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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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5A_359/2018
Arrêt du 15 juin 2018
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux von Werdt, Président, Escher et Herrmann.
Greffier : M. Braconi.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Mattia Deberti, avocat,
recourante,
contre
Etat de Genève,
représenté par le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA),
intimé.
Objet
mainlevée définitive de l'opposition,
recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal vaudois du 4 mars 2018 (KC17.024141-172061 15).
Faits :
A.
Le 10 février 2017, à la réquisition de l'Etat de Genève, représenté par le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA), l'Office des poursuites du district de U.________ a notifié à A.________, dans la poursuite n°..., un commandement de payer la somme de 96'600 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2013, indiquant comme titre de la créance ou cause de l'obligation: « Pension alimentaire due en faveur de Monsieur B.________ selon le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du Tribunal civil d'arrondissement de La Côte du 01.04.2009, dont l'appel a été rejeté par jugement du Tribunal d'arrondissement de La Côte du 18.06.2009. Période du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2014. Capital pour la période Fr. 109'200.00 moins Fr. 12'600 versés du 13.08.2013 au 02.10.2013 ». La poursuivie a formé opposition totale.
B.
B.a. Par acte du 23 mai 2017, le poursuivant a requis du Juge de paix du district de U.________ la mainlevée définitive de l'opposition; il a produit à cet effet, notamment, les pièces suivantes: une copie certifiée conforme d'un prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale rendu le 1er avril 2009 par le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte, ainsi qu'une copie certifiée conforme d'un jugement d'appel sur mesures protectrices de l'union conjugale rendu par le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte le 18 juin 2009, attesté définitif et exécutoire le 6 juillet 2009.
Invitée à se déterminer, la poursuivie a conclu au rejet de la requête; elle a produit, en particulier, une copie certifiée conforme du procès-verbal de l'audience de mesures protectrices de l'union conjugale du 23 mai 2008, indiquant que le Président du Tribunal d'arrondissement de La Côte a ratifié, pour valoir prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, une convention passée entre les parties.
Le poursuivant a répliqué; il a produit, entre autres pièces, des copies certifiées conformes d'un jugement rendu le 21 octobre 2015par le Tribunal civil de l'arrondissement La Côte et d'un arrêt de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois du 24 novembre 2016, ainsi qu'une copie d'un arrêt rendu le 27 mars 2017 par la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral.
B.b. Par prononcé du 30 août 2017, motivé ultérieurement à la requête de la poursuivie, le Juge de paix a levé définitivement l'opposition au commandement de payer.
Par arrêt du 4 mars 2018, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par la poursuivie et confirmé le prononcé entrepris.
C.
Par mémoire du 26 avril 2018, A.________ exerce un recours en matière civile; sur le fond, elle demande principalement au Tribunal fédéral de dire et constater que l'intimé ne dispose « d'aucun titre de mainlevée définitive en lien avec la poursuite n°... » et de maintenir l'opposition totale au commandement de payer, subsidiairement de renvoyer la cause à l'autorité cantonale supérieure, pour nouvelle décision.
Des observations n'ont pas été requises.
Considérant en droit :
1.
Le présent recours a été interjeté en temps utile (art. 46 al. 1 let. aet 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 134 III 115 consid. 1.1) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 80 LP; ATF 134 III 520 consid. 1.1) par le tribunal supérieur d'un canton ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). La valeur litigieuse est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF). La poursuivante, qui a succombé devant l'autorité précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Le recours en matière civile est ainsi recevable au regard des dispositions qui précèdent.
2.
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral, tel qu'il est circonscrit par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties (ATF 141 III 426 consid. 2.4); cependant, vu l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les moyens soulevés conformément aux exigences légales (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et la jurisprudence citée).
3.
La recourante se plaint de la violation de « l'article 80 al. 1 et 2 LP, en lien avec les articles 172 et suivants CC »; elle fait valoir que l'autorité précédente a considéré à tort que l'intimé était au bénéfice d'un titre de mainlevée définitive couvrant la période pour laquelle les aliments sont réclamés dans la poursuite en cause, à savoir du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2014, par référence au prononcé du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte du 1er avril 2009. En réalité cette critique porte sur la prétendue violation de l'art. 80 al. 1 LP, l'invocation d'autres normes n'étant évoquée qu'en relation avec l'interprétation à donner au titre de mainlevée.
3.1. Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Le contentieux de la mainlevée n'a pas pour but de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire, le juge de la mainlevée ne se prononçant que sur la force probante du titre produit (ATF 143 III 564 consid. 4.1; 132 III 140 consid. 4.1.1, avec les références).
Saisi d'une requête de mainlevée définitive fondée sur un jugement, le juge doit notamment vérifier si la créance en poursuite résulte de cet acte; il n'a cependant pas à se prononcer sur son existence matérielle ni sur le bien-fondé de la décision qui l'a sanctionnée (ATF 143 III 564 consid. 4.3.1 et les références). De jurisprudence constante, le juge n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est produit; si le jugement est peu clair ou incomplet, il appartient au juge du fond de le préciser ou le compléter (ATF 143 III 564 consid. 4.3.2 et les arrêts cités). Il suffit toutefois que ce qui est exigé de la partie condamnée résulte clairement des motifs. En effet, la limitation susmentionnée du pouvoir d'examen du juge de la mainlevée ne signifie pas que celui-ci doive se fonder exclusivement sur le dispositif du jugement invoqué; il peut également se référer aux considérants de ce jugement pour déterminer si ce titre justifie la mainlevée définitive; ce n'est que si le sens du dispositif est douteux et que ce doute ne peut être levé à l'examen des motifs que la mainlevée doit être refusée (ATF 143 III 564 consid. 4.3.2).
3.2. La juridiction précédente a constaté que l'intimé fonde sa requête sur un prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale rendu le 1er avril 2009 par le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte, en vertu duquel la recourante contribuera à l'entretien de son mari par le versement d'une pension mensuelle de 4'200 fr. à compter du 1er décembre 2008; un appel contre ce prononcé a été rejeté par le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte du 18 juin 2009, dont la décision est définitive et exécutoire. Il ressort de ces jugements que, lors d'une première audience du 23 mai 2008, les parties ont signé une convention, ratifiée séance tenante pour valoir prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale; selon cette convention, elles ont été autorisées à vivre séparées jusqu'au 30 avril 2009, étant précisé que cette convention était « prévue en principe jusqu'au 30 novembre 2008 », les parties faisant alors le point et se réservant le droit de demander une deuxième audience. Celle-ci a été requise le 9 décembre 2008 par le mari. Le prononcé du 1er avril 2009 indique ce qui suit: « Mis à part la contribution d'entretien qui demeure seule litigieuse, la convention est valable pour le surplus jusqu'au 31 (sic) avril 2009 ».
Certes, l'autorité précédente a souligné que la recourante s'appuie sur le prononcé du 23 mai 2008 pour soutenir que la validité des mesures protectrices de l'union conjugale était limitée au 30 avril 2009, le prononcé rendu à la suite de la seconde audience allouant à l'intimé une pension mensuelle de 4'200 fr. dès le 1er décembre 2008. Toutefois, le dispositif de l'ordonnance du 1er avril 2009 indique que la recourante versera à son époux une pension de 4'200 fr. par mois, sans aucune limite dans le temps. Les motifs de l'ordonnance sont « peu clairs », en tout cas pas suffisamment pour qu'on puisse admettre sans hésitation que la pension ne serait due que jusqu'au 30 avril 2009. Il y a donc lieu de retenir que l'intéressée n'a pas établi par pièces l'avènement de la condition résolutoire dont elle se prévaut. Enfin, la juridiction cantonale a souligné que les pièces du dossier, en particulier l'arrêt de la Cour d'appel civile du 24 novembre 2016, selon lequel il ressort des termes « mis à part pour la contribution d'entretien qui demeure litigieuse, la convention est valable pour le surplus jusqu'au 31 (sic) avril 2009 » que la contribution était due au-delà de la date butoir du 30 avril 2009, ne contredisent pas l'interprétation littérale du titre de mainlevée définitive, mais vont au contraire dans le même sens.
3.3. La recourante expose qu'il convient de déterminer si les mesures protectrices de l'union conjugale ordonnées par l'autorité de première instance ont été limitées dans le temps. Elle rappelle que la première décision judiciaire rendue au titre des mesures protectrices de l'union conjugale est " la transaction du 23 mai 2008 ", que le droit de requérir une nouvelle audience a été exercé par le mari, que cette audience a eu lieu le 16 mars 2009 et donné lieu à la seconde décision judiciaire, à savoir le prononcé du 1er avril 2009. Il faut déduire du chiffre 2 lettre a dudit prononcé, à teneur duquel « mis à part pour la contribution d'entretien qui demeure litigieuse, la convention est valable pour le surplus jusqu'au 31 (sic) avril 2009 », que les parties se sont accordées pour prolonger les mesures convenues le 23 mai 2008 (vu l'échéance initiale fixée au 30 novembre 2008) pour une nouvelle période allant jusqu'au 30 avril 2009. Le prononcé du 1er avril 2009 n'avait ainsi pour vocation que de trancher le seul point litigieux à ce stade de la procédure, à savoir si une contribution d'entretien devait être versée par la recourante à son mari pour la période comprise entre la 1er décembre 2008 et la fin des mesures protectrices de l'union conjugale. Enfin, la troisième décision prise au même titre est le jugement rendu le 18 juin 2009 à la suite de l'appel de la recourante, qui concluait à une diminution du montant de la contribution d'entretien.
La recourante retient de ces trois décisions judiciaires que les époux ont été autorisés à vivre séparés pour une période comprise entre le 22 mai 2008 et le 30 avril 2009, et non au-delà. Se référant à différents auteurs de doctrine, elle soutient que les mesures prises ne sauraient déployer des effets au-delà de la période pour laquelle les époux ont été autorisés à suspendre la vie commune. Puisque, d'une part, ceux-ci ont requis une séparation de durée déterminée, respectivement aucun d'eux n'a requis une séparation de durée indéterminée, et que, d'autre part, le juge n'a pas la compétence d'aller au-delà du 30 avril 2009, les mesures protectrices sont caduques depuis le 1er mai 2009. Comme la prétention en poursuite couvre la période allant du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2014, elle est postérieure à l'échéance de la validité de ces mesures, en sorte que c'est à tort que la juridiction précédente a assimilé le prononcé du 1er avril 2009 à un titre apte à la mainlevée définitive de l'opposition.
3.4. Cette argumentation ne peut être suivie. L'approche de l'autorité cantonale, qui se fonde sur la prémisse que le dispositif du jugement produit comme titre de mainlevée définitive ne contient pas de limitation dans le temps de la contribution d'entretien, ne prête pas le flanc à la critique. L'interprétation proposée par la recourante nécessite de procéder à un examen de la portée de la convention matrimoniale et des décisions judiciaires, qui excède la cognition du juge de la mainlevée ( cf. supra, consid. 3.1). La portée du passage des motifs du prononcé du 1er avril 2009, qui retient que, « mis à part pour la contribution d'entretien qui demeure litigieuse, la convention est valable pour le surplus jusqu'au 31 (sic) avril 2009 », n'est sans doute pas évidente à cerner. A cet égard, la recourante invite le juge de la mainlevée à comprendre ce passage dans un sens différent de celui qui a déjà été retenu par le juge civil, appelé à se prononcer sur cette même question dans l'arrêt de la Cour d'appel civile du 24 novembre 2016 - objet d'un recours rejeté par le Tribunal fédéral le 27 mars 2017 (5A_193/2017) - et dont les motifs précisent ce qui suit : « A bien lire la motivation du prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale du 1er avril 2009, il apparaît que " mis à part pour la contribution d'entretien qui demeure litigieuse, la convention est valable pour le surplus jusqu'au 31 (sic) avril 2009 ". Or, il en ressort précisément que la contribution est due au-delà de la date butoir du 30 avril 2009 et que, contrairement à ce que soutient l'intimée, la limite temporelle prévue pour la séparation ne s'impose pas à la contribution d'entretien ». La recourante ne discute pas plus avant la prise en considération, par la cour cantonale, de cette décision du juge civil, dont le juge de la mainlevée, au pouvoir d'examen restreint, ne saurait s'écarter sans autre débat. Au surplus, le poursuivant a déduit de la créance en poursuite des versements déjà opérés à concurrence de 12'600 fr., c'est-à-dire postérieurement à la prétendue expiration des effets des mesures protectrices.
4.
En définitive, le recours doit être rejeté, aux frais de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à présenter des observations en instance fédérale (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois.
Lausanne, le 15 juin 2018
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
Le Greffier : M. Braconi