Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_903/2018
Arrêt du 14 décembre 2018
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari, Oberholzer, Rüedi et Jametti.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Philippe Corpataux, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud,
2. A.________,
intimés.
Objet
Tentative de contrainte sexuelle, peine, arbitraire, droit d'être entendu,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 12 juin 2018 (236[PE15.006476-//SSM]).
Faits :
A.
Par jugement du 15 novembre 2017, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré X.________ du chef de prévention de contrainte sexuelle et l'a déclaré coupable de tentative de contrainte sexuelle. Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., peine complémentaire à celle infligée le 3 novembre 2014 par le Ministère public central du canton de Vaud, et a suspendu l'exécution de cette peine pécuniaire pendant deux ans.
B.
Par jugement du 12 juin 2018, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel de X.________ et admis l'appel joint du Ministère public vaudois. Elle a réformé le jugement attaqué en ce sens qu'elle a déclaré X.________ coupable de contrainte sexuelle et de tentative de contrainte sexuelle et qu'elle a prononcé une peine pécuniaire ferme de 180 jours-amende à 30 fr. le jour.
C.
Contre ce dernier jugement, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à son acquittement du chef de prévention de tentative de contrainte sexuelle et de contrainte sexuelle, au rejet des conclusions civiles et à l'octroi d'une indemnité selon l'art. 429 CPP. A titre subsidiaire, il sollicite que l'exécution de la peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. soit suspendue pendant deux ans. A titre plus subsidiaire, il demande l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement. En outre, il requiert l'assistance judiciaire et l'effet suspensif.
Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale, le Ministère public vaudois et l'intimée y ont renoncé.
Considérant en droit :
1.
Le recourant se plaint du fait que la cour cantonale a annulé le sursis alors que celui-ci n'était attaqué ni par l'appel ni par l'appel joint. Il dénonce la violation des art. 399 al. 4 et 391 al. 2 CPP.
1.1. En vertu de l'art. 399 CPP, la déclaration d'appel doit indiquer si le jugement est attaqué dans son ensemble ou seulement sur certaines parties. Dans ce dernier cas, l'appelant est tenu de mentionner, dans sa déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel. L'art. 399 al. 4 CPP énumère, à ses lettres a à g, les parties du jugement qui peuvent être attaquées séparément. L'appel peut ainsi notamment porter sur la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a), sur la quotité de la peine (let. b) ou sur les mesures qui ont été ordonnées (let. c).
Selon l'art. 404 al. 1 CPP, la juridiction d'appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance. Elle revoit ces points avec un plein pouvoir d'examen (art. 398 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions (sauf en matière civile; art. 391 al. 1 CPP). Elle peut revoir les points qui ne sont pas contestés, seulement si leur modification s'impose à la suite de l'admission de l'appel ou de l'appel joint (arrêts 6B_827/2017 du 25 janvier 2018 consid. 1.1; 6B_40/2013 du 2 mai 2013 consid. 2.1).
Selon la doctrine majoritaire, l'appelant ne peut pas restreindre son appel à la seule question de la mesure de la peine ou à la seule question du sursis, compte tenu du lien étroit existant entre ces deux éléments. Selon ces auteurs, si l'appelant limite son appel au sursis, la juridiction d'appel peut étendre son pouvoir d'examen à l'ensemble de la peine (SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3e éd. 2018, n° 20 ad art. 399 CPP; les mêmes, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3e éd. 2017, n° 1548 note en bas de page 283; HUG/SCHEIDEGGER, in Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd. 2014, n° 20 ad art. 399 CPP; JO PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, 2012, n° 1184, p. 795; MARLÈNE KISTLER VIANIN, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 30 ad art. 399 CPP; NIELS SÖRENSEN, Voies de recours, in Procédure pénale suisse, CEMAJ, 2010, n° 114, p. 162). Seul LUZIUS EUGSTER - auquel se réfère le recourant - soutient que la peine et le sursis peuvent être attaqués séparément (LUZIUS EUGSTER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 9 ad art. 399 CPP).
Appelé à se prononcer sur l'étendue du pouvoir d'examen de l'autorité d'appel, le Tribunal fédéral a précisé que la question de l'octroi d'un sursis ou la révocation d'un sursis précédemment accordé, en cas de récidive, était dans un rapport de connexité tel que l'appel ne pouvait en principe pas être restreint à l'un ou l'autre de ces éléments (arrêt 6B_802/2016 du 24 août 2017 consid. 3.2). Il a également admis qu'il n'y avait pas lieu de dissocier de la question de la quotité de la peine celle qui avait trait à d'éventuelles circonstances atténuantes (arrêt 6B_548/2011 du 14 mai 2012 consid. 3).
Suivant la doctrine majoritaire, il faut admettre que l'appelant ne peut pas limiter son appel à la question de la mesure de la peine (à l'exclusion du sursis) et, inversement, à la question du sursis (à l'exclusion de la mesure de la peine). Il s'ensuit que si l'appelant conteste dans son appel la mesure de la peine, la juridiction d'appel pourra étendre son pouvoir d'examen à la question du sursis. Cette solution découle de l'énoncé légal de l'art. 399 al. 4 let. b CPP qui se réfère à la quotité de la peine et, par là, à tous les aspects de la peine. Elle s'impose aussi au vu du lien étroit existant entre ces deux questions, la réponse apportée à l'une étant susceptible d'influencer le sort de l'autre.
1.2. En l'espèce, le recourant a requis dans son appel sa libération du chef de prévention de tentative de contrainte sexuelle. Dans un appel joint, le ministère public a conclu à la condamnation du recourant pour contrainte sexuelle et tentative de contrainte sexuelle à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, le montant du jour-amende étant de 30 fr., sans remettre en cause l'octroi du sursis. Dans la mesure où le ministère public s'en est pris dans son appel joint à la qualification des faits (application de l'art. 189 CP au lieu de l'art. 198 CP) et à la quotité de la peine (art. 399 al. 4 let. b CPP), la juridiction d'appel était libre d'étendre son pouvoir d'examen à l'ensemble des aspects de la peine, à savoir notamment au sursis. La cour cantonale n'a donc pas violé les art. 399 al. 4 et 404 al. 1 CPP en se prononçant également sur le sursis.
C'est en vain que le recourant dénonce une violation de l'interdiction de la reformatio in pejus. L'art. 391 al. 2 CPP interdit à la juridiction d'appel de modifier une décision au détriment du condamné lorsque l'appel a été interjeté uniquement en sa faveur. Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque le ministère public a formé un appel joint requérant l'aggravation de la peine.
Enfin, la cour cantonale n'était pas liée par les conclusions du ministère public et pouvait se prononcer sur la question du sursis, même en l'absence de toute conclusion sur ce point.
2.
Dénonçant la violation de son droit d'être entendu, le recourant se plaint de ne pas avoir été assisté par un défenseur d'office lors de la procédure précédant l'appel. En particulier, il reproche au ministère public d'avoir rejeté sa requête tendant à la désignation d'un défenseur d'office pour le motif qu'il n'avait pas renseigné à satisfaction les autorités sur sa situation financière, sans lui avoir accordé au préalable un délai pour produire la documentation nécessaire.
Le recourant n'a pas attaqué la décision du ministère public refusant la désignation d'un défenseur d'office par la voie du recours cantonal (art. 393 al. 1 let. a CPP). Il n'a pas non plus soulevé de grief à ce sujet dans son appel. Il ne peut maintenant, pour la première fois, se plaindre devant le Tribunal fédéral de ce que le ministère public a refusé de lui désigner un défenseur d'office. Un tel grief est irrecevable. A supposer recevable, ce grief serait de toute façon infondé. En effet, contrairement à ce que soutient le recourant, avant de constater que l'indigence du recourant n'avait pas été établie, le ministère public lui a adressé le 28 avril 2017 un courrier lui impartissant un délai au 3 mai 2017 pour produire la documentation nécessaire.
3.
Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas l'avoir interrogé sur les faits de la cause lors des débats d'appel.
3.1. Selon l'art. 341 al. 3 CPP, applicable à la procédure d'appel par renvoi de l'art. 405 al. 1 CPP, au début de la procédure probatoire, la direction de la procédure interroge le prévenu de façon détaillée sur sa personne, sur l'accusation et sur les résultats de la procédure préliminaire. Le fait que le prévenu a déjà été interrogé, lors de la procédure de première instance, sur l'accusation et sa personne ne rend pas son audition superflue lors de la procédure orale d'appel. D'une part, même s'il figure dans la section intitulée " procédure probatoire ", l'art. 341 al. 3 CPP ne sert pas exclusivement à des fins de preuves, mais prend également en considération la position du prévenu. Il garantit à ce dernier un droit personnel de participation à la procédure pénale conduite à son encontre, en tant que composante du droit d'être entendu, et empêche que le prévenu ne soit réduit à être l'objet de l'activité de l'Etat. D'autre part, l'interrogatoire du prévenu revêt une importance particulière s'agissant de la preuve de la culpabilité et du prononcé de la peine.
L'intensité de l'interrogatoire dépend en particulier du degré de gravité de l'acte d'accusation et de l'ensemble des preuves déjà administrées. Dans la mesure où le prévenu a déjà été interrogé sur l'accusation lors de la procédure de première instance, il n'est pas nécessaire de l'interroger de façon aussi détaillée au cours des débats d'appel. L'art. 389 CPP ne conduit pas à renoncer à l'interrogatoire du prévenu lors des débats d'appel, mais relativise néanmoins la manière et l'ampleur de l'interrogatoire, dans la mesure où celui-ci ne doit porter que sur les points contestés et où les dépositions déjà recueillies - conformes au droit de procédure - demeurent utilisables (ATF 143 IV 288 consid. 1.4.2 p. 291 s.; arrêts 6B_886/2017 du 26 mars 2018 consid. 1.3.2; 6B_422/2017 du 12 décembre 2017 consid. 4.3.2). La juridiction d'appel ne peut pas en principe renoncer à interroger le prévenu lorsque l'état de fait est contesté et fait l'objet du recours (ATF 143 IV 288 consid. 1.4.4 p. 293; arrêt 6B_422/2017 précité consid. 4.3.2).
Il est sans importance que le prévenu ait eu la possibilité de s'exprimer une dernière fois au terme des plaidoiries (cf. art. 347 al. 1 CPP). Il appartient à la direction de la procédure de donner au prévenu la possibilité de s'exprimer sur les accusations portées contre lui et de faire valoir les circonstances qui pourraient servir à sa défense et à la clarification de l'état de fait. Le fait que la défense ne demande pas l'interrogatoire du prévenu durant les débats d'appel n'y change rien, car il appartient à la juridiction d'appel de garantir d'office une administration des preuves conforme à la loi. Les parties n'ont pas à pallier, par des questions, une absence d'interrogatoire par la juridiction d'appel (ATF 143 IV 288 consid. 1.4.3 p. 292).
3.2.
3.2.1. Le recourant a été interrogé sur l'accusation et sur sa personne lors des débats de première instance (cf. jugement du 15 novembre 2017 p. 6 et 7). L'appel formé par le recourant a porté essentiellement sur l'établissement des faits, qu'il contestait. L'appel joint du ministère public avait pour objet la qualification des faits (application de l'art. 189 CP au lieu de l'art. 198 CP) et la quotité de la peine. Durant l'audience d'appel du 12 juin 2018, la cour cantonale a demandé au recourant s'il confirmait les déclarations faites durant l'enquête et devant le Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et si sa situation personnelle avait évolué (jugement attaqué p. 3).
3.2.2. De la sorte, la cour cantonale n'a pas respecté les exigences du droit fédéral. Elle n'a interrogé le recourant ni sur l'accusation ni sur les résultats de la procédure préliminaire et de la procédure de première instance, alors que les faits étaient contestés et faisaient l'objet de l'appel principal. Le fait d'avoir demandé au recourant s'il confirmait ses déclarations précédentes et avait quelque chose de nouveau à ajouter n'est pas considéré comme suffisant (cf. dans ce sens arrêt 6B_308/2018 du 23 juillet 2018 consid. 3.3). Le recourant aurait dû être interrogé sur les faits pour lesquels il avait été condamné et qu'il contestait. L'audition du recourant était d'autant plus nécessaire que la cour cantonale a aggravé sa situation. La cour cantonale aurait dû procéder d'office à un interrogatoire du recourant, de sorte que l'on ne saurait reprocher à ce dernier de ne pas s'être spontanément exprimé sur les faits de la cause. Le grief soulevé par le recourant doit donc être admis.
4.
Le recours doit être admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle conduise de nouveaux débats d'appel conformes au droit fédéral, à savoir qu'elle interroge le recourant sur l'accusation ainsi que sur les résultats de la procédure préliminaire et de la procédure de première instance, avant de rendre une nouvelle décision.
Il n'y a donc pas lieu, pour le Tribunal fédéral, d'examiner à ce stade les griefs du recourant portant sur l'arbitraire dans l'établissement des faits et sur les conditions de l'octroi du sursis.
5.
Le recourant qui obtient gain de cause ne supporte pas de frais (art. 66 al. 1 LTF) et peut prétendre à une indemnité de dépens à la charge du canton de Vaud ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ), ce qui rend sans objet la requête d'assistance judiciaire (art. 64 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le canton de Vaud versera au mandataire du recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 14 décembre 2018
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Kistler Vianin