BGer 6B_1285/2018 |
BGer 6B_1285/2018 vom 11.02.2019 |
6B_1285/2018 |
Arrêt du 11 février 2019 |
Cour de droit pénal |
Composition
|
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
|
Greffière : Mme Kistler Vianin.
|
Participants à la procédure
|
X.________,
|
représenté par Me Franck Ammann, avocat,
|
recourant,
|
contre
|
1. Ministère public central du canton de Vaud,
|
2. A.________,
|
intimés.
|
Objet
|
Viol, lésions corporelles simples qualifiées, etc.; présomption d'innocence, arbitraire,
|
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 30 octobre 2018 (n° 307 PE15.016445-OJO//ACP).
|
Faits : |
A. Par jugement du 28 mai 2018, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, libéré X.________ des chefs d'accusation de lésions corporelles simples qualifiées, de voies de fait qualifiées, de menaces qualifiées, de contrainte, de viol et de tentative de viol.
|
B. Par jugement du 30 octobre 2018, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis partiellement l'appel formé par le Ministère public vaudois et modifié le jugement attaqué en ce sens qu'il a libéré X.________ des chefs d'accusation de lésions corporelles simples qualifiées, de voies de fait qualifiées, de menaces qualifiées et de contrainte, a constaté que l'intéressé s'était rendu coupable de viol et de tentative de viol et l'a condamné à une peine privative de liberté de douze mois avec sursis pendant deux ans.
|
En résumé, elle a retenu les faits suivants:
|
B.a. Le mardi 9 ou le mercredi 10 juin 2015, vers 1h30, X.________ est rentré tard du travail et a surpris son épouse en train de dormir à côté du voisin sur le canapé du salon. Il les a filmés et a demandé au voisin de partir. Après le départ du voisin, énervé, il est monté sur son épouse et a voulu faire l'amour avec elle. Elle l'a repoussé à plusieurs reprises, en lui disant qu'elle ne voulait pas. X.________ a toutefois enlevé les sous-vêtements de son épouse et l'a pénétrée.
|
B.b. Le dimanche 21 juin 2015, vers 22h00, alors que leurs enfants dormaient dans le lit conjugal, à côté de X.________ et de son épouse, celui-ci est monté sur elle et l'a agrippée violemment par les cheveux. Vu que ses enfants dormaient à proximité et qu'elle ne voulait pas les réveiller, l'épouse ne s'est pas débattue ni n'a crié. Alors qu'elle pleurait, X.________ l'a pénétrée à plusieurs reprises.
|
B.c. Le samedi 11 juillet 2015, entre 14h00 et 15h00, après un premier rapport sexuel, X.________ a voulu à nouveau faire l'amour avec son épouse, qui a refusé. Il a répondu que " s'il était marié, c'était pour coucher avec une femme ". Il l'a ensuite poussée sur le lit. Sa femme l'a repoussé. X.________ l'a lâchée, puis est sorti de la chambre.
|
C. Contre ce dernier jugement, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à son acquittement et au versement d'une indemnité de 10'000 fr. pour les dépenses occasionnées par la procédure. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
|
Considérant en droit : |
1. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenu qu'il avait contraint sa femme à l'acte sexuel. Il dénonce également la violation du principe " in dubio pro reo ".
|
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). Le Tribunal fédéral n'examine la violation des droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées).
|
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe " in dubio pro reo ", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 s.; arrêt 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.1 destiné à la publication). Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe " in dubio pro reo ", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; 138 V 74 consid. 7 p. 82; arrêt 6B_804/2017 précité consid. 2.2.3.3 destiné à la publication).
|
1.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'être tombée dans l'arbitraire en retenant l'infériorité physique de son épouse. Selon le recourant, une femme qui maltraite son mari, qui lui " met des pains " et le domine psychiquement ne souffre d'aucune infériorité physique vis-à-vis de lui.
|
La cour cantonale a admis que l'épouse, prise de boisson, avait maltraité son mari à certains moments et que celui-ci s'était laissé faire. Elle n'a en revanche pas retenu qu'il était sous l'emprise de sa femme et que celle-ci le dominait psychiquement. Elle a considéré que, confronté à son cocufiage, le recourant ne s'était plus laissé faire et avait usé de sa supériorité physique pour contraindre sa femme à entretenir des relations sexuelles. Selon la cour cantonale, la révélation de l'infidélité de l'intéressée avait ainsi fait basculer le recourant dans une violence physique, verbale et sexuelle à l'encontre de celle-ci. Cette motivation n'est entachée d'aucun arbitraire.
|
1.3. Le recourant soutient que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en tenant les déclarations de son épouse pour crédibles. Il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte d'une ordonnance pénale du 1er mars 2018 condamnant son épouse pour avoir indûment accusé son amant de " sale pédophile incestueux ". Il lui fait grief d'avoir écarté des messages Whatsapp envoyés par son épouse à son cousin et son grand-père, lesquels montreraient qu'elle préparait un dossier en vue de se séparer de lui. Enfin, il fait valoir que son épouse a retiré sa plainte et n'a pas voulu témoigner à l'audience de jugement et qu'elle a eu un troisième enfant, conçu de manière consentie quelques semaines après les faits litigieux, puis un quatrième enfant avec lui.
|
La cour cantonale a considéré que les déclarations de l'épouse étaient crédibles. Premièrement, celle-ci les a répétées à tous les stades de la procédure. En outre, ces propos étaient confirmés par plusieurs éléments (constat médical, sms au voisin). La cour cantonale explique le retrait de plainte par le fait que l'épouse s'était sentie coupable d'avoir trompé et maltraité son mari et qu'elle avait décidé de sauver son ménage, sa famille. Au vu de ces explications, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en tenant pour crédibles les déclarations de l'épouse.
|
1.4. S'agissant des faits survenus le 9 ou le 10 juin 2015, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement omis de tenir compte de la fin de la vidéo qu'il avait prise lorsqu'il a surpris son épouse avec le voisin. Cette vidéo montrerait cette dernière, bien que surprise en situation d'adultère, frapper le recourant et l'insulter; pour sa part, le recourant était calme. Selon le recourant, il serait arbitraire de retenir qu'il ait pu passer d'un état calme à un état de violence et contraindre sa femme à l'acte sexuel, alors que celle-ci le frappait et l'insultait quelques minutes auparavant.
|
La cour cantonale n'a pas méconnu le contenu de la vidéo, qui montre l'épouse, prise de boisson, frapper le téléphone portable utilisé par son époux pour filmer la scène. Elle a toutefois considéré que le recourant était devenu violent après avoir constaté l'infidélité de sa femme et qu'il n'avait plus respecté sa liberté sexuelle. Elle s'est référée aux SMS échangés par l'épouse avec son voisin, notamment à celui du 10 juin 2015, dans lequel l'épouse écrivait: " Cette nuit quand t'es parti X.________ m'a violée et ce matin il t'attendais (sic) derrière la porte avec un coupe os. Mais t'étais déjà parti...bref si tu le raconte (sic) plus loin, c'est moi qui te pète les dents. Adieu ". En outre, elle a relevé les contradictions du recourant, qui a tout d'abord nié toute relation sexuelle après avoir surpris sa femme et le voisin, puis qui a finalement admis un rapport sexuel consenti (PV aud. 2). Le raisonnement de la cour cantonale est convaincant. Elle n'a pas versé dans l'arbitraire en admettant qu'après avoir surpris sa femme avec le voisin le mardi 9 ou le mercredi 10 juin 2015, le recourant l'avait contrainte à entretenir des relations sexuelles.
|
1.5. En ce qui concerne les faits du 21 juin 2015, le recourant soutient que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en retenant que la présence des enfants avait empêché l'épouse de repousser le recourant ou de quitter la chambre au moment où il se serait rapproché d'elle. Il relève que la présence des enfants n'avait jamais empêché son épouse de le frapper ou de l'insulter. Au demeurant, il n'aurait jamais levé la main sur son épouse et se serait toujours plié à ses volontés concernant leurs relations sexuelles (jugement de première instance, p. 15).
|
Selon la cour cantonale, l'absence de lutte de la part de l'épouse ne tient pas seulement à la présence des enfants, mais aussi à la supériorité physique du recourant; l'état de fait cantonal retient notamment que le recourant a agrippé violemment son épouse par les cheveux. En effet, comme vu ci-dessus (consid. 1.2), la cour cantonale a admis qu'à la suite de la révélation de l'infidélité de son épouse, le recourant avait changé d'attitude: il était devenu violent et n'avait plus respecté la liberté sexuelle de l'intéressée. Ces explications sont convaincantes. La cour cantonale n'a donc pas versé dans l'arbitraire en retenant que le recourant avait contraint sa femme à l'acte sexuel le 21 juin 2015, en usant de sa supériorité physique et en exploitant la présence des enfants.
|
1.6. S'agissant des faits survenus le 11 juillet 2015, le recourant soutient que la cour cantonale se fonde de manière arbitraire sur le constat médical établi le 14 juillet 2015 par l'Unité de Médecine des violences et les photos des lésions. Selon le recourant, ces pièces, qui constatent une blessure de l'épouse à la cheville, n'établiraient pas dans quel contexte cette blessure serait intervenue. Le recourant soutient que son épouse l'a frappé avec ses pieds lors d'une dispute, qu'il a repoussé ses pieds à l'aide de ses mains, avec force pour se défendre, ce qui a causé les lésions.
|
Selon l'acte d'accusation, repris par le jugement attaqué, le samedi 11 juillet 2015, les époux ont entretenu un premier rapport sexuel; le recourant a voulu à nouveau faire l'amour, mais son épouse a refusé. Il l'a poussée sur le lit et, alors que son épouse le repoussait, il l'a saisie et serrée à la gorge, lui a tordu le bras, a planté ses ongles sur son abdomen et lui a saisi la cheville gauche et l'a tordue; la victime a à ce moment entendu un claquement et a eu très mal. La cour cantonale a considéré que le constat médical du 14 juillet 2015 s'insérait dans le récit détaillé de l'épouse, notamment la torsion de sa cheville. Cette constatation n'est pas entachée d'arbitraire. Lorsque le recourant soutient que c'est son épouse qui l'a frappé et qu'il a repoussé ses pieds à l'aide de ses mains, il présente sa propre version des faits, sans établir que celle de la cour cantonale serait arbitraire; appellatoire, son argumentation est irrecevable.
|
2. Le recourant conteste la qualification de viol (art. 190 CP). Il fait valoir que l'élément de contrainte et l'intention ne sont pas réalisés.
|
2.1. L'art. 190 CP réprime le comportement de celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel.
|
Le crime réprimé par l'art. 190 CP est une infraction de violence qui suppose, en règle générale, une agression physique. La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder (ATF 122 IV 97 consid. 2b p. 100; arrêt 6B_267/2007 du 3 décembre 2007 consid. 6.3). Il n'est pas nécessaire que la victime soit mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraite physiquement. Une certaine intensité est néanmoins requise. La violence suppose non pas n'importe quel emploi de la force physique, mais une application de cette force plus intense que ne l'exige l'accomplissement de l'acte dans les circonstances ordinaires de la vie (ATF 87 IV 68). Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible peut suffire. Ainsi, peut déjà suffire le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos (arrêt 6S.126/2007 du 7 juin 2007 consid. 6.2).
|
2.2. Le 9 ou 10 juin 2015, le recourant est monté sur son épouse pour faire l'amour, mais celle-ci l'a repoussé à plusieurs reprises; le recourant lui a alors enlevé ses sous-vêtements et l'a pénétrée. Le 21 juin 2015, le recourant est monté sur son épouse et l'a agrippée par les cheveux, la contraignant ainsi à l'acte sexuel. Enfin, le 11 juillet 2015, il a poussé son épouse sur le lit pour faire l'amour avec elle, mais celle-ci l'a repoussé; le recourant l'a alors lâchée, puis est sorti de la chambre. Dans ces trois cas, l'épouse a refusé l'acte sexuel et le recourant a passé outre ce refus, en usant de sa supériorité physique (en montant sur elle, en enlevant ses sous-vêtements, en lui tirant les cheveux); dans le troisième, le recourant n'a pas poursuivi son activité coupable jusqu'au bout, de sorte que seule la tentative de viol a été retenue. Il n'est pas nécessaire que la victime n'ait pas pu résister. Lorsque le recourant soutient que son épouse était libre de partir, il s'écarte de l'état de fait cantonal, établi sans arbitraire; son grief est dès lors irrecevable.
|
Sur le plan subjectif, l'intention est admise lorsque la victime a donné des signes évidents et déchiffrables de son opposition, reconnaissables pour l'auteur - tels des pleurs, des demandes d'être laissée tranquille, le fait de se débattre, de refuser des tentatives d'amadouement ou d'essayer de fuir (arrêts 6B_774/2014 du 22 mai 2015 consid. 3.3; 6B_575/2010 du 16 décembre 2010 consid. 1.3.2). En l'espèce, il ressort de l'état de fait cantonal que l'épouse a repoussé le recourant et/ou qu'elle pleurait. Dans ces conditions, le recourant n'a pu que se rendre compte de son refus. Dès lors, c'est avec conscience et volonté qu'il a passé outre le refus de son épouse. L'élément intentionnel est donc réalisé.
|
2.3. En conclusion, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant le viol pour les deux premiers épisodes et la tentative de viol pour le troisième.
|
3. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Succombant, le recourant devra supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
|
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
|
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
|
Lausanne, le 11 février 2019
|
Au nom de la Cour de droit pénal
|
du Tribunal fédéral suisse
|
Le Président : Denys
|
La Greffière : Kistler Vianin
|