BGer 6B_496/2018
 
BGer 6B_496/2018 vom 06.09.2018
 
6B_496/2018
 
Arrêt du 6 septembre 2018
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffier : M. Dyens.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Laïla Batou, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière (agression),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 4 avril 2018 (ACPR/197/2018 P/13394/2016).
 
Faits :
A. Par ordonnance du 16 mars 2017, le Juge des mineurs de la République et canton de Genève a refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale déposée par A.________, agissant par sa mère et représentante légale, à l'encontre de X.________.
B. A la suite d'un arrêt du Tribunal fédéral du 22 février 2018 (6B_884/2017) qui annulait une décision d'irrecevabilité rendue par la Chambre pénale de recours de la Cours de justice genevoise, cette dernière autorité a rejeté, par arrêt du 4 avril 2018, le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de non-entrée en matière précitée.
En substance, A.________, né en 2000, s'était plaint, en date du 15 juillet 2016, d'avoir été agressé, en compagnie d'un ami, et " sans raison aucune ", par une dizaine d'individus qui avaient fondu sur eux, le 16 avril précédent, vers 22h30, dans le quartier B.________, à C.________. Il exposait avoir reçu, " sans crier gare ", deux coups de bâton, l'un sur le front, l'autre sur la nuque, de la part d'un participant qu'il se disait en mesure d'identifier. Un certificat médical faisait état d'une plaie au niveau frontal droit, ayant nécessité la pose de quatre points de suture, et de douleurs à la palpation des vertèbres cervicales.
Le participant évoqué par A.________, identifié en la personne de X.________, né en 1999, avait pour sa part évoqué une bagarre mêlant une dizaines de jeunes. Il avait notamment déclaré ne pas être l'auteur des coups de bâton, désigné un tiers comme auteur (lequel avait séjourné illégalement en Suisse et ne s'y trouvait plus lors de l'enquête) et soutenu que le prénommé était lui-même armé d'un " taser " au moment des faits.
La Chambre pénale a considéré, en bref, que l'ordonnance querellée était justifiée et devait être confirmée, en particulier dans la mesure où les investigations policières tendaient à infirmer la thèse d'une agression unilatérale à l'encontre de A.________ et de son ami, tout en mettant hors de cause X.________.
C. Contre cet arrêt, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au Tribunal des mineurs pour qu'il entre en matière sur sa plainte pénale, ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de 5000 fr. à titre de dépens pour la procédure de seconde instance cantonale et la procédure devant le Tribunal fédéral. Il sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire.
 
Considérant en droit :
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 142 IV 196 consid. 1 p. 197).
1.1. Conformément à l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). La notion d'influence du jugement pénal sur les prétentions civiles est conçue strictement. La partie plaignante ne peut pas s'opposer à une décision parce qu'elle ne facilite pas son action sur le plan civil. Il faut que la décision attaquée ait pour conséquence qu'elle rencontrera plus de difficultés à faire valoir ses prétentions civiles (6B_939/2016 du 6 juillet 2017 consid. 1.1 et les références citées; ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 188).
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même elle aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 pp. 4 s.). Si la partie plaignante invoque des infractions distinctes, elle doit mentionner par rapport à chacune d'elles en quoi consiste son dommage (cf. arrêts 6B_256/2018 du 13 août 2018 consid. 2.2; 6B_405/2018 du 7 août 2018 consid. 1.1 et les références citées).
L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (cf. arrêt 6B_405/2018 précité consid. 1.2 et les références citées).
En l'espèce, le recourant expose s'être constitué demandeur au pénal et au civil et indique chiffrer ses conclusions civiles dans son mémoire de recours, en alléguant un tort moral qu'il arrête à 5000 francs. Il se contente toutefois d'alléguer que, depuis l'agression dont il soutient avoir été victime, il est habité par un sentiment d'insécurité dans son quartier et qu'au cours des semaines qui ont suivi cet événement, il exprimait des réticences à sortir de chez lui et aurait souffert de troubles du sommeil. Il évoque en outre un événement qui l'a durablement marqué et qui a affecté son sentiment de bien-être et de sécurité dans son cadre de vie quotidien. De telles allégations, qui ne sont nullement étayées, ne suffisent pas à établir une souffrance morale susceptible de justifier une réparation par voie judiciaire. Pour le reste, le recourant n'allègue aucun dommage. On ne saurait dès lors lui reconnaître la qualité pour recourir sur le fond de la cause.
1.2. Selon l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF, le plaignant a qualité pour former un recours en matière pénale pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte. L'hypothèse envisagée par cette disposition n'entre toutefois pas en considération, dès lors que le recourant ne soulève aucun grief concernant son droit de porter plainte.
1.3. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie plaignante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5).
Selon la jurisprudence, le ministère public peut procéder à certaines vérifications avant de refuser d'entrer en matière. Il peut demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (art. 309 al. 2 CPP). Il ressort également de l'art. 309 al. 1 let. a CPP que le ministère public peut procéder à ses propres constatations (arrêts 6B_1365/2017 du 27 juin 2018 consid. 3.3; 6B_431/2013 du 18 décembre 2013 consid. 2.2; 1B_526/2012 du 24 juin 2013 consid. 2.2). Cela comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles. Il en va de même lorsque le ministère public demande à la personne mise en cause une simple prise de position (arrêts 6B_1365/2017 précité consid. 3.3).
Si le ministère public considère ensuite qu'une ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue, il n'a pas à informer les parties de son choix puisque l'art. 318 CPP n'est pas applicable dans une telle situation; le droit d'être entendu des parties sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 ss CPP). Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs - formels et matériels - auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP; arrêts 6B_1365/2017 précité consid. 3.3; 6B_539/2016 du 1er novembre 2017 consid. 2.2.1 et les références citées). Inversement, faute d'ouverture d'instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas (art. 147 al. 1 CPP a contrario; arrêts 6B_886/2017 du 26 mars 2018 consid. 2.3.1; 6B_217/2015 du 5 novembre 2015 consid. 2.2 [non publié aux ATF 141 IV 423]), et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP (SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, 3e éd. 2018, n° 3 ad art. 147 CPP).
En l'espèce, et quoi qu'en dise le recourant, il ressort du dossier que le Juge des mineurs, en tant qu'autorité de poursuite, respectivement d'instruction (cf. art. 6 al. 1 et 2 DPMin; art. 48 al. 1 de la Loi genevoise d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale [LaCP; RS/GE E 4 10]), a requis de la police un complément d'enquête en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP. Le recourant évoque ainsi à tort l'audition de deux témoins par la police en application l'art. 312 CPP et ne peut en tirer argument en sa faveur. Il découle en outre des développements qui précèdent qu'il ne pouvait, en l'état de la procédure, se prévaloir d'un droit d'interroger les personnes auditionnées, son droit d'être entendu étant suffisamment garanti par la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière. En définitive, le recourant échoue à établir que les autorités genevoises auraient, sur des points intrinsèquement distincts du fond, violé ses droits de partie au point de commettre un déni de justice formel à son égard. Ses griefs doivent à cet égard être rejetés dans la mesure de leur recevabilité.
2. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Comme les conclusions du recours étaient dépourvues de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut pas être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière, qui n'apparaît pas favorable.
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 6 septembre 2018
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
Le Greffier : Dyens