Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_21/2019
Arrêt du 28 mars 2019
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Karlen et Muschietti.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Patrick Fontana, avocat,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Beatrice Pilloud, avocate,
intimé,
Office régional du Ministère public
du Valais central.
Objet
Procédure pénale; suspension de l'instruction,
recours contre l'ordonnance du Juge unique
de la Chambre pénale du Tribunal cantonal
du canton du Valais du 10 décembre 2018 (P3 17 276).
Faits :
A.
Le 20 septembre 2016, la société A.________ SA, qui exploite une entreprise d'installations sanitaires et de ferblanterie-couverture, a déposé une plainte pénale contre son ancien employé B.________ pour violation de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241), escroquerie et faux dans les titres. Elle lui reprochait d'avoir contrevenu à la clause de prohibition de concurrence contenue dans son contrat de travail en créant sa propre entreprise d'installations sanitaires et en débutant son activité indépendante alors qu'il était en arrêt de travail et encore sous contrat, d'avoir incité certains de ses clients à résilier leur contrat avec elle et offert des prix inférieurs à ceux proposés par la concurrence, de l'avoir trompée en déclarant faussement être en incapacité totale de travail et en faisant usage d'un faux certificat médical indiquant faussement ladite incapacité.
Agissant sur mandat du Procureur de l'Office régional du Ministère public du Valais central, la Police cantonale valaisanne a entendu A.________ en qualité de personne appelée à donner des renseignements et B.________ comme prévenu. Elle a déposé un rapport de dénonciation le 14 décembre 2016.
Le 31 janvier 2017, le Procureur a informé les parties à la procédure que l'enquête pénale était terminée et qu'il entendait prononcer une mise en accusation pour violation de la loi fédérale contre la concurrence déloyale, tentative d'escroquerie et faux dans les titres. Un délai de vingt jours leur était imparti pour déposer d'éventuelles réquisitions de preuves et les questionnaires destinés aux témoins.
Le 21 février 2017, B.________ a requis son audition au motif qu'il n'avait pas été entendu sur les accusations de tentative d'escroquerie et de faux dans les titres, l'édition par A.________ SA du certificat médical prétendument constitutif d'un faux dans les titres et l'audition de son auteur, le Dr C.________, l'édition par son ancien employeur des documents attestant du versement des salaires des mois de mai et juin 2016, la production des appels téléphoniques de la plaignante et de A.________ reçus sur son téléphone portable du 1
er octobre 2014 au 25 mars 2016 ainsi que l'édition de deux pièces déposées par la plaignante devant le Tribunal des districts d'Hérens et Conthey et devant le Tribunal du travail. Il a versé les questionnaires à son intention et à celle de son médecin traitant.
Le même jour, A.________ SA a requis l'édition des relevés des appels téléphoniques du raccordement privé de son ancien employé depuis janvier 2016, la production des relevés bancaires de la société B.________ Sàrl, de la déclaration des salaires versés par cette société à ses employés ainsi que des factures payées à cette société par D.________. Elle réservait les auditions de la gérante de cet établissement et du Dr C.________ et a joint les questionnaires préparés à leur intention.
Le 21 mars 2017, le Procureur a cité à comparaître le 10 avril 2017 le Dr C.________ et la gérante de D.________. Cette dernière ne s'est pas présentée en raison d'un décès survenu dans sa famille.
Le 9 octobre 2017, A.________ SA s'est enquis de l'avancement du dossier.
Le 25 octobre 2017, le Procureur a prononcé la suspension de la procédure pénale jusqu'à droit connu sur la procédure civile en lien avec la clause de prohibition de concurrence opposant les parties auprès du Tribunal des districts d'Hérens et Conthey.
Statuant en qualité de Juge unique par ordonnance du 10 décembre 2018, le Président de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté le recours déposé contre cette décision par A.________ SA. Il a considéré que le résultat de la procédure civile, qui avait pour objet de déterminer si la clause de prohibition de concurrence était valable et si B.________ devait la somme de 80'000 fr. fixée contractuellement en cas de violation de cette clause, pouvait jouer un rôle pour le résultat de la procédure pénale s'agissant de la violation alléguée de la loi fédérale contre la concurrence déloyale et simplifier de manière significative l'administration des preuves dans cette procédure puisque les moyens de preuves se recoupent pour la plupart. Il n'a pas retenu une violation du principe de célérité, que ce soit au regard d'un risque d'acquisition de la prescription pénale ou de la longueur alléguée de la cause civile.
B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ SA demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de renvoyer la cause auprès de l'Office régional du Ministère public du Valais central pour reprise de la procédure.
Le Procureur et le Président de la Chambre pénale ont renoncé à formuler des observations. L'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
La recourante a répliqué.
Considérant en droit :
1.
La voie du recours en matière pénale prévue aux art. 78 ss LTF est ouverte contre l'ordonnance rendue le 10 décembre 2018 par le Président de la Chambre pénale. Le point, contesté, de savoir si cette décision peut avoir des effets sur le jugement des prétentions civiles de la recourante et si celle-ci peut se prévaloir d'un intérêt juridique à son annulation au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF peut demeurer indécis dans la mesure où le recours est de toute manière irrecevable.
1.1. La décision attaquée, qui confirme la suspension de la procédure pénale prononcée par le Ministère public, revêt un caractère incident. S'agissant d'une décision qui n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 92 LTF, le recours en matière pénale n'est recevable que si cet arrêt est de nature à causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Cette dernière hypothèse n'entre pas en considération en l'occurrence. Le préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF se rapporte, en matière pénale, à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable à la partie recourante (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1 p. 130).
Selon la jurisprudence, une décision de suspension peut causer un dommage irréparable au justiciable qui se plaint d'un retard injustifié à instruire et à statuer sur le fond. Il faut toutefois que le grief soit suffisamment motivé et fasse apparaître un risque sérieux de violation du principe de célérité. Ainsi, lorsque la suspension critiquée intervient à un stade de la procédure où il apparaît évident que ce principe n'est pas violé ou lorsque la partie recourante ne démontre pas qu'un tel risque apparaîtra nécessairement à terme, la jurisprudence s'en tient aux exigences de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 143 IV 175 consid. 2.3 p. 177 et les arrêts cités).
1.2. A réception de la plainte de la recourante, l'Office régional du Ministère public du Valais central a ouvert une enquête pénale et a mandaté la Police cantonale valaisanne aux fins de procéder aux investigations nécessaires. Après avoir pris connaissance du rapport de dénonciation établi par la police et des procès-verbaux d'audition des parties joints en annexe, il a informé celles-ci de la prochaine clôture de l'instruction et les a invitées à produire leurs réquisitions de preuves. Tant la recourante que l'intimé ont sollicité plusieurs mesures d'instruction complémentaire. Le Ministère public a donné suite aux requêtes d'audition de témoins en citant à comparaître le médecin traitant de B.________ et la gérante de D.________ qui aurait recouru aux services du prévenu pour des travaux sanitaires dans son établissement. Il est vrai que plus aucune mesure d'instruction n'a été ordonnée à la suite de l'audition du Dr C.________ jusqu'à ce que le Procureur ne rende son ordonnance de suspension querellée. Sous cette réserve, on ne discerne de la part du Ministère public aucun retard dans l'instruction de la plainte qui pourrait prêter flanc à la critique au regard de l'art. 5 al. 1 CPP. Le recourant ne le prétend d'ailleurs pas. On ne saurait en outre affirmer que l'instruction pénale est achevée et que la cause serait en état d'être renvoyée en jugement puisque des mesures d'instruction complémentaires ont été requises au sujet desquelles le Procureur n'a pas pris position. Il importe peu à cet égard qu'il ait envisagé dans un premier temps de renvoyer le prévenu en jugement à réception du rapport de dénonciation.
La suspension est prononcée non pas sine die, mais dans l'attente d'une décision dans la cause civile diligentée par le Juge des districts d'Hérens et de Conthey à la suite de l'action en libération de dette introduite devant cette juridiction par l'intimé le 10 novembre 2016. Les simples conjectures avancées par la recourante concernant la durée de l'instruction devant cette autorité ne suffisent pas pour considérer que cette procédure ne pourrait pas être menée à terme dans un délai raisonnable. Au demeurant, on ne se trouve pas dans un cas où la reprise de la procédure pénale dépend de l'issue d'une procédure sur laquelle la recourante n'a aucune prise. A.________ SA est partie à la procédure civile et dispose ainsi de moyens de la faire avancer. En l'état actuel, elle ne démontre pas qu'il y aurait violation du principe de célérité dans la procédure pénale. Si tel devait être ultérieurement le cas, compte tenu de l'évolution de la procédure civile, elle pourrait encore saisir le Procureur d'une demande de reprise de la procédure pénale. Une violation du principe de célérité ne saurait non plus être retenue à ce jour eu égard à un risque d'acquisition de la prescription de l'action pénale, que ce soit en relation avec les violations alléguées de la loi fédérale contre la concurrence déloyale ou avec les infractions d'escroquerie et de faux dans les titres (cf. art. 3 al. 1 let. f, 4 let. a et 23 LCD et art. 146 al. 1 et 251 ch. 1 CP en lien avec les art. 97 al. 1 let. b et c et 98 CP).
En conséquence, faute de violation évidente ou démontrée du principe de célérité, il faut s'en tenir aux exigences de l'art. 93 al. 1 let. a LTF et rechercher si la décision attaquée est susceptible de causer à la recourante un préjudice irréparable, qu'il lui incombe de démontrer lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 141 IV 284 consid. 2.3 p. 287).
La recourante ne développe aucune argumentation spécifique sur ce point. Comme on l'a vu, il n'y a pas en l'état de risque de prescription de l'action pénale. Quant au danger d'altération ou de disparition de moyens de preuves, il n'est ni allégué ni manifeste. On ne voit pas davantage quel préjudice de nature juridique la recourante pourrait subir si, comme elle l'affirme, l'intimé devait, en cas de condamnation et en raison de la suspension de procédure, bénéficier d'une réduction de peine en raison de la longueur de la procédure pénale ou de l'écoulement du temps survenu depuis la commission de l'infraction, une telle réduction n'ayant aucune influence sur le sort des prétentions civiles qu'elle entend faire valoir (cf. art. 382 al. 2 CPP; Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005 FF 2006 p. 1292).
Il s'ensuit que l'ordonnance attaquée ne peut pas faire l'objet d'un recours immédiat auprès du Tribunal fédéral. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière et d'examiner si le jugement civil était de nature à apporter des précisions utiles sur la violation des dispositions pénales de la loi fédérale contre la concurrence déloyale et si la suspension de la procédure était de ce fait justifiée.
2.
Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable aux frais de la recourante qui succombe ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ). Cette dernière versera une indemnité de dépens à l'intimé qui obtient gain de cause avec l'assistance d'une avocate (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera une indemnité de 2'000 fr. à l'intimé à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'Office régional du Ministère public du Valais central et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 28 mars 2019
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
Le Greffier : Parmelin