Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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8C_383/2018
Arrêt du 10 décembre 2018
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard et Viscione.
Greffière : Mme Paris.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Flore Primault, avocate,
recourant,
contre
Mutuel Assurances SA, Service juridique, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (causalité naturelle),
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 17 avril 2018 (AA 127/17-33/2018).
Faits :
A.
A.________ est enseignant à l'Etat de Vaud. A ce titre, il est assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de Mutuel Assurances SA (ci-après: Mutuel). Le 3 février 2015, il a perdu l'équilibre alors qu'il se déplaçait avec des béquilles, ce qui a engendré un geste brusque et provoqué une douleur violente à l'épaule droite. Il a été en incapacité de travail dès le lendemain. Une arthro-IRM pratiquée le 12 février 2015 s'est révélée "dans les limites de la norme, sans évidence d'explication pour la symptomatologie du patient". Consulté le 5 mars 2015, le docteur B.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, a posé le diagnostic de lésion de la coiffe de l'épaule droite et du biceps. Il a préconisé du repos et des séances de physiothérapie (rapport du 9 avril 2015). Mutuel a pris en charge le cas. Durant la période du 11 mars 2015 au 26 septembre 2016 l'assuré a consulté les docteurs C.________, spécialiste en médecine générale, D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, ainsi que le chiropraticien F.________. Il a par ailleurs été soumis à une seconde arthro-IRM le 13 janvier 2016 laquelle a révélé une arthropathie dégénérative acromioclaviculaire avec hypersignal et irrégularités superficielles du tendon du supra-épineux, sans rupture transfixiante ainsi qu'un épaississement net en hypersignal T2 du ligament gléno-huméral inférieur, avec infiltration de l'intervalle des rotateurs, évoquant une capsulite rétractile surajoutée.
Par décision du 29 mars 2017, l'assureur-accidents a mis un terme à la prise en charge des soins médicaux à compter du 4 février 2017. Il a constaté que les lésions à l'épaule droite existaient déjà avant l'accident du 3 février 2015 lequel n'avait fait que révéler momentanément un état préexistant et a estimé que le statu quo pouvait être considéré comme atteint à l'expiration d'un délai de 2 ans. L'assuré a formé opposition. Après avoir demandé une appréciation à son médecin-conseil, le docteur G.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur (rapport du 28 juin 2017), Mutuel a rejeté l'opposition (décision du 30 août 2017).
B.
A.________ a déféré cette dernière décision à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois. A l'appui de son recours, il a produit des rapports médicaux établis par les docteurs C.________ et E.________et par le chiropraticien F.________ (rapports des 22, 25 et 27 septembre 2017). La juridiction cantonale a rejeté le recours par jugement du 17 avril 2018.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, au renvoi de la cause à la cour cantonale afin qu'elle ordonne toute mesure d'instruction que le Tribunal fédéral jugera utile, notamment la mise en oeuvre d'une expertise.
Mutuel conclut au rejet du recours, tandis que la juridiction précédente et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations de l'assurance-accidents au-delà du 3 février 2017, singulièrement sur l'existence d'un rapport de causalité entre l'accident et les troubles de de l'épaule droite persistant à cette date.
Les soins - dont Mutuel considère que la prise en charge ne se justifie plus au-delà du 3 février 2017 - constituent des prestations en nature de l'assurance-accidents (cf. art. 14 LPGA [RS 830.1]). Dans la mesure où le recourant ne fait valoir aucune prestation en espèces dans son recours, le litige porte uniquement sur des prestations en nature de l'assurance-accidents.
2.2. Lorsque le litige porte sur des prestations en nature de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils sont établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (ATF 140 IV 97 consid. 1.4.1 p. 100), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 233 et les références). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).
3.
3.1. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Savoir s'il existe un rapport de causalité naturelle est une question de fait, généralement d'ordre médical, qui doit être résolue en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas que l'existence d'un rapport de cause à effet soit simplement possible; elle doit pouvoir être qualifiée de probable dans le cas particulier, sans quoi le droit aux prestations fondées sur l'accident doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b p. 289 et les références). Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement "post hoc, ergo propter hoc"; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 s., consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.
3.2. Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 et la référence), entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264 et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (cf. arrêt 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).
4.
Les premiers juges ont constaté que le recourant avait développé une capsulite rétractile et qu'il avait souffert de douleurs à l'épaule droite à la suite de l'accident du 3 février 2015. Ils ont toutefois considéré que ces troubles ne pouvaient pas être mis en relation de causalité, pour le moins probable, avec l'accident. Ils se sont essentiellement fondés sur les résultats des arthro-IRM qui n'avaient pas permis de mettre en évidence de lésions structurelles consécutives à l'accident, ainsi que sur l'avis du docteur E.________, lequel avait confirmé le défaut de substrat organique à l'origine des troubles de l'assuré. La cour cantonale a par ailleurs écarté l'avis du docteur C.________ et du chiropraticien F.________, lesquels avaient admis l'existence d'un lien de cause à effet en se fondant uniquement sur un raisonnement "post hoc ergo propter hoc". Aussi, laissant ouverte la question de la valeur probante du rapport du docteur G.________, les premiers juges ont-ils considéré que l'intimée n'avait pas violé le droit fédéral en mettant un terme aux prestations d'assurance dès le 4 février 2017. Ils ont renoncé à mettre en oeuvre une expertise médicale, laquelle n'aurait pas été de nature à apporter un éclairage différent sur les éléments retenus.
5.
Invoquant une constatation erronée des faits ainsi qu'une appréciation arbitraire des preuves, le recourant reproche à la juridiction précédente d'avoir nié l'existence d'un lien de causalité entre ses troubles à l'épaule et l'accident du 3 février 2015 alors que celle-ci n'était pas contestée jusque-là. Il fait valoir qu'à l'exception du docteur G.________, tous les médecins ont admis que les douleurs ressenties à l'épaule étaient dues à l'accident et qu'elles perduraient au-delà du 3 février 2017. Ces opinions divergentes étaient, selon le recourant, de nature à faire naître un doute quant à la fiabilité de l'appréciation du médecin-conseil de l'intimée et aurait dû conduire la cour cantonale à ordonner la mise en oeuvre d'une expertise médicale.
6.
En l'espèce, dans son rapport du 27 septembre 2017, le docteur E.________ a confirmé que l'assuré avait développé des douleurs après l'accident, mais qu'aucune lésion n'avait été mise en évidence à l'imagerie. Il a précisé que le recourant avait "simplement développé plusieurs mois après l'accident une capsulite rétractile". Certes, il a conclu son rapport par ces mots: "il existeen tout cas un lien de causalité entre le traumatisme et le développement de la symptomatologie ressentie par le patient". On peut donc s'interroger sur la pertinence des conclusions apparemment contradictoires émises par ce médecin. Quant aux avis du docteur C.________ et du chiropraticien F.________, ils n'apportent pas d'éléments décisifs. En effet, le premier s'est contenté d'exprimer qu'il "pensait clairement" que les douleurs d'ordre mécanique étaient dues à l'accident (rapport du 22 septembre 2017). Quant au second, il a indiqué que les troubles étaient "à son sens de nature accidentelle" (rapport du 25 septembre 2017). Ces appréciations succinctes relèvent d'un raisonnement "post hoc ergo propter hoc" comme l'a retenu la juridiction précédente. Elles permettent uniquement de considérer l'existence d'un rapport de cause à effet comme une hypothèse possible, ce qui n'est pas suffisant (cf. consid. 3.1). Cela étant, la question de la force probante du rapport du docteur E.________, sur lequel s'est fondé la cour cantonale, peut demeurer indécise. En effet, dans son rapport du 28 juin 2017, le docteur G.________ a confirmé que l'arthro-IRM réalisée 9 jours après l'accident s'était révélée normale, plus particulièrement, qu'elle n'avait mis en évidence aucune déchirure tendineuse ou ligamentaire ni aucune séquelle de luxation ou de fracture. Ce médecin a constaté que le diagnostic de capsulite rétractile avait été posé bien à distance du traumatisme et que celle-ci avait "cédé" avant la fin 2016. Il a en outre précisé que si la capsulite rétractile était déclenchée par un traumatisme, elle se développait dans les jours voire les semaines qui suivent l'accident. Il a également souligné que l'évolution du cas avait été favorable puisque dès l'été 2016 l'assuré avait pu pratiquer à nouveau le kitesurf, activité qui ne peut être exercée, selon ce médecin "sans des amplitudes d'épaule adéquates". En conclusion, le docteur G.________ a considéré que si l'intimée avait accepté le cas "à bien plaire" une prise en charge des frais relatifs à l'accident ne se justifiait plus après une période de deux ans. Quand bien même la juridiction précédente a laissé la question ouverte de la valeur probante du rapport de ce médecin, le Tribunal fédéral considère qu'il n'y a pas de raison de s'en écarter. Le docteur G.________ s'est basé sur des données objectives, son appréciation est convaincante et rejoint, somme toute, les constatations du docteur E.________ sur la question de l'absence de substrat organique à l'origine des troubles du recourant.
Vu ce qui précède, le lien de causalité entre l'événement accidentel du 3 février 2015 et les troubles à épaule droite subsistant au-delà du 3 février 2017 doit être nié. Cette conclusion s'impose sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une instruction complémentaire sous la forme d'une expertise médicale.
7.
Le recours se révèle dès lors mal fondé et doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, au demeurant non représentée, n'a pas droit aux dépens qu'elle prétend (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 10 décembre 2018
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : Paris