Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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8C_710/2017
Arrêt du 8 mai 2018
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard et Heine.
Greffier : M. Beauverd.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Maîtres Daniel Meyer et Butrint Ajredini,
recourante,
contre
Chemins de fer fédéraux suisses CFF, Droit & compliance Human Resources, Hilfikerstrasse 1, 3000 Berne 65 SBB,
intimés.
Objet
Droit de la fonction publique (condition de recevabilité),
recours contre le jugement du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 5 septembre 2017 (A-142/2017).
Faits :
A.
A.a. A.________, née en 1977, est entrée au service des Chemins de fer fédéraux suisses (ci-après: CFF) au mois d'août 1997. Alors qu'elle était collaboratrice au sein du groupe B.________ - rattaché à l'unité C.________, elle-même dépendante de la division D.________ -, elle s'est plainte en 2014 d'actes abusifs, voire de harcèlement psychologique ou mobbing de la part de son supérieur hiérarchique et de ses collègues. Chargé par les CFF de procéder à une enquête administrative au sujet de ces reproches, une société privée spécialisée en matière de ressources humaines et climat de travail a constaté que l'intéressée avait été victime de harcèlement sexuel - en raison de comportements et de propos sexistes - et a écarté l'accusation de harcèlement psychologique et d'atteinte à la personnalité (rapport du 5 mai 2015).
Par communiqué du 29 septembre 2016, les syndicats des transports publics ont annoncé que les CFF allaient procéder à une réorganisation des services de leur division D.________. Ainsi, le groupe B.________ allait supprimer 50 de ses 120 postes de travail. Selon ce communiqué, les 120 collaborateurs du groupe B.________ devaient envoyer une nouvelle postulation auprès de la nouvelle entité nommée E.________.
Au mois d'octobre 2016, les CFF ont informé A.________ qu'elle avait formellement perdu son poste de travail - tout comme ses cinq collègues du rayon de U.________ - et l'a invitée à déposer sa candidature pour un poste dans le groupe E.________. Le 12 octobre 2016, la prénommée a postulé pour un poste sur les sites de U.________ et V.________ au sein du groupe E.________. Par courrier du 22 octobre 2016 elle a toutefois indiqué être contrainte de se porter candidate au poste auquel elle était rattachée administrativement mais qu'il était exclu que le nouveau chef du rayon de U.________ (qui était déjà le chef de ce rayon avant la réorganisation et à ce titre le supérieur de la recourante) procède à son entretien d'embauche en raison des faits constatés dans le rapport du 5 mai 2015.
Par pli du 2 novembre 2016, les CFF ont informé l'intéressée qu'elle perdrait son poste au 28 février 2016 (recte: 2017). Si elle ne devait pas trouver de poste convenable au terme de la phase de prévention de six mois, elle serait transférée au Centre de marché du travail des CFF (ci-après: le centre AMC). Un tel transfert ne représentait pas un reclassement et il n'avait jusqu'à présent jamais été question d'une résiliation des rapports de travail par les CFF.
Par décision du 15 novembre 2016 les CFF, se fondant sur les conclusions du rapport d'enquête administrative du 5 mai 2015, ont alloué à A.________ une indemnité de 6'597 fr., montant équivalent à un mois de salaire médian. La prénommée a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif fédéral (procédure A-7843/2016).
A.b. Le 21 novembre 2016 les CFF ont adressé au mandataire de l'employée un courrier qui contenait les indications suivantes:
"[...] Selon la procédure en vigueur, votre cliente [...] a posé sa candidature uniquement pour un poste de travail à U.________ par courriel en date du 12 octobre 2016 - malgré la possibilité de déposer sa candidature dans les autres régions comme indiqué [...]. Etant donné la situation actuelle de votre cliente, nous partageons votre avis (réf. à votre courrier du 22 octobre 2016) quant à l'impossibilité pour elle d'occuper les postes de U.________ et de V.________. Raison pour laquelle, [l'employée] a eu la possibilité de postuler à d'autres postes vacants dans la région Ouest (Lausanne, Bienne, Brigue) ou dans la région Centre (Berne, Olten) et ceci jusqu'au 4 novembre 2016 (réf. à notre courrier du 2 novembre 2016). [...] Cependant, n'ayant pas reçu de nouvelle candidature de la part de votre cliente, nous partons du principe que [l'employée] renonce à occuper un poste au sein du groupe B.________. Par cette renonciation, votre cliente rejoint le processus d'intégration AMC et ceci, comme pour les autres collaborateurs d'intervention concernés. Selon le processus en vigueur, nous avons effectivement mené les entretiens de recrutement pour sélectionner les collaborateurs pour la nouvelle structure d'intervention [...]."
A cette lettre était joint un courrier du 18 novembre 2016, par lequel les CFF informaient l'intéressée que son poste à U.________ serait supprimé au 28 février 2017 et que, durant la phase de prévention de six mois à compter du 1er décembre 2016, elle aurait le temps de se réorienter professionnellement. Au terme de cette période elle serait transférée au sein de l'AMC, le 1er juillet 2017.
B.
A.________ a déféré l'écriture du 21 novembre 2016 au Tribunal administratif fédéral en concluant à sa réintégration, subsidiairement à son reclassement au sein des CFF dans un poste convenable en adéquation avec ses aptitudes et ses compétences professionnelles (procédure A-142/2017). Préalablement elle demandait la jonction de cause avec la procédure A-7843/2016.
Par arrêt du 5 septembre 2017 le Tribunal administratif fédéral a rejeté la demande de jonction des causes et a déclaré le recours irrecevable.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation en concluant à ce que la juridiction précédente entre en matière sur son recours et statue au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.
Le Tribunal administratif fédéral se réfère à l'arrêt attaqué et s'en remet à justice en ce qui concerne la recevabilité du recours.
La recourante a produit une écriture complémentaire le 23 janvier 2018. Les intimés se sont déterminés sur cette écriture le 30 janvier 2018.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 III 140 consid. 1 p. 143; 142 IV 196 consid. 1.1 p. 197 et les arrêts cités).
La cause relève du droit public, de sorte qu'en principe, la voie ordinaire de recours est celle du recours en matière de droit public (art. 82 let. a LTF). Cependant, en ce qui concerne les rapports de travail de droit public (et sauf s'il se rapporte à l'égalité des sexes), le recours en matière de droit public est subordonné à la double condition que la décision attaquée concerne une contestation pécuniaire et que la valeur litigieuse atteigne au moins 15'000 fr. (art. 83 let. g LTF en corrélation avec l'art. 85 al. 1 let. b LTF). Même si le seuil requis de la valeur litigieuse n'est pas atteint, le recours est néanmoins recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (art. 85 al. 2 LTF).
1.2. La recourante soutient que le litige concerne une contestation pécuniaire dans la mesure où l'employeur, par sa "décision de la placer au Centre du marché du travail", a rejeté sa demande tendant à sa réintégration dans un poste en adéquation avec ses qualités et compétences professionnelles. La nature pécuniaire de la contestation découle en outre de la réduction de salaire résultant du placement auprès dudit centre. Se fondant sur l'art. 5 al. 1 de l'annexe 8 de la convention collective de travail des CFF (CCT-CFF), l'intéressée fait valoir que son salaire mensuel sera réduit de 704 fr. 30 dès le mois de janvier 2018 (soit à l'échéance d'un délai de six mois à compter du transfert dans le programme de réorientation professionnelle), de 1'056 fr. 50 dès le mois de juillet 2018 (échéance d'un délai de douze mois) et de 1'408 fr. 60 dès le mois de juillet 2019 (échéance d'un délai de vingt-quatre mois). Elle évalue ainsi sa perte financière à 16'903 fr. 60 pour la période du mois de janvier 2018 au mois de juin 2019.
De leur côté les intimés sont d'avis que le litige, qui concerne le placement de la recourante dans le Centre AMC ensuite de la disparition de son poste de travail consécutive à une restructuration ne constitue pas une contestation de nature pécuniaire. Le Centre AMC est une unité organisationnelle des CFF qui soutient les collaborateurs dans les processus de changement et de développement professionnels au moyen d'offres spécifiques et qui propose des postes de travail appropriés et adaptés. Cette unité accompagne et conseille les collaborateurs dans leur réorientation et leur réinsertion professionnelles. La recourante, toujours au service des CFF, a été simplement transférée d'une unité à une autre et continue de percevoir un salaire.
1.3. Selon la jurisprudence, les litiges portant sur des mesures d'organisation comme les changements d'affectation sans baisse de salaire doivent être qualifiés de contestations non pécuniaires (ATF 136 I 323 consid. 1.1 p. 325; arrêts 2C_210/2017 du 19 avril 2017 consid. 1.2; 8C_166/2011 du 13 juillet 2011 consid. 2.3.1.1; voir également FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Commentaire de la LTF, 2ème éd. 2014, n° 102 ad art. 83 LTF; THOMAS HÄBERLI, in: Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd. 2011, n. 169 s. ad art. 83 BGG; ALEXANDER MISIC, Verfassungsbeschwerde - Das Bundesgericht und der subsidiäre Schutz verfassungsmässiger Rechte [Art. 113-119 BGG], 2011, p. 175 n. 319).
En l'espèce, la recourante a été placée dans le Centre AMC ensuite de la disparition de son poste de travail consécutive à une mesure de réorganisation et elle est toujours au service des CFF. Même en admettant que l'on est en présence d'une contestation pécuniaire, rien ne dit que l'intéressée ne pourra pas trouver avant le mois de juin 2019 un nouveau poste de travail qui corresponde à ses qualités et ses compétences et qu'elle devra se contenter d'une activité susceptible d'avoir une incidence directe sur son traitement. Au demeurant,en cas de recours contre une décision finale - c'est-à-dire une décision qui met fin à la procédure (art. 90 LTF) - la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF). Or, en l'occurrence, l'intéressée n'a pas formé de conclusions pécuniaires devant la juridiction précédente. Par ailleurs, dans l'éventualité où elle devrait être qualifiée de pécuniaire, il ne se justifierait pas de retenir que la contestation soulève une question juridique de principe (cf. ATF 4A_3/2017 du 15 février 2018 consid. 1.2; 141 III 159 consid. 1.2; 139 III 209 consid. 1.2 et les références; arrêt 8C_218/2012 du 18 mars 2013 consid. 4.2).
1.4. En outre la recourante fait valoir qu'à la suite du rapport d'enquête administrative du 5 mai 2015 faisant état d'un harcèlement sexuel, elle a demandé sa réintégration, subsidiairement son placement dans un poste en adéquation avec ses qualités et compétences. Aussi soutient-elle que la cause, pour autant qu'elle ne soit pas pécuniaire, relève de l'égalité des sexes, de sorte que le recours en matière de droit public est recevable.
Ce point de vue est mal fondé dès lors qu'il est indéniable que le placement de l'intéressée dans le Centre AMC résulte exclusivement de la disparition de son poste de travail consécutive à une mesure de réorganisation. Il est dès lors sans relation avec les faits constatés dans le rapport d'enquête administrative du 5 mai 2015. L'exception prévue à l'art. 83 let. g LTF s'applique en l'espèce.
2.
Il résulte de ce qui précède que le recours en matière de droit public est irrecevable. L'arrêt attaqué émanant du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire est pour sa part d'emblée exclue (art. 113 LTF a contrario). Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires seront mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
Lucerne, le 8 mai 2018
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
Le Greffier : Beauverd