BGer 9C_427/2018 vom 20.09.2018
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9C_427/2018
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Arrêt du 20 septembre 2018
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IIe Cour de droit social
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Composition
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Mmes et M. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente, Glanzmann et Parrino.
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Greffier : M. Berthoud.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représentée par Inclusion Handicap, Service juridique,
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recourante,
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contre
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Office cantonal AI du Valais,
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avenue de la Gare 15, 1950 Sion,
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intimé.
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Objet
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Assurance-invalidité,
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recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, du 7 mai 2018 (S1 18 70).
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Faits :
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A. A.________, née en 1993, souffre depuis sa naissance d'une galactosémie ayant entraîné des difficultés neuropsychologiques. Elle a entrepris une formation d'assistante socio-éducative puis un apprentissage d'assistante en pharmacie, qu'elle n'a pas pu mener à chef.
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Le 4 septembre 2013, A.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Le Service médical régional (SMR) a ordonné un bilan neuropsychologique complet destiné à préciser l'exigibilité médico-théorique. A la lumière du rapport de Mme B.________, psychologue, le SMR a fixé le rendement à 50 % pour un horaire de travail de 80 % à 100 % dans des activités sans travaux lourds, responsabilité ou stress, et privilégiant les tâches simples pour l'autonomie (rapport du 26 septembre 2014).
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Le 1 er avril 2014, A.________ a débuté un stage auprès du magasin C.________ à U.________ en vue d'y entreprendre un apprentissage de gestionnaire de commerce de détail durant l'été 2014. L'office AI a accepté de prendre à sa charge les frais supplémentaires de formation professionnelle initiale du 1 er juillet 2014 au 30 juin 2016, date à laquelle l'assurée a obtenu son CFC. La responsable de l'apprentissage a indiqué, notamment, que l'assurée avait un rendement diminué de 20 à 30 % (procès-verbal d'entretien du 13 septembre 2016).
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Du 19 septembre au 19 décembre 2016, elle a suivi un programme d'évaluation temporaire de l'assurance-chômage. Selon le rapport du 14 décembre 2016, elle n'est pas autonome dans la plupart des tâches en lien avec la tenue d'une boutique et a besoin de la présence d'une personne de référence, bien qu'elle possède les compétences de base pour travailler dans ce domaine.
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Afin d'évaluer le rendement de l'assurée sur le 1 er marché du travail, l'Office cantonal AI du Valais (ci-après: l'office AI) a mis en oeuvre un stage auprès du magasin D.________ à V.________, que l'assurée a suivi du 1 er mars au 31 mai 2017. La gérante a fait état de difficultés lorsque l'assurée est appelée à effectuer plusieurs tâches en même temps dans le magasin, ce qui justifierait un salaire réduit de 20 % dans le cas d'un engagement. Le tableau d'évaluation a mis en évidence une baisse de rendement de 19 % en moyenne pour une activité dans un magasin de village avec du personnel réduit (rapport final du 1 er juin 2017).
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Par décision du 5 février 2018, l'office AI a refusé à l'assurée tout droit à d'autres mesures de formation professionnelle initiale. Par décision du 6 février 2018, il a nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité (taux d'invalidité de 19 %).
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B. A.________ a déféré ces deux décisions au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour des assurances sociales, qui l'a déboutée par jugement du 7 mai 2018.
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C. A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. A titre principal, elle conclut à l'octroi d'une demi-rente d'invalidité à partir du 1 er mars 2014; à titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de la cause à l'office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
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Considérant en droit :
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1. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il fonde par ailleurs son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération.
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2. Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de l'invalidité (demi-rente et stage d'observation professionnelle).
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Les premiers juges ont exposé de manière complète les règles applicables à la solution du litige, en particulier les art. 16 al. 1 et 2 LAI, et 8 al. 1 et 16 LPGA, si bien qu'il suffit de renvoyer aux consid. 3.1 et 4.1 du jugement attaqué. Ils ont notamment rappelé que les organes d'observation professionnelle ont pour fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Dans les cas où ces appréciations (d'observation professionnelle et médicale) divergent sensiblement, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (cf. arrêt 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1 et les références, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17).
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3. La juridiction cantonale a constaté que la recourante avait obtenu un CFC de gestionnaire du commerce de détail par la voie standard, dans les délais normaux et sans avoir eu besoin d'un quelconque soutien extérieur. Elle a considéré que la baisse de rendement de l'ordre de 19 % à 30 %, observée par le maître d'apprentissage auprès du magasin C.________, puis par la gérante du magasin D.________, s'expliquait entièrement par la dimension réduite des enseignes, laquelle exigeait une polyvalence que la recourante n'était pas en mesure de gérer. Tous les intervenants avaient en revanche reconnu les compétences professionnelles de base de gestionnaire de la recourante et admis que son rendement serait meilleur dans un cadre plus structuré où les tâches sont réparties entre les employés, comme c'est le cas dans les grandes surfaces.
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Dès lors que la recourante pourrait trouver ce type d'emploi avec son CFC sans avoir besoin d'effectuer au préalable une évaluation dans un grand magasin, les juges cantonaux ont admis qu'un tel stage relevant de l'art. 16 al. 2 LAI ne constituerait pas une formation complémentaire ou nouvelle qui lui permettrait de se perfectionner ou d'acquérir d'autres compétences. De plus, il n'entraînerait vraisemblablement pas d'amélioration de la capacité de gain. C'est donc à juste titre que l'intimé avait refusé de prendre en charge une autre formation professionnelle initiale ou un perfectionnement.
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Sur le plan médico-théorique, les premiers juges ont retenu que le stage d'observation professionnelle n'avait apporté aucun élément concret supplémentaire à ceux déjà mis en évidence par les médecins traitants et le SMR, c'est-à-dire que la recourante ne pouvait pas effectuer de travaux lourds, qu'elle devait privilégier les tâches simples et éviter les travaux avec responsabilité. La mesure avait permis de déterminer que le rendement de la recourante atteignait 70 % à 80 %, voire 81 % dans le métier appris, ce taux ayant été fixé au terme du stage sur la base des éléments rapportés par le maître d'apprentissage puis par la gérante du magasin D.________ et la recourante elle-même. Comme le taux de 19 % établi à l'issue du stage, respectivement le taux maximal de 30 % estimé par le maître d'apprentissage étaient inférieurs au taux minimal de 40 % ouvrant droit à la rente, cette prestation n'était pas due.
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4. La recourante conteste la pertinence des conclusions du rapport de stage qu'elle a suivi auprès du magasin D.________ de mars à mai 2017, sur la base duquel l'intimé a fixé le rendement à 81 %, respectivement le degré d'invalidité à 19 %. A son avis, ce magasin ne peut pas être assimilé à un centre d'observation professionnelle de l'AI (COPAI), car il ne dispose d'aucun responsable spécialisé dans l'observation des assurés.
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Par ailleurs, la recourante relève qu'elle a suivi un programme d'emploi temporaire mis en oeuvre par l'assurance-chômage, du 19 septembre au 19 décembre 2016, à l'issue duquel il a paru ambitieux aux organisateurs qu'elle puisse rejoindre le 1 er marché du travail dans le domaine du commerce de détail (cf. rapport final du Centre E.________, du 14 décembre 2016). Dans ces conditions, la recourante soutient que la mise en place d'un stage dans une grande surface aurait dû être prononcée afin de déterminer de manière précise sa diminution de rendement. Ayant omis de l'ordonner, les premiers juges auraient outrepassé leurs compétences en partant du principe que son rendement se serait amélioré ou qu'il aurait été total dans une grande surface, c'est-à-dire dans un domaine mieux adapté à son état de santé.
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5. En l'occurrence, l'évaluation médico-théorique du rendement de la recourante établie par le SMR (rapport du 26 septembre 2014) diverge sensiblement du rendement effectif qui a été constaté ultérieurement aussi bien au terme de l'apprentissage de deux ans chez C.________ (cf. procès-verbal d'entretien du 13 septembre 2016) qu'à la fin du stage de trois mois chez D.________ (rapport final du 1 er juin 2017). Le Tribunal cantonal a dès lors confronté ces évaluations puis exposé les motifs qui l'ont conduit à s'en tenir aux observations effectuées lors de situations concrètes auprès de ces deux entreprises du commerce de détail (cf. consid. 4.2 p. 11-12 du jugement attaqué).
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La recourante ne démontre pas en quoi l'appréciation de l'autorité cantonale serait insoutenable dans la mesure où elle s'est fondée sur l'évaluation concrète du rendement effectuée en milieu professionnel. En particulier, elle ne conteste pas la pertinence des conclusions du maître d'apprentissage, largement corroborées ultérieurement par le stage accompli chez D.________. Les griefs que la recourante soulève à cet égard sont d'ailleurs tardifs, car elle n'avait formé aucune objection sur le principe d'une telle évaluation auprès du magasin D.________ lorsque l'office intimé lui avait accordé cette mesure à laquelle elle s'est soumise (cf. octroi de l'orientation professionnelle du 24 février 2017). Quant aux responsables du programme d'évaluation temporaire de l'assurance-chômage, ils n'ont pas chiffré concrètement le rendement de la recourante, mais ils ont exprimé des doutes quant à son autonomie ce qui a apparemment conduit l'office intimé à ordonner un stage en entreprise.
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La recourante a achevé avec succès sa formation initiale (cf. art. 16 LAI) et rien ne l'empêche de mettre son CFC et sa capacité de gain à profit en subissant au plus une perte de gain de 30 %. Elle ne soutient pas qu'elle ne pourrait pas être placée en raison de son état de santé et n'invoque aucun avis médical actuel permettant de remettre cette appréciation professionnelle en cause. De plus, elle ne demande pas non plus à pouvoir bénéficier d'une nouvelle formation professionnelle et n'indique pas en quoi le nouveau stage qu'elle souhaite effectuer dans un grand magasin, en partie à charge de l'AI, lui permettrait de se perfectionner et d'améliorer sa capacité de gain. Il est donc superflu d'ordonner un nouveau stage en milieu professionnel. Le droit à une aide au placement est réservé.
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Vu ce qui précède, le taux d'invalidité ne peut être fixé sur la seule base du rapport du SMR du 26 septembre 2014 qui retenait un rendement de 50 % pour un horaire de travail de 80 % à 100 %. En effet, cette appréciation, elle-même fondée uniquement sur l'avis d'une psychologue qui s'était exprimée avant le début de l'apprentissage, ne correspondait manifestement pas au rendement bien supérieur qui a été observé par la suite dans la pratique. Compte tenu d'une perte de gain maximale de 30 %, le seuil ouvrant droit la rente d'invalidité n'est pas atteint. Le recours est infondé.
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6. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
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1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 20 septembre 2018
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente : Pfiffner
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Le Greffier : Berthoud
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