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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
1C_502/2017
Arrêt du 5 juin 2018
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Chaix et Kneubühler.
Greffier : M. Alvarez.
Participants à la procédure
Commune de Corbières,
représentée par Me Nicolas Riedo, avocat,
recourante,
contre
Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts de l'Etat de Fribourg.
Objet
triage forestier, autonomie communale,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat
de Fribourg, IIe Cour administrative, du 21 août 2017
(602 2017 44).
Faits :
A.
Le 3 e arrondissement forestier du canton de Fribourg, correspondant au district de la Gruyère, est divisé en onze unités de gestion (triages forestiers), parmi lesquelles figurent la Corporation du triage forestier de La Berra (unité 3.5) ainsi que la Corporation du triage du Gibloux (unité 3.1). Sur la base d'une convention conclue en 2013 pour l'exploitation et l'entretien des forêts, ces deux entités ont initié, en 2015, un processus de fusion, en collaboration avec le Service cantonal des forêts et de la faune (ci-après: SFF).
Les forêts de la Commune de Corbières, d'une surface totale d'un peu plus de 300 ha - dont 280 ha de forêt productive -, sont rattachées à la Corporation de La Berra; certaines portions de forêt forment des enclaves dans l'unité de gestion voisine de Broc-Botterens (unité 3.4).
Dans le cadre de leurs travaux liés à la fusion, les corporations de La Berra et du Gibloux ont élaboré un avant-projet portant sur la création de la Corporation de triage Berra-Gibloux. Son périmètre comprend les forêts des Communes de Corbières, Echarlens, Hauteville, La Roche, Marsens, Pont-en-Ogoz; il englobe également les forêts domaniales du Gibloux appartenant à l'Etat de Fribourg. L'avant-projet prévoyait également des statuts, réglant notamment le fonctionnement de la nouvelle entité, la répartition des revenus et des charges et le mode de participation des propriétaires de forêts. Un budget 2018 ainsi qu'un message ont également été élaborés.
Il est ressorti des discussions liées à cet avant-projet que l'ensemble des communes concernées était favorable à la fusion. La Commune de Corbières s'est cependant déclarée défavorable à une gestion en commun et désireuse de maintenir la gestion individuelle. Lors de la séance commune des corporations de triage forestier du Gibloux et de La Berra, du 5 juillet 2016, les comités de chacune des ces deux entités ont opté pour la variante des statuts prévoyant une gestion en commun. L'avant-projet a été finalisé lors de la séance du 22 septembre 2016.
Les propriétaires des forêts publiques ont soumis l'avant-projet à l'approbation de leurs assemblées communales respectives ainsi qu'au chef de service, s'agissant de la forêt domaniale. Seule l'Assemblée communale de Corbières s'est prononcée en défaveur de l'avant-projet, le 12 décembre 2016.
Le 7 mars 2017, la Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts (ci-après: DIAF) a rendu une décision dont le dispositif prévoit que le périmètre de l'avant-projet de la Corporation forestière Berra-Gibloux comprend les forêts publiques des Communes de Corbières, Echarlens, Hauteville, La Roche, Marsens, Pont-en-Ogoz, Pont-la-Ville, Riaz et Sorens ainsi que celles de l'Etat de Fribourg, pour les forêts domaniales du Gibloux.
Par acte du 24 avril 2017, la Commune de Corbières a recouru contre cette décision auprès de la II e Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. Par arrêt du 21 août 2017, la cour cantonale a rejeté le recours. Elle a en substance considéré que l'intégration de la commune recourante dans le périmètre de cette nouvelle unité de gestion forestière reposait sur une base légale suffisante. Le Tribunal cantonal a également estimé que le périmètre de la Corporation Berra-Gibloux répondait à l'exigence de gestion rationnelle de la forêt imposée tant par le droit fédéral que par le droit cantonal d'exécution. Il a en outre précisé que la surface de la forêt publique de la recourante était insuffisante pour constituer à elle seule une unité forestière répondant à cette exigence de rationalité.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Commune de Corbières demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que le recours cantonal est admis et la décision de la DIAF du 7 mars 2017 annulée. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La commune recourante sollicite par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif; elle réitère sa requête de façon urgente par acte du 10 novembre 2017, à la suite du rejet de sa première demande, prononcé le 18 octobre 2017. Par ordonnance du 5 décembre 2017, le Président de la Ire Cour de droit public admet la seconde requête d'effet suspensif en ce sens qu'interdiction est faite à la corporation forestière Berra-Gibloux de prendre toute décision susceptible de porter atteinte à la gestion des forêts de la Commune de Corbières jusqu'à droit jugé sur le recours.
Le Tribunal cantonal renvoie aux considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours. La DIAF se réfère à sa décision ainsi qu'à ses déterminations cantonales et propose aussi le rejet du recours. Egalement appelé à se prononcer, l'Office fédéral de l'environnement rappelle qu'il appartient aux cantons de concrétiser la notion de gestion rationnelle des forêts; l'office fédéral estime, pour le surplus, que l'organisation forestière du canton de Fribourg remplit les exigences du droit fédéral. Au terme d'un ultime échange d'écritures, la recourante et la DIAF ont persisté dans leurs conclusions respectives; à cette occasion, la direction cantonale a toutefois rappelé, que la présente procédure ne porte que sur la délimitation du périmètre de la corporation de triage et non sur la question de la gestion en commun des forêts.
Considérant en droit :
1.
La recourante étant une collectivité publique, il convient en premier lieu de s'interroger sur sa qualité pour recourir, étant rappelé que le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 140 I 90 consid. 1 p. 92; 137 I 371 consid. 1 p. 372).
1.1. Le droit des collectivités publiques de former un recours en matière de droit public est visé en premier lieu par l'art. 89 al. 2 LTF, dont seule la let. c est susceptible d'entrer en ligne de compte en l'occurrence. Cette disposition confère la qualité pour recourir aux communes qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale. Est en particulier visée par l'art. 89 al. 2 let. c LTF l'autonomie communale, ancrée au niveau fédéral à l'art. 50 al. 1 Cst. (ATF 140 I 90 consid. 1.1 p. 92; 138 I 143 consid. 3.1 p. 150). Pour que le recours soit ouvert sur cette base, il faut toutefois que l'autonomie communale fasse l'objet d'un grief recevable (ATF 140 I 90 consid. 1.1 p. 90; arrêt 2C_226/2012 du 10 juin 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 53), ce qui suppose que la commune recourante l'invoque d'une manière suffisamment motivée (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 140 I 90 consid. 1.1 p. 90; arrêt 2D_64/2012 du 17 juillet 2013 consid. 1.3; au sujet des exigences de motivation déduites de l'art. 106 al. 2 LTF, BERNARD CORBOZ, Commentaire LTF, 2 e éd. 2014, n. 33 ss ad art. 106 LTF et les nombreux arrêts cités).
1.1.1. Sur le fond, la recourante soutient que son intégration dans la corporation forestière Berra-Gibloux violerait l'autonomie dont elle jouit dans ce domaine.
En droit fribourgeois, l'autonomie communale est garantie, dans les limites du droit cantonal, par l'art. 129 al. 2 de la Constitution du canton de Fribourg du 16 mai 2004 (Cst./FR; RS/FR 10.1). L'art. 4 de la loi sur les communes du 25 septembre 1980 (LCo; RS/FR 140.1) précise que la commune exerce librement son activité dans les limites des législations cantonale et fédérale.
Le litige porte sur l'intégration de la Commune recourante dans le périmètre de la Corporation Berra-Gibloux. Cette mesure se fonde sur l'art. 51 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo; RS 921.0); cette disposition prévoit en particulier que les cantons veillent à ce que le service forestier soit organisé de façon judicieuse (al. 1). A cette fin, les cantons divisent leur territoire en arrondissements forestiers et en triages forestiers (al. 2). En application de cette disposition, la législation cantonale impose la division du territoire cantonal en arrondissements forestiers (art. 9 al. 1 de la loi cantonale sur les forêts et la protection contre les catastrophes naturelles du 2 mars 1999 [LFCN; RS/FR 921.1]); ceux-ci sont ensuite divisés en triages (art. 10 al. 1 LFCN) délimités de façon à former une unité de gestion rationnelle pour les forêts publiques qui les composent (art. 10 al. 2 LFCN).
1.1.2. Dans ce contexte, à la lumière des explications de la recourante, on ne perçoit cependant pas en quoi celle-ci disposerait d'une quelconque liberté de décision - ce qui est le propre de l'autonomie (cf. ATF 135 I 43 consid. 1.2 p. 45 s.) - en relation avec la délimitation des corporations de triage, et a fortiorien quoi cette autonomie s'en trouverait violée. En effet, sous réserve de considérations d'ordre général, la commune recourante déduit son autonomie exclusivement de l'art. 10 al. 3 LFCN, aux termes duquel la délimitation des triages et des unités de gestion est fixée d'un commun accord entre le Service (SFF) et les propriétaires de forêts publiques concernés (art. 10 al. 3 1ère phrase LFCN). En favorisant ainsi la voie conventionnelle, la loi confère certes aux communes, respectivement aux propriétaires de forêts, une certaine liberté pour mener entre eux et avec le SFF discussions et négociations en vue de délimiter le périmètre des unités de triage. A rigueur de texte, il ne s'agit toutefois pas d'un pouvoir décisionnel, lequel est réservé à la DIAF par l'art. 10 al. 3 2ème phrase LCFN, prévoyant que la direction tranche, au besoin. La recourante ne discute cependant pas cet aspect de la législation cantonale ni ne pointe d'autres dispositions susceptibles de fonder son éventuel pouvoir de décision dans le domaine concerné, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire (art. 106 al. 2 LTF). Il est à cet égard sans pertinence de se prévaloir de l'art. 11 al. 2 LCFN; cette disposition est en effet étrangère à l'objet du litige: elle porte sur l'organisation juridique de la corporation forestière, respectivement l'adoption de ses statuts et non sur la délimitation de cette unité de gestion, seule en cause (cf. également art. 10 al. 3 2ème phrase LCFN).
Partant, faute d'un grief suffisamment motivé (art. 106 al. 2 LTF) - et partant recevable - en lien avec l'autonomie communale, la recourante ne peut fonder son droit de recourir sur l'art. 89 al. 2 let. c LTF.
1.2. Il convient dès lors d'examiner si, comme le prétend la recourante à titre subsidiaire, celle-ci peut fonder sa qualité pour recourir sur l'art. 89 al. 1 LTF.
1.2.1. Selon la jurisprudence, les communes ou les collectivités publiques sont aussi légitimées à recourir, en application de l'art. 89 al. 1 LTF, si elles sont touchées dans leurs prérogatives de puissance publique et qu'elles disposent d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'acte attaqué (ATF 138 I 143 consid. 1.3.1 p. 149; ATF 138 II 506 consid. 2.1.1 p. 508). Un intérêt général à une correcte application du droit n'est cependant pas suffisant au regard de cette disposition (ATF 135 II 156 consid. 3.1 p. 158; ATF 134 II 45 consid. 2.2.1 p. 47; ATF 133 II 400 consid. 2.4.2 p. 406). Il faut que la commune soit touchée dans des intérêts centraux liés à sa puissance publique (cf. ATF 138 II 506 consid. 2.1.1 p. 509 in fine: "erhebliche Betroffenheit in wichtigen öffentlichen Interessen"; ATF 138 I 143 consid. 1.3.1 p. 149: "in qualifizierter Weise in schutzwürdigen hoheitlichen Interessen berührt"; ATF 135 II 156 consid. 3.1 p. 159; arrêt 2C_775/2011 du 3 février 2012 consid. 1.2).
Il incombe à la partie recourante d'alléguer, sous peine d'irrecevabilité, les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir, lorsqu'ils ne ressortent pas de façon évidente de la décision attaquée ou du dossier (ATF 125 I 173 consid. 1b p. 175 et l'arrêt cité; 120 Ia 227 consid. 1 p. 229; 115 Ib 505 consid. 2 in fine p. 508 et les références).
1.2.2. En l'occurrence, la recourante se plaint essentiellement des statuts de la corporation prévus par l'avant-projet qui, selon elle, auront pour conséquence de léser la liberté et l'autonomie dont elle bénéficie dans la gestion et l'organisation de ses forêts. Elle n'explique cependant pas en quoi elle serait de ce fait atteinte dans ses intérêts fondamentaux liés à sa puissance publique, alors que cette démonstration lui appartient. Or, à l'examen de la législation cantonale, la compétence des communes en matière forestière n'est à tout le moins pas flagrante: les art. 5 ss LCFN traitant des autorités et de l'organisation forestière ne confèrent en effet aucune compétence aux communes, si ce n'est de manière indirecte par le biais de leur intégration, en tant que propriétaires de forêts publiques, dans une unité de gestion (cf. art. 11 LFCN). La recourante perd en outre également de vue que ce ne sont pas les statuts de la corporation Berra-Gibloux qui sont à ce stade litigieux, mais uniquement la délimitation de cette unité de triage.
Il n'apparaît ainsi pas non plus que la recourante soit touchée dans ses intérêts centraux, de sorte que sa qualité pour recourir ne saurait pas non plus être admise sous cet angle.
1.2.3. La recourante ne prétend enfin pas que la qualité pour agir devrait lui être reconnue en application de la clause générale de l'art. 89 al. 1 LTF au motif qu'elle serait atteinte de manière analogue à un particulier (cf. ATF 140 I 90 consid. 1.2.1 p. 93; 138 II 506 consid. 2.1.1 p. 509). Or une telle analogie n'est en l'occurrence pas d'emblée évidente, de sorte qu'il n'y a pas non plus lieu d'entrer en matière pour ce motif.
1.3. En définitive, aucune des conditions permettant à une collectivité publique de recourir au Tribunal fédéral n'est en l'espèce réalisée. Le recours en matière de droit public est partant irrecevable.
2.
Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière de droit public doit être déclaré irrecevable. L'arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts de l'Etat de Fribourg, au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, II e Cour administrative, à l'Office fédéral de l'environnement et à la Corporation forestière Berra-Gibloux, La Roche FR.
Lausanne, le 5 juin 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Alvarez