Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_1096/2018
Arrêt du 25 janvier 2019
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffier : M. Dyens.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Paul Hanna, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
2. A.________,
représenté par Me Alain Lévy, avocat,
intimés.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière (diffamation, etc.); droits de partie,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 26 septembre 2018 (P/25498/2017 ACPR/550/2018).
Faits :
A.
En date du 6 décembre 2017, X.________ a déposé plainte pénale contre A.________ pour calomnie, subsidiairement diffamation. X.________, qui était en conflit avec le prénommé dans le cadre d'un projet immobilier, reprochait en substance à A.________ de l'avoir accusé d'être à l'origine de menaces de mort dont ce dernier avait été la cible.
Le ministère public a transmis la plainte pénale de X.________ pour complément d'enquête à la police, qui a auditionné les dénommés B.________ et C.________ en qualité de personnes appelées à donner des renseignements. Elle a ensuite entendu A.________ en qualité de prévenu.
Par ordonnance du 30 mai 2018, le ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés par le plaignant. Pour le ministère public, les propos tenus par A.________ se limitaient, s'agissant des menaces qu'il avait reçues, à l'évocation d'une suspicion à l'égard des personnes impliquées dans le projet immobilier de X.________, voire d'un doute quant à une éventuelle implication de ce dernier, étant précisé qu'il avait lui-même déposé plainte contre inconnu. Ses propos n'étaient donc pas attentatoires à l'honneur. Les conditions à l'ouverture de l'action pénale n'étaient manifestement pas réalisées.
B.
Statuant sur recours de X.________, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 26 septembre 2018. Elle a retenu que le ministère public avait à juste titre considéré qu'il n'y avait pas de prévention pénale suffisante dans le cas d'espèce, jugeant notamment que A.________ avait pris les précautions de langage nécessaires pour ne pas jeter l'opprobre sur le plaignant.
C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours du 26 septembre 2018. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation de l'arrêt querellé et au renvoi de la cause au ministère public afin qu'une instruction soit ouverte, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt à intervenir.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358).
1.1. Le recourant ne fait valoir aucun préjudice et n'invoque aucune prétention civile découlant des infractions contre l'honneur qu'il dénonce. Il ne dispose donc pas de la qualité pour recourir sur le fond sous l'angle de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4; cf. aussi en matière d'infractions contre l'honneur: arrêt 6B_1202/2018 du 11 janvier 2019 consid. 1.1 et les références citées).
1.2. L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en considération dans le cas d'espèce, dès lors que le recourant ne soulève aucun grief relatif à son droit de porter plainte.
1.3. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie plaignante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5 et les références citées).
Dans la mesure où les griefs du recourant tendent à contester le bien-fondé de la décision de non-entrée sous l'angle du principe
in dubio pro duriore, au motif qu'une condamnation serait plus vraisemblable qu'un acquittement, ceux-ci sont indissociables du fond et sont donc irrecevables faute de qualité pour recourir à ce titre (cf. supra consid. 1.1). Il a en revanche qualité pour recourir en tant qu'il se plaint, en invoquant une violation des art. 147 CPP, 309 et 310 CPP, de s'être vu privé de ses droits de partie.
2.
Le recourant soutient en substance que le prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière sans même que lui soit transmis les " témoignages et déclarations du prévenu a court-circuité toute réplique possible quant aux arguments [de ce dernier] ". Il fait valoir que le ministère public aurait dû, à tout le moins, lui impartir un délai pour se prononcer. Il reproche également à la cour cantonale de ne pas avoir donné suite à une réquisition de preuve tendant à l'audition d'un nouveau témoin dans la procédure de recours.
2.1. Aux termes de l'art. 309 CPP, le ministère public ouvre une instruction, notamment, lorsqu'il ressort du rapport de police, des dénonciations ou de ses propres constatations des soupçons suffisants laissant présumer qu'une infraction a été commise (al. 1 let. a). Il peut renvoyer à la police, pour complément d'enquête, les rapports et les dénonciations qui n'établissent pas clairement les soupçons retenus (al. 2). Il renonce à ouvrir une instruction lorsqu'il rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière ou une ordonnance pénale (al. 4). Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
2.2. Selon la jurisprudence, le ministère public peut procéder à certaines vérifications avant de refuser d'entrer en matière. Il peut demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (art. 309 al. 2 CPP). Il ressort également de l'art. 309 al. 1 let. a CPP que le ministère public peut procéder à ses propres constatations (arrêt 6B_1365/2017 du 27 juin 2018 consid. 3.3 et les références citées). Cela comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles. Il en va de même lorsque le ministère public demande à la personne mise en cause une simple prise de position (arrêt 6B_1365/2017 précité consid. 3.3 et les références citées).
Avant l'ouverture d'une instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas (art. 147 al. 1 CPP a contrario; arrêts 6B_854/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.1; 6B_496/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.3; 6B_217/2015 du 5 novembre 2015 consid. 2.2 non publié aux ATF 141 IV 423), et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP (arrêts 6B_854/2018 précité consid. 3.1; 6B_496/2018 précité consid. 1.3 et les références citées). En outre, avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public n'a pas à informer les parties ni n'a l'obligation de leur fixer un délai pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuve, l'art. 318 CPP n'étant pas applicable dans ce cas (arrêts 6B_854/2018 précité consid. 3.1; 6B_539/2016 du 1
er novembre 2017 consid. 2.2.1; 6B_940/2016 du 6 juillet 2017 consid. 3.3.3; plus nuancé 6B_617/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.3 et les références citées). Le droit d'être entendu des parties est en effet assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 ss CPP). Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs - formels et matériels - auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP; arrêts 6B_854/2018 précité consid. 3.1; 6B_496/2018 précité consid. 1.3; 6B_1365/2017 du 27 juin 2018 consid. 3.3; 6B_539/2016 précité consid. 2.2.1 et les références citées).
2.3. En l'espèce, il ressort du dossier que le recourant a adressé sa plainte au ministère public, en y exposant les faits de façon circonstanciée et en y détaillant les éléments fondant sa démarche. Il a également requis, dans sa plainte, diverses mesures d'instruction, dont l'audition de B.________ et de C.________ en qualité de témoins. Le ministère public a transmis sa plainte à la police pour complément d'enquête en application de l'art. 309 al. 2 CPP, ce qui a donné lieu aux auditions des deux prénommés en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, puis à celle de l'intimé en qualité de prévenu.
Il n'y a pas lieu d'examiner si, au vu de la teneur de la plainte du recourant, le ministère public était fondé à requérir un complément d'enquête sur la base de l'art. 309 al. 2 CPP. Le recourant ne conteste d'ailleurs pas l'application de cette disposition en tant que telle. Il n'est pas non plus nécessaire de déterminer si, comme le soutient le recourant, les mesures d'investigation mises en oeuvre en l'espèce excluaient en soi une décision de non-entrée en matière. En tout état, les auditions menées par la police mettaient en exergue, ainsi que le relève à juste titre le recourant, des déclarations contradictoires sur la teneur des propos imputés à l'intimé. Ainsi, au vu de l'avancement des investigations et des éléments récoltés par la police, une appréciation en fait et en droit de la cause ne pouvait plus se concevoir sans ménager au plaignant la faculté de se déterminer sur ces mêmes éléments. La transmission des procès-verbaux d'auditions au plaignant s'imposait, ce d'autant plus qu'il avait lui-même requis l'audition de B.________ et de C.________. A l'issue des investigations policières diligentées en l'espèce, les conditions du prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière n'étaient par conséquent plus réalisées. Dans ces circonstances, la cour cantonale ne pouvait confirmer le procédé du ministère public après avoir elle-même rejeté les mesures d'instruction requises devant elle par le recourant sans violer à son tour son droit d'être entendu. Les griefs du recourant s'avèrent par conséquent fondés.
3.
Au vu de ce qui précède, il convient d'admettre le recours et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Au regard de la nature procédurale du vice examiné et dès lors que le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond, ne préjugeant ainsi pas de son issue, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296; cf. récemment arrêt 6B_508/2018 du 17 décembre 2018 consid. 3).
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supportera pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), le canton de Genève n'ayant pas non plus à en supporter ( art. 66 al. 1 et 4 LTF ). Le recourant a droit à des dépens à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de dépens, arrêtée à 3'000 fr., est allouée au recourant, à la charge du canton de Genève.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 25 janvier 2019
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
Le Greffier : Dyens