Nomenclature générale des activités économiques publiée par l'OFS [NOGA 2008; notes explicatives p. 205]).
Cette argumentation n'est pas de nature à mettre en cause le jugement attaqué. D'une part la cour cantonale ne se réfère pas aux activités mentionnées à la ligne 78 du tableau TA1 ESS. D'autre part la motivation de la cour cantonale pour écarter la branche proposée par le recourant n'est pas critiquable dès lors que, contrairement à ce qu'il semble croire, les activités de location de biens immobiliers, de voyagiste, ainsi que les services de sécurité ne sont pas mentionnés dans la branche "activités juridiques, comptables de gestion" (ligne 69-71 du tableau TA1 ESS). Par ailleurs on ne voit pas pourquoi l'intéressé, au bénéfice d'un diplôme d'aide-comptable et après un stage pratique accompli auprès du service de comptabilité des B.________ du 2 mars au 31 août 2015, serait cantonné à des tâches physiques ou manuelles simples relevant du niveau de compétence 1.
4.4. Enfin le recourant invoque une violation du droit en tant que la cour cantonale n'a effectué aucun abattement sur le salaire statistique et il demande qu'une réduction de 15 % au minimum soit opérée au titre des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier, à savoir sa nationalité française et sa qualité de frontalier domicilié en France.
Ce moyen est mal fondé. En vertu des dispositions de l'Annexe I à l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (Accord sur la libre circulation des personnes, ALCP; RS 0.142.112.681), un ressortissant français a le droit d'exercer une activité économique en Suisse (art. 2 par. 1 annexe I ALCP) et ne peut être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs suisses, notamment en matière de rémunération (art. 9 par. 1 annexe I ALCP). En l'occurrence le recourant ne saurait donc subir d'emblée un désavantage par rapport à un travailleur suisse du fait de sa nationalité française et de sa qualité de frontalier domicilié en France. Au demeurant il n'allègue pas avoir été pénalisé par rapport à ses collègues de nationalité suisse lorsqu'il travaillait au service des B.________. Une déduction sur le salaire statistique n'apparaît dès lors pas justifiée.
5.
Vu ce qui précède, le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 3 avril 2018
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
Le Greffier : Beauverd