Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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8C_471/2017
Arrêt du 16 avril 2018
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président,
Frésard, Heine, Wirthlin et Viscione.
Greffière : Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
SWICA Assurances SA,
Römerstrasse 37, 8401 Winterthur,
représentée par SWICA Organisation de santé, Direction régionale de Lausanne,
avenue Mon Repos 22, 1005 Lausanne,
recourante,
contre
A.________,
représenté par Me Christine Magnin, avocate,
intimé.
Objet
Assurance-accidents (revenu d'invalide; salaire statistique, abattement),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Ie Cour des assurances sociales,
du 17 mai 2017 (605 2016 134).
Faits :
A.
A.________ travaillait comme barman au dancing B.________ à V.________ depuis le 1
er septembre 2005. A ce titre, il était assuré contre les accidents par Swica Assurances SA (ci-après: Swica). Le 14 février 2012, il a été victime d'une agression sur son lieu de travail lors de laquelle il a subi une fracture P2 D4 (phalange intermédiaire du 4
ème doigt) de la main gauche qui a nécessité une réduction ouverte et une ostéosynthèse par deux vis de compression (cf. lettre provisoire de sortie de l'Hôpital C.________ du 18 février 2012). L'évolution du cas a été marquée par le développement d'une maladie de Sudeck post-traumatique. Swica a pris en charge le cas. L'assuré a été licencié avec effet au 31 octobre 2012.
L'assuré a été soumis à une expertise confiée au docteur D.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et chirurgie de la main. Dans son rapport du 18 décembre 2012, ce médecin a indiqué que le cas n'était pas encore stabilisé. L'activité de barman n'était pas exigible au moment de l'expertise. A plein temps, seule une activité de surveillance ou de télésurveillance était envisageable. L'assuré était par ailleurs limité dans toutes les activités nécessitant les mouvements répétitifs, l'habileté manuelle fine et les efforts de la main gauche. Le pouce et l'index de la main gauche pouvaient cependant être utilisés dans certaines activités bimanuelles ponctuelles. Par décision du 3 avril 2013 confirmée sur opposition le 9 juillet 2013, Swica a mis fin aux indemnités journalières avec effet au 28 février 2013 et refusé d'allouer une rente d'invalidité. L'assuré a recouru contre cette décision devant le Tribunal cantonal du canton de Fribourg. Entre-temps, l'assuré a séjourné à la Clinique E.________ du 24 juillet au 28 août 2013. Dans leur rapport du 3 septembre 2013, les médecins de la clinique E.________ ont retenu les limitations fonctionnelles provisoires suivantes: activités de dextérité fine avec la main gauche, activités nécessitant une force de serrage avec la main gauche ainsi que le port de charges et les mouvements répétitifs de la main gauche. Selon ces médecins, la situation n'était pas stabilisée du point de vue médical. Le pronostic de réinsertion dans l'ancienne activité était jugé défavorable; en revanche il était favorable dans une activité respectant les limitations fonctionnelles précitées. Dans un rapport du 14 juillet 2015, le docteur D.________ n'a constaté aucune amélioration depuis sa précédente expertise et a indiqué que l'état de santé devait désormais être considéré comme stabilisé. Par arrêt du 29 septembre 2015, la I
e Cour des assurances sociales a admis le recours de l'assuré. Elle a retenu que l'état de santé de l'assuré et sa capacité de travail n'étaient pas stabilisés au moment de la décision sur opposition du 9 juillet 2013 et qu'ils pouvaient encore évoluer favorablement, de sorte que l'assureur devait continuer de verser des indemnités journalières au-delà de cette date. Elle a ainsi renvoyé la cause à Swica pour nouvelle décision. Par une nouvelle décision du 29 janvier 2016, confirmée sur opposition le 27 avril 2016, Swica a mis fin au traitement médical et au paiement des indemnités journalières, avec effet dès le 14 juin 2014. Elle a alloué une indemnité pour une atteinte à l'intégrité de 15 % et a refusé d'allouer une rente d'invalidité, au motif que le taux d'invalidité présenté par l'assuré était inférieur à 10 %.
B.
A.________ a déféré la cause à la I
e Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, qui a partiellement admis le recours. Par jugement du 17 mai 2017, elle a annulé la décision sur opposition du 27 avril 2016 et dit que A.________ avait droit à une rente d'invalidité de 21 % dès le 14 juin 2014.
C.
Swica interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut à la confirmation de sa décision sur opposition du 27 avril 2016.
L'intimé conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. La juridiction cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
D.
La Ire Cour de droit social du Tribunal fédéral a tenu une délibération publique le 16 avril 2018.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) prévu par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité de l'assurance-accidents. La procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).
3.
La juridiction cantonale a retenu que l'intimé avait droit à une rente de l'assurance-accidents fondée sur un degré d'invalidité de 21 %. Pour fixer le revenu d'invalide, elle s'est référée au salaire découlant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2012, tableau TA1, niveau de compétences 1 pour les hommes effectuant des tâches physiques ou manuelles simples dans le secteur privé 3 des services. Elle a adapté ce montant compte tenu du temps de travail hebdomadaire moyen dans les entreprises en 2014 (41,7h) et de l'évolution moyenne des salaires de 2012 à 2013 (+ 0,8 %) et de 2013 à 2014 (+ 0,7 %) et a retenu un revenu annuel de 60'504 fr. 20. Elle a en outre opéré une déduction de 15 % sur le salaire statistique pour tenir compte des limitations liées au handicap et a retenu un revenu d'invalide de 51'428 fr. 55. Comparé à un revenu sans invalidité de 64'723 fr. (non contesté), le taux d'incapacité de gain s'élevait à 21 %.
4.
4.1. La recourante soutient que le salaire moyen ressortant du secteur des services (secteur 3) ne saurait servir de référence en l'espèce: compte tenu de l'activité de substitution raisonnablement exigible de l'intimé (activité dans la production industrielle légère [contrôle de qualité-surveillance] ou dans les services [vente en kiosque ou en station-service sans mise en rayon, gestion de stock d'articles légers, chauffeur-livreur d'articles légers]), c'est plutôt le salaire statistique ressortant des secteurs de la production et des services (secteurs 2 et 3) qui devrait servir de base à la détermination du revenu d'invalide, soit un montant de 5'210 fr.
4.2. Selon la jurisprudence, le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu d'invalide peut être évalué sur la base des statistiques salariales (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475; 126 V 75 consid. 3b/aa p. 76 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1, à la ligne "total secteur privé" (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa p. 323). Toutefois, lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l'assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières. Tel est notamment le cas lorsque avant l'atteinte à la santé, l'assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pratiquement plus en ligne de compte (arrêt 9C_237/2007 du 24 août 2007 consid. 5.1, non publié in ATF 133 V 545).
4.3. Il est vrai que l'intimé a travaillé exclusivement dans le secteur de la restauration au cours des trente-cinq années ayant précédé son accident, le plus souvent comme barman. On ne voit cependant pas qu'une activité dans un autre domaine n'entre pratiquement plus en ligne de compte. En effet, il ressort de l'expertise du docteur D.________ que dans un poste adapté où il utilise principalement sa main droite dominante et accessoirement les deux premiers doigts de sa main gauche, l'assuré pourrait théoriquement retrouver une certaine capacité de travail. Dans une activité purement monomanuelle droite, il pourrait travailler normalement, par exemple dans un poste de surveillance ou de télésurveillance. Il y a dès lors lieu de se référer, pour le salaire d'invalide, à la ligne "total" du tableau TA1, à savoir un revenu mensuel moyen de 5'210 fr. pour les hommes effectuant des tâches physiques ou manuelles simples.
5.
La recourante conteste en outre l'étendue de l'abattement opéré sur le salaire statistique pris en compte pour déterminer le revenu d'invalide que l'intimé pourrait réaliser en mettant pleinement en valeur sa capacité résiduelle de travail.
5.1. La juridiction cantonale a considéré qu'il y avait lieu de retenir, en lieu et place de l'abattement de 10 % auquel avait procédé la recourante, un abattement de 15 %, au vu du fait que seule une activité légère était possible et que l'intimé était limité dans toutes les activités nécessitant les mouvements répétitifs ainsi que l'habileté manuelle fine et les efforts de la main gauche. Elle ajoutait que l'intimé ne pouvait effectuer que ponctuellement des activités bimanuelles et qu'il n'avait pas été en mesure de garder, faute de rendement, son emploi auprès de la société "F.________", à V.________, pour laquelle il effectuait chez plusieurs clients de l'entreprise de menus travaux.
5.2. L'étendue de l'abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d'appréciation ou a abusé de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s., 132 V 393 consid. 3.3 p. 399), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (cf. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180). Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative ("Angemessenheitskontrolle"). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juges des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 p. 81).
5.3. Dans sa décision sur opposition du 27 avril 2016, l'assureur-accidents avait justifié la prise en considération d'un abattement de 10 % en se référant aux limitations liées au handicap (difficultés pour un droitier de fléchir 3 doigts de la main gauche), jugeant l'intimé apte à exercer une activité adaptée à plein temps sans diminution de rendement, notamment dans une activité dans la production industrielle légère ou dans les services. Un abattement de 10 % tient suffisamment compte des limitations présentées par l'intimé et la juridiction cantonale n'apporte aucun motif pertinent pour substituer sa propre appréciation à celle de l'administration.
6.
Vu ce qui précède, la décision sur opposition de la recourante du 27 avril 2016 n'est pas critiquable et le recours se révèle bien fondé.
7.
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. La décision du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, I
e Cour des assurances sociales, du 17 mai 2017, est annulée et la décision sur opposition de la SWICA Assurances SA du 27 avril 2016 est confirmée.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, I
e Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 16 avril 2018
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : Fretz Perrin