BGer 6B_1051/2018
 
BGer 6B_1051/2018 vom 19.12.2018
 
6B_1051/2018
 
Arrêt du 19 décembre 2018
 
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
1. X.________,
2. Y.________ Ltd,
toutes les deux représentées par
Maîtres Jean-Louis Collart et Sylvain Savolainen, avocats,
recourantes,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
2. A.__ ______,
3. B.__ ______,
tous les deux représentés par Me Gabriele Banfi, avocat,
4. C._ _______, représenté par Maîtres Bernhard Lötscher et Philippe Grumbach, avocats,
intimés.
Objet
Décision de non-entrée en matière (faux témoignage, faux dans les titres, escroquerie),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale
de recours, du 14 septembre 2018 (P/4725/2018 ACPR/516/2018).
 
Faits :
A. Le 25 octobre 2013, X.________ et Y.________ Ltd ont déposé une plainte pénale pour abus de confiance et escroquerie contre D.________, administrateur de la banque E.________. Elles expliquaient qu'elles étaient les trustees de F.________ et qu'elles avaient ouvert un compte au nom de celui-ci auprès de la banque E.________. Elles dénonçaient notamment deux transferts qu'elles n'avaient pas autorisés, à savoir un transfert de 800'000 EUR en date du 17 février 2011 et un transfert de 400'000 EUR le 17 juin 2011. A la suite de cette plainte et d'une autre plainte de C.________, une procédure pénale (P/930/2013) a été ouverte à l'encontre de D.________.
Le 5 mars 2018, X.________ et Y.________, en qualité de trustees du F.________, ont déposé une plainte pénale complémentaire contre A.________, B.________ et C.________, pour faux témoignage, faux dans les titres et escroquerie. Elles accusaient ces derniers d'avoir participé - dans une mesure à déterminer - aux détournements commis par D.________. Elles leur reprochaient également d'avoir produit, pour dissimuler leur enrichissement illégitime, un faux contrat de vente, daté de 2010, à teneur duquel A.________ et B.________ cédaient à C.________, pour 1'200'000 EUR, un tableau du peintre G.________. Enfin, selon X.________ et Y.________, A.________ et B.________ avaient commis un faux témoignage en déposant devant le Ministère public genevois le 8 septembre 2017 dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre D.________.
B. Par ordonnance du 22 mars 2018, le Ministère public du canton de Genève a refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale complémentaire déposée par X.________ et Y.________ à l'encontre de A.________, B.________ et C.________, pour faux témoignage, faux dans les titres et escroquerie.
C. Par arrêt du 14 septembre 2018, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par X.________ et Y.________ contre l'ordonnance de non-entrée en matière.
D. Contre cet arrêt cantonal, X.________ et Y.________ déposent un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Elles concluent, principalement, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public genevois d'ouvrir une instruction, dans le cadre de la procédure P/930/2013, sur les faits et les personnes dénoncés dans leur plainte complémentaire. A titre subsidiaire, elles demandent l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. A titre plus subsidiaire, elles requièrent qu'il soit ordonné que la procédure P/4725/2018 portant sur les faits dénoncés dans leur plainte pénale soit jointe à la procédure pénale P/930/2013 pour instruction.
 
Considérant en droit :
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 142 IV 196 consid. 1 p. 197).
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. On entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). Conformément à l'art. 42 al. 1 LTF, la partie plaignante doit indiquer les prétentions civiles qu'elle entend faire valoir et exposer en quoi la décision attaquée pourrait avoir une incidence négative sur le jugement de celles-ci. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, il n'est toutefois pas nécessaire qu'elle ait déjà pris des conclusions civiles. Il suffit qu'elle explique dans son mémoire quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé, à moins que, compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée, l'on puisse déduire directement et sans ambiguïté quelles prétentions civiles pourraient être élevées et en quoi la décision attaquée pourrait influencer négativement leur jugement (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 s.).
1.2. La plainte pénale complémentaire des recourantes porte, d'abord, sur la commission d'une escroquerie et d'un faux dans les titres.
1.2.1. L'art. 146 CP vise à protéger les intérêts pécuniaires du lésé (ATF 129 IV 53 consid. 3.2 p. 57 s. et les références citées; arrêt 6B_549/2013 du 24 février 2014 consid. 2.2.1). Le bien juridiquement protégé par l'art. 251 CP est, d'une part, la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales (ATF 142 IV 119 consid. 2.2 p. 121; 129 IV 53 consid. 3.2 p. 58). Le faux dans les titres peut également porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier lorsqu'il vise à nuire à un particulier (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3 p. 159; 119 Ia 342 consid. 2b p. 346 s. et les références citées). Il est ainsi admis que lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint a alors la qualité de lésé (ATF 119 Ia 342 consid. 2b p. 346 s.; arrêts 6B_1128/2017 du 23 mai 2018 consid. 1.4.1; 6B_96/2017 du 16 octobre 2017 consid. 2; 6B_1315/2015 du 9 août 2016 consid. 1.2.2).
1.2.2. En l'espèce, les infractions alléguées d'escroquerie et de faux dans les titres portent sur des biens rattachés à un trust. Selon une définition courante, le trust vise un rapport juridique dans lequel le constituant (le " settlor ") confie des biens patrimoniaux au " trustee ", afin que ce dernier les gère dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé, selon les termes de l'acte de trust. Les biens du trust sont réputés être la propriété du trustee, quand bien même ils constituent une masse distincte et ne font pas partie de sa fortune personnelle (ANDREW M. GARBARSKI, Le lésé et la partie plaignante dans la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, in SJ 2017 II 125, p. 128 s.; arrêts 1B_21/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.2; 5A_436/2011 du 12 avril 2012 consid. 9.3.1, publié in PJA 2013 p. 1695; ATF 143 II 350 consid. 4.1 et 4.2 p. 356 s.). Le trust est dénué de la personnalité juridique et, partant, n'a pas la qualité pour ester en justice. Le Tribunal fédéral a déjà reconnu que le trustee, propriétaire des biens mis en trust et, partant, titulaire du compte bancaire, était légitimé pour recourir contre le séquestre des avoirs déposés (arrêt 1B_21/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.2). Le trustee doit aussi être considéré comme lésé aux termes de l'art. 115 CPP, en cas d'infractions portant sur les biens qui lui ont été confiés en trust (cf. GARBARSKI, op. cit.). Les recourantes, en qualité de trustees du compte de F.________, doivent donc être considérées comme lésées par les infractions dénoncées d'escroquerie et de faux dans les titres commises à l'encontre de F.________.
1.2.3. Les recourantes ont indiqué, dans leur mémoire, les prétentions civiles qu'elles entendaient faire valoir à l'encontre des intimés. Elles exposent avoir subi un dommage de 1'200'000 EUR, correspondant au montant transféré illicitement du compte de F.________, plus intérêts moratoires et frais d'avocats. Bien qu'elles ne distinguent pas expressément les infractions dénoncées (cf. arrêt 6B_496/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.1 et arrêts cités), l'on comprend du mémoire de recours qu'elles se plaignent d'une escroquerie dont la tromperie reposerait notamment sur des documents qu'elles qualifient de faux. Les conditions posées à l'art. 81 al. 1 LTF sont réalisées, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours s'agissant des infractions d'escroquerie et de faux dans les titres.
1.3. La plainte pénale complémentaire des recourantes porte également sur la commission d'un faux témoignage.
1.3.1. L'art. 307 al. 1 CP punit celui qui, étant témoin, expert, traducteur ou interprète en justice, aura fait une déposition sur les faits de la cause, fourni un constat ou un rapport faux, ou fait une traduction fausse. Il protège en première ligne l'administration de la justice dans sa recherche de la vérité (cf. BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n° 3 ad art. 307 CP). Les intérêts privés ne sont défendus que de manière secondaire (arrêt 6B_243/2015 du 12 juin 2015 consid. 2.1). Les particuliers ne seront donc considérés comme des lésés que si leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par le faux témoignage, ce qu'ils doivent exposer (ATF 123 IV 184 consid. 1c p. 188; arrêt 6B_1004/2014 du 30 juin 2015 consid. 1.2 et les références citées).
1.3.2. En l'espèce, les intimés ont été entendus le 8 septembre 2017 en qualité de témoins dans la procédure dirigée contre D.________ (procédure P/930/2013). Le 30 octobre 2017, leur conseil a adressé un courrier au ministère public dans lequel il rectifiait les déclarations de ses clients. Il expliquait que B.________ s'était trompé sur le prix de vente du tableau, qui était en fait de EUR 2'300'000, et que ce prix avait été payé en quatre tranches (cf. mémoire de recours p. 17). Dans la mesure où les déclarations litigieuses ont été rectifiées par le conseil des intimés, elles n'ont pas eu d'influence sur la poursuite pénale dirigée contre D.________ et, partant, sur d'éventuelles prétentions civiles à son égard ou envers d'autres participants. Les recourantes semblent du reste admettre que les fausses déclarations n'ont pas d'effet direct sur leurs prétentions civiles, mais considèrent que la garantie de leurs droits procéduraux a été directement touchée (mémoire de recours, p. 6 et 7). Elles n'expliquent toutefois pas concrètement en quoi consisterait leur dommage ni sous quel angle leurs droits procéduraux auraient été affectés. Dans ces conditions, la qualité pour recourir doit être déniée aux recourantes s'agissant de l'infraction de faux témoignage.
2. Les recourantes contestent que les conditions d'une non-entrée en matière au sens de l'art. 310 al. 1 let. a CPP soient réunies en l'espèce.
2.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage " in dubio pro duriore " (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies.
Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).
2.2. Les recourantes font grief à la cour cantonale d'avoir confirmé l'ordonnance de non-entrée en matière s'agissant de l'infraction d'escroquerie.
2.2.1. En l'espèce, les intimés A.________, née en 1947, et B.________, né en 1937, ont reçu, sur un compte " G.________ " dont ils étaient les titulaires et ayants droit économiques auprès de la banque H.________, à I.________, quatre versements: 800'000 EUR le 17 février 2011 en provenance du compte de F.________; 400'000 EUR le 17 juin 2011 en provenance du compte de F.________; 600'000 le 22 décembre 2011 en provenance du compte de J.________; 500'000 EUR le 23 mars 2012 en provenance du compte de J.________.
Après avoir constaté que D.________ n'avait jamais mis en cause les intimés, la cour cantonale a expliqué que les quatre versements correspondaient à une partie du prix d'un tableau de G.________ que A.________ et B.________ avaient vendu à C.________. L'intimé, C.________, acquéreur du tableau, avait un compte auprès de la banque E.________ et il avait donné l'ordre à D.________ de payer le tableau à A.________ et B.________. Comme D.________, poursuivi pour avoir commis des détournements au sein de la banque, avait détourné les avoirs de C.________, il avait débité le compte des recourantes pour payer les vendeurs. Le prix de 2'300'000 EUR et les transferts opérés au détriment de F.________ étaient conformes au contrat de vente produit par les intimés.
Selon la cour cantonale, il n'existe à l'heure actuelle pas d'élément qui permettrait de fonder un soupçon suffisant de commission d'escroquerie de la part des intimés. Au vu des faits constatés, la cour cantonale a estimé qu'il n'y avait pas d'infraction. Elle a toutefois ajouté que si les investigations, qui continuaient dans la procédure P/930/2013 dirigée contre D.________ amenaient une autre image de la réalité, l'instruction pourrait être étendue à tout participant nouvellement mis au jour (art. 311 al. 2 CPP) ou la présente cause pourrait être réouverte (art. 323 al. 1 CPP; ATF 141 IV 194).
2.2.2. Les recourantes avancent un certain nombre d'éléments qui, selon elles, justifieraient des soupçons de commission d'escroquerie.
Pour les recourantes, les factures censées justifier l'achat du tableau désignent une autre oeuvre et un autre artiste que le tableau acquis par C.________ et mettraient en cause les intimés. Comme l'a relevé la cour cantonale, les intimés n'ont pas signé ces factures ni ne les ont remises à la banque E.________. Pour le surplus, il n'est pas surprenant que le numéro IBAN du compte des intimés figure sur les factures précitées: il a pu être donné à la banque E.________ par C.________, sans qu'on puisse y voir l'indice d'une malhonnêteté de sa part, puisqu'il était l'acheteur du tableau et qu'il entendait payer son achat au moyen des fonds qu'il avait déposés dans cette banque.
Les recourantes soutiennent que les justifications fournies à la banque H.________ sont en contradiction avec les explications fournies ultérieurement par les intimés. En effet, à la suite du transfert de 800'000 EUR, les intimés ont annoncé qu'il se rapportait à une vente de tableau pour un montant de 2'500'000 EUR; un montant de 2'200'000 EUR a été annoncé par les intimés à la suite du transfert de 400'000 EUR. Comme le relève la cour cantonale, les notes de la banque H.________ sont des documents internes à la banque, rédigés par le relationship manager. Les variations ou interversions du prix de vente qu'elles comportent ne peuvent être imputées à faute des intimés. Elles ne peuvent donc pas fonder le soupçon d'une escroquerie.
Les recourantes invoquent également des contradictions dans les déclarations des intimés. Comme l'a constaté la cour cantonale, les intimés étaient toutefois âgés lors de leur audition et étaient interrogés sur des faits remontant à plus de cinq ans, ce qui pouvait expliquer des erreurs de leur part. Les intimés avaient au demeurant produit le contrat de vente, ce qui montrait leur bonne foi.
Les recourantes voient également un soupçon d'escroquerie dans la durée relativement brève de la relation bancaire auprès de la banque H.________. Comme l'ont expliqué les intimés, ce compte avait été ouvert pour recueillir le prix de vente du tableau de G.________.
2.2.3. En définitive, les explications données par la cour cantonale sont convaincantes. Les éléments invoqués par les recourantes ne permettent pas de fonder un soupçon de commission d'escroquerie de la part des intimés. La cour cantonale n'a donc pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en renonçant à toute poursuite à l'encontre des intimés. Il est toutefois clair que si la procédure P/930/2013 devait apporter des éléments nouveaux à l'encontre des intimés, elle pourra leur être étendue (art. 311 al. 2 CPP) ou la présente procédure pourra être reprise (art. 323 CPP).
2.3. Les recourantes reprochent également à la cour cantonale d'avoir confirmé l'ordonnance de non-entrée s'agissant du faux dans les titres.
2.3.1. La cour cantonale a considéré que les documents de la banque H.________ clarifiant l'arrière-plan économique des transferts opérés au bénéfice des intimés communiqués au ministère public à la suite de ses ordres de dépôt étaient des notes internes de la banque rédigées par un relationship manager; dans tous les cas, ces notes ne revêtaient pas une valeur probante accrue. S'agissant des fausses factures justifiant les transferts de fonds effectués au détriment de F.________, elle a estimé qu'elles ne pouvaient pas être reliées aux intimés. Enfin, selon la cour cantonale, rien n'indiquait que le contrat de vente de tableau passé entre les intimés en 2010 était un faux.
2.3.2. C'est en vain que les recourantes soutiennent que les fiches de bonification de la banque H.________ recueillant des explications sur l'arrière-plan économique des transferts reçus au détriment de F.________ sont des titres dotés d'une valeur probante accrue. En effet, le Tribunal fédéral a déjà jugé que les renseignements et les documents que le cocontractant fournit à l'intermédiaire financier lors de la procédure de clarification de l'arrière-plan économique prévue par l'art. 6 LBA n'étaient pas des titres (arrêt 6S.293/2005 du 24 février 2006 consid. 8.3, in SJ 2006 I 309).
S'agissant des fausses factures à l'origine des transferts illicites, les recourantes font valoir que les faits ne sont pas clairs et qu'ils ne permettent pas d'exclure une éventuelle concertation entre D.________ et les intimés. Elles ne fournissent toutefois aucun élément permettant de soupçonner une participation des intimés à l'infraction de faux dans les titres. A défaut de tels éléments, la cour cantonale a renoncé à raison à ouvrir une instruction à ce titre à l'encontre des intimés.
Pour les recourantes, le contrat de vente du tableau est un faux. Elles font valoir que ledit contrat a été uniquement produit à la suite de la demande formelle d'un procureur et après l'audition de témoins; avant la demande du ministère public, aucune référence au contrat n'aurait existé; en particulier, les documents de la banque H.________ justifiant les arrivées de fonds prétendument liées à la vente du tableau n'en font pas mention. Comme l'a relevé la cour cantonale, les notes internes de la banque justifiant les transferts de fonds se réfèrent à la vente d'un tableau du peintre G.________ et sont conformes au contrat passé entre les intimés en 2010. Le fait que les intimés ont produit ce contrat seulement à la suite de la demande du ministère public est sans pertinence. A défaut d'autre indice, la cour cantonale n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en admettant que le contrat de vente n'était pas un faux et en refusant d'ouvrir une instruction pour faux dans les titres.
2.4. Les recourantes reprochent au ministère public d'avoir ordonné de nombreux actes d'instruction (y compris des mesures de contrainte) au sujet de la plainte complémentaire dans le cadre de la procédure P/930/2013, sans joindre la plainte à cette procédure, et d'avoir rendu une décision de non-entrée en matière dans une nouvelle procédure P/4725/2018.
2.4.1. Il est vrai que le ministère public ne peut ordonner des mesures de contrainte qu'une fois l'instruction ouverte (art. 309 al. 1 let. b CPP) et que s'il parvient par la suite à la conviction qu'aucune infraction n'est réalisée, il doit rendre une ordonnance de classement au sens de l'art. 319 CPP et non une ordonnance de non-entrée en matière selon l'art. 310 CPP. La cour cantonale a expliqué que les mesures d'instruction ordonnées antérieurement au dépôt de la plainte complémentaire l'ont été dans le cadre de la procédure P/930/2013. Dans tous les cas, les ordonnances de non-entrée en matière et les ordonnances de classement sont réglées par les mêmes dispositions. Lorsque le recourant n'a subi aucun dommage du fait que le ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière au lieu d'une ordonnance de classement, il ne se justifie pas de l'annuler pour ce seul motif (arrêts 6B_875/2018 du 15 novembre 2018 consid. 2.2.2; 6B_962/2013 du 1er mai 2014 consid. 2; 1B_731/2012 du 8 février 2013 consid. 2).
2.4.2. L'art. 29 CPP règle le principe de l'unité de la procédure pénale. Il prévoit qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu et/ou l'ensemble des coauteurs et participants (complices et instigateurs) à une même infraction (JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 2018, n° 3034). Le principe de l'unité de la procédure tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (ATF 138 IV 29 consid. 3.2 p. 31; 138 IV 214 consid. 3.2 p. 219). Selon l'art. 30 CPP, la disjonction peut être ordonnée si des raisons objectives le justifient. Elle doit rester l'exception. Elle doit avant tout servir à garantir la rapidité de la procédure et à éviter un retard inutile (ATF 138 IV 214 consid. 3.2 p. 219). Des procédures pourront être disjointes, par exemple, lorsque plusieurs faits sont reprochés à un auteur et que seule une partie de ceux-ci sont en état d'être jugés, la prescription s'approchant (ATF 138 IV 214 consid. 3.2 p. 219). Des raisons d'organisation des autorités de poursuite pénale ne suffisent pas (ATF 138 IV 214 consid. 3.2 p. 219).
En l'espèce, le ministère public avait terminé l'instruction de la présente procédure, considérant qu'il n'existait aucun soupçon contre les intimés. Il a donc rendu une ordonnance de non-entrée en matière. Il n'y avait pas lieu de retarder le prononcé de celle-ci au motif que les recourantes avaient déposé une autre plainte pénale contre D.________ et que cette procédure était encore en cours. Le grief soulevé est infondé.
3. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Succombant, les recourantes doivent supporter les frais judiciaires solidairement entre elles (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité aux intimés qui n'ont pas été invités à déposer des observations dans la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 19 décembre 2018
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Kistler Vianin