Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_1277/2018
Arrêt du 21 février 2019
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Damien Menut, avocat,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
intimé.
Objet
Ordonnance de classement; confiscation; arbitraire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 24 août 2018 (n° 652 PE18.005543-MNU).
Faits :
A.
Par ordonnance du 17 juillet 2018, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre X.________ pour faux dans les certificats et tentative d'obtention frauduleuse d'un permis de conduire, a refusé d'allouer à l'intéressé une indemnité au sens de l'art. 429 CPP et a ordonné la confiscation du faux permis de conduire érythréen n° xxx établi au nom de X.________ et sa dévolution à la Brigade A.________ de la Police cantonale vaudoise.
Cette ordonnance retient ce qui suit:
" 1. Faits reprochés
A B.________, le 20 février 2018, X.________ a présenté au Service des automobiles et de la navigation un faux permis de conduire érythréen n° xxx, afin de l'échanger contre un permis de conduire suisse, après avoir effectué une course de contrôle.
Le Service des automobiles et de la navigation a dénoncé le cas le 19 mars 2018.
2. Motivation
Il n'a pas été établi que X.________ soit à l'origine de la falsification de son permis de conduire ou même qu'il ait eu connaissance du fait que ledit document était falsifié. Il convient par conséquent de mettre l'intéressé au bénéfice de ses déclarations et de rendre une ordonnance de classement en sa faveur. Le permis de conduire érythréen contrefait sera confisqué et conservé auprès de la Brigade A.________ de la Police cantonale vaudoise à des fins didactiques et de comparaison.
3. Effets accessoires du classement
La procédure ne présentant aucune difficulté, tant en fait qu'en droit, et ayant été clôturée par une ordonnance de classement après la seule audition du prévenu, il n'y a pas lieu d'octroyer à X.________ l'indemnité au sens de l'art. 429 CPP d'un montant de 1'925 fr. 05 requise par ce dernier. "
B.
Par arrêt du 24 août 2018, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis partiellement le recours formé par X.________ et réformé l'ordonnance attaquée en ce sens qu'elle a alloué à X.________ une indemnité selon l'art. 429 CPP, d'un montant de 1'450 francs. Elle a confirmé l'ordonnance pour le surplus.
C.
Contre ce dernier arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que son permis de conduire lui est restitué. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358).
Selon l'art. 81 al. 1 LTF, quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée a qualité pour former un recours en matière pénale. Cette disposition donne une définition générale de la qualité pour recourir en matière pénale. La liste figurant sous l'art. 81 al. 1 let. b LTF énumère les cas ordinaires où la condition de l'intérêt juridique à recourir est en principe réalisée. Elle n'est toutefois pas exhaustive (FF 2001 p. 4115 s.). Le Tribunal fédéral a reconnu la qualité pour former un recours en matière pénale à celui qui s'opposait à la confiscation d'avoirs bancaires lui appartenant, admettant qu'il avait un intérêt juridiquement protégé à ce que la décision fut annulée ou modifiée (ATF 133 IV 278 consid. 1.3 p. 282; concernant l'ancien pourvoi en nullité, cf. ATF 128 IV 145 consid. 1a p. 148; 122 IV 365 consid. 1a/bb p. 368; 108 IV 154 consid. 1a p. 155 s.). Suivant cette jurisprudence, il faut reconnaître la qualité pour recourir au recourant qui se plaint de la confiscation de son permis de conduire.
2.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire en retenant que son permis de conduire érythréen était un faux.
2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire selon l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF), les critiques de nature appellatoire étant irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368).
2.2. Pour retenir que le permis de conduire était un faux, la cour cantonale s'est fondée sur un rapport du 7 mars 2018 de la police de sûreté vaudoise (pièce 5). Celui-ci conclut que le permis est un faux sur la base des éléments suivants: 1) Les procédés d'impression du permis de conduire diffèrent des standards connus. 2) La découpe des pages n'est pas centrée et les alignements des rubriques ne sont pas corrects par rapport au centrage du permis de conduire; cette anomalie est particulièrement frappante au niveau des pages 4 et 5. 3) Le numéro du permis de conduire, qui n'est pas réalisé par typographie, comporte 6 chiffres au lieu de 5 ou 7 selon les éditions. Ces éléments sont convaincants. En admettant sur la base de ceux-ci que le permis de conduire était un faux, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire.
Le recourant soutient que le classement de la procédure pour faux dans les certificats en raison de l'absence de l'élément subjectif signifie que le ministère public a admis qu'il avait bel et bien retiré son permis de conduire auprès du service administratif en Erythrée, après avoir suivi les cours et passé les examens; s'il avait au contraire acheté un faux permis auprès d'un faussaire, l'élément subjectif ne ferait pas défaut. Selon le recourant, il serait dès lors contradictoire, d'une part, de classer la procédure pour défaut d'élément subjectif et, d'autre part, de qualifier de faux le permis de conduire. On peut concéder au recourant que l'ordonnance du ministère public paraît quelque peu contradictoire. Il n'en reste pas moins que la cour cantonale a retenu, sur la base d'un rapport de police clair et donc sans arbitraire, que le permis de conduire était un faux. Pour le surplus, il n'appartient pas à la cour de céans de revenir sur l'infraction de faux certificat, compte tenu de l'interdiction de la reformatio in pejus.
2.3. Le recourant dénonce une violation grave du droit à un procès équitable (art. 6 CEDH) et du droit de participer à l'administration des preuves (art. 147 CPP).
Le rapport de police a été établi à la demande du Service vaudois des automobiles et de la navigation. Tant que la police agit dans le cadre d'une procédure d'investigation conformément aux art. 306 et 307 CPP , les parties ne disposent d'aucun droit de participation à l'administration des preuves. Dès l'ouverture de l'instruction par le ministère public, le recourant a pu consulter le dossier (art. 101 CPP). Il a pu ensuite exercer son droit d'être entendu dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de classement ( art. 322 al. 2 et 393 ss CPP ). Ses griefs tirés de la violation du droit à un procès équitable et du droit à la participation à l'administration des preuves sont donc infondés.
3.
Le recourant se plaint d'une mauvaise application de l'art. 69 CP.
3.1. Selon l'art. 69 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. L'art. 69 CP prévoit ainsi la confiscation des objets qui sont le produit d'une infraction (
producta sceleris) et des objets qui ont servi ou devaient servir à la commission d'une infraction (
instrumenta sceleris).
3.2. Pour qu'un objet puisse être confisqué en tant que produit ou objet de l'infraction (
producta sceleris), il faut qu'une infraction ait été commise, à savoir que les éléments objectifs et subjectifs d'une infraction soient réalisés. En l'absence d'élément subjectif, la confiscation est exclue, à moins que la détention en cause ne soit en elle-même prohibée et que la confiscation ne soit autorisée, en vertu des dispositions spéciales, qui l'emportent sur l'art. 69 CP (MICHEL DUPUIS ET AL., Petit commentaire du Code pénal, 2e éd., 2017, n° 7 ad art. 69 CP; MARC THOMMEN, in JÜRG-BEAT ACKERMANN [ éd.], Kommentar Kriminelles Vermögen - Kriminelle Organisationen: Einziehung, Kriminelle Organisation, Finanzierung des Terrorismus, Geldwäscherei, Vol. I, Zurich/Bâle/Genève 2018, n° 91 ad art. 69 CP; jugement de la Cour de cassation vaudoise du 18 avril 2005, in JT 2005 III 68).
En l'espèce, la procédure pour faux dans les certificats et tentative d'obtention frauduleuse d'un permis de conduire a été classée en raison de l'absence de l'élément subjectif. A défaut d'infraction, le permis de conduire ne peut pas être confisqué en tant que produit ou objet de celle-ci. La seule question est de savoir si ce permis peut servir à commettre une infraction.
3.3. Pour admettre qu'un objet puisse servir à commettre une infraction selon l'art. 69 CP (
instrumenta sceleris), il n'est pas nécessaire que l'infraction ait été commise ou même simplement tentée. Il ne suffit pas qu'un objet soit généralement destiné ou propre à être éventuellement utilisé pour commettre une infraction (ATF 103 IV 76); il faut mais il suffit qu'il existe un risque sérieux qu'il puisse servir à commettre une infraction (ATF 129 IV 81 consid. 4.1 p. 93; 125 IV 185 consid. 2a p. 187). Lorsque cette hypothèse est réalisée, il faut encore, pour que la confiscation soit prononcée, que l'objet compromette la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. A cet égard, on ne saurait émettre des exigences élevées; il suffit qu'il soit vraisemblable qu'il y ait un danger si l'objet n'est pas confisqué en mains de l'ayant droit (ATF 125 IV 185 consid. 2a p. 187).
En l'espèce, si le faux permis de conduire reste en possession du recourant, il existe un risque que les autorités puissent être trompées sur le droit de conduire du recourant. En ordonnant la confiscation de ce permis, la cour cantonale a correctement appliqué l'art. 69 CP.
4.
Le recours doit être rejeté. Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 21 février 2019
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Kistler Vianin