Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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5A_344/2018
Arrêt du 18 septembre 2018
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi, Herrmann, Schöbi et Bovey.
Greffière : Mme Hildbrand.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________ SA,
4. D.________ Ltd.,
5. E.________,
6. F.________,
7. G.________ et H. A.________,
8. I.________ Llc,
9. J.________ Ltd.,
10. K.________ SA,
11. L.________,
12. M.________,
13. N.________,
14. O.________,
15. P.________,
16. Q.________ et R. B.________,
17. S.________,
18. T.________,
19. U.________,
20. V.________et W.________,
21. X.________,
22. Y.________,
23. Z.________,
tous représentés par Mes Paul Gully-Hart et Clara Poglia, avocats,
recourants,
contre
A1.________ SA,
représentée par Me Lucien Feniello, avocat,
intimée.
Objet
mainlevée provisoire de l'opposition (qualité pour agir),
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 20 février 2018 (C/11274/2017; ACJC/220/2018).
Faits :
A.
A.a. La faillite de la société en commandite B1.________ a été prononcée le 1er décembre 2011.
A.b. Le 3 mai 2016, l'Office des faillites de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: l'Office) a porté à l'inventaire une créance détenue par la société faillie à l'encontre de la société A1.________ SA pour un montant de 649'262 fr. 47 dû au 31 décembre 2006.
A.c. Le 17 juin 2016, A.________, B.________, C.________ SA, D.________ Ltd, E.________, F.________, G.________ et H.A.________, I.________ Llc, J.________ Ltd, K.________ SA, L.________, M.________, N.________, O.________, P.________, Q.________ et R.B.________, S.________, T.________, U.________, V.________, W.________, X.________, C1.________, ainsi que D1.________, E1.________, F1.________ et G1.________, H1.________ Ltd, I1.________, J1.________, K1.________ et L1.________ ont obtenu de l'Office la cession des droits de la masse à l'encontre de A1.________ SA. Le document relatif à cette décision n'a pas été produit. Le délai fixé par l'Office pour agir n'est pas connu.
B.
B.a. Les avocats Paul Gully-Hart et Clara Poglia ont notamment interpellé I1.________ et L1.________ sur leur intention d'introduire des poursuites à l'encontre de A1.________ SA, précisant ce qui suit dans leur courrier: " Sans retour de votre part d'ici le vendredi 5 août prochain, nous considérerons que vous renoncez à intervenir en vue de l'exécution des droits précités. " I1.________ a indiqué qu'il ne souhaitait pas s'associer à la démarche " consistant à faire notifier un commandement de payer ". L1.________ n'a donné aucune suite à ladite interpellation.
B.b. Le 22 novembre 2016, tous les créanciers cessionnaires, à l'exception de I1.________ et de L1.________, ont fait notifier à A1.________ SA un commandement de payer, poursuite n° xx xxxxxx x, pour un montant de 649'262 fr. 74 (sic) avec intérêts à 5% à compter du 31 décembre 2006, auquel celle-ci a fait opposition.
B.c. Le 16 mai 2017, A.________, B.________, C.________ SA, D.________ Ltd, E.________, F.________, G.________ et H.A.________, I.________ Llc, J.________ Ltd, K.________ SA, L.________, M.________, N.________, O.________, P.________, Q.________ et R.B.________, S.________, T.________, U.________, V.________, W.________, X.________, C1.________ ainsi que Z.________ - qui avait également obtenu, le 11 avril 2017, la cession des droits de la masse - (ci-après: les requérants) ont requis la mainlevée provisoire de l'opposition précitée.
E1.________, F1._________ et G1.________ ont renoncé à agir en mainlevée. Lors de l'audience du 2 octobre 2017, les requérants ont produit un courrier de l'avocat de D1.________ du 1er octobre 2017 confirmant que celle-ci entendait également se joindre à la procédure de mainlevée. Ils ont par ailleurs versé à la procédure un échange de courriels intervenu entre leur conseil et celui de H1.________ Ltd, aux termes duquel le premier a indiqué au second que, faute de réception d'une procuration dans la matinée, la requête de mainlevée, déposée dans l'après-midi, ne serait pas établie au nom de cette société. A1.________ SA a, quant à elle, contesté la " légitimation active " des créanciers requérants.
B.d. Par jugement du 6 octobre 2017, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A1.________ SA au commandement de payer, poursuite n° xx xxxxxx x. Le Tribunal a notamment considéré que les parties requérantes avaient qualité pour agir, bien qu'elles ne représentassent pas tous les créanciers cessionnaires de la masse.
B.e. Statuant sur le recours formé par A1.________ SA contre ce jugement, la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice) a, par arrêt du 20 février 2018, expédié le 2 mars suivant, annulé le jugement du 6 octobre 2017 et l'a réformé en ce sens que la requête de mainlevée provisoire introduite le 16 mai 2017 est déclarée irrecevable.
C.
Par acte posté le 19 avril 2018, les requérants exercent un recours en matière civile contre l'arrêt du 20 février 2018. Ils concluent à son annulation et à sa réforme en ce sens que la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer notifié à A1.________ SA dans la poursuite n° xx xxxxxx x est prononcée à concurrence de 649'262 fr. 74 plus intérêts à 5% dès le 31 décembre 2006. Subsidiairement, ils sollicitent le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision au sens des considérants.
L'intimée conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. La Cour de justice s'est référée aux considérants de son arrêt.
Les parties ont répliqué et dupliqué.
Considérant en droit :
1.
Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 399 consid. 1.4) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 82 LP) par un tribunal supérieur statuant sur recours ( art. 75 al. 1 et 2 LTF ). La valeur litigieuse est amplement atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 134 III 267 consid. 1.1). Les poursuivants, dont la requête de mainlevée a été déclarée irrecevable par l'autorité précédente et qui ont un intérêt digne de protection à la modification de la décision attaquée, ont qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est circonscrit par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cependant, vu l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés en lien avec les conclusions formulées; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première instance, toutes les questions juridiques qui peuvent se poser, lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2). Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation de droits fondamentaux que si de tels griefs ont été invoqués et motivés par la partie recourante conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés d'une manière claire et détaillée (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2; 135 III 232 consid. 1.2).
2.2. Le grief d'application arbitraire du droit fédéral n'est pas recevable en tant que tel dans un recours en matière civile, en ce sens que, saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral examine librement l'application du droit fédéral; cette cognition ne peut pas être restreinte en limitant le contrôle de l'application des lois fédérales à l'arbitraire (ATF 134 III 379 consid. 1.2; arrêt 5A_348/2017 du 14 septembre 2017 consid. 2.1). Le dernier chapitre du recours intitulé " application arbitraire des art. 82 LP, 260 LP et 70 CPC (art. 9 Cst.) ", qui consiste en une reprise, sous l'angle restreint de l'arbitraire, des griefs déjà énoncés au titre de la violation du droit fédéral, se révèle dès lors inutile et n'a pas à être examiné.
2.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influencer le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 134 V 53 consid. 3.4). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), à savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.2.2), doit démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste cette violation (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 133 III 585 consid. 4.1).
3.
3.1. La Cour de justice a considéré que les requérants ne disposaient pas de la qualité pour agir. Dans la mesure où seuls certains créanciers cessionnaires avaient procédé, il convenait en effet d'exiger d'eux qu'ils établissent que les autres créanciers cessionnaires avaient définitivement renoncé à agir à l'encontre de la débitrice. Or, I1.________ semblait avoir laissé la question ouverte s'agissant de l'introduction d'une action par voie de procédure ordinaire. Quant à D1.________, le courrier de son conseil démontrait qu'elle entendait encore pouvoir exercer les droits de la masse. Les requérants n'avaient par ailleurs produit aucun document en vue d'établir que H1.________ Ltd, J1.________ ou K1.________, créanciers cessionnaires ayant requis la poursuite, auraient définitivement abandonné l'idée d'actionner la poursuivie. Enfin, L1.________ n'avait pas manifesté ses intentions. Le fait que les personnes précitées n'avaient vraisemblablement pas, au jour de la requête, introduit de demande en paiement à l'encontre de la poursuivie, bien que la cession des droits de la masse remontât à juin 2016, constituait certes un indice en faveur de leur renonciation à exercer les droits cédés. Les requérants n'avaient toutefois formé aucun allégué au sujet du délai d'ouverture d'action octroyé par l'administration de la faillite, d'une éventuelle prolongation de celui-ci ou des démarches effectuées en vue de la révocation de la cession des droits aux cessionnaires ayant renoncé à agir. Il ne pouvait dès lors être retenu que les requérants, qui auraient pu produire une déclaration de renonciation de la part de tous les cessionnaires, consorts nécessaires, avaient qualité pour agir. La requête de mainlevée n'était donc pas recevable.
3.2. Les recourants invoquent une violation des art. 82 et 260 LP ainsi que de l'art. 70 CPC. En substance, ils reprochent à la Cour de justice d'avoir enfreint le droit fédéral en niant leur qualité pour agir faute d'avoir démontré que les autres créanciers cessionnaires, non parties à la procédure, avaient définitivement renoncé à agir au fond à l'encontre de l'intimée.
Selon les recourants, la Cour de justice a posé des exigences allant au-delà de ce qui est requis pour admettre une exception à la consorité nécessaire, la jurisprudence ne visant que la renonciation à exercer des droits de nature procédurale et non la renonciation à la prétention au fond. Au surplus, la procédure sommaire étant applicable, il pouvait uniquement être attendu des créanciers cessionnaires agissant qu'ils établissent de manière vraisemblable que les créanciers non parties avaient renoncé à se joindre à la procédure de mainlevée provisoire, sans qu'il soit nécessaire d'exiger qu'ils démontrent la renonciation à leur prétention au fond. Or, les éléments fournis permettaient de rendre vraisemblable que les créanciers cessionnaires non parties avaient renoncé à requérir la mainlevée. I1.________ avait expressément fait savoir, sans que cela prête à confusion, qu'il renonçait à participer à la poursuite. Si M1.________ n'avait pas donné suite au courrier qui lui avait été adressé, celui-ci indiquait expressément que, sans retour de sa part, il serait considéré qu'elle renonçait à participer à la procédure d'exécution. H1.________ Ltd avait également tacitement renoncé à agir dans la mesure où cette société n'avait pas transmis la procuration sollicitée dans le délai imparti à cette fin. D1.________ avait indiqué, par courrier de son conseil du 1er octobre 2017, qu'elle entendait se joindre à la procédure de mainlevée. Le premier juge ne l'avait toutefois pas incluse dans les créanciers requérant la mainlevée de l'opposition. Dès lors qu'elle n'avait pas recouru contre le prononcé de première instance, il fallait considérer qu'elle avait renoncé à la procédure de mainlevée. E1.________, F1.________ et G1.________ avaient renoncé à agir en mainlevée conformément au courriel de leur conseil du 16 mai 2017. Quant à J1.________ et K1.________, les recourants considèrent qu'il ne leur appartenait pas d'expliquer les raisons pour lesquelles ceux-ci avaient renoncé à agir, l'élément décisif étant qu'ils n'avaient pas exprimé le souhait de participer à la procédure de mainlevée. Si ces créanciers, représentés par avocat, n'avaient pas renoncé à requérir la mainlevée, ils auraient pu et dû s'enquérir de l'état de la procédure. En tout état, le délai pour requérir la mainlevée de l'opposition était arrivé à échéance le 22 novembre 2017, et ce sans que les créanciers cessionnaires non parties aient agi de leur côté dans le délai péremptoire d'une année de validité du commandement de payer. La constatation de cette péremption du commandement de payer suffisait à elle seule à admettre la renonciation des créanciers cessionnaires non parties à agir en mainlevée.
Dans leur réplique, les recourants soutiennent qu'ils n'avaient aucune obligation d'établir que les autres créanciers cessionnaires avaient renoncé à agir en justice. L'arrêt 5P.204/2004, sur lequel s'est fondée la Cour de justice pour exiger une telle preuve, n'est pas applicable au cas d'espèce. Cet arrêt avait en effet été rendu dans une cause soumise à un examen limité à l'arbitraire, avait trait à une procédure dont le but était de trancher une procédure au fond (inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs) et non un incident du droit des poursuites, et ne concernait que 3 créanciers cessionnaires et non 29 comme en l'espèce.
Les recourants sont enfin d'avis que la cour cantonale aurait également dû tenir compte des " difficultés organisationnelles " dues aux " particularités du cas d'espèce ". Elle rappelle à cet égard que la communauté des créanciers cessionnaires est composée de 29 créanciers, pour la plupart domiciliés à l'étranger, que certains se désintéressaient de l'affaire " en omettant notamment de donner suite aux interpellations qui leur [étaient] transmises par les créanciers cessionnaires diligents ", et qu'il existait dans certains cas des conflits d'intérêts entre les créanciers impliqués, dispensant les créanciers cessionnaires agissant de leur devoir d'interpellation.
4.
4.1.
4.1.1. Selon la jurisprudence, la cession selon l'art. 260 LP n'est pas une cession au sens des art. 164 ss CO. Il s'agit d'une institution du droit de la faillite et du droit de procédure
sui generis qui peut être considérée comme une sorte de "
Prozessstandschaft ", permettant au cessionnaire d'entamer un procès en son propre nom et pour son propre compte ou de reprendre celui-ci dans les mêmes conditions, sans qu'il devienne pour autant, par la cession, le titulaire de la prétention litigieuse; ne lui est cédé que le droit d'agir à la place de la masse (ATF 140 IV 155 consid. 3.4.4 et les arrêts cités; 139 III 391 consid. 5.1).
Lorsque plusieurs créanciers se sont fait céder la même prétention de la masse, ils forment entre eux une consorité nécessaire, en ce sens que la prétention ne peut faire l'objet que d'un seul jugement. Même si les demandeurs ne doivent pas nécessairement agir ensemble, le juge ne peut se prononcer sur la demande de l'un ou de certains des cessionnaires tant qu'il n'est pas établi qu'aucun autre ne peut agir en justice (ATF 138 III 628 consid. 5.3.2; 136 III 534 consid. 2.1; 121 III 488 consid. 2c-2e). Le créancier cessionnaire a la faculté d'agir, mais n'est pas obligé d'intenter action (ATF 138 III 628 consid. 5.3.2); il n'y a ainsi consorité qu'entre les cessionnaires qui ont décidé de faire usage de la cession (arrêt 4A_77/2014 du 21 mai 2014 consid. 5.1). Cette consorité nécessaire (improprement dite) n'empêche donc pas un créancier cessionnaire de renoncer à intenter l'action ou de conclure une transaction judiciaire ou extrajudiciaire avec la partie défenderesse, pour autant que cette décision n'entrave pas les autres créanciers sociaux dans leur action (ATF 138 III 628 consid. 5.3.2; 121 III 488 consid. 2c; 102 III 29). Le Tribunal fédéral a jugé que lorsque seuls certains créanciers cessionnaires procédaient devant un tribunal, il n'était pas insoutenable d'exiger d'eux qu'ils établissent que les autres créanciers cessionnaires avaient renoncé à agir, ce qu'ils pouvaient faire par la simple production d'une déclaration de renonciation (arrêt 5P.204/2004 du 11 août 2004 consid. 5.4). La doctrine considère, quant à elle, que lorsque tous les créanciers cessionnaires n'agissent pas ensemble, ceux qui procèdent doivent apporter la preuve que soit les autres créanciers cessionnaires qui ne prennent pas part au procès ont renoncé à la cession soit que l'office leur a retiré le droit de faire valoir les droits de la masse (FRANCO LORANDI, note ad ATF 121 III 488, in PJA 1996 p. 1305-1306 ch. 2a; CHRISTOPH LEUENBERGER, Die Streitgenossenschaft der Abtretungsgläubiger nach Art. 260 SchKG, in Festschrift für Karl Spühler zum 70. Geburtstag, 2005, p. 198 et les références).
4.1.2. La faculté de faire valoir en justice, en son propre nom, le droit d'un tiers ("
Prozessstandschaft ") est une condition de recevabilité de l'action (FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2ème éd. 2016, n° 824 p. 145 [cité: HOHL, tome I]). En tant que condition de recevabilité de la demande ("
Prozessvoraussetzung "), le juge doit examiner d'office, en particulier sur la base de la formule 7F, que le droit de procéder appartient (encore) aux (seuls) créanciers qui agissent devant lui. Si tel n'est pas le cas, il ne doit pas entrer en matière sur la demande déposée par une partie seulement des créanciers cessionnaires (LORANDI, op. cit., p. 1305-1306; LEUENBERGER, op. cit., p. 198 et les arrêts cantonaux cités, not. décision du Président du Tribunal de commerce de St-Gall du 22 septembre 2003, publiée in GVP 2003 n° 93 p. 259 ss).
4.1.3. Le fait que le juge doive examiner d'office les conditions de recevabilité de la requête (cf. art. 60 CPC; STÉPHANE ABBET, in La mainlevée de l'opposition, 2017, n° 74 ad art. 84 LP) - notamment que celle-ci a été formée par l'ensemble des créanciers cessionnaires (PETER STÜCHELI, Die Rechtsöffnung, 2000, p. 71 s.) - ne dispense pas les parties du fardeau de la preuve, ni du devoir de collaborer activement à la preuve en soumettant au juge les faits et moyens de preuve pertinents. La partie demanderesse doit ainsi exposer les faits et moyens de preuve qui fondent la recevabilité de son action et la partie défenderesse ceux qui s'y opposent. Dans un litige dominé par la maxime des débats - comme le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 55 CPC, art. 255 CPC
a contrario; arrêt 5D_89/2015 du 25 janvier 2016 consid. 6.2; ABBET, op. cit., n° 103 ad art. 84 LP) -, il n'incombe pas au tribunal de rechercher lui-même les faits qui fondent la recevabilité de l'action (ATF 141 III 294 consid. 6.1; 139 III 278 consid. 4.3).
4.1.4. La procédure de mainlevée n'a un caractère sommaire au sens propre (sur cette notion: ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 et les références) qu'en ce qui concerne les objections que peut soulever le débiteur (HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd. 2010, n° 1622 p. 297). Par conséquent, s'agissant des conditions de recevabilité de la requête de mainlevée, l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) n'implique pas en soi un abaissement du degré de la preuve à la simple vraisemblance (cf. ATF 140 III 610 consid. 4.3.1; STÜCHELI, op. cit., p. 111 et la référence citée). Le degré de preuve requis est donc, à cet égard, celui de la preuve stricte (cf. ATF 140 III 610 précité; sur la notion: HOHL, tome I, n° 1868 p. 309 s. et les arrêts cités). L'administration des moyens de preuves est limitée à ceux visés à l'art. 254 CPC (cf. avant l'entrée en vigueur du CPC: STÜCHELI, op. cit., p. 111 et les références), soit en principe aux titres (art. 254 al. 1 CPC).
4.2. En l'espèce, il est établi que l'administration de la faillite de B1.________ a cédé les droits de la masse en vertu de l'art. 260 LP aux créanciers qui en avaient fait la demande. Or, ces créanciers étaient au nombre de 29, comprenant notamment les 23 recourants. Dans ces conditions, et conformément à l'arrêt de principe publié aux ATF 121 III 488, il incombait aux recourants d'alléguer et prouver, au degré de la preuve requis, qu'ils sont les seuls créanciers cessionnaires restants à pouvoir agir, peu importe qu'il s'agisse en l'occurrence non pas d'une action au fond mais d'une procédure de mainlevée provisoire (cf. AMBRE VEUILLET, in La mainlevée de l'opposition, 2017, n° 75 ad art. 82 LP et n° 32 ad art. 84 LP; PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, 1980, § 17, n° 17). Les " particularités du cas d'espèce " évoquées par les recourants n'y changent rien. C'est en outre en vain qu'ils soutiennent, dans leur réplique, qu'ils n'avaient aucune obligation d'établir que les autres créanciers avaient renoncé à agir en justice au motif que l'arrêt 5P.204/2004, dont il a été tenu compte dans la décision attaquée (cf. consid. 1.2.2), ne serait pas applicable à la présente espèce. Outre que cet argument aurait pu et dû être soulevé dans l'acte de recours (cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.3), l'arrêt considéré ne constitue qu'un simple cas d'application de la jurisprudence bien établie et le Tribunal fédéral n'a fait que constater que la décision dont il était saisi ne consacrait aucune violation arbitraire de celle-ci.
Les recourants ont en revanche raison lorsqu'ils affirment que la preuve de la renonciation à agir des autres créanciers cessionnaires ne se rapporte qu'à la procédure en cause, soit en l'occurrence une procédure de mainlevée. Comme ils le relèvent pertinemment, la jurisprudence ne parle que de renonciation à agir en justice, soit à exercer des droits de nature procédurale ("
Prozessführungsrecht "; LEUENBERGER, op. cit., p. 198 et les références). De ce point de vue, l'affirmation de la cour cantonale selon laquelle les recourants devaient apporter la preuve que les autres créanciers cessionnaires avaient
définitivement renoncé à introduire une action
au fond à l'encontre de l'intimée ne saurait être suivie. Il s'agissait donc ici d'uniquement vérifier que les créanciers cessionnaires agissant avaient prouvé que les autres créanciers cessionnaires avaient renoncé à requérir la mainlevée.
A cet égard, les recourants considèrent en substance que la Cour de justice s'est basée sur un degré de la preuve erroné, dès lors que la simple vraisemblance était suffisante s'agissant d'une procédure sommaire. Il n'apparaît toutefois pas que les juges cantonaux seraient partis d'une conception erronée du degré de la preuve en exigeant la production de documents étayant les allégations des recourants selon lesquelles les créanciers cessionnaires non parties avaient renoncé à procéder. Ce faisant, ils s'en sont tenus aux principes susmentionnés selon lesquels la simple vraisemblance ne suffit pas (cf.
supra consid. 4.1.4). Par ailleurs, contrairement à ce que semblent soutenir les recourants, ils n'ont pas limité les moyens de preuve à la seule production d'une pièce spécifique, ne faisant en définitive qu'évoquer la possibilité de produire une déclaration de renonciation de chacun des créanciers concernés.
En l'occurrence, les recourants ont, pour certains créanciers cessionnaires non parties, produit des pièces en vue d'étayer leur thèse. Sur le vu de celles-ci, on peut admettre que la preuve de la renonciation a été dûment apportée s'agissant de I1.________, qui a clairement indiqué ne pas vouloir agir par la voie de la poursuite contre l'intimée. Pour ce qui est de H1.________ Ltd et de L1.________, il apparaît en revanche douteux que les interpellations restées sans suite permettent, à elles seules, de retenir, au degré de la preuve requis, que ces créanciers ont renoncé à requérir la mainlevée. Quant à la prétendue renonciation à agir de J1.________ et K1.________, elle ne repose que sur les propres allégations des recourants. Ces derniers ne prétendent pas que les juges cantonaux auraient dû les interpeller pour qu'ils documentent leurs dires (cf. LEUENBERGER, op. cit., p. 198; LORANDI, op. cit., p. 1306), estimant au contraire qu'ils n'avaient pas à fournir de plus amples explications. En ce qui concerne enfin D1.________, la pièce produite ne permet à l'évidence pas de retenir qu'elle aurait renoncé à agir. Au regard de la jurisprudence susrappelée, les simples conjectures avancées par les recourants ne sauraient suffire à retenir le contraire. Dans ces conditions, c'est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a déclaré la requête de mainlevée irrecevable faute d'avoir été formée par l'ensemble des créanciers cessionnaires. Infondé, le moyen doit être écarté. Un tel résultat dispense la Cour de céans d'examiner encore les griefs articulés en lien avec le fond de l'affaire.
5.
En définitive, le recours est rejeté. Les recourants supporteront solidairement les frais et dépens de la procédure (art. 66 al. 1 et 5, art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
3.
Une indemnité de 10'000 fr., à verser à l'intimée à titre de dépens, est mise solidairement à la charge des recourants.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 18 septembre 2018
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
La Greffière : Hildbrand