BGer 4A_485/2018 |
BGer 4A_485/2018 vom 08.04.2019 |
4A_485/2018 |
Arrêt du 8avril 2019 |
Ire Cour de droit civil |
Composition
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Mmes les juges Kiss, présidente, Klett et Hohl.
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Greffier : M. Thélin.
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Participants à la procédure
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F.X.________,
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représenté par Me Serge Patek,
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défendeur et recourant,
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contre
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Z.________,
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représenté par Me Cyril Mizrahi,
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demandeur et intimé.
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Objet
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bail à loyer; résiliation
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recours contre l'arrêt rendu le 2 août 2018 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève
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(C/27480/2015, ACJC/1011/2018).
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Considérant en fait et en droit : |
1. F.X.________ est propriétaire d'une villa comprenant deux appartements, l'un de cinq pièces, l'autre de sept pièces avec jardin d'hiver, garage et place de stationnement, sise dans la commune du Grand-Saconnex. Cet immeuble lui a été donné en 2012 par son père P.X.________.
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Le donateur a habité l'appartement de cinq pièces jusqu'à son décès le 14 septembre 2015. Depuis, l'appartement est inoccupé.
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S.X.________, soeur de F.X.________, a habité l'appartement de sept pièces avec dépendances dès 1997, avec son époux Z.________, à titre de locataire. Elle est décédée en 2000.
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Z.________ continue d'habiter ce logement; il acquitte un loyer mensuel de 1'700 francs. Il est gravement handicapé par suite d'un accident subi en 1997. L'assurance-invalidité a financé d'importants travaux d'adaptation de l'appartement, à hauteur d'environ 57'000 francs.
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2. Après le décès de son père, F.X.________ a d'abord envisagé de louer l'appartement de cinq pièces à une personne que son beau-frère Z.________ pourrait proposer, puis de charger une régie d'administrer la villa. Par courriel du 28 octobre 2015, il a informé son beau-frère de ces intentions. Quelques jours après, le 2 novembre, il lui a toutefois refusé l'autorisation de faire visiter l'appartement, dans les termes ci-après:
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Pour la visite de l'appartement, il n'y a encore aucune décision prise par moi, d'ici la fin de l'année. Donc pas de visite pour le moment, c'est trop tôt. On verra cette problématique de la villa en début d'année 2016.
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Le 25 novembre 2015, F.X.________ a résilié le bail de son beau-frère avec effet au 31 mars 2016.
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3. Le 30 janvier 2017, Z.________ a ouvert action contre F.X.________ devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. A titre principal, il concluait à l'annulation du congé; à titre subsidiaire, il réclamait la prolongation judiciaire du contrat pour une durée de quatre ans.
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Le défendeur a conclu au rejet de l'action.
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Le tribunal s'est prononcé le 19 octobre 2017; accueillant l'action, il a annulé le congé.
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La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a statué le 2 août 2018 sur l'appel du défendeur; elle a confirmé le jugement.
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4. Agissant par la voie du recours en matière civile, le défendeur requiert le Tribunal fédéral de constater la validité du congé.
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Le demandeur conclut au rejet du recours.
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Sans y être invitées, les parties ont déposé une réplique et une duplique.
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5. Il est constant que les parties sont depuis 2012 liées par un contrat de bail à loyer portant sur l'usage de l'appartement de sept pièces, et que le défendeur a déclaré le 25 novembre 2015 la résiliation de ce contrat. Cette résiliation est contestée.
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En matière de bail à loyer, la recevabilité du recours en matière civile suppose une valeur litigieuse de 15'000 fr. au moins (art. 74 al. 1 let. a LTF). Lorsque la contestation porte sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre ici en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1 p. 390; 111 II 384 consid. 1 p. 386). En l'espèce, compte tenu d'un loyer mensuel de 1'700 fr. pour l'appartement en cause, le minimum de 15'000 fr. est atteint.
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6. Aux termes de l'art. 271 al. 1 CO, la résiliation d'un bail d'habitation ou de locaux commerciaux est annulable lorsqu'elle contrevient aux règles de la bonne foi. Cette disposition protège le locataire, notamment, contre le congé purement chicanier qui ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, et dont le motif n'est qu'un prétexte. Le locataire est aussi protégé en cas de disproportion grossière des intérêts en présence; il l'est également lorsque le bailleur use de son droit de manière inutilement rigoureuse ou adopte une attitude contradictoire. La protection ainsi conférée procède à la fois du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, respectivement consacrés par les al. 1 et 2 de l'art. 2 CC; il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit « manifeste » aux termes de cette dernière disposition (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108; 120 II 31 consid. 4a p. 32; voir aussi ATF 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p. 61/62). La validité d'un congé doit être appréciée en fonction des circonstances présentes au moment de cette manifestation de volonté (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1 p. 92/93; ATF 140 III 496 et 138 III 59, ibid.).
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Pour le surplus, chacun des cocontractants est en principe libre de mettre fin à un bail à loyer de durée indéterminée conformément à l'art. 266a al. 1 CO, c'est-à-dire en observant les délais et termes de résiliation légaux ou convenus. L'art. 271 al. 1 CO ne tend pas à supprimer la liberté du bailleur de résilier le contrat, mais seulement à protéger le locataire contre d'éventuels abus de cette liberté. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1 p. 497), ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce que ce contrat prenne fin (arrêt 4A_19/2016 du 2 mai 2017, consid. 2.2). Sous réserve d'une éventuelle disproportion grossière des intérêts en présence, une pesée de ces intérêts n'intervient qu'au stade de la prolongation du contrat, à accorder par le juge, s'il y a lieu, en application de l'art. 272 CO (arrêt 4A_475/2015 du 19 mai 2016, consid. 4.2 i.f. et 4.4 i.f.).
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Parmi d'autres cas, le bailleur peut légitimement vouloir vendre son immeuble et le vendre dans les meilleures conditions. Il s'ensuit que le congé signifié dans le but de favoriser une vente n'est en principe pas abusif lorsque, d'après les constatations de fait de la juridiction cantonale, la présence d'un locataire est effectivement de nature à rendre une vente plus difficile (même arrêt, consid. 5.2.1).
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7. Dans le procès, le défendeur a allégué vouloir vendre la villa dans le but de n'avoir plus à s'occuper de sa gestion, et avoir résilié le bail du demandeur dans le but de parvenir à un prix de vente plus élevé.
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Au stade de la constatation des faits, la Cour de justice retient la volonté de vendre la villa; elle exclut en revanche que la résiliation du bail soit motivée par le but de parvenir à un prix plus élevé, cela parce que le défendeur a reçu une offre d'achat dont l'auteur se disait « disposé à cohabiter le temps nécessaire avec le locataire ». Selon la Cour, le congé n'est donc motivé que par « un souhait de ne pas assumer certaines tâches minimales liées à [la] situation de propriétaire-bailleur ». La Cour constate par ailleurs que pour l'autre partie, le demandeur, la perte de son appartement entraînerait des conséquences très pénibles en raison de son âge (cinquante-neuf ans en 2018), d'une maladie cardiaque et, surtout, de son handicap qui nécessite un logement adapté. Au stade de l'appréciation juridique, la Cour retient une disproportion grossière des intérêts en présence, et elle annule le congé pour ce motif.
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8. A l'appui du recours en matière civile, le défendeur fait état de nombreuses contestations similaires que le Tribunal fédéral a résolues en ce sens que le bailleur avait valablement résilié dans le but de favoriser une vente du bien loué. Le défendeur infère de ces précédents « qu'une résiliation du contrat de bail donnée par le bailleur dans le but de pouvoir vendre son bien libre de tout occupant à un meilleur prix est un motif considéré comme légitime et licite ». Cette assertion est incomplète. Dans son arrêt 4A_475/2015 du 19 mai 2016, déjà mentionné, le Tribunal fédéral a examiné et discuté de manière détaillée sa propre pratique, et il est parvenu dans les termes ci-après à une conclusion plus nuancée: « [Le] Tribunal fédéral n'a jamais admis de manière abstraite que la vente d'un appartement libre d'occupant se fait toujours à de meilleures conditions; [il] a dans tous les cas examiné cette question concrètement sur la base des constatations de fait de l'instance cantonale. » (consid. 5.2.1)
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La Cour de justice n'a pas constaté que le déménagement du demandeur et la libération de son appartement permettrait effectivement au défendeur de vendre la villa à un prix plus élevé. La Cour a seulement constaté que la vente serait possible aussi sans résilier le bail à loyer; elle n'a pas examiné l'incidence de ce bail sur le prix de vente. Ces constatations cantonales lient le Tribunal fédéral en vertu de l'art. 105 al. 1 LTF. Le défendeur ne prétend pas qu'elles reposent sur une appréciation éventuellement arbitraire des preuves, ni qu'elles soient incomplètes en ceci que la Cour aurait méconnu des preuves ou offres de preuve portant sur des faits pertinents et dûment allégués. Il s'ensuit que la résiliation du bail ne paraît pas objectivement nécessaire à la réalisation du projet de vente - projet intrinsèquement légitime - entrepris par le défendeur.
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Les inconvénients particulièrement graves que la fin du contrat entraînerait pour le demandeur, selon les constatations de la Cour et en raison de la situation personnelle particulière de ce locataire, ne sont pas non plus contestés. En considération de ces inconvénients, la Cour de justice retient sans abus ni excès de son pouvoir d'appréciation que le congé est abusif par suite d'une disproportion grossière des intérêts en présence.
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9. Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté.
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2. Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 3'000 francs.
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3. Le défendeur versera une indemnité de 3'500 fr. au demandeur, à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 8 avril 2019
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente : Kiss
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Le greffier : Thélin
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