BGer 1B_548/2018
 
BGer 1B_548/2018 vom 08.01.2019
 
1B_548/2018
 
Arrêt du 8 janvier 2019
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Merkli et Fonjallaz.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
Objet
Détention provisoire,
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 30 novembre 2018 (930 - PE18.018541).
 
Considérant en fait et en droit :
1. A.________ a été arrêté le 23 juin 2017 et placé en détention provisoire dans le cadre d'une procédure pénale instruite actuellement à son encontre par le Ministère public de la Confédération pour actes préparatoires, participation et/ou soutien à une organisation criminelle et crime contre la loi interdisant les groupes "Al-Qaïda" et "Etat islamique" et les organisations apparentées.
Dans le cadre de cette procédure, A.________ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique. Les experts mandatés ont rendu leur rapport le 19 juin 2018. Ils exposent en substance que A.________ présente une schizophrénie paranoïde continue, associée à une dépendance à l'alcool et au cannabis, qui nécessite un traitement médicamenteux et un suivi psychiatrique auxquels l'intéressé refuse de se soumettre. Ils qualifient d'important le risque de commission de nouvelles infractions, notamment de nature violente, et préconisent la mise en place d'un traitement en institution en milieu thérapeutique fermé.
Le 21 septembre 2018, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour tentative de meurtre. Il lui est reproché de s'en être pris physiquement à l'agent de détention de la prison du Bois-Mermet B.________ alors que celui-ci lui apportait son plateau repas dans sa cellule et d'avoir cherché à l'étrangler.
Par ordonnance du 21 novembre 2018, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud a ordonné la détention provisoire de A.________ pour une durée de trois mois à raison des faits précités en raison d'un risque de récidive.
La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé cette ordonnance au terme d'un arrêt rendu le 30 novembre 2018 sur recours du prévenu.
Par acte du 11 décembre 2018, complété le 19 décembre 2018, A.________ a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral.
Invités à se déterminer, la Chambre des recours pénale et le Ministère public central ont renoncé à déposer des observations.
Le recourant a spontanément déposé des écritures complémentaires les 4 et 6 janvier 2019.
2. Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire nonobstant leur caractère incident (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant actuellement détenu a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 et 100 al. 1 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP et. 5 par. 1 let. c CEDH), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction. En tout état de cause, la détention avant jugement ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible (art. 212 al. 3 CPP).
3. Le recourant conteste avoir commis une tentative de meurtre sur la personne de l'agent de détention B.________. Les faits qui les ont opposés se réduiraient à une simple bagarre.
3.1. A teneur de l'art. 221 al. 1 CPP, la détention provisoire suppose que le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit. Selon la jurisprudence, il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1 p. 333). L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention provisoire n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 316 consid. 3.2 p. 318). En d'autres termes, les soupçons doivent se renforcer plus l'instruction avance et plus l'issue du jugement au fond approche. Si des raisons plausibles de soupçonner une personne d'avoir commis une infraction suffisent au début de l'enquête, ces motifs objectifs doivent passer de plausibles à vraisemblables (arrêt 1B_208/2018 du 28 mai 2018 consid. 4.1).
3.2. En l'occurrence, la procédure pénale ouverte contre le recourant pour tentative de meurtre en est à ses débuts; à ce stade, des soupçons encore peu précis suffisent. L'agent de détention B.________ a affirmé que, après avoir ouvert la cellule de A.________, ce dernier lui avait donné un coup de poing au visage, lui avait ensuite attrapé un poignet, l'avait tiré dans sa cellule et l'avait fait tomber, qu'il s'était ensuite mis sur lui, l'empêchant de bouger, avait essayé de lui mordre les doigts, puis avait tenté de l'étrangler avec son bras et approché sa bouche de son oreille droite puis du cou pour le mordre, et que seule l'intervention rapide de ses collègues avait mis un terme à son agression.
Le recourant conteste avoir tenté d'étrangler l'agent de détention au motif qu'il serait impossible d'étrangler un homme avec un seul bras. Il aurait uniquement assené un coup de poing à B.________ et tenté de le mordre parce que celui-ci l'aurait empêché de sortir de la promenade alors qu'il était provoqué par d'autres détenus. Il relève en outre des incohérences et des contradictions entre les protagonistes quant à la couleur du visage de B.________ et à leur position respective lorsqu'il aurait cherché à l'étrangler.
Le détenu C.________, qui assistait B.________ dans la distribution des plateaux repas, a confirmé que A.________ avait donné un coup de poing au visage du gardien et lui avait ensuite passé son bras gauche autour de la gorge, qu'ils avaient chuté sur le lit, qu'il s'était jeté sur le prévenu et lui avait saisi le bras droit pour tenter de lui faire lâcher prise. L'agent de détention D.________ a déclaré que, lorsqu'il est arrivé dans la cellule, A.________ était à genoux sur B.________ et était en train de l'étrangler avec son bras gauche alors que C.________ lui tenait le bras droit; il avait alors saisi le prévenu et l'avait renversé pour libérer son collègue avant de l'immobiliser au sol et de l'entraver avec des menottes. L'agent de détention E.________, qui s'occupait de la distribution des colis au moment des faits, a vu B.________ se faire happer à l'intérieur de la cellule avec C.________; il avait tenté d'alerter la centrale et aidé ensuite son collègue D.________ à maintenir le prévenu au sol. Le recourant ne prétend pas que la Chambre des recours pénale aurait relaté les témoignages recueillis de manière inexacte ou incomplète de sorte que le Tribunal fédéral est lié sur ce point par l'état de fait établi dans l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF). Il n'était pas arbitraire de retenir, sur la base de ces déclarations et en dépit des dénégations du recourant, que ce dernier avait passé son bras gauche autour de la gorge de l'agent de détention et qu'il avait serré très fort au point de l'étrangler, dans la mesure où il n'appartient pas au juge de la détention d'apprécier leur crédibilité (ATF 143 IV 330 consid. 2.1 précité). Quant aux divergences relevées entre les déclarations des différents intervenants sur la couleur du visage de B.________ et au sujet desquelles ils devront être interpellés, la Chambre pénale des recours pouvait, de manière soutenable et sans violer l'art. 221 al. 1 CPP, considérer qu'elles étaient insuffisantes, en l'état de l'instruction, à douter de la crédibilité des déclarations mettant le recourant en cause pour avoir tenté d'étrangler l'agent de détention B.________.
Sur ce point, le recours est infondé.
4. Le recourant conteste également l'existence d'un risque de récidive.
4.1. L'art. 221 al. 1 let. c CPP pose trois conditions pour admettre un risque de récidive. En premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre et il doit s'agir de crimes ou de délits graves. Deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise. Troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 143 IV 9 consid. 2.5 p. 14).
Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence de deux antécédents au moins, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 p. 12).
La gravité de l'infraction dépend, outre de la peine menace prévue par la loi, de la nature du bien juridique menacé et du contexte, notamment la dangerosité présentée concrètement par le prévenu, respectivement son potentiel de violence. La mise en danger sérieuse de la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves peut en principe concerner tous types de biens juridiquement protégés. Ce sont en premier lieu les délits contre l'intégrité corporelle et sexuelle qui sont visés (ATF 143 IV 9 consid. 2.6 et 2.7 p. 14).
Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 143 IV 9 consid. 2.8 p. 16).
En général, la mise en danger de la sécurité d'autrui est d'autant plus grande que les actes redoutés sont graves. En revanche, le rapport entre gravité et danger de récidive est inversement proportionnel. Cela signifie que plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération. Lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particulièrement élevées, on peut ainsi admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire (et en principe également suffisant) pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9 p. 17).
4.2. La Chambre des recours pénale a relevé que A.________ avait un antécédent de violences conjugales; de plus, considéré comme potentiellement très violent, il avait été placé seul dans une cellule sécurisée; comme cela ressortait du dossier, il avait insulté et menacé de mort des agents de détention et agressé son compagnon de cellule et un autre détenu peu avant les faits en question. Les témoins ont attesté de son caractère complètement imprévisible, de ses délires, des insultes et des agressions précédentes. Enfin, le recourant souffre d'une schizophrénie paranoïde continue, soit d'un grave trouble mental chronique, et le risque qu'il commette de nouvelles infractions est qualifié d'important.
Le recourant soutient avoir été placé en cellule individuelle à sa demande et non en raison de son agressivité. Il affirme également n'avoir jamais vu les experts psychiatres et se demande sur quelle base ceux-ci peuvent conclure à une dépendance à l'alcool et au cannabis dès lors qu'il ne touche à aucune de ces substances depuis son incarcération. Il conteste enfin être schizophrène et paranoïaque.
La Chambre des recours pénale n'a pas retenu que le recourant se trouvait sous l'emprise de l'alcool ou de drogue au moment des faits qui lui sont reprochés de sorte que la question de savoir si les experts ont retenu à tort une telle dépendance à ces substances est sans incidence sur l'appréciation du risque de récidive et le maintien de la détention provisoire. Le fait que le recourant se soit retrouvé dans une cellule individuelle sécurisée à sa demande, et non en raison de comportements agressifs vis-à-vis de ses compagnons de cellule, repose sur ses seules affirmations. Ses dénégations quant à une éventuelle schizophrénie paranoïde ne suffisent pas au regard des exigences de motivation d'un recours découlant des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF à remettre en cause le diagnostic des experts et l'on ne saurait reprocher à la Chambre des recours pénale de s'être référée au rapport d'expertise psychiatrique qui conclut à un risque important de commission d'actes de violence pour conclure à l'existence d'un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP. Au demeurant, l'appréciation d'un tel risque repose sur d'autres éléments (antécédent de violences domestiques, insultes et menaces de mort à l'égard des agents de détention et agression de codétenus) au sujet desquels le recourant ne se prononce pas et qui sont de nature à confirmer l'avis des experts quant à l'existence d'un risque important de récidive d'actes de violence.
Sur ce point également, l'arrêt attaqué échappe à la critique.
5. Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable. Dès lors qu'il était voué à l'échec, l'assistance judiciaire ne saurait lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Vu les circonstances et le fait que le recourant est détenu et a agi seul, le présent arrêt sera néanmoins rendu sans frais (art. 66 al. 1, 2 ème phrase, LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens.
4. Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public central et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi que, pour information, à Me Robert Fox, avocat à Lausanne.
Lausanne, le 8 janvier 2019
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
Le Greffier : Parmelin