Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_1202/2018
Arrêt du 11 janvier 2019
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
Greffier : M. Graa.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Estelle Marguet, avocate,
recourant,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud,
2. X.________,
3. Y.________,
intimés.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière (calomnie, diffamation),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 2 octobre 2018 (N° 766 PE18.007288-VIY).
Faits :
A.
A.________ a été employé par C.________ SA. Le 1er juin 2016, il a été affecté au magasin de la rue D.________ à E.________.
Par courriel du 7 juin 2016, A.________ a écrit à sa supérieure hiérarchique, Y.________, gérante du magasin, en faisant référence à leur entretien concernant une conversation qu'il avait eue avec une cliente. Il a prié la prénommée de bien vouloir l'excuser pour sa "personnalité très chaleureuse et tactile". Rapportant les propos qu'il avait tenus à cette cliente, qui avait des bouffées de chaleur et à laquelle il avait déclaré : "j'espère que ce n'est pas moi qui vous fait ça", il a reconnu son tort et a indiqué qu'il allait travailler sur lui pour y remédier.
Le 1er septembre 2017, X.________, qui travaillait dans le magasin depuis juin 2017, s'est plainte auprès de Y.________ du fait que A.________ n'arrêtait pas de lui écrire, de l'appeler et de lui faire des avances, en précisant qu'elle était mal à l'aise en raison de ce comportement qu'elle estimait déplacé. Le même jour, elle a écrit deux courriels à sa supérieure. Le premier avait la teneur suivante :
"X.________,
Je t'envoie ce mail pour te faire part de quelques informations qui me semblent importantes.
Je me sens un peu mal à l'aise par rapport à A.________ car il me fait des avances et je trouve ça mal placé par rapport au travail, surtout que je ne suis pas intéressée et il a l'air de ne pas le comprendre.
Il m'a plusieurs fois envoyé des messages depuis le premier jour et me fait souvent du rentre dedans au travail comme par exemple me proposer de partir en week-end à Londres avec lui. Je trouve ça très déplacé. Surtout qu'il ne voit pas le mal quand je lui dis non et insiste. [...]"
Le second courriel avait la teneur suivante :
"X.________,
Une cliente est venue se plaindre de A.________. Elle était très contrariée car il l'a très mal servie. Apparemment il lui aurait fait des avances et au moment où elle les a refusées, il aurait été super mal poli avec elle.
[...]
Ce n'est pas la première à me le dire ou à me demander absolument de ne pas être servie par lui.
Je pensais important que tu sois au courant. [...] "
Le 4 septembre 2017, lors d'un entretien en présence de la responsable des ressources humaines de l'entreprise et de Y.________, A.________ a été licencié en raison de son comportement inapproprié et de ses ventes insuffisantes.
Le 24 novembre 2017, A.________ a ouvert action pour licenciement abusif auprès du Tribunal des Prud'hommes.
Le 13 mars 2018, il a déposé plainte pénale contre X.________ et Y.________, pour calomnie, subsidiairement diffamation.
B.
Par ordonnance du 15 mai 2018, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a refusé d'entrer en matière sur la plainte de A.________.
C.
Par arrêt du 2 octobre 2018, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par le prénommé contre cette ordonnance et a confirmé celle-ci.
D.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 2 octobre 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à son annulation et au renvoi de la cause au ministère public en vue de l'ouverture d'une instruction pénale, subsidiairement pour complément d'instruction et nouvelle décision, plus subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour complément d'instruction et nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.
1.1. Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le ministère public qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 et les références citées).
Les mêmes exigences sont requises à l'égard de celui qui se plaint d'infractions attentatoires à l'honneur. N'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une réparation. L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (arrêts 6B_1244/2018 du 7 janvier 2019 consid. 1.1; 6B_1021/2018 du 19 décembre 2018 consid. 1.1; 6B_875/2018 du 15 novembre 2018 consid. 1 et les références citées).
1.2. Le recourant indique qu'il souhaite réclamer aux intimées une indemnité pour tort moral d'au moins 3'000 fr. en raison de la souffrance provoquée par les propos litigieux et le licenciement qui en aurait résulté. Il paraît douteux que la souffrance morale évoquée par le recourant - à propos de laquelle il ne fournit aucune précision - puisse justifier l'allocation d'une indemnité pour tort moral sur la base de l'art. 49 al. 1 CO. La question peut cependant être laissée ouverte, compte tenu du sort du recours.
2.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir confirmé l'ordonnance de non-entrée en matière du 15 mai 2018. Il se plaint d'une violation de l'art. 310 al. 1 let. a CPP en lien avec les art. 173 et 174 CP .
2.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêts 6B_635/2018 du 24 octobre 2018 consid. 2.1.2; 6B_1104/2017 du 13 avril 2018 consid. 2.3.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; 186 consid. 4.1 p. 190).
2.2. Les art. 173 et 174 CP protègent la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1 p. 315; 132 IV 112 consid. 2.1 p. 115; 128 IV 53 consid. 1a p. 57 s.). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. S'agissant d'un texte, il doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 137 IV 313 consid 2.1.3 p. 315 s.).
2.3. Comme l'a relevé à bon droit la cour cantonale, le premier courriel adressé par X.________ (intimée 2) à Y.________ (intimée 3) n'est pas attentatoire à l'honneur du recourant. Les expressions prises séparément, non plus que le sens général du courriel, ne peuvent être interprétés comme une accusation de harcèlement sexuel, en particulier au sens de l'art. 4 de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes (LEg; RS 151.1). Il en ressort seulement que le recourant a fait plusieurs "avances" à l'intimée 2 et qu'il n'a pas compris que ses démarches étaient vouées à l'échec, ce qui, en définitive, a mis l'intéressée "un peu mal à l'aise". Contrairement à ce que soutient le recourant, l'intimée 2 n'a en revanche évoqué aucun acte à caractère sexuel ni suggéré que celui-ci l'aurait poursuivie de ses assiduités sans scrupule et sans tenir compte de ses refus, l'intéressée ayant au contraire précisé qu'il ne "voyait pas le mal" et insistait.
La même appréciation peut être formulée s'agissant du second courriel litigieux adressé par l'intimée 2 à l'intimée 3. Celle-ci y rapporte les récriminations d'une cliente "très contrariée", en résumant ses griefs contre le recourant tout en se gardant d'y prêter foi. L'incident relaté peut certes faire apparaître le recourant comme un vendeur ayant eu un comportement inopportun avec une cliente, mais ni le fait d'avoir éventuellement fait "des avances" - dont la forme n'est aucunement précisée - à celle-ci ni celui d'avoir été "super mal poli" avec elle ne peut être considéré comme suffisant pour exposer l'intéressé au mépris en sa qualité d'homme. De même, le fait que l'intimée 2 précise ensuite avoir déjà, par le passé, entendu de semblables doléances peut faire apparaître le recourant comme un employé manquant de professionnalisme, voire impoli, sans pour autant le présenter comme une personne méprisable.
Le fait que, comme le soutient le recourant, son employeur eût pris ces propos "au sérieux", n'est en rien déterminant dans l'appréciation du caractère attentatoire à l'honneur des courriels concernés. En effet, à supposer même que les courriels litigieux eussent occasionné le licenciement du recourant, cela ne signifie pas encore que l'employeur de ce dernier eût pris motif d'un comportement éventuellement indigne ou méprisable de son employé, un comportement "inapproprié" - ce qui s'entend dans le cadre professionnel - ayant alors été évoqué.
Compte tenu de ce qui précède, on ne voit pas que les probabilités d'une condamnation des intimées seraient égales ou supérieures aux probabilités de leur acquittement, l'un des éléments constitutifs des infractions de diffamation et de calomnie faisant défaut. La cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, confirmer le refus d'entrer en matière du ministère public. Point n'est besoin, en conséquence, d'examiner si les intimées auraient pu, le cas échéant, apporter l'une des preuves libératoires à titre de l'art. 173 ch. 2 CP.
3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimées, qui n'ont pas été invitées à se déterminer, ne sauraient prétendre à des dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 11 janvier 2019
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
Le Greffier : Graa