Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_160/2018
Arrêt du 19 avril 2018
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Chaix et Kneubühler.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Pascal de Preux, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de l'arrondissement de La Côte, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
Objet
Détention pour des motifs de sûreté,
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 20 février 2018 (141 - PE16.006763-ERA).
Faits :
A.
Par jugement du 9 février 2018, le Tribunal correctionnel de La Côte a notamment reconnu A.________ coupable de tentative de meurtre, de lésions corporelles simples, de voies de fait, de menaces qualifiées et d'insoumission à une décision de l'autorité. Il a été condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 187 jours de détention avant jugement, ainsi qu'au paiement d'une amende de 300 fr., dont la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement serait de 10 jours.
Ce même jour, le Tribunal correctionnel a ordonné l'arrestation immédiate du prévenu, ainsi que son placement en détention pour des motifs de sûreté, retenant l'existence de risques de fuite, ainsi que de réitération. Le tribunal de première instance a considéré que le prévenu avait montré jusqu'alors peu de considération pour les décisions de justice prononcées à son encontre, qu'il contestait les faits qui lui étaient reprochés et qu'il vivait sur un bateau, sans avoir d'adresse hormis une boîte postale. Le Tribunal correctionnel a ensuite relevé qu'à dires des experts psychiatres, A.________ présentait un risque de réitération moyen, notamment à l'égard de la victime et partie plaignante, son ex-épouse. L'autorité de première instance a cependant constaté que le prévenu avait crié et frappé violemment sur la table devant lui durant la plaidoirie de l'avocat de son ex-épouse, ce malgré la présence de deux policiers juste derrière lui, apparaissant ainsi comme une personne qui n'hésiterait pas à se faire justice elle-même.
B.
Le 20 février 2018, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette décision.
Cette autorité a tout d'abord constaté la violation du droit d'être entendu du prévenu qui n'avait pas été interpellé sur la problématique d'un placement en détention préalablement au prononcé l'ordonnant; ce vice devait cependant être considéré comme réparé dès lors que A.________ avait eu connaissance des motifs expliquant son placement en détention et avait pu recourir contre cette décision auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. consid. 2.4). La cour cantonale a ensuite retenu l'existence d'un risque de récidive (cf. consid. 3.3) que les mesures de substitution proposées ne permettaient pas de pallier (cf. consid. 4.2).
C.
Par acte daté du 26 mars 2018, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à sa libération immédiate. A titre subsidiaire, il demande sa mise en liberté assortie des mesures de substitution suivantes : (1) interdiction de se rendre à moins de 500 mètres du domicile et du lieu de travail de son ex-épouse, (2) interdiction de l'approcher ou de prendre contact avec elle où qu'elle se trouve et de quelque manière que ce soit, (3) obligation de déposer toutes ses pièces d'identité suisses, (4) obligation de se présenter chaque lundi auprès du poste de gendarmerie de Nyon, (5) assignation à résidence, (6) mise en place d'une surveillance électronique, ainsi que (7) de toute autre mesure de substitution jugée utile. Encore plus subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Le recourant sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire.
L'autorité précédente a renoncé à se déterminer et le Ministère public a conclu au rejet du recours. Le 17 avril 2018, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le prévenu - actuellement détenu - a qualité pour recourir. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Se référant aux art. 76 et 78 CPP , le recourant reproche à l'autorité précédente une constatation inexacte des faits. Il soutient que le comportement qui lui est reproché lors de la plaidoirie du conseil de la victime (cris et coups violents sur la table située devant lui) ne figurerait pas au procès-verbal de l'audience du 5 février 2018; faute de constatation, il serait dès lors arbitraire de retenir qu'il aurait adopté une telle attitude, ce qu'il conteste d'ailleurs. Selon le recourant, le défaut de mention de cet événement violerait également son droit d'être entendu, puisqu'il ne pourrait ainsi pas le remettre en cause.
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244).
2.2. Le procès-verbal au sens des art. 76 ss CPP sert de fondement pour la constatation de l'état de fait (ATF 141 IV 20 consid. 1.4.4 p. 31) et permet par conséquent le contrôle du bon déroulement de la procédure par les instances judiciaires (PHILIPP NÄPFLI, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 1-195 StPO, 2e éd. 2014, no 12 ad art. 76 CPP; DANIELA BRÜSCHWEILER, in D ONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER (édit.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, (StPO), 2e éd. 2014, no 2 ad art. 76 CPP; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3e éd. 2012, n° 1269 p. 450). Il existe ainsi une obligation de documentation de tout ce qui se produit durant la procédure pénale (JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 2e éd. 2018, n° 5010 p. 126; NÄPFLI, op. cit., nos 4 ss ad art. 76 CPP; BRÜSCHWEILER, op. cit., nos 1 ss ad art. 76 CPP), à l'exception des moyens développés en plaidoirie (JEANNERET/KUHN, op. cit., note de bas de page n° 21 p. 126; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd. 2016, n° 5 ad art. 76 CPP). Il découle notamment de cette obligation que lorsqu'un acte de procédure n'a pas été établi d'une manière ou d'une autre par écrit, il doit être consigné au procès-verbal (art. 76 al. 1 CPP; JEANNERET/KUHN, op. cit., n° 5010 p. 126; NÄPFLI, op. cit., n° 9 ad art. 76 CPP; OBERHOLZER, op. cit., n° 1268 p. 450).
Peuvent ainsi aussi figurer au procès-verbal des circonstances factuelles en lien avec le déroulement de la procédure et/ou d'une audition (cf. art. 77 let. f CPP; arrêt 1B_150/2016 du 19 mai 2016 consid. 2.3), soit par exemple la mention d'une perturbation par l'une ou l'autre des parties (NÄPFLI, op. cit., n° 1 et note de page n° 2 ad art. 76 CPP). Cela se justifie notamment en cas de prononcé - immédiat ou ultérieur - d'une mesure de police d'audience par la direction de la procédure (cf. art. 63 CPP).
2.3. En l'occurrence, la mention du comportement reproché au recourant pendant la plaidoirie du conseil de son ex-épouse ne figure pas au procès-verbal de l'audience du 5 février 2018 (cf. p. 30 s. de ce document) et apparaît pour la première fois dans la motivation de la décision de placement en détention pour des motifs de sûreté. On peut ainsi douter, sous l'angle du droit d'être entendu, que s'y référer à titre de motivation soit admissible.
Cela étant, dans son recours cantonal contre la mise en détention, le recourant n'a formulé aucune plainte en lien avec une telle violation. En particulier, il n'a pas soutenu avoir ignoré les motifs retenus par le tribunal de première instance pour ordonner son placement en détention au moment de déposer son recours (cf. en particulier la communication des motifs lors de la lecture du jugement au fond le 9 février 2018 [ad A p. 2 de l'arrêt attaqué]). Il n'a pas non plus indiqué n'avoir pas eu connaissance du contenu du procès-verbal de l'audience et ne le prétend d'ailleurs toujours pas devant le Tribunal fédéral. L'argumentation développée devant l'autorité de recours tendait uniquement à soutenir que ce "simple comportement verbal à l'encontre de l'avocat de son ex-femme" ne permettrait pas de retenir l'existence d'un risque de récidive (cf. ad 2/b p. 7 du mémoire cantonal). Ce faisant, le recourant entendait contester, non pas avoir eu l'attitude reprochée - étant d'ailleurs relevé que crier ou vociférer peut suffire à démontrer une certaine impulsivité et/ou agressivité -, mais l'appréciation qui en était faite par l'autorité de première instance.
Vu les éléments à sa disposition (procès-verbal, motivation du Tribunal correctionnel et recours cantonal), il apparaît que la juridiction précédente pouvait, sans arbitraire, retenir que le recourant avait adopté le comportement reproché au cours de l'audience du 5 février 2018, constatation qui lie par conséquent le Tribunal fédéral. Partant, ce premier grief peut être écarté.
3.
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes pesant à son encontre (art. 221 al. 1 CPP) et ne remet pas non plus en cause la durée de la détention avant jugement subie eu égard à la peine concrètement encourue.
Il reproche en revanche à l'autorité précédente d'avoir retenu l'existence d'un risque de récidive, respectivement soutient que celui-ci pourrait être pallié par le prononcé de mesures de substitution.
3.1. A teneur de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.
Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées. Lorsqu'on dispose d'une expertise psychiatrique ou d'un pré-rapport, il y a lieu d'en tenir compte (ATF 143 IV 9 consid. 2.8 p. 16 s.). En général, la mise en danger de la sécurité d'autrui est d'autant plus grande que les actes redoutés sont graves. En revanche, le rapport entre gravité et danger de récidive est inversement proportionnel. Cela signifie que plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération. Lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particulièrement élevées, on peut ainsi admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire (et en principe également suffisant) pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9 p. 17).
Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence de deux antécédents au moins, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 p. 12 s. et les arrêts cités).
3.2. En l'occurrence, le recourant se prévaut tout d'abord de l'absence d'acte de violence depuis sa libération de la détention provisoire le 10 octobre 2016. Dès lors que le comportement adopté lors de l'audience de jugement peut entrer en considération pour examiner l'existence d'un risque de récidive (cf. consid. 2.3 ci-dessus), ce grief peut être écarté. En effet, sa réaction constitue une modification des circonstances - ainsi que d'ailleurs le jugement de condamnation et la peine prononcée - permettant une nouvelle appréciation de ce danger.
L'appréciation effectuée par l'autorité précédente se fonde sur différents éléments, soit en particulier le risque de récidive retenu par les experts psychiatres - certes qualifié de moyen -, le peu de recul et d'amendement que manifeste le recourant par rapport à ses actes - rendant en substance la victime responsable de ceux-ci - et la gravité du bien juridiquement protégé mis en cause lors des événements reprochés au recourant. Or, à ces premières circonstances déjà inquiétantes, s'ajoutent la lourde condamnation prononcée contre le recourant ainsi que le comportement de ce dernier au cours de l'audience du tribunal de première instance. Devant cette juridiction chargée d'examiner les graves faits qui lui sont reprochés et malgré la présence de deux policiers, le recourant n'a pas hésité à crier, voire à frapper la table se trouvant devant lui, au cours de la plaidoirie de l'avocat de son ex-épouse. Si, dans ce contexte particulier, le recourant n'a déjà pas été en mesure de se maîtriser, la cour cantonale était légitimement en droit de redouter d'autres actes impulsifs et violents s'il devait à nouveau se trouver confronté à une situation de conflit potentiel. Vu les biens juridiquement protégés en cause - vie et intégrité corporelle -, l'instance précédente était par conséquent justifiée à privilégier la sécurité publique.
Partant, c'est sans violer le droit fédéral que l'autorité précédente a retenu l'existence d'un risque de récidive.
3.3. L'existence du danger susmentionné dispense d'analyser ce qu'il en est d'un risque de fuite, respectivement les mesures de substitution proposées en lien avec celui-ci.
Cette considération vaut également devant l'autorité de recours et, par conséquent, il ne peut être reproché, sous l'angle d'une violation du droit d'être entendu, à l'autorité précédente de ne pas être entrée en matière sur les arguments soulevés à cet égard par le recourant.
3.4. Eu égard notamment à l'importance du bien juridiquement protégé, les mesures de substitution proposées par le recourant en lien avec le risque de récidive (interdiction de s'approcher de la victime, assignation à résidence et mise en place d'une surveillance électronique) ne sont pas suffisantes. Comme le relève le recourant, elles permettent avant tout de connaître sa position ainsi que les éventuelles violations de ses obligations. Vu son impulsivité, elles ne permettent en revanche pas de garantir qu'il ne s'en prendrait pas à nouveau à l'intégrité physique de la victime et/ou d'autres personnes.
3.5. Au regard de l'ensemble de ces considérations, la Chambre des recours pénale pouvait donc, sans violer le droit fédéral, confirmer le placement en détention pour des motifs de sûreté du recourant.
4.
Il s'ensuit que le recours est rejeté.
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Vu la problématique soulevée en lien avec le procès-verbal, le stade de la procédure et le risque retenu, son recours n'était pas d'emblée dénué de chances de succès et cette requête doit être admise. Il y a lieu de désigner Me Pascal de Preux en tant qu'avocat d'office et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal; cette indemnité sera fixée eu égard à la liste de frais produite. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 et 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Pascal de Preux est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'597 fr. 40 (TTC) lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'arrondissement de La Côte et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 19 avril 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
La Greffière : Kropf