Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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4A_642/2017
Arrêt du 12 novembre 2018
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Klett et Hohl.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Lyuska Hulliger,
recourante,
contre
1. A.________,
2. B.________,
3. M.________ Sàrl,
tous les trois représentés par Me Jean-Marc Siegrist,
intimés.
Objet
arbitrage interne, honoraires d'architecte;
recours contre la sentence arbitrale du Tribunal arbitral avec siège à Genève du 20 octobre 2017.
Faits :
A.
A.a. Après l'adoption d'un plan localisé de quartier à Chêne-Bougeries, le 10 mars 2010, pour lequel était intervenu l'architecte A.________, le propriétaire C.________ a cherché, avec celui-ci, un promoteur pour la mise en oeuvre du projet de construction sur ses parcelles.
Le 25 octobre 2010, C.________, agissant par ses architectes A.________ et B.________, a confirmé à X.________ SA, dont les ayants droit économiques sont les responsables d'entreprises de construction, ainsi qu'à N.________ SA, leur partenariat en qualité de promoteur et d'entrepreneur général. Il y était précisé que les architectes allaient établir les plans d'autorisation de construire en vue de déposer une demande de permis.
Par la suite, le 3 juillet 2012, C.________ signera une promesse de vente de ses terrains en faveur de X.________ SA.
A.b. Les 4 et 6 avril 2011, les architectes A.________ et B.________, agissant pour le compte de M.________ Sàrl (ci-après: les architectes ou les demandeurs) et X.________ SA (ci-après: le maître de l'ouvrage ou la défenderesse) ont signé un contrat d'architecte global intitulé " contrat relatif aux prestations de l'architecte ", pour la réalisation de deux immeubles de logement, commerce et parking souterrain. Les honoraires des architectes - de 2'164'403 fr. HT selon les honoraires maximaux (100%) théoriques autorisés par la norme SIA 102 - ont été réduits par contrat, à 1'320'286 fr. HT (61% des honoraires SIA), soit 1'425'909 TTC, sur la base d'un coût total de construction de 13'545'788 fr.
X.________ SA assume le rôle de maître de l'ouvrage et N.________ SA la tâche de coordination et gestion du chantier en qualité d'entrepreneur général.
Le contrat est soumis au Règlement SIA 102 (édition 2003), dans la mesure où les parties sont convenues de l'appliquer.
A.c. La demande de permis de démolir et de construire a été déposée le 8 décembre 2011 et l'autorisation pour la construction de 4 immeubles de logements avec garage souterrain a été délivrée le 17 février 2014.
Le maître de l'ouvrage a réglé les trois demandes d'acomptes des architectes d'un total de 684'300 fr. (114'000 fr. + 242'400 fr. + 327'900 fr.).
A.d. Des tensions sont apparues entre le maître de l'ouvrage et les deux architectes au printemps 2013.
Le 28 août 2014, dans le délai qui leur a été imparti (29 août 2014), les architectes ont remis au maître de l'ouvrage les plans provisoires d'exécution.
A.e. Le 10 septembre 2014, le maître de l'ouvrage a résilié avec effet immédiat le mandat des architectes conformément à l'art. 404 al. 1 CO.
Les architectes ont réclamé le paiement d'honoraires pour les plans, une indemnité pour résiliation en temps inopportun et d'autres montants qui ne sont plus litigieux à ce stade de la procédure.
A.f. Parallèlement, par acte notarié du 19 décembre 2014, la promesse de vente des terrains a été prolongée au 15 janvier 2016. Cet acte a fait l'objet d'une action des architectes contre le propriétaire et X.________ SA, devant le Tribunal de première instance de Genève, en constatation du caractère illicite d'un passage de l'acte, qu'ils jugeaient attentatoires à leur honneur; un jugement en suppression dudit passage a été rendu le 25 avril 2017.
B.
Les parties ont décidé de soumettre le litige relatif au contrat d'architecte global à un tribunal arbitral, dont elles ont choisi deux membres, ceux-ci ayant désigné un troisième arbitre. Les parties et les arbitres ont signé une convention d'arbitrage le 29 avril 2016.
Le 17 mai 2016, les architectes ont déposé leur demande, concluant au paiement du montant de 176'792 fr. 75 TTC avec intérêts à 5% l'an dès le 10 septembre 2014.
La défenderesse a conclu reconventionnellement à la condamnation des demandeurs à lui restituer, solidairement et conjointement, les montants de 57'035 fr. 30 avec intérêts à 5% l'an dès le 31 janvier 2012 et de 17'196 fr. 60 avec intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2014.
Par sentence finale du 20 octobre 2017, le tribunal arbitral a condamné la défenderesse à payer aux demandeurs le montant de 163'063 fr. 77 TTC avec intérêts à 5% l'an dès le 10 septembre 2014 et a débouté les parties de toutes autres conclusions.
C.
Contre cette sentence, la défenderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 30 novembre 2017, concluant à son annulation et au renvoi du dossier au tribunal arbitral.
Les demandeurs intimés concluent en substance au rejet du recours.
Le tribunal arbitral, dont la détermination a été transmise aux parties, a explicité son calcul des honoraires d'architectes, même si son explication n'est pas d'une lecture facile: le poste 4.41 (Appels d'offres, comparaisons des offres, propositions d'adjudication) de l'annexe 2, qui fait partie intégrante de sa sentence arbitrale, comprend la phase " plans d'appels d'offre " seule, laquelle correspond à 10% (216'440 fr. 30), et la phase appels d'offres et adjudication, laquelle correspond à 0,5% (10'822 fr. 02), ce qui est conforme à la clé de répartition de l'annexe 7 du contrat signé les 4 et 6 avril 2011 par les parties, qui indique pour Appels d'offres et planning 10,5% (219'399 fr. + 7'864 fr. = 227'263 fr.) et dont on déduit donc que la phase d'appels d'offres seule de 10% correspond à 216'440 fr. 30 / 227'263 fr. : 10,5 x 10).
La recourante s'est déterminée sur les explications du tribunal arbitral dans sa réplique, persistant dans ses critiques. Les intimés ont dupliqué.
Considérant en droit :
1.
Dans l'arbitrage interne, le recours en matière civile est recevable contre les décisions arbitrales aux conditions prévues aux art. 389 à 395 CPC (art. 77 al. 1 let. b LTF). La procédure est régie par la LTF (art. 389 al. 2 CPC), dont certaines dispositions sont toutefois déclarées inapplicables par l'art. 77 al. 2 LTF. Seuls les griefs invoqués et motivés sont examinés (art. 77 al. 3 LTF).
Dirigé contre une sentence finale (art. 392 let. a CPC), le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF).
Le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
2.
Lorsque les parties n'ont pas fait usage de la possibilité d'un
opting out prévue à l'art. 353 al. 2 CPC (ATF 140 III 267 consid. 1.1), à savoir de la possibilité d'exclure l'application des art. 353 à 395 CPC et de convenir que les dispositions des art. 176 à 194 LDIP seront applicables, seuls sont recevables les griefs limitativement énumérés à l'art. 393 CPC. Il est donc exclu de faire valoir, dans un tel recours, que la sentence viole le droit fédéral, au sens de l'art. 95 let. a LTF, qu'il s'agisse de la Constitution fédérale ou de la législation fédérale (arrêts 4A_422/2015 du 16 mars 2016 consid. 2, non publié aux ATF 142 III 284; 4A_355/2016 du 5 août 2016 consid. 2.1). La procédure est régie par la LTF, sauf disposition contraire du CPC contenue aux art. 389 à 395 (art. 389 al. 2 CPC).
Voie de droit extraordinaire, le recours en matière civile est purement cassatoire (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut - si l'on fait abstraction d'exceptions qui n'entrent ici pas en ligne de compte - l'application de l'art. 107 al. 2 LTF dans la mesure où cette disposition permet au Tribunal fédéral de statuer sur le fond de l'affaire) (arrêt 4A_134/2012 du 16 juillet 2012 consid. 1 et l'arrêt cité).
3.
Le présent recours porte sur les honoraires d'architectes pour les plans provisoires d'exécution du 28 août 2014, que le tribunal arbitral a arrêtés à 108'220 fr. 15 HT, sur l'indemnité pour résiliation en temps inopportun, que celui-ci a arrêtée à 59'521 fr. 09 HT, sur la prétention en restitution du montant de 57'035 fr., rejetée par le tribunal arbitral, et celle de 17'196 fr. 60, formellement rejetée, mais en réalité admise et portée en déduction du solde dû sur les honoraires et l'indemnité.
4.
En ce qui concerne les honoraires réclamés par les architectes dans leur demande, le tribunal arbitral a admis que les plans provisoires d'exécution du 28 août 2014 établis par les architectes étaient des plans d'appels d'offres en cours de travail et que, jusqu'à la résiliation de leur contrat, ceux-ci avaient ainsi exécuté le 50% de la phase " plans d'appels d'offres ". Dans son annexe 2, il a indiqué que cette phase représentait 10%, soit un montant de 216'440 fr. 30, et que, puisque les architectes ne l'avaient exécutée qu'à 50%, ils avaient droit à un montant de 108'220 fr. 15.
4.1. La recourante reproche au tribunal arbitral d'avoir violé les art. 393 let. e CPC sur deux points, aucune rémunération ne devant être admise au titre d'honoraires pour ces plans provisoires qu'elle qualifie d'inutilisables et de gravement lacunaires.
4.1.1. Selon l'art. 393 let. e CPC, la sentence arbitrale peut être attaquée lorsqu'elle est arbitraire dans son résultat parce qu'elle repose sur des constatations manifestement contraires aux faits résultant du dossier ou parce qu'elle constitue une violation manifeste du droit ou de l'équité. Ce motif de recours a été repris de l'art. 36 let. f aCA; la jurisprudence relative à cette ancienne disposition conserve toute sa valeur (arrêts 4A_511/2013 du 27 février 2014 consid. 2.3.2, in ASA
2014 609; 4A_395/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1, in ASA
2013 167).
Une constatation de fait est manifestement contraire aux faits résultant du dossier, et partant entraîne un résultat arbitraire, au sens de l'art. 393 let. e, 1ère hypothèse, CPC, lorsque le tribunal arbitral, à la suite d'une inadvertance, s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier, soit en perdant de vue certains passages d'une pièce déterminée ou en leur attribuant un autre contenu que celui qu'ils ont réellement, soit en admettant par erreur qu'un fait est établi par une pièce alors que celle-ci ne donne en réalité aucune indication à cet égard. L'objet de ce grief est donc restreint: il ne porte pas sur l'appréciation des preuves et les conclusions qui en sont tirées, mais uniquement sur les constatations de fait manifestement réfutées par des pièces du dossier. La façon dont le tribunal arbitral exerce son pouvoir d'appréciation ne peut pas faire l'objet d'un recours; le grief d'arbitraire est limité aux constatations de fait qui ne dépendent pas d'une appréciation, c'est-à-dire à celles qui sont inconciliables avec des pièces du dossier (ATF 131 I 45 consid. 3.6 et 3.7; arrêts 4A_599/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.1; 5A_978/2015 du 17 février 2016 consid. 3 et les arrêts cités).
4.1.2. Le tribunal arbitral s'est basé sur les plans du 28 août 2014, remis dans le délai imparti, précisant que les plans du 22 septembre 2014 ont seulement été complétés avec les informations obtenues lors de la séance du 14 août 2014.
4.1.3. Lorsqu'elle soutient que c'est en contradiction avec l'expertise produite sous pièce 45 que le tribunal arbitral a constaté au n. 68 de sa sentence que l'expertise ne mentionnait pas la date des plans examinés, dont les numéros se réfèrent pourtant, selon elle, clairement aux plans du 28 août 2014, la recourante remet en réalité en cause l'appréciation de ces plans effectuée par le tribunal arbitral lui-même, qui n'a pas ignoré que la défenderesse les considérait comme gravement lacunaires et inutilisables et qui les a pris en compte pour admettre le montant d'honoraires d'architectes de 108'220 fr. 15 HT. En effet, lorsqu'elle soutient que l'expertise qui porte sur ces mêmes plans les a considérés comme comportant de graves lacunes au point d'être inexploitables, elle invoque l'expertise privée qu'elle avait commandée et l'oppose à l'appréciation des plans par le tribunal lui-même.
Son grief est irrecevable.
4.1.4. Il en va de même lorsque la recourante invoque que les témoins entendus devant le tribunal de première instance de Genève (pièce 47) dans la procédure portant sur la constatation du caractère illicite d'un passage de l'acte notarié passé entre l'ancien propriétaire des terrains et la défenderesse, témoignages repris dans le jugement qui a suivi (pièce 48), auraient dû conduire le tribunal arbitral à admettre que lesdits plans étaient inexploitables, puisqu'à nouveau, elle remet en cause l'appréciation des preuves par le tribunal arbitral.
4.2. La recourante se plaint encore de violation de l'art. 393 let. d CPC en relation avec l'art. 29 al. 2 Cst. et de violation de l'art. 393 let. e CPC, estimant (subsidiairement) que seul un montant de 66'001 fr. pourrait être admis à ce titre.
4.2.1. Lorsqu'elle reproche au tribunal arbitral de s'être écarté des faits allégués par les deux parties et des pièces du dossier, en violation de l'art. 393 let. e CPC (" constatation manifestement contraire aux faits résultant du dossier "), la recourante ignore qu'en p. 18 ch. 2 de sa sentence, le tribunal arbitral a correctement constaté que les architectes demandeurs chiffraient leurs honoraires totaux à 1'320'286 fr. HT, d'où pour la phase de plans d'appels d'offres (10%) le montant de 132'002 fr. HT, qui exécutée, selon eux, à 80% donnait donc le montant de 105'601 fr. 60 HT. Le grief de constatation contraire au dossier est donc infondé.
4.2.2. La recourante invoque encore la violation de l'art. 393 let. d CPC.
4.2.2.1. L'art. 393 let. d CPC précise que la sentence issue d'un arbitrage interne peut être attaquée si l'égalité des parties ou leur droit d'être entendues en procédure contradictoire n'a pas été respecté. Ce motif de recours a été repris des règles régissant l'arbitrage international. En conséquence, la jurisprudence relative à l'art. 190 al. 2 let. d LDIP est, en principe, également applicable dans le domaine de l'arbitrage interne.
Tel qu'il est garanti par l'art. 182 al. 3 et l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, le droit d'être entendu en procédure contradictoire n'a en principe pas un contenu différent de celui consacré en droit constitutionnel (art. 29 al. 2 Cst.). Ainsi, il a été admis, dans le domaine de l'arbitrage, que chaque partie a le droit de s'exprimer sur les faits essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de proposer, pour autant qu'elle le fasse à temps et dans les formes prévues, ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral. Vu la nature formelle du droit d'être entendu, la violation de cette garantie entraîne l'annulation de la sentence attaquée (ATF 142 III 284 consid. 4.1 p. 288 s. et les arrêts cités).
4.2.2.2. La recourante reproche au tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendu: il se serait écarté des allégations concordantes des parties sur la rémunération totale convenue, base pour le calcul des 10% d'honoraires pour la phase de plans d'appels d'offres, aurait retenu le montant de 2'164'403 fr. HT (honoraires maximaux théoriques fixés par le règlement SIA 102) alors que les parties s'étaient mises d'accord sur une rémunération de 1'320'286 fr. HT (correspondant à 61% des honoraires relatifs aux prestations prévues dans le règlement SIA) et que dans leur demande, les demandeurs se sont eux-mêmes basés sur ce dernier montant et ont réclamé le montant de 105'601 fr. 60 HT, correspondant à l'exécution à 80% de cette phase.
Dans leur réponse au présent recours, les architectes intimés admettent qu'ils se sont trompés dans leur mémoire de demande en calculant les 10% d'honoraires relatifs à la phase d'appels d'offres sur le montant de 1'320'286 fr., mais estiment que les arbitres pouvaient corriger cette erreur au titre de l'appréciation libre de la portée juridique des faits et de l'application des règles de droit, qu'ils ont ainsi valablement calculé les honoraires sur la base du montant de 2'164'403 fr.
Dans sa réplique, la recourante soutient que les architectes ont toujours basé leur rémunération sur le montant de 1'320'286 fr. HT et que le tribunal arbitral ne pouvait s'écarter de cette volonté des parties, sans violer son droit d'être entendue et verser dans l'arbitraire; elle estime que le tribunal arbitral n'explique pas les motifs pour lesquels il s'est écarté des allégations claires des parties.
Dans leur duplique, les intimés réitèrent qu'ils se sont trompés et relèvent que le tribunal arbitral, dans ses explications, s'est contenté de dire le droit, et implicitement qu'il ne s'est pas écarté des faits.
4.2.2.3. Le tribunal arbitral a retenu que, par les plans provisoires d'exécution du 28 août 2014, les architectes n'avaient exécuté que le 50% de la phase " plans d'appels d'offres " jusqu'à la résiliation de leur mandat et que cette prestation leur donne droit à un montant de 108'220 fr. 15 HT. Son calcul se trouve dans son annexe 2: il en résulte que les honoraires d'architectes pour cette phase, de 10%, s'élèvent à 216'440 fr. 30 et que, puisque la phase n'avait été exécutée qu'à 50%, un montant de 108'220 fr. 15 HT leur est dû. Dans sa détermination sur le recours en matière civile, le tribunal arbitral a exposé comment il est parvenu au montant de 216'440 fr. 30: le poste 4.41 (Appels d'offres, comparaisons des offres, propositions d'adjudication) de l'annexe 2, qui fait partie intégrante de sa sentence arbitrale, comprend la phase " plans d'appels d'offre " seule, laquelle correspond à 10% (216'440 fr. 30), et la phase appels d'offres et adjudication, laquelle correspond à 0,5% (10'822 fr. 02), ce qui est conforme à la clé de répartition de l'annexe 7 du contrat signé les 4 et 6 avril 2011 par les parties, qui indique pour Appels d'offres et planning 10,5% (219'399 fr. + 7'864 fr. = 227'263 fr.) et dont on déduit donc que la phase d'appels d'offres seule de 10% correspond à 216'440 fr. 30 / 227'263 fr. : 10,5 x 10).
Le tribunal arbitral est bien parti des honoraires totaux convenus par les parties de 1'320'286 fr. (qui représentaient seulement 61% des honoraires théoriques SIA 102), ainsi que cela résulte clairement de l'annexe 7 du contrat; ce sont les taux prévus par la norme SIA 102 pour chacune des phases qui ont été réduits contractuellement: ainsi la phase " appels d'offres et planning " réglementaire de 18% (389'592 fr. 54) a été réduite contractuellement à 10,5% (277'263 fr.).
4.2.3. Sous couvert de violation de son droit d'être entendue, la recourante conteste en réalité et à tort, comme on vient de le voir, que le tribunal se serait écarté de la volonté des parties et n'aurait pas pris en compte les honoraires totaux convenus par elles de 1'320'286 fr., mais se serait basé sur des honoraires totaux de 2'164'403 fr.
Ensuite, en tant qu'elle reproche au tribunal arbitral de s'être écarté du montant de 132'028 fr. HT que les demandeurs avaient allégué pour la phase d'appels d'offres, elle s'en prend en réalité à la compensation, effectuée par le tribunal arbitral, entre les différents postes réclamés par les demandeurs dans les limites des conclusions prises par ceux-ci.
On ne voit pas en quoi il y aurait violation du droit d'être entendue de la recourante. Celle-ci reprend d'ailleurs ce grief sous le titre de violation de l'art. 393 let. c CPC, dont le sort sera examiné plus loin (consid. 7.2.3).
5.
Au titre d'indemnité pour résiliation en temps inopportun, le tribunal arbitral a admis que les architectes avaient droit aux 10% des honoraires de la part du mandat qui leur a été retirée, qu'il a arrêtés à 59'521 fr. 09 HT (50% du poste 4.41 plan d'appels d'offres). La recourante lui reproche d'avoir manifestement violé le droit (art. 393 let. e, 2e hypothèse, CPC), soit l'art. 1.12 du Règlement SIA 102 et l'art. 404 al. 2 CO.
5.1. L'arbitraire proscrit par l'art. 393 let. e CPC découle aussi du fait que la sentence arbitrale constitue une violation manifeste du droit. Seul le droit matériel est visé par là, à l'exclusion du droit de procédure (ATF 142 III 284 consid. 3.2; arrêt 4A_378/2014 du 24 novembre 2014 consid. 2.1). Conformément à la définition générale de l'arbitraire, une décision ne mérite ce qualificatif, s'agissant de l'application du droit, que si elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté. Il ne suffit donc pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 138 III 378 consid. 6.1 et les arrêts cités). Le choix d'une solution ne peut pas être qualifié d'arbitraire lorsque la question est controversée en doctrine (ATF 135 III 608 consid. 4.3
in fine; 126 III 438 consid. 4b in fine).
5.2. Aux termes de l'art. 1.12 du Règlement SIA 102 (2003), intitulé « Fin anticipée du contrat »:
« 1. Les suites juridiques d'une fin anticipée du contrat se fondent sur les dispositions du Code suisse des obligations.
2. En cas de résiliation par le mandant en temps inopportun, l'architecte est habilité à exiger un supplément, en plus des honoraires pour ses prestations fournies conformément au contrat. Ce supplément se monte à 10% des honoraires correspondant à la part de mandat qui lui aura été retirée, ou même plus si le préjudice prouvé est supérieur. Il y a, en particulier, résiliation par le mandant en temps inopportun lorsque l'architecte n'a fourni aucun motif fondé d'une telle résiliation et que celle-ci a porté préjudice à l'architecte compte tenu du moment et des dispositions qu'il avait prises.
3. Si la résiliation par l'architecte.... »
5.3. Puisque la résiliation du mandat est intervenue en temps inopportun, le tribunal arbitral a jugé qu'en vertu de l'art. 1.12.2 du Règlement SIA 102, les architectes ont droit à 10% des honoraires correspondant à la part du mandat qui leur a été retirée.
La recourante lui reproche une application arbitraire de l'al. 2 de cet article, parce que le tribunal arbitral n'a examiné que la condition du motif fondé de la résiliation et qu'il n'a pas été établi que les architectes auraient subi un préjudice particulier, lequel n'a même pas été allégué par les demandeurs, qui n'ont pas non plus offert de moyens de preuve à cet égard.
Les architectes intimés soutiennent qu'il y a deux éléments dans l'art. 2 al. 2: une indemnisation forfaitaire à 10% des honoraires afférents à la part du mandat qui est retirée, pour laquelle l'architecte n'a pas à démontrer de préjudice, et une indemnisation du préjudice supplémentaire, si le mandataire peut en démontrer l'existence.
5.4. La recourante, en invoquant une application arbitraire de l'art. 1.12.2 du Règlement SIA 102, n'invoque pas à strictement parler une violation manifeste du
droit, comme l'exige l'art. 393 let. e CPC. On comprend néanmoins qu'elle entend se plaindre d'une interprétation insoutenable de la clause du Règlement SIA 102, soit une critique relevant du droit si l'on admet que le tribunal arbitral a recherché le sens de cette clause selon le principe de la confiance. La question de savoir si cela est suffisant pour admettre la recevabilité du moyen peut toutefois rester ouverte puisque celui-ci est de toute façon infondé.
En effet, dès lors que l'art. 1.12.2 du Règlement SIA 102 est interprété dans le sens des architectes intimés en tout cas par une partie de la doctrine (PASCAL PICHONNAZ, Les règlements SIA 102/103/108/112 révisés et leurs nouveautés, in Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2003, p. 74; TERCIER/BIERI/CARRON, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n. 4720 et 4631, qui parlent d'une indemnisation minimum forfaitaire de 10% pour la réparation du dommage négatif sous l'empire de la norme SIA 102/103), l'application faite de cette disposition par le tribunal arbitral ne saurait être taxée d'arbitraire.
Le grief est donc infondé.
6.
En ce qui concerne la prétention en restitution du montant de 57'035 fr. 30 avec intérêts à 5% l'an dès le 31 janvier 2012, réclamée reconventionnellement par la défenderesse, le tribunal arbitral l'a rejetée. La défenderesse recourante lui reproche d'avoir violé son droit d'être entendue (art. 393 let. d CPC en relation avec l'art. 29 al. 2 Cst.) et d'avoir procédé à des constatations manifestement contraires au dossier (art. 393 let. e CPC).
6.1. Le tribunal arbitral a constaté que ce montant correspond à 4% du deuxième acompte payé aux architectes et concerne les études de détails prévues à la phase 2 de l'art. 2.1 du contrat d'architecte, montant qui correspond aux 17% dus suite au dépôt de l'autorisation de construire. Il a jugé qu'en vertu de l'art. 4.32 (Projet de l'ouvrage) de la norme SIA 102, ces études de détails restent internes au bureau d'architectes et ne sont pas remises au maître de l'ouvrage avant la phase d'exécution, avec les plans de détails, sauf demande spécifique. Il a donc rejeté la demande de restitution formée par la défenderesse.
6.2. La recourante soutient que le tribunal arbitral a violé son droit d'être entendue dès lors qu'il s'est écarté du fait que, à part le tracé des canalisations et un détail acoustique, les architectes avaient admis n'avoir pas pu faire d'études notamment en ce qui concerne les tracés réseaux ou les matériaux de construction, faute de renseignements fournis par l'entrepreneur général, que les seules études techniques remises durant la phase du projet avant autorisation ne sont pas l'oeuvre des demandeurs, mais de tiers, que les demandeurs n'ont pas rémunérés. Elle soutient que la constatation faite par le tribunal arbitral est contraire aux pièces du dossier.
Le tribunal arbitral n'a pas fourni d'explications sur ce point.
Dans leur réponse au Tribunal fédéral, les architectes intimés soutiennent que le tribunal arbitral a constaté qu'ils avaient effectué cette prestation, mais seulement partiellement en raison des manquements de l'entrepreneur général qui n'avait pas fourni les informations nécessaires à sa finalisation. La recourante s'en prévaut dans sa réplique, soutenant qu'il est arbitraire de ne pas lui allouer à tout le moins partiellement les montants réclamés pour ce poste.
6.3. En constatant que les intimés ont effectivement établi les études de détails, même si celles-ci, conformément à la norme SIA 102, n'avaient pas encore été transmises au maître de l'ouvrage, le tribunal arbitral admet implicitement que la prestation a été entièrement effectuée par les intimés. Le Tribunal arbitral retient toutefois, dans un autre passage, que l'entrepreneur général n'avait pas fait les actes préparatoires qui lui incombaient et sans lesquels les architectes ne pouvaient pas exécuter leurs obligations, ce qui implique que la prestation ici examinée (les études de détails) n'a pas été entièrement effectuée, cette dernière constatation étant par ailleurs admise par chacune des parties.
En présence de constats contradictoires, le Tribunal arbitral a choisi l'une des alternatives sans toutefois offrir la moindre motivation qui permettrait de comprendre les motifs de ce choix. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de procéder à une substitution de motifs.
Le recours doit donc être admis sur ce point et la sentence annulée en conséquence.
7.
Enfin, le tribunal arbitral a rejeté la prétention reconventionnelle de la défenderesse en restitution du montant de 17'196 fr. 60 avec intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2014, comprise dans le troisième acompte versé de 327'000 fr.
7.1. Le tribunal arbitral a considéré implicitement que la somme totale prévue par le contrat pour les phases de l'avant-projet, projet et autorisation, était de 666'203 fr. 40 TTC et que la défenderesse avait payé 683'400 fr. (recte: 684'300 fr.), soit 17'196 fr. 60 en trop. Il a toutefois considéré que ce montant n'avait pas à être restitué séparément, puisqu'il était pris en considération du fait que la somme totale des acomptes de 684'300 fr. était déduite des honoraires dus. Il ressort effectivement de la troisième ligne avant la fin de l'annexe 2 de la sentence arbitrale que le montant de 684'300 fr. a été déduit du montant des honoraires admis de 847'363 fr. 77 sur le montant des honoraires totaux convenus par contrat de 1'425'909 fr. 96 TTC (1'320'287 fr. HT).
7.2. La recourante soutient à raison que cette prétention a été admise par le tribunal arbitral. Elle soulève néanmoins trois griefs.
7.2.1. La recourante soutient uniquement que le solde finalement attribué aux demandeurs est erroné, puisque le montant de 684'300 fr. a été déduit d'honoraires théoriques de 2'164'403 fr., montant qui s'écarte des allégations concordantes des parties.
Le sort de la question des honoraires théoriques a déjà été réglé ci-dessus (cf. consid. 4.2.2.2 et 4.2.3).
7.2.2. La recourante considère que le raisonnement du tribunal arbitral qui a formellement rejeté cette prétention reconventionnelle de 17'196 fr. 60 a eu pour conséquence de la priver des intérêts dus sur ce montant depuis le 28 février 2014 et de mettre entièrement les frais et dépens de la procédure à sa charge.
Il s'agit-là plus d'une constatation que d'un grief motivé. On ne voit en effet pas quelle violation de l'art. 393 CPC la recourante invoque.
7.2.3. La recourante soutient enfin que le tribunal aurait statué
ultra petitaen violation de l'art. 393 let. c CPC puisque, premièrement, les architectes réclamaient des honoraires de 105'601 fr. 60 HT alors que le tribunal arbitral leur a alloué pour ce poste le montant de 108'220 fr. 15 HT et que, deuxièmement, ils réclamaient pour l'indemnité pour fin anticipée du contrat le montant de 58'095 fr. HT et qu'il leur a été alloué 59'521 fr. 09 HT.
Comme on l'a vu, le tribunal arbitral a opéré une compensation entre les différents postes réclamés par les demandeurs dans les limites des conclusions prises par ceux-ci, qui portent sur le montant total de 176'792 fr. 95 TTC (cf. supra consid. 4.2.3 et let. B). L'admissibilité de cette compensation découle du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) : le juge n'est lié que par le montant total réclamé dans ses conclusions par le demandeur, si bien qu'il peut allouer davantage pour un des postes réclamés par lui et moins pour un autre (cf. ATF 143 III 254 consid. 3.3; 123 III 115 consid. 6d p. 119; 119 II 396 consid. 2; arrêt 4A_684/2014 du 2 juillet 2015 consid. 3.2.1 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence publiée, le principe de disposition est un principe de procédure (ATF 116 II 86 consid. 4b; 111 II 358 consid. 1; 109 II 452 consid. 5d) et la compensation entre les différents postes ne viole pas le principe " ne ultra petita partiium " (ATF 119 II 396 consid. 2). Faute de grief, il n'y a pas lieu d'examiner ici si le principe de disposition découlerait du droit privé matériel comme le soutient une partie de la doctrine (cf. arrêt 5C.12/2007 consid. 4 et les références; STAEHELIN/STAEHELIN/GROLIMUND, Zivilprozessrecht, 2e éd. 2013, ° 10 n. 3).
Dès lors que les demandeurs ont conclu à la condamnation de la défenderesse à leur payer le montant de 176'792 fr. 95 TTC, les arbitres n'ont pas statué
ultra petitaen leur allouant 163'063 fr. 77 TTC. Les arguties de la recourante n'y changent rien.
8.
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis et la sentence attaquée annulée en ce qui concerne le montant de 57'035 fr. réclamé par la défenderesse à titre reconventionnel.
Sur un total de créances de 241'972 fr. (108'220 fr. + 59'521 fr. + 57'035 fr. + 17'196 fr.), la recourante succombe à raison de 184'937 fr., soit les 3/4 et les intimés à raison du solde, soit de 1/4. Les frais et dépens seront donc répartis dans cette proportion.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis et la sentence arbitrale attaquée est annulée en ce qui concerne le montant de 57'035 fr. réclamé par la défenderesse à titre reconventionnel et les frais et dépens.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la recourante à raison de 4'500 fr. et à la charge des intimés à raison de 1'500 fr.
3.
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité réduite de 5'250 fr.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève.
Lausanne, le 12 novembre 2018
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
Le Greffier : Piaget