BGer 2C_863/2017 |
BGer 2C_863/2017 vom 19.07.2018 |
2C_863/2017 |
Arrêt du 19 juillet 2018 |
IIe Cour de droit public |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Seiler, Président,
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Aubry Girardin et Christen, Juge suppléante.
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Greffier : M. Jeannerat.
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Participants à la procédure
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1. X.________ SA,
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2. Y.________,
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tous les deux représentés par Me Laurence Cornu, avocate,
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recourants,
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contre
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Département de la sécurité et de l'économie (DSE) de la République et canton de Genève.
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Objet
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Avertissements, amendes administratives,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 22 août 2017
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(A/906/2017-PROF).
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Faits : |
A. |
X.________ SA est une entreprise de sécurité privée dont le siège social est à Genève. Y.________ en est l'administrateur, avec signature collective à deux. Entre 2002 et 2016, le Département de la sécurité et de l'économie de la République et canton de Genève (ci-après: le Département) a prononcé diverses sanctions à l'encontre de la société et de l'administrateur précités en application du Concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (ci-après: le Concordat; RSGE I 2 14). Par ailleurs, Y.________ a, en sa qualité de responsable d'une autre entreprise de sécurité, fait l'objet de sanctions supplémentaires.
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Le 17 novembre 2016, le Service des armes, explosifs et autorisations de la police (ci-après: SAEA) a adressé au Département un rapport dont il ressortait notamment que X.________ SA n'avait communiqué qu'une partie des résultats de formation continue annuelle. La société s'est alors déterminée par courrier non daté, mais reçu par le Département le 7 décembre 2016. Elle précisait, entre autres éléments, que divers employés n'avaient pas travaillé pour elle en 2015 et avaient quitté l'entreprise le 30 novembre de la même année.
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B. Par décision du 15 février 2017, le Département a infligé à Y.________ un avertissement et, conjointement et solidairement avec le société X.________ SA, une amende de 1'500 fr. Il lui reprochait, ainsi qu'à la société, de ne pas avoir informé l'autorité compétente de la cessation d'activité de dix de ses agents et de ne pas avoir procédé à la restitution de leurs cartes de légitimation. Par acte du 14 mars 2017, les intéressés ont recouru contre cette décision devant la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Celle-ci, par arrêt du 22 août 2017, a partiellement admis le recours dans la mesure où elle a réduit le montant de l'amende à 1'000 fr., mais l'a rejeté pour le surplus.
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C. A l'encontre de l'arrêt de la Cour de justice précité, Y.________ (ci-après: le recourant 1) et X.________ SA (ci-après: la recourante 2) ont déposé, le 6 octobre 2017, un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à la réforme de l'arrêt en question, en ce sens qu'aucune sanction ne doit leur être infligée, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
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La Cour de justice a persisté dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département a conclu au rejet du recours. Dans leurs observations finales, les recourants ont confirmé les termes et conclusions de leur recours.
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Considérant en droit : |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 II 113 consid. 1 p. 116; 140 I 252 consid. 1 p. 254).
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1.1. Le présent litige concerne un avertissement ainsi qu'une amende prononcés à l'encontre d'une entreprise de sécurité privée et de son administrateur en application du Concordat. Il s'agit donc d'une cause de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF. Aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'est en outre applicable, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est ouverte.
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1.2. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Il a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), par les destinataires de l'arrêt attaqué qui ont qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il convient donc d'entrer en matière.
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2. En vertu de l'art. 95 let. e LTF, le recours peut être formé pour violation du droit intercantonal, soit de tous les accords passés entre les cantons, qu'ils revêtent ou non la forme d'un concordat (FF 2001 4133 ch. 4.1.4.2). Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est donc pas limité à l'arbitraire (arrêt 1C_303/2010 du 28 septembre 2010 consid. 2.1). En l'absence d'une juridiction supracantonale, il est en effet apparu opportun que le Tribunal fédéral puisse dégager une interprétation unique des accords intercantonaux, afin d'éviter que ceux-ci ne soient appliqués d'une manière différente d'un canton à l'autre, ce qui serait de nature à provoquer des tensions intercantonales. Ce principe était d'ailleurs déjà admis sous l'ancien droit (art. 84 al. 1 let. b aOJ; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd., 2014, no 37 ad art. 95 LTF).
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Cela étant, aux termes de l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (cf. ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41).
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3. En l'occurrence, dans l'arrêt attaqué, l'instance cantonale, à l'instar du Département, reproche aux recourants de ne pas avoir annoncé aux autorités cantonales compétentes la cessation d'activité de fait de certains de leurs agents de sécurité sous contrat. Cette absence d'annonce justifie, selon elle, de leur infliger une amende de 1'000 francs, ainsi que de prononcer un avertissement à l'encontre du recourant 1.
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3.1. Dans leur mémoire, les recourants ne remettent pas en question la faculté pour les autorités compétentes de prononcer des sanctions administratives en cas de violation de l'obligation d'annonce de cessation d'activité d'un agent de sécurité, sur la base de l'art. 11 al. 1 let. a et de l'art. 13 al. 2 et 3 du Concordat, appliqué conjointement avec le droit cantonal, en l'occurrence l'art. 4 de la loi genevoise concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 2 décembre 1999 (L-CES/GE; RSGE I 2 14.0). Ils admettent également ne pas avoir annoncé aux autorités compétentes le fait que certains agents de sécurité auxiliaires travaillant sur appel n'avaient plus reçu de missions durant une longue période en 2015 avant que leurs contrats ne soient résiliés. Ils contestent en revanche le fait que le droit intercantonal les obligerait à effectuer une telle annonce avant le terme des rapports de travail des employés en question. Ils prétendent qu'une telle obligation ne ressortirait à tout le moins pas de manière suffisamment claire et précise du Concordat.
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3.2. Le canton de Genève, comme les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura, est partie au Concordat précité, dont les buts sont de fixer des règles communes régissant l'activité des entreprises de sécurité et de leurs agents et d'assurer la validité intercantonale des autorisations accordées par les cantons (art. 2 du Concordat). Au sens de cette convention intercantonale, une entreprise de sécurité qui a son siège ou une succursale dans l'un des cantons concordataires doit ainsi obtenir, entre autres, une autorisation d'engager du personnel, laquelle est en principe délivrée par l'autorité compétente du canton où elle a son siège (art. 7 al. 1 let. a et b et 7 al. 2 du Concordat). Une telle autorisation doit être demandée pour chacun des agents de sécurité dont l'engagement est envisagé. Lorsqu'une telle autorisation est délivrée, l'agent qu'elle concerne reçoit une carte de légitimation, qui vaut autorisation d'exercer dans les cantons concordataires (cf. art. 8 à 10 et 18 du Concordat). Il est inversement prévu à l'art. 11 al. 1 let. a du Concordat que les entreprises de sécurité doivent communiquer immédiatement aux autorités cantonales compétentes la "cessation d'activité" de leurs agents de sécurité. Aux termes de l'art. 18 al. 2bis du Concordat, ces mêmes entreprises doivent en outre restituer aux autorités compétentes les cartes de légitimation de leurs agents en cas de "cessation définitive de l'activité de ceux-ci".
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Il est précisé ici qu'aux termes de l'art. 13 du Concordat, intitulé "Mesures administratives", l'autorité qui a accordé la décision doit la retirer lorsqu'elle cesse d'être utilisée ou lorsqu'il n'en est pas fait usage dans les 6 mois à compter de sa délivrance (al. 1 let. c). Elle peut du reste la retirer aussi lorsque son titulaire ou l'agent concerné contrevient aux dispositions du présent concordat, de ses directives d'application ou de la législation cantonale applicable (al. 2). Elle peut, dans de tels cas, prononcer également un avertissement, suspendre l'autorisation pour une durée de 1 à 6 mois, et/ou prononcer une amende administrative d'un montant maximum de 60'000 fr. (al. 3).
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3.3. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'exigence de précision des normes découle du principe général de la légalité, mais aussi de la sécurité du droit et de l'égalité devant la loi. L'exigence de la densité normative n'est toutefois pas absolue, car on ne saurait exiger du législateur qu'il renonce totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient en premier lieu à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit, et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manoeuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte, entre autres éléments, du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux. Une atteinte grave exige en principe une base légale formelle, claire et précise, alors que les atteintes plus légères peuvent, par le biais d'une délégation législative, figurer dans des actes de niveau inférieur à la loi, ou trouver leur fondement dans une clause générale. Le Tribunal fédéral examine librement cette question (ATF 123 I 112 consid. 7a p. 124; arrêt 2C_889/2013 du 20 octobre 2014 consid. 6.2.2 et références citées).
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En l'occurrence, la sanction contestée consiste en une amende de 1'000 fr., mais aussi en un avertissement à l'encontre de Y.________, lequel pourrait constituer un préalable à une sanction plus incisive, telle qu'une suspension provisoire ou un retrait définitif de l'autorisation d'exploiter l'entreprise X.________ SA. Le point de savoir si une telle sanction peut être qualifiée d'atteinte grave peut demeurer indécis. En effet, au regard du principe de la légalité, il faut en tous les cas, pour qu'une sanction se justifie en raison de la violation de l'obligation d'annonce lors de la "cessation de l'activité" d'un agent de sécurité, que les destinataires de cette obligation soient en mesure de déterminer, en fonction de l'ensemble des textes applicables, ce que recouvre cette expression et partant ce que l'on attend d'eux.
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3.4. En l'espèce, l'expression "cessation d'activité" telle qu'utilisée par l'art. 11 al. 1 let. a du Concordat, à l'instar d'ailleurs de celle d' " Dans le langage courant, selon la définition qu'en donne le dictionnaire, le terme "cessation" se réfère de manière très générale au fait de prendre ou de mettre fin à quelque chose (Le Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, édition 2017, p. 385). Il a en outre pour synonymes des termes divers comme ceux de "arrêt", "abandon", "fin", "interruption", "suspension" (Dictionnaire Robert des synonymes, nuances et contraires, édition 2011, p. 157). L'expression "cessation d'activité" peut donc désigner, d'un point de vue littéral, tant la fin ou l'abandon des relations de travail entre une entreprise de sécurité et un agent de sécurité qu'une interruption ou une suspension passagère des activités du second au sein de la première. On remarquera que le législateur fédéral utilise lui-même l'expression ici en cause de manière différenciée : tantôt il se réfère à l'arrêt définitif d'une activité commerciale (p. ex. art. 335e al. 2 et 958a al. 2 du Code suisse des obligations du 30 mars 1911; CO; RS 220), tantôt il désigne toute sorte d'interruptions temporaires ou permanentes d'une activité lucrative (art. 23 let. c de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct; LIFD; RS 642.11).
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Force est ici d'admettre qu'une interprétation littérale de la disposition légale en cause ne permet pas de reconnaître une précision suffisante justifiant les sanctions qui ont été prononcées à l'encontre des recourants avant d'être confirmées par les juges cantonaux.
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3.5. Le sens d'une norme ne ressort cependant pas uniquement de sa lettre, mais doit être recherché en recourant aux règles d'interprétation généralement reconnues (cf. arrêt 2C_889/2013 du 20 octobre 2014 consid. 6.2.3). En la cause, les dispositions topiques sont des règles de droit intercantonales. La jurisprudence ne s'est pas prononcée sur le point de savoir si de telles normes devaient être interprétées selon les principes de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV; RS 0.111) ou selon les règles d'interprétation prévalant en droit interne pour les lois fédérales (cf. ATF 110 Ia 123 consid. 1 p. 124 s.). La question n'a pas non plus à être tranchée ici, dès lors que tant les règles d'interprétation issues de la Convention de Vienne (art. 31 ss; cf. ATF 143 II 202 consid. 6.3.1 p. 207 s.; 141 III 495 consid. 3.5.1 p. 503) que celles fixées par la jurisprudence en matière de législation interne (cf. notamment ATF 141 II 280 consid. 6.1 p. 287 s.; 140 II 202 consid. 5.1 p. 204) permettent de parvenir au même résultat.
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3.6. Comme cela a été exposé ci-avant (supra consid. 3.2), l'art. 11 al. 1 let. a du Concordat n'est pas la seule disposition de cette convention à se référer à la notion de "cessation d'activité". Il n'en demeure pas moins qu'une interprétation systématique de cette disposition ne permet pas d'en dégager un sens clair.
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Il est vrai qu'au sens de l'art. 13 al. 1 let. c du Concordat, l'autorité compétente doit retirer les autorisations qui cessent d'être utilisées ou qui ne le sont pas dans un délai de six mois à compter de leur délivrance. Or, on voit mal comment l'autorité pourrait savoir que l'autorisation a cessé d'être utilisée et qu'elle doit être retirée s'il n'y a pas d'annonce de cessation d'activité, même temporaire. Sous cet angle de vue, il serait possible de soutenir que l'art. 11 al. 1 let. a du Concordat se réfère en réalité à n'importe quelle cessation d'activité et non seulement à une cessation définitive. Il n'en reste pas moins, comme la Cour de justice le relève elle-même dans son arrêt, que ni le Concordat ni ses directives d'application n'indiquent un nombre minimum de missions qu'un agent de sécurité devrait effectuer chaque année. Le fait est que les cantons n'ont pas expressément convenu d'une telle obligation dans la convention. S'ils ont introduit une disposition spéciale contraignant les entreprises à tenir des listes d'effectifs, ils n'ont même pas jugé utile d'obliger ces mêmes entreprises à y mentionner les engagements des différents membres de leur personnel (art. 15c du Concordat). De ce point vue, il serait donc également possible de prétendre que le Concordat exclut, de manière implicite, toute obligation d'exercer pour les agents de sécurité et qu'une telle obligation ne peut découler d'une interprétation large de la notion de "cessation d'activité" et de l'obligation d'annonce qui en découle.
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Il est aussi vrai que l'art. 18 al. 2bis du Concordat précise, sans ambiguïté, que la carte de légitimation des agents de sécurité ne doit être restituée qu'en cas de "cessation définitive de l'activité". Cette précision pourrait laisser entendre, selon un raisonnement a contrario, que la notion de "cessation de l'activité" de l'art. 11 al. 1 let. a est plus large que celle de l'art. 18 al. 2bis et qu'elle inclut donc tout type de cessation d'activité de l'agent de sécurité. La relative ouverture de l'art. 11 al. 1 let. a pourrait néanmoins s'expliquer par le fait que cette disposition ne s'applique pas qu'aux agents de sécurité, mais également aux responsables d'entreprise qui, contrairement aux agents, doivent être en tout temps en mesure de pouvoir exercer leurs responsabilités (art. 7 al. 3 du Concordat; Directive du 28 mai 2009 concernant le Concordat du 18 octobre 1996 sur les entreprises de sécurité [Directive générale] ch. 1.5.2) et doivent, de ce fait, annoncer toutes cessations de leur activité, même provisoires (voir, à titre de comparaison, la formule d'annonce de départ du responsable d'entreprise, www.ge.ch/police/a-votre-service/ entreprises-de-securite > Annonce de départ du responsable d'entreprise).
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En résumé, il n'est pas possible de déterminer clairement, sur la base du système mis en place par le Concordat, si les entreprises doivent annoncer à l'autorité compétente toute cessation d'activité, même temporaire, de leurs agents de sécurité ou s'ils doivent annoncer uniquement leur cessation définitive d'activité, laquelle correspondrait à la fin des rapports de travail seulement.
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3.7. Une interprétation historique n'amène pas à un autre résultat. Aucuns travaux préparatoires ne traitent directement de l'interprétation qu'il conviendrait de donner à la notion de "cessation d'activité", notion qui a en fait été introduite lors de la révision du concordat adoptée par la Conférence latine des Chefs de Département de justice et police (CLDJP) le 5 octobre 2012. Il n'est donc pas possible de connaître, sur cette base, la portée qu'entendaient donner les cantons à la notion de "cessation d'activité" contenue à l'art. 11 al. 1 let. a du Concordat. A toutes fins utiles, on signalera qu'avant la révision précitée, l'art. 11 du Concordat prévoyait, plus précisément, que les entreprises de sécurité devaient communiquer immédiatement aux autorités cantonales compétentes "toute modification de l'état de leur personnel" (RO 2001 2587 p. 2589) et qu'un élargissement de l'obligation d'annonce sous cet angle n'a pas été évoqué (Exposé des motifs concernant le projet de convention du 5 octobre 2012 portant révision du Concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996, p. 11, www.cldjp.ch > Police > Entreprises de sécurité).
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3.8. Enfin, comme le relève l'instance précédente, il existe assurément un intérêt public à éviter que des agents puissent être appelés à intervenir dans le cadre d'une mission en fin d'année, sans avoir, depuis de longs mois, mis en pratique leurs compétence et bénéficié d'une formation continue. Le Concordat prévoit d'ailleurs que les agents de sécurité doivent être formés et que cet état doit être maintenu par des formations régulières une fois par année (voir art. 15a du Concordat). Dans un sens comparable, il pourrait exister un intérêt à contraindre les entreprises à annoncer les agents auxquels elles n'auraient plus confié de missions depuis longtemps et qui ne disposeraient donc plus d'aucune expérience pratique récente, afin que l'autorité compétente puisse leur retirer leur autorisation et leur carte de légitimation. Une telle obligation, qui pourrait passer par une interprétation large des art. 11 al. 1 let. a et 13 al. 1 let. c du Concordat, suppose néanmoins un seuil temporel à partir duquel l'absence de missions s'assimilerait à une "cessation d'activité". Cela n'a toutefois été fait ni dans la Convention, ni dans les directives d'application de celle-ci, comme le relève la Cour de justice elle-même. La situation se distingue ici de celle des autorisations qui ne sont pas utilisées après leur délivrance initiale : la convention fixe précisément le délai dans lequel de telles autorisations doivent être utilisées dès leur délivrance - en l'occurrence six mois - sous peine d'être retirées par l'autorité compétente (cf. supra consid. 3.2).
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Dès lors qu'il n'existe aucune précision similaire s'agissant des autorisations qui ne seraient plus utilisées, après l'avoir été durant un certain laps de temps, une interprétation large de la notion de "cessation d'activité" et de l'obligation d'annonce qui en découlerait poserait de nombreux problèmes pratiques et créerait une certaine insécurité juridique. Les entreprises de sécurité se verraient confrontées à la difficulté d'évaluer le moment à partir duquel il conviendrait de retenir une cessation d'activité, notamment pour les agents de sécurité travaillant occasionnellement. Le risque serait également de les contraindre à annoncer n'importe quelles interruptions momentanées d'activité, notamment celles qui résulteraient d'une maladie ou d'une maternité, et à devoir redemander une nouvelle autorisation pour les personnes concernées à l'issue de cette indisponibilité temporaire. Une telle contrainte s'avérerait disproportionnée.
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3.9. Au vu des considérants qui précèdent, il convient de considérer que l'art. 11 al. 1 let. a du Concordat, tout comme d'ailleurs les directives d'application de cette convention, ne permet pas de déterminer précisément l'objet de l'obligation d'annonce qui incombe aux entreprises de sécurité. En l'état, cette disposition ne constitue donc pas une base légale suffisamment claire et précise pour sanctionner les entreprises de sécurité et leurs responsables qui n'auraient pas annoncé à l'autorité compétente que l'activité de l'un de leurs agents de sécurité aurait cessé dans les faits, sans pour autant que le rapport de travail n'ait formellement pris fin. L'instance cantonale a donc violé le principe de la légalité en infligeant une amende aux deux recourants, ainsi qu'un avertissement au recourant 1, en raison du fait que ceux-ci n'avaient pas annoncé la "cessation d'activité" d'agents de sécurité auxquels ils n'ont confié aucune mission en 2015.
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4. Sur le vu de ce qui précède, le recours est bien fondé et l'arrêt attaqué doit être annulé. La cause est renvoyée à la Cour de justice pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens devant elle (cf. art. 67 et 68 al. 5 LTF).
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Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Les recourants étant représentés par une avocate, des dépens leur seront alloués; ils seront mis à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est admis et l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève du 22 août 2017 est annulé.
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2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le canton de Genève versera aux recourants une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
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4. La cause est renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève, afin qu'elle statue à nouveau sur le sort des frais et dépens de la procédure devant elle.
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5. Le présent arrêt est communiqué à la mandataire des recourants, au Département de la sécurité et de l'économie (DSE) de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1 ère section.
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Lausanne, le 19 juillet 2018
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Seiler
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Le Greffier : Jeannerat
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