Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_485/2018
Arrêt du 1er février 2019
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Fonjallaz et Muschietti.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Gérald Page, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Procédure pénale; jonction de causes,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 17 septembre 2018 (ACPR/523/2018 - P/4180/2014).
Faits :
A.
A.a. A la suite de plaintes d'un média télévisé (ci-après : M.________), ainsi que du journal V.________, une procédure pénale a été ouverte à Genève en mars 2014 contre inconnu pour tentative de soustraction de données (art. 143 CP), voire tentative d'accès indu à un système informatique (art. 143bis CP; cause P/4180/2014). Les faits dénoncés ont trait à la tentative d'attaque informatique effectuée à l'encontre de deux journalistes, B.________ (M.________) et C.________ (V.________); ces deux personnes avaient en commun d'avoir travaillé sur des sujets concernant le [...] D.________ et les diverses affaires judiciaires le concernant.
Dans ce cadre, ont notamment été mis en prévention A.________, D.________, E.________ et F.________ pour soustraction de données. B.________ a été entendu à plusieurs reprises en qualité de témoin. Le 14 juin 2016, le Ministère public de la République et canton de Genève a adressé aux parties l'avis de prochaine clôture de la cause P/4180/2014, les invitant à déposer leurs éventuelles réquisitions de preuve. A.________ a sollicité, le 29 juillet 2016, une nouvelle audition du journaliste précité, ainsi que la production de 6'000 écoutes téléphoniques, conversations qui n'avaient pas encore été versées au dossier.
A.b. Le 15 septembre 2015, B.________ a déposé plainte pénale contre A.________ pour tentative de contrainte, chef de prévention retenu à l'encontre de ce dernier le 21 janvier 2016 (cause P___2015). Le premier reprochait au second de lui avoir fait notifier, le 15 juin 2015, un commandement de payer à hauteur de 8 millions de francs, au titre de "dommages et intérêts pour acte illicite", afin de faire pression sur lui, voire de l'empêcher de divulguer les résultats de ses investigations menées entre 2013 et 2014 autour de l' "affaire D.________", soit de le faire taire dans la procédure P/4180/2014.
Lors de son audition, A.________ a en substance expliqué l'envoi du commandement de payer par l'impossibilité d'approcher B.________ pour obtenir une renonciation à invoquer la prescription par rapport à sa créance - civile - en dommages et intérêts, vu la qualité de témoin du journaliste dans la procédure P/4180/2014.
Le 23 juin 2016, le Ministère public a, par avis de prochaine clôture, informé les parties que la cause P___2015 - après clôture - serait jointe à la procédure P/4180/2014 et qu'un acte d'accusation allait être prochainement rédigé. Un délai a été imparti aux parties pour déposer leurs éventuelles réquisitions de preuve. Par courrier du 29 juillet 2016, A.________ a sollicité (i) une nouvelle audition de B.________, (ii) celle d'un autre témoin en lien avec ses compétences professionnelles, (iii) le versement à la procédure de la totalité des écoutes téléphoniques, (iv) la production des divers procès-verbaux d'audition de la cause P/4180/2014, (v) l'apport de la procédure pénale ouverte contre B.________ pour faux témoignage (P___2016), ainsi que (vi) les décisions judiciaires rendues à la suite de la plainte déposée par le journaliste contre D.________ pour tentative de contrainte, ce dernier lui ayant fait notifier un commandement de payer.
A.________ a demandé, le 23 septembre 2016, la suspension de la procédure P___2015 jusqu'à droit connu dans les procédures civiles concernant sa créance contre B.________. Ce dernier s'est vu notifier un nouveau commandement de payer en date du 17 juin 2016.
A.c. Le 19 mai 2016, A.________ a déposé plainte pénale contre B.________ pour faux témoignage, soutenant que des déclarations faites sous serment dans la cause P/4180/2014 ne coïncidaient pas avec le contenu des écoutes téléphoniques (cause P___2016).
L'instruction de cette cause a été suspendue par ordonnance du 11 juillet 2016 jusqu'à droit connu dans la cause P/4180/2014, décision confirmée le 9 septembre 2016 par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Le recours formé contre ce prononcé par A.________ a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral le 24 janvier 2017 (cause 1B_378/2016).
A.d. Par ordonnance du 2 mai 2018, le Ministère public a notamment admis les réquisitions de preuve déposées par A.________ le 29 juillet 2016 dans les procédures P/4180/2014 et P___2015, ainsi que par D.________, tendant au versement à la procédure de l'ensemble du résultat, expurgé par le Service des renseignements de la Confédération, de la surveillance du raccordement téléphonique enregistré au nom de E.________ entre le 27 novembre 2013 et le 27 février 2014. Le Procureur a rejeté les autres demandes; il a retenu qu'une nouvelle audition de B.________ n'était pas utile, que la procédure P___2016 était suspendue, mais que A.________ pouvait produire dans la cause P/4180/2014 la plainte déposée dans ce cadre, que l'entier de la cause P/4180/2014 éclairerait les faits à l'origine de la procédure - jointe - P___2015, que l'audition du témoin demandée pouvait être remplacée par une attestation écrite et que A.________ n'avait aucun droit à obtenir la production de décisions rendues dans une cause où il n'était pas partie.
Le 4 mai 2018, le Ministère public a notifié l'ordonnance de jonction des causes P/4180/2014 et P___2015, décision motivée par la clôture des deux procédures, le principe "in dubio pro duriore" et celui d'unité de la procédure dès lors que A.________ était prévenu dans les deux causes. En parallèle, le Procureur a déposé l'acte d'accusation auprès du Tribunal de police.
B.
Le 17 septembre 2018, la Chambre pénale de recours a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de jonction de cause. Cette autorité a considéré que A.________ était prévenu dans les deux causes et qu'il existait une connexité entre les faits dénoncés qui justifiait qu'ils soient jugés conjointement pour avoir une vision d'ensemble du comportement du prévenu et éviter des jugements contradictoires, ainsi que le prononcé de peines complémentaires (cf. consid. 2.2 p. 6).
C.
Par acte du 18 octobre 2018, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation et à l'absence de jonction des causes P/4180/2014 et P___2015.
Invitée à se déterminer, l'autorité précédente s'est référée aux considérants de sa décision. Quant au Ministère public, il a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Le 7 janvier 2019, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358).
1.1. L'arrêt attaqué - qui confirme la jonction des causes P/4180/2014 et P___2015 ordonnée par le Ministère public - a été rendu par une autorité cantonale statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) dans le cadre d'une procédure pénale. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et la voie du recours en matière pénale est donc en principe ouverte (art. 78 ss LTF).
1.2. S'agissant d'une décision ne mettant pas un terme à la procédure pénale, elle revêt un caractère incident et le recours n'est recevable qu'aux conditions de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, l'hypothèse prévue à l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrant pas en considération dans le cas d'espèce.
En matière pénale, le préjudice irréparable au sens de la disposition susmentionnée se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1 p. 130).
En règle générale, les décisions relatives à la jonction de causes ne sont pas susceptibles de causer un préjudice irréparable. En effet, la jonction - respectivement la disjonction - de procédure prévue à l'art. 30 CPP porte sur une problématique que les parties peuvent à nouveau soulever à titre de réquisition à la suite de l'avis de la clôture de l'instruction (art. 318 al. 1 CPP) et/ou en tant que question préjudicielle à l'ouverture des débats (art. 339 al. 2 CPP), de sorte que l'éventuel dommage qui pourrait en résulter peut être réparé ultérieurement (arrêts 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 1.2; 1B_103/2016 du 28 avril 2016 consid. 2; 1B_134/2016 du 12 avril 2016 consid. 2; 1B_226/2015 du 20 janvier 2016 consid. 1.2.1 et les arrêts cités).
A titre de préjudice irréparable, le recourant se prévaut du changement de statut procédural de B.________, préalablement uniquement témoin dans la procédure P/4180/2014, mais qui devrait dès lors être considéré comme partie plaignante, puisqu'il détient cette qualité dans la cause P___2015; B.________ pourrait ainsi avoir accès au dossier de l'ensemble de la procédure P/4180/2014, ainsi que, faute d'être témoin, être dispensé de dire la vérité (art. 163 al. 2 CPP en lien avec l'art. 307 CPP).
Il y a lieu tout d'abord de rappeler que l'objet du présent litige est la jonction de deux causes. Le recourant ne saurait donc pas, dans le cadre de la présente procédure, contester le refus du Ministère public de donner suite à l'une ou l'autre des réquisitions de preuve formées à la suite de l'avis de prochaine clôture des deux procédures pénales ouvertes à son encontre et/ou la décision de clôturer l'instruction de ces deux procédures (cf. en particulier les griefs soulevés en lien avec l'art. 318 al. 2 CPP [ad 42 p. 10 du mémoire de recours]), constatation qui permet d'ailleurs de ne pas entrer en matière sur les violations du droit d'être entendu et du principe de présomption d'innocence soulevées à cet égard (cf. en particulier ad 18 p. 5 de l'écriture susmentionnée). Le recourant ne peut pas non plus utiliser la présente procédure pour critiquer la participation de B.________ à une procédure de levée des scellés, respectivement le résultat de celle-ci (cf. ad 23 p. 6 du mémoire de recours). C'est le lieu de rappeler que cette procédure, de par sa nature particulière, peut être ouverte à des personnes qui ne sont pas parties au sens de l'art. 104 CPP (cf. en particulier art. 105 al. 1 let. f CPP); la qualité de partie ne leur est cependant reconnue que dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts (art. 105 al. 2 CPP) et, dès lors, il n'en résulte pas forcément un accès à l'intégralité du dossier d'instruction.
La décision attaquée n'autorise pas non plus B.________ à avoir accès au dossier. Il ne peut ainsi être reproché à l'autorité précédente de ne pas s'être prononcée sur cette problématique et d'avoir limité son examen à l'objet du litige, soit les motifs permettant objectivement de joindre les deux procédures ouvertes contre le recourant (cf. ad 38 s. p. 9 s. du mémoire de recours). En tout état de cause, un préjudice au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF du fait de l'éventuel accès au dossier de la cause P/4180/2014 qui pourrait être accordé à la suite de la jonction paraît d'autant moins évident que le recourant lui-même a requis la production - dans la cause P___2015 - de certains procès-verbaux d'audition établis dans la procédure P/4180/2014. Le recourant ne fait pas non plus état de requête tendant à obtenir des mesures de protection - notamment en application des art. 102 al. 1 et/ou 108 CPP - afin de restreindre, par exemple, l'accès au dossier concernant les seuls faits pour lesquels le journaliste s'est constitué partie plaignante, soit, faute d'indication contraire, ceux préalablement instruits dans la cause P___2015 (arrêts 1B_374/2017 du 13 novembre 2017 consid. 1.2; 1B_438/2016 du 14 mars 2017 consid. 2, spécialement consid. 2.4).
Quant au statut procédural de B.________ - témoin (art. 162 ss CPP), partie plaignante (art. 178 let. a, 180 al. 2 et 181 al. 2 CPP) et/ou personne appelée à donner des renseignements (art. 178 let. d ou f, 180 al. 1 CPP) -, la jonction des deux causes ne permet pas encore de définir à quel titre celui-ci sera entendu dans la suite de la procédure, en particulier s'agissant des faits en lien avec la cause P/4180/2014 proprement dite. Ne s'étant a priori pas constitué partie plaignante pour ceux-ci (notamment sur le moment pour une telle constitution, cf. art. 118 al. 3 et 324 ss CPP ; ATF 141 IV 1 consid. 3.1 p. 6; arrêt 6B_887/2017 du 8 mars 2018 consid. 6.3), le journaliste ne paraît ainsi pas disposer de droits de partie lui permettant de demander le retrait des procès-verbaux de ses auditions antérieures. En tout état de cause, le recourant ne subit aucun préjudice irréparable du fait du statut qui pourrait être accordé au journaliste et/ou de l'éventuel prononcé ordonnant le retrait de pièces du dossier; ces deux problématiques peuvent en effet être contestées devant le juge du fond (arrêts 1B_430/2018 du 17 janvier 2019 consid. 1.4; 1B_261/2017 du 17 octobre 2017 consid. 2).
Au regard de ces considérations, le recourant ne subit en l'état aucun préjudice irréparable.
1.3. Le recourant se plaint d'un défaut de motivation, ce qui constitue, le cas échéant, une violation de ses droits de partie permettant l'entrée en matière (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5).
Il soutient à cet égard que la cour cantonale n'aurait pas expliqué pourquoi le statut procédural de B.________ ne constituerait pas un motif objectif pour ne pas joindre les deux procédures (cf. ad. 38 s. p. 9 s.). A la lecture de l'arrêt attaqué, la cour cantonale a rappelé les arguments du recourant dans sa partie en fait, dont la problématique liée à la qualité procédurale de B.________ (cf. ad D/a p. 4 s. de l'arrêt attaqué). Elle a ensuite expliqué quels éléments lui permettaient de considérer que la jonction était justifiée dans le cas d'espèce (unité de la procédure, infractions contre un même prévenu, connexité - non contestée - entre les faits dénoncés), rejetant ainsi - certes implicitement - les autres arguments soulevés par le recourant. Une appréciation différente - notamment quant à l'importance et/ou à la pertinence du grief invoqué - ne constitue pas une violation du droit d'être entendu et, partant, ce reproche peut être écarté.
2.
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 1er février 2019
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
La Greffière : Kropf