Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_42/2018
Arrêt du 17 mai 2018
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
Greffière : Mme Thalmann.
Participants à la procédure
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg,
recourant,
contre
X.________,
intimé.
Objet
Fixation de la peine, octroi du sursis (pornographie),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 27 novembre 2017 (501 2017 102).
Faits :
A.
Par jugement du 15 mars 2017, le Juge de police de l'arrondissement de la Sarine a reconnu X.________ coupable du chef de prévention de pornographie et l'a condamné à une peine privative de liberté de huit mois, avec sursis pendant cinq ans, conditionné, à titre de règles de conduite, au suivi d'une assistance de probation, à l'obligation de rechercher et d'occuper un emploi - éventuellement dans un atelier protégé - à la poursuite de son traitement psychiatrique - auprès de la Dresse A.________ -, et à la soumission de contrôles de matériel informatique ou de télécommunication (ordinateur, téléphone portable, tablette, etc.) en cas de suspicion de possession d'images ou de vidéos de pornographie dure.
B.
Par arrêt du 27 novembre 2017, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a rejeté l'appel formé par le Ministère public de l'Etat de Fribourg contre le jugement du 15 mars 2017.
En résumé, elle a retenu les faits suivants:
B.a. Durant la période du 14 novembre 2012 au 24 mars 2016, à son domicile à B.________, X.________ a consulté via internet une quantité indéterminée de fichiers - principalement des images - contenant de la pornographie dure, soit des actes d'ordre sexuel avec des enfants ainsi qu'avec des animaux. Il a également enregistré certains de ces fichiers sur des clés USB afin de pouvoir les visionner à nouveau. Une quantité de 29 images pédopornographiques et 89 images zoophiles a ainsi été retrouvée sur le matériel informatique séquestré par la police.
X.________ a reconnu les faits. Il a déjà été condamné le 13 octobre 2015, par le Juge de police de l'arrondissement du Lac, à une peine pécuniaire ferme de 300 jours-amende notamment pour pornographie et le 21 février 2008, par le Tribunal pénal d'arrondissement du Lac, à 40 heures de travail d'intérêt général pour la même infraction.
C.
Contre le jugement cantonal, le ministère public dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral, en concluant, avec suite de frais, principalement, à sa réforme en ce sens que X.________ est condamné à une peine privative de liberté de huit mois sans sursis et qu'il est astreint à la poursuite du traitement ambulatoire dans le sens indiqué par l'expert-psychiatre. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 42 al. 2 CP en admettant l'existence de circonstances particulièrement favorables et en octroyant à l'intimé le sursis.
1.1. Aux termes de l'art. 42 CP, dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2017, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
L'art. 42 CP a été modifié avec effet au 1er janvier 2018 (cf. RO 2016 1249). Dans sa nouvelle teneur, l'art. 42 CP dispose que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2). La disposition transitoire de la modification du 19 juin 2015 prévoit qu'il ne peut y avoir de sursis à l'exécution d'une peine (art. 42 al. 1 CP) qu'en cas de circonstances particulièrement favorables si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine pécuniaire de plus de 180 jours-amende en vertu de l'ancien droit.
En l'espèce, l'application de l'ancien ou du nouveau droit ne conduit pas à un résultat différent, dès lors que - l'intimé ayant été notamment condamné en 2015 à une peine pécuniaire de 300 jours-amende - le sursis à l'exécution de la peine ne peut en principe lui être accordé qu'en présence de circonstances particulièrement favorables. Partant, une application de l' art. 42 al. 1 et 2 CP dans sa teneur au 1er janvier 2018 par le Tribunal fédéral ne saurait entrer en considération en vertu du principe de la lex mitior (cf. art. 2 al. 2 CP; cf. arrêt 6B_658/2017 du 30 janvier 2018 consid. 1.1).
1.2. Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur au sens de l'art. 42 CP, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. et 134 IV 1 consid. 4.2.1 p. 5). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'émission du pronostic. Le Tribunal fédéral n'intervient que s'il en a abusé, notamment lorsqu'il a omis de tenir compte de critères pertinents et s'est fondé exclusivement sur les antécédents du condamné (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 p. 143; 133 IV 201 consid. 2.3 p. 204; arrêt 6B_658/2017 du 30 janvier 2018 consid. 1.2).
Conformément à l'ancien art. 42 al. 2 CP, si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables. Dans cette hypothèse, la présomption d'un pronostic favorable, respectivement du défaut d'un pronostic défavorable, ne s'applique plus, la condamnation antérieure constituant un indice faisant craindre que l'auteur puisse commettre d'autres infractions. L'octroi du sursis n'entre donc en considération que si, malgré l'infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s'amendera. Le juge doit examiner si la crainte de récidive fondée sur l'infraction commise peut être compensée par les circonstances particulièrement favorables, soit des circonstances qui empêchent que l'infraction antérieure ne détériore le pronostic. Tel sera notamment le cas si l'infraction à juger n'a aucun rapport avec l'infraction antérieure ou que les conditions de vie du condamné se sont modifiées de manière particulièrement positive (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.3 p. 7; cf. arrêts 6B_658/2017 du 30 janvier 2018 consid. 1.2; 6B_64/2017 du 24 novembre 2017 consid. 2.2 et 6B_352/2014 du 22 mai 2015 consid. 7.1 non publié aux ATF 141 IV 273).
Cela étant posé, il n'est pas contestable que l'existence d'antécédents pénaux est un point non seulement pertinent mais incontournable du pronostic. Il n'est pas discutable non plus que, eu égard à leur gravité, les antécédents visés par l'art. 42 al. 2 CP pèsent lourdement dans l'appréciation d'ensemble et qu'un pronostic défavorable ne peut alors être exclu qu'en présence d'autres circonstances susceptibles de contrebalancer positivement cet élément négatif (arrêts 6B_869/2016 du 1er juin 2017 consid. 4.2 et 6B_510/2010 du 4 octobre 2010 consid. 1.2.2).
1.3. En l'occurrence, l'intimé a fait l'objet dans le délai de cinq ans prévu par l'art. 42 al. 2 CP de deux condamnations pertinentes pour l'application de cette disposition. Malgré ces condamnations pour la même infraction - pornographie -, la cour cantonale a estimé qu'un ensemble d'éléments dénotaient une réelle volonté de l'intimé de s'amender et qu'il y avait lieu de louer cette attitude et, dans la mesure du possible, de l'encourager. Pour cette raison, il se justifiait de lui accorder le sursis. La cour cantonale s'est notamment ralliée à la motivation du premier juge qu'elle a jugée convaincante, soit aux circonstances particulièrement favorables qui ont été retenues en première instance. Le ministère public estime, pour sa part, que de manière générale, la cour cantonale n'a retenu que des " critères anecdotiques " qui ne sauraient être qualifiés de " circonstances particulièrement favorables " au sens de l'art. 42 al. 2 CP.
1.4. Premièrement, la cour cantonale, reprenant l'argument du premier juge, a estimé que le prononcé d'une peine privative de liberté produirait un meilleur effet dissuasif qu'une peine pécuniaire, telle qu'elle avait été proposée par le ministère public. A cet égard, le ministère public se réfère à deux condamnations en 2003 et 2004, dont l'intimé aurait fait l'objet, qui prononçaient déjà des peines privatives de liberté avec sursis, et qui ne l'ont cependant pas dissuadé de récidiver par la suite. Cette argumentation n'a pas de portée, dans la mesure où, comme le relève la cour cantonale, seuls les antécédents judiciaires de l'intimé qui sont inscrits à son casier judiciaire doivent être pris en considération, à l'exclusion des inscriptions éliminées ou de condamnations non inscrites (art. 369 al. 7 CP; ATF 135 IV 87). Or, les seules condamnations qui peuvent être utilisées pour l'appréciation de l'octroi du sursis sont une condamnation à une peine pécuniaire et une condamnation à un travail d'intérêt général. En outre, il ressort des faits du jugement attaqué que la perspective de la prison effraie l'intimé qui, à l'audience devant le premier juge, a " blêmi à sa seule évocation ", et que celui-ci a affirmé devant la cour cantonale qu'il avait peur d'aller en prison. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale pouvait retenir que la perspective de devoir exécuter une peine privative de liberté aurait un effet dissuasif sur l'intimé.
La cour cantonale a ensuite retenu que le traitement ambulatoire ordonné par jugement du 13 octobre 2015 n'avait été mis en oeuvre que plus de huit mois après ce jugement et postérieurement aux faits qui font l'objet de la présente procédure. Le ministère public estime que cette mise en oeuvre tardive du traitement ambulatoire n'est qu'une " contingence neutre qui ne joue aucun rôle dans l'examen de l'octroi du sursis ". La cour cantonale, pour sa part, estime que l'intimé a récidivé en raison de l'état d'abandon thérapeutique, dû au manque de structure sociale. Elle explique, de façon convaincante, que le fait, dans le présent cas, d'avoir assorti l'octroi du sursis d'une assistance de probation, dont l'intimé dit qu'elle l'aide à ne plus recommencer, ainsi que de règles de conduite strictes, est propre à pallier durablement le risque de récidive encouru. Il ressort d'ailleurs du jugement attaqué que le soutien qui est déjà mis en place, soit en particulier les entretiens psychiatriques et psychologiques avec la Dresse A.________, psychiatre, ainsi que les entretiens avec le Service de probation aident l'intimé à prendre conscience de la gravité de ses actes et contribuent à ce qu'il ne récidive pas. Il ressort en particulier du rapport de la Dresse A.________ que l'intimé s'est toujours présenté régulièrement aux entretiens fixés et se montre coopérant. Le ministère public ne peut être suivi lorsqu'il reproche à l'intimé de ne pas s'être soumis de son propre chef à un traitement, du moment qu'un traitement ambulatoire avait été ordonné, mais celui-ci n'a pas été mis en place sans la faute de l'intimé. Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait qu'il est actuellement soumis à un traitement psychiatrique - ce qui n'était pas le cas lorsqu'il a récidivé - peut être retenu en faveur de l'intimé.
La cour cantonale a ensuite jugé que le fait que l'intimé ne disposait désormais plus de matériel informatique ni d'accès à internet était de nature à pallier momentanément le risque de récidive. Le recourant estime, d'une part, que l'accès gratuit à internet est aujourd'hui extrêmement répandu, ce qui restreint fortement la limitation du risque de récidive admise par les juges cantonaux et que, d'autre part, le fait que l'intimé a jugé nécessaire de se priver de connexion internet et de moyens informatiques ne fait que confirmer que le risque de récidive est extrêmement élevé. A cet égard, il y a lieu de relever que la prise de telles mesures peut au contraire démontrer une volonté ferme de mettre tout en place pour limiter - si ce n'est empêcher - la tentation de récidiver. On soulignera également que l'intimé a également été condamné à se soumettre à des contrôles de matériel informatique ou de télécommunication en cas de suspicion de possession d'images ou de vidéos de pornographie dure.
Enfin, la cour cantonale a estimé - reprenant l'argument du premier juge - que le prononcé d'une peine privative de liberté, assortie d'un long sursis d'une durée de cinq ans, lui-même subordonné à des règles de conduite, suffirait sous l'angle de la prévention spéciale et du pronostic. Elle a précisé que la nécessité d'une aide à l'intimé afin de le détourner de commettre de nouvelles infractions motivait également l'octroi du sursis.
1.5. Le ministère public souligne encore certains éléments relatifs à la personnalité et au caractère de l'intimé qui joueraient un rôle déterminant dans l'examen du pronostic et, selon lui, empêcheraient définitivement de retenir l'existence de circonstances particulièrement favorables.
Il relève le fait que l'intimé avait décidé d'arrêter ses recherches d'emploi en raison de l'appel déposé par le ministère public, ce qui, selon lui, démontrerait que celui-ci n'a pas la volonté de s'amender. Il ressort effectivement de l'arrêt attaqué que l'intimé avait cessé de rechercher un emploi à la suite de l'appel déposé par le ministère public, parce qu'il était persuadé que l'appel serait admis. Cela ne signifie cependant pas que l'intéressé avait définitivement arrêté de rechercher un emploi, mais plutôt qu'il aurait été temporairement démotivé. Quoi qu'il en soit, l'octroi du sursis est expressément assorti de l'obligation de rechercher et d'occuper un emploi. Par conséquent, s'il ne devait pas continuer à chercher du travail, son sursis pourrait être révoqué (cf. art. 95 al. 5 CP).
Le recourant soutient ensuite que l'intimé n'a pas pris conscience de la gravité de ses actes. Il relève que le rapport du Service de probation mentionne que " de notre point de vue, sa remise en question demeure superficielle; il dit que ce qu'il a fait n'est pas très bien, mais il n'arrive pas à expliquer pourquoi ". Ce faisant, le recourant oppose sa propre appréciation à celle de la cour cantonale sans démontrer en quoi celle-ci serait arbitraire. En effet, la cour cantonale a retenu qu'un ensemble d'éléments dénotaient une réelle volonté de l'intimé de s'amender. S'agissant de l'avis du Service de probation, elle a jugé que le fait que l'intimé n'arrivait pas à expliquer " pourquoi " était compréhensible, compte tenu de son intelligence très faible et son retard mental léger, diagnostiqué par l'expert.
Le recourant soutient enfin que les chances d'amendement de l'intimé sont faibles. Il se réfère, d'une part, à l'expertise psychiatrique du Dr. C.________, qui a conclu que " de nouvelles consommations d'images pornographiques illicites [étaient] hautement probables " et, d'autre part, au fait que l'intimé n'a jamais cessé de s'adonner à de la pornographie illégale depuis l'été 2007. Ce raisonnement ne saurait être suivi. La cour cantonale - à l'instar du premier juge - a conclu de manière convaincante qu'un ensemble d'éléments, en particulier l'avis de la psychiatre de l'intimé, les déclarations de celui-ci et la mise en place de mesures accompagnant l'octroi du sursis, étaient propres à durablement pallier le risque de récidive encouru.
Il s'ensuit que les griefs du recourant doivent être rejetés dans la mesure où ils sont recevables.
1.6. La cour cantonale n'a dès lors pas violé l'art. 42 al. 2 CP en retenant l'existence de circonstances particulièrement favorables permettant à l'intimé de bénéficier du sursis, et par la même de bénéficier d'une " ultime chance de s'amender ".
2.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). L'intimé, qui n'a pas été invité à se déterminer, ne saurait prétendre à des dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal.
Lausanne, le 17 mai 2018
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Thalmann