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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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4A_498/2018
Arrêt du 11 avril 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Stéphanie Fuld,
défenderesse et recourante,
contre
B.________,
représentée par Me Marcel Bersier,
demanderesse et intimée.
Objet
Contrat de travail, part patronale des charges sociales, salaire variable (art. 322a CO), interprétation de la volonté des parties,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes, du 13 juillet 2018 (C/3340/2015-4, CAPH/100/2018).
Faits :
A.
A.a. A partir du 1er avril 2009, B.________ (ci-après : l'employée) a été engagée en qualité de gestionnaire par A.________ SA (ci-après : l'employeuse), société avec siège à Genève qui fournit des conseils et des services dans le domaine de la gestion de fortune, de la fiscalité et du placement de capitaux.
A.b. En vertu de l'art. 4 du contrat de travail, la rémunération de l'employée comprenait une partie fixe (salaire fixe) et une partie variable calculée selon une méthode décrite dans un document, signé par l'employée, annexé à son contrat (ci-après : l'annexe au contrat). Il n'est plus contesté que cette partie variable, désignée sous le terme (incorrect) de " bonus ", était en réalité un salaire variable, convenu entre les parties, et dont le montant était déterminable.
L'art. 5 du contrat constitue un rappel (de principe) des charges sociales incombant aux employés. Il prévoit que " la participation de l'employé aux charges sociales et à la prime de prévoyance professionnelle, ainsi que la participation aux frais d'assurances accident et perte de gains viendront en déduction du salaire brut, conformément aux dispositions légales en vigueur et aux règles internes de la société ".
L'annexe au contrat contient (notamment) les bases de calcul du salaire variable. Celui-ci est calculé en partant de la " rémunération globale " de la " Business Unit 1 " (unité B.U1, composée de la seule employée) qui correspond à 60% du chiffre d'affaires annuel net de l'unité (art. 2.1 de l'annexe), la part de 40% restant acquise à l'employeuse. Le chiffre d'affaires de l'unité étant généré par les commissions perçues par l'employée notamment pour la gestion de fonds ou de portefeuilles (art. 2.2 de l'annexe), la " rémunération globale " correspond à 60% de la " marge sur commissions " obtenue par l'employée.
Du montant de la " rémunération globale ", il faut déduire les charges d'exploitation de l'unité B.U1 comprenant le " salaire fixe brut et charges sociales du Gestionnaire (...) Business Unit 1 " (art. 2.1 et 2.2 de l'annexe), l'octroi des autres avantages en nature et/ou en espèces (leasing, parking, assurances, etc.), l'indemnisation des frais de voyages ainsi que tous autres frais engendrés par la recherche et le suivi des clients de la B.U1 (frais commerciaux, frais de restaurants, etc.) (art. 2.2 et 2.3 de l'annexe). Si le solde est positif, il est versé à titre de salaire variable. Si le résultat est négatif (" rémunération globale " < charges de l'unité B.U1), aucun salaire variable n'est versé et l'unité (donc l'employée) s'engage à corriger la situation en prenant les mesures appropriées parmi celles figurant dans l'annexe (réduction déterminée du salaire fixe brut, etc.) (art. 2.5 de l'annexe).
A.c. Le salaire annuel fixe de l'employée était de 192'000 fr. au début de son activité auprès de l'employeuse. En mars 2010, il a été augmenté à 240'000 fr.
Le 20 octobre 2014, l'employée a signé un avenant à son contrat de travail qui prévoyait une réduction de son salaire fixe à 180'000 fr. par an, à compter du 1er janvier 2015.
Par courrier du 20 décembre 2014, l'employée a résilié son contrat de travail avec effet au 31 décembre 2014.
Par courrier du 23 décembre 2014, l'employeuse a pris note de la résiliation, précisant que les rapports contractuels se termineraient le 28 février 2015. Elle a toutefois libéré l'employée de son obligation de travailler dès le 23 décembre 2014.
" En cours d'emploi ", l'employeuse a remis à l'employée divers tableaux analytiques (contenant les données concrètes utiles pour le calcul du salaire variable) concernant son unité. Il résulte de l'échange d'écritures devant la Cour de céans, et de celui effectué dans la procédure cantonale (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF), que l'employée a en tout cas reçu, après la clôture des exercices concernés, les tableaux analytiques portant sur les années 2010 et 2011.
Le tableau analytique " Frais de personnel " comprend notamment le salaire fixe (brut) de l'employée, les gratifications, les " Cotisations sociales - AVS, AI, APG, AC ", les " Cotisations sociales - comp. Fam. ", les " Cotisations sociales - Prév. Prof. ", les " Cotisations sociales - Assurance-Accident ", et, à une reprise, les " Cotisations - Perte de gain ".
Selon les certificats, fiches de salaires et pièces comptables établis par la société employeuse entre 2009 et 2015, l'employée a perçu un salaire brut et un salaire variable entre 2010 et 2013. Elle a reçu exclusivement un salaire fixe en 2009, 2014 et 2015 (janvier et février).
A.d. Pour l'année 2011 (à titre d'exemple), son salaire brut total était de 576'400 fr., soit un montant comprenant 240'000 fr. de salaire fixe et 336'400 fr. (montant arrondi) de salaire variable (calculé selon les données de 2010). La part employée des charges sociales (somme totale de 52'719 fr.80) afférente au salaire brut total a été déduite et versée aux autorités concernées, soit 33'527 fr.60 de cotisations AVS/AI/APG/AC/AAN et 19'192 fr.20 de 2ème pilier.
Pour calculer la part variable du salaire (336'400 fr. [montant arrondi]), l'employeuse s'est fondée sur une " marge de commissions " de 1'080'589 fr., en a retenu le 60%, puis a soustrait du produit obtenu la somme des frais (déterminés sur la base des données de l'année 2010) engagés pour l'employée (311'925 fr. [recte: 311'924 fr.]), soit 28'775 fr. de " Frais généraux ", 5'743 fr. de " Frais généraux liés au personnel " et 277'406 fr. de " Frais de personnel ". Ce dernier poste (" Frais de personnel ") comprend diverses charges liées au personnel et, en particulier, une somme totale de 61'709 fr. versée par l'employeuse au titre de " cotisations sociales ".
B.
Le 9 février 2015, l'employée a ouvert action en paiement contre l'employeuse. La conciliation ayant échoué et l'autorisation de plaider lui ayant été accordée, elle a déposé une demande devant le Tribunal des prud'hommes le 12 mai 2015, concluant à ce que sa partie adverse soit condamnée à lui verser le montant de 1'559'668 fr.80, intérêts en sus. Ce montant comprend 508'392 fr. à titre d'imputations opérées à tort sur les salaires 2009 à 2014, et, à titre d'impayé sur la part du salaire variable, 4'468 fr. pour l'année 2009, 80'721 fr.80 pour l'année 2010, 23'641 fr. pour l'année 2011, 29'232 fr. pour l'année 2012, 343'526 fr. 40 pour l'année 2013, 343'526 fr.40 pour l'année 2014, ainsi que 226'161 fr.20 à titre de remboursement des prélèvements sociaux effectués sur la rémunération de l'employée et correspondant à la part patronale.
La défenderesse a conclu au déboutement de la demanderesse de toutes ses conclusions et, sur demande reconventionnelle, à sa condamnation à lui payer 278'668 fr., intérêts en sus, à divers titres (remboursement de salaires, dommages-intérêts pour perte due au départ de l'employée, 150'000 fr. de dommages-intérêts pour gain manqué.
Le 13 janvier 2017, la demanderesse a amplifié ses conclusions de 172'086 fr.20.
Par jugement du 11 mai 2017, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevable l'amplification des conclusions de 172'086 fr.20 formée par la demanderesse (dispositif ch. 3), ainsi que les pages 2 à 9 du courrier du 15 juin 2016 produit par l'employée (ch. 4). Sur le fond, il a condamné celle-ci à verser à la défenderesse la somme brute de 30'000 fr., intérêts en sus (ch. 5), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6) et réparti les frais et les dépens (ch. 8 à 10).
Par arrêt du 13 juillet 2018, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève, sur appel de la demanderesse et appel joint de la défenderesse, a annulé les chiffres 6 et 8 à 10 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau, condamné la défenderesse à verser à la demanderesse la somme brute de 311'194 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 15 février 2012 (date moyenne), et il a procédé à une nouvelle répartition des frais et dépens. Il a confirmé le jugement entrepris pour le surplus et débouté les parties de toutes autres conclusions.
C.
Contre cet arrêt cantonal, la défenderesse forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut, principalement, à son annulation en tant qu'il la condamne à verser à l'employée la somme brute de 311'194 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 février 2012 (date moyenne), sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. En substance, la recourante invoque l'établissement arbitraire des faits (art. 97 al. 1 LTF) et la violation du droit fédéral, plus particulièrement des art. 9 et 29 al. 2 Cst., de l'art. 8 CC et de l'art. 18 CO.
L'intimée conclut au rejet du recours et à ce que la recourante soit déboutée de toutes ses conclusions principales et subsidiaires, sous suite de frais et dépens.
Chacune des parties a encore déposé des observations.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours en matière civile étant un recours en réforme (cf. art. 107 al. 2 LTF), la partie recourante doit en principe prendre des conclusions sur le fond et non se borner à conclure à l'annulation de l'arrêt attaqué; elle ne peut s'abstenir de conclusions sur le fond que si le Tribunal fédéral, dans l'hypothèse où il admettrait le recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond (ATF 134 III 379 consid. 1.3 p. 383; 133 III 489 consid. 3.1 p. 489 s.; arrêt 4A_266/2011 du 19 août 2011 consid. 1.2).
En l'espèce, on ne voit pas ce qui empêcherait le Tribunal fédéral, s'il suivait l'argumentation de la recourante, de rejeter la demande. Les conclusions sont donc mal prises puisque la recourante aurait dû conclure sur le fond au rejet de la demande formée contre elle par l'intimée. On comprend cependant qu'en concluant à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle " condamne [l'employeuse] à verser à [l'employée] la somme brute de 311'194 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 février 2012 (date moyenne) ", la recourante voudrait supprimer la condamnation prononcée à son encontre; les conclusions doivent être interprétées à la lumière de la motivation contenue dans le mémoire (ATF 127 IV 101 consid. 1 p. 102 s.) et les arguments présentés confirment cette interprétation. Il serait donc excessivement formaliste de déclarer irrecevable le recours pour ce défaut dans les conclusions.
1.2. Formé en temps utile (art. 100 al. 1, 45 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF), dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue sur appel de la demanderesse et appel joint de la défenderesse par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une affaire relevant du droit du travail (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse excède 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte de preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2).
2.2. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal ou, cas échéant, à l'état de fait qu'il aura rectifié. Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).
3.
La question litigieuse se situe à la croisée des chemins entre, d'une part, l'obligation légale de l'employeuse de verser une partie des cotisations sociales (part patronale) afférentes au salaire de son employée, et, d'autre part, l'application de la méthode de calcul du salaire variable, convenue entre les parties, en vertu de l'art. 322a CO.
Selon la méthode de calcul figurant à l'annexe au contrat, qui est à l'origine du litige, il convient de déduire du montant de la " rémunération globale " de l'unité B.U1 - correspondant à 60% du chiffre d'affaires net (= 60% de la " marge de commissions ") de l'unité (i.e de l'employée) - l'ensemble des charges d'exploitation de celle-ci, notamment les frais qu'elle a générés, et le " salaire fixe brut et charges sociales du Gestionnaire (...) ".
L'employée est d'avis que l'application de cette méthode a pour conséquence de lui faire supporter la part patronale des cotisations sociales, pourtant impérativement à la charge de l'employeuse. Elle ajoute qu'elle était dans l'impossibilité de comprendre, sur la base de l'accord conclu avec l'employeuse, que cette part patronale serait également déduite de son salaire. L'employeuse considère au contraire que la méthode de calcul vise exclusivement la détermination du salaire variable (et non le prélèvement de cotisations sociales sur le salaire brut qui était versé à l'employée) et que, contrairement à ce qu'affirme l'employée, l'annexe au contrat prévoit explicitement, dans le calcul du salaire variable, la déduction de la part patronale des charges sociales.
Il est utile, vu la formulation ambiguë de certains passages de l'arrêt cantonal et la confusion parfois entretenue par l'employée intimée, d'insister sur la distinction existant entre:
- d'une part, le calcul du salaire variable quiest opéré en fonction de critères définis contractuellement par les parties, dans les limites posées par l'art. 322a CO (participation au résultat de l'exploitation), et,
- d'autre part, le versement des cotisations sociales, fixées selon les critères légaux usuels en fonction du salaire brut total de l'employée (salaire fixe et salaire variable), la part employée étant prélevée sur son salaire brut total et la part patronale payée directement par l'employeuse.
S'agissant du versement des cotisations sociales, il n'est pas contesté que la part employée a été valablement prélevée sur le salaire brut total (salaire fixe et salaire variable) qui lui a été versé, ce que confirment les données figurant dans ses certificats de salaire. Il n'est pas non plus contesté que l'employeuse, de son côté, s'est acquittée chaque année de la part patronale des cotis ations sociales à sa charge, conformément à ses obligations légales.
4.
Il s'agit tout d'abord de contrôler la validité de la méthode de calcul figurant à l'annexe du contrat.
4.1. Selon la jurisprudence, les parties ne sauraient convenir d'une clause contractuelle autorisant l'employeuse à imputer sur le " salaire brut convenu " les cotisations sociales incombant à celle-ci (part patronale) (cf. ATF 107 II 430 consid. 4 p. 436). Elles ont par contre la liberté de déterminer les critères permettant de calculer le salaire variable (cf. art. 322a CO) qui, ajouté au salaire fixe, représentera le " salaire brut convenu ", sur lequel la part employée des charges sociales sera prélevée, et qui sera versé (une fois ces charges imputées) à l'employée.
4.2. En l'espèce, il apparaît d'emblée que l'employeuse n'a pas fait supporter à l'employée la part patronale des charges sociales en prélevant, comme celle-ci l'affirme, cette part sur son salaire. L'employeuse n'a fait qu'appliquer la méthode de calcul convenue entre les parties (sur leur volonté d'y inclure la déduction de la part patronale, cf. encore infra consid. 5) et définie dans l'annexe au contrat, pour fixer la participation (salaire variable) auquel avait droit l'employée selon l'art. 322a CO. Autrement dit, la déduction est purement mathématique (destinée à calculer le salaire variable) et le paiement effectif de la part patronale des cotisations sociales est bien effectué par l'employeuse.
La méthode de calcul et les critères sur lesquels elle repose - que les parties, faisant usage de leur liberté contractuelle, peuvent convenir - ne sont donc, en soi, pas critiquables.
5.
Il reste à examiner si les divers postes pris en compte dans l'application de la méthode de calcul (notamment les déductions prévues par l'annexe au contrat) étaient connus des parties et, plus précisément, si l'intention des parties étaient bien de permettre à l'employeuse de déduire la part patronale des charges sociales dans le calcul du salaire variable.
5.1. En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1 p. 97 et l'arrêt cité).
5.1.1. Sur le plan procédural, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 p. 98; 132 III 268 consid. 2.3.2, 626 consid. 3.1 p. 632). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 p. 98; 118 II 365 consid. 1).
L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 p. 98 et les arrêts cités). Si sa recherche aboutit à un résultat positif, le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises. Cette constatation lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elle ne soit manifestement inexacte (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
5.1.2. Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat (ATF 131 III 280 consid. 3.1 p. 286) - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 p. 98) -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance; ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 p. 98 s. et les arrêts cités). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 p. 99; 130 III 417 consid. 3.2 p. 424 et les arrêts cités).
La détermination de la volonté objective des parties, selon le principe de la confiance, est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait. Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, mais non pas les événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 p. 99; 133 III 61 consid. 2.2.1 p. 67 et les arrêts cités).
5.2. On observera au préalable que, tant la cour cantonale que les parties, se bornent à faire référence à la " part patronale des charges sociales ", sans distinguer les charges sociales afférentes au salaire fixe et celles relatives au salaire variable. Les parties limitent ainsi, de fait, la question litigieuse à l'alternative suivante : soit l'interprétation du contrat permet de constater que l'employeuse était autorisée à déduire de la " rémunération globale " de l'unité la part patronale des cotisations sociales (de manière générale), ce qui impliquerait, dans l'esprit des parties, que la déduction pouvait être faite pour les deux modes de rémunération (salaire fixe et salaire variable); soit l'interprétation du contrat conduit à la conclusion inverse, et il faudrait en conclure que l'employeuse ne pouvait procéder à aucune déduction.
Dans ce cadre, la cour cantonale fait sienne la thèse défendue par l'employée en retenant que celle-ci n'était pas consciente que la part patronale des charges sociales serait également déduite de son salaire. Elle considère (de manière plus ou moins explicite) que la notion de " charges sociales " figurant dans le contrat de travail ne se rapporte pas - de façon claire et reconnaissable - à la part patronale et qu'en l'absence d'explication précise donnée à l'employée, celle-ci n'était pas en mesure de discerner quelles étaient les charges sociales effectivement déduites, les tableaux analytiques mis à sa disposition étant à cet égard lacunaires.
5.3. On peut suivre l'argumentation de l'employeuse recourante selon laquelle l'autorité précédente a établi arbitrairement la volonté subjective des parties. Force est en effet de constater que le raisonnement de la cour cantonale ne tient pas compte d'éléments déterminants qui auraient dû la conduire (sous peine de sombrer dans l'arbitraire) à reconnaître, au terme de l'interprétation subjective, l'existence d'un accord des parties sur la question, à l'origine du litige, de la déduction de la part patronale des charges sociales dans la méthode de calcul du salaire variable.
5.3.1. Premièrement, la cour cantonale a entrepris l'examen du litige à la lumière de l'art. 5 du contrat de travail. Cette clause, qui ne contient qu'un rappel de principe des charges sociales incombant à l'employée, est toutefois sans aucune pertinence pour trancher la question litigieuse qui implique l'examen de la volonté des parties quant au calcul du salaire variable.
La cour cantonale, qui ne tient compte que partiellement de l'art. 2.3 de l'annexe au contrat, reconnaît ensuite que, dans le calcul du salaire variable, des " charges sociales " sont déduites de la " rémunération globale ". Elle retient toutefois qu'" il ne résulte (...) pas expressément du contrat ni de son annexe que les charges sociales imputées comprendraient la part employé mais également la part patronale ". Influencée par le contenu de l'art. 5 du contrat (retenu de manière erronée), elle conclut ainsi à demi-mot que les cotisations sociales déduites de la " rémunération globale " correspondraient à la part employée. Ce raisonnement est insoutenable à deux titres : d'une part, il résulte des constatations cantonales que la part employée des " cotisations AVS/AI/APG/AC/ AAN " et celle du 2e pilier étaient bien prélevées sur le salaire brut total (i.e. le salaire fixe et le salaire variable) versé à l'employée et celle-ci ne soutient pas qu'elle aurait été contrainte de s'acquitter à double de sa propre part aux charges sociales; d'autre part, les déductions opérées sur la " rémunération globale " visaient exclusivement (et logiquement) les charges d'exploitation de l'unité (dont s'acquittait l'employeuse) et il tombe sous le sens que seule la part patronale des cotisations sociales (à l'exclusion de la part employée), appartenant aux charges d'exploitation, était susceptible d'être portée en déduction.
5.3.2. Deuxièmement, la cour cantonale a purement et simplement omis de tenir compte de l'intégralité de l'art. 2.3 ch. 2 de l'annexe au contrat (à laquelle renvoie l'art. 4 du contrat qui décrit la rémunération de l'employée) qui prévoit explicitement que, pour calculer le salaire variable, il faut déduire du montant de la " rémunération globale " de l'unité B.U1 " le salaire fixe brut et charges sociales du Gestionnaire (...) appartenant à la (...) Business Unit 1".
La lettre de l'art. 2.3 ch. 2 de l'annexe est pourtant déterminante : les " charges sociales " s'ajoutent (" et charges sociales ") au " salaire fixe brut " (soulignage ajouté), qui comprend, par définition, la part des charges sociales incombant à l'employée (une fois celles-là prélevées, cette dernière percevra son salaire net). Cela étant, les " charges sociales " mentionnées explicitement au ch. 2 de l'art. 2.3 de l'annexe au contrat ne peuvent (logiquement) désigner que la part patronale.
Le document " Grille salariale " (auquel la recourante fait explicitement référence dans son recours, en y reproduisant le contenu utile) rappelle en outre explicitement les déductions à opérer sur la " rémunération globale " de l'unité B.U1. Celles-ci portent notamment sur le " Salaire avancé ", les " Charges sociales liées au salaire ", le " Leasing voiture ", etc. La formulation employée (" Charges sociales liées au salaire ") dans une pièce traitant des charges d'exploitation de l'unité (supportées par l'employeuse) confirme le constat qui précède. De ce document, on peut même comprendre que les charges sociales visent l'ensemble du " salaire ", la notion n'étant pas restreinte à l'un des modes de rémunération (fixe ou variable) de l'employée.
On ne voit dès lors pas comment l'employée aurait pu comprendre autrement la mention des " charges sociales " figurant à l'art. 2.3 ch. 2 de l'annexe au contrat que comme l'indication que la part patronale des charges sociales était déduite dans le calcul du salaire variable.
5.3.3. Troisièmement, vu la teneur des tableaux analytiques remis à l'employée en cours d'emploi (cf. supra let. A.c), l'affirmation selon laquelle celle-ci, qui avait par ailleurs le statut de directrice avec signature individuelle, " ignor[ait] l'existence " d'une déduction portant sur la part patronale des cotisations sociales n'est pas soutenable. Il ressort des tableaux analytiques et des certificats de salaire que, par exemple, pour l'année 2011 (année du versement effectif), l'employée a perçu 576'400 fr. (salaire total brut), soit 336'400 fr. de salaire variable brut et 240'000 fr. de salaire fixe brut. Pour la même année, l'employeuse s'est acquittée des " Frais de personnel ", soit un poste de 277'406 fr. (au total) comprenant le montant de 61'709 fr. au titre de " Cotisations sociales ". La mention " Frais de personnel " ne souffre d'aucune ambiguïté - l'employée a d'ailleurs reconnu en avoir compris la signification (procès-verbal d'audience du 30 juin 2016 auquel fait référence la recourante) - et elle exclut tout lien avec la part employée des cotisations sociales qui est prélevée sur le salaire brut qui lui est versé. Il est donc totalement impensable que l'employée ait ignoré l'existence de la déduction de la part patronale des cotisations sociales (comme le retient la cour cantonale) et même, vu l'ampleur du montant déduit (61'709 fr.), qu'elle n'ait pas su qu'il s'agissait de la part patronale des cotisations sociales portant sur le salaire fixe et sur le salaire variable de l'employée. On rappellera, à titre de comparaison, que le montant de la part employée des cotisations sociales, qui portait sur son salaire total brut (soit aussi bien son salaire fixe que son salaire variable) s'élevait à 52'719 fr.80.
Ce constat, fondé sur des circonstances postérieures à la conclusion du contrat, est révélateur de l'intention de l'employée au moment de la conclusion du contrat, puisque celle-ci n'a jamais contesté la méthode de calcul de son salaire variable figurant dans le contrat, ni au moment de conclure l'accord, ni par la suite durant les six années qu'elle a passées au service de l'employeuse.
Le seul fait que le " mode de calcul était complexe " n'y change rien. On ne saurait d'emblée inférer de cette complexité une absence totale de compréhension de l'employée durant toute la durée de la relation contractuelle. Il est en outre rappelé que celle-ci exerçait une activité professionnelle (gestionnaire de portefeuilles) qui impliquait notoirement des connaissances en finance, en économie, en comptabilité et en mathématiques.
Cela étant, on ne saurait pas non plus suivre les magistrats précédents lorsqu'ils laissent entendre que l'employeuse avait le devoir d'attirer l'attention de son employée sur le point litigieux (déduction de la part patronale) lors de la conclusion du contrat ou lorsqu'ils affirment que l'employeuse était tenue de donner à son employée une " explication précise ".
5.4. C'est dès lors de manière insoutenable que la cour cantonale a retenu que l'employée n'avait pas compris l'employeuse et qu'aucun accord n'était intervenu entre elles sur la question de la déduction de la part patronale des charges sociales (dans le calcul du salaire variable).
Le moyen soulevé par la recourante est dès lors fondé. Par voie de réforme, il y a lieu de constater que l'employée avait compris l'employeuse et que, dans le calcul du salaire variable, la déduction de la part patronale des cotisations sociales faisait l'objet d'un accord entre les parties. La demande formée par l'employée doit dès lors être entièrement rejetée.
Il n'y a donc pas lieu d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante.
6.
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile doit être admis et l'arrêt entrepris réformé en ce sens que la demande formée le 12 mai 2015 par l'employée est entièrement rejetée.
Les frais et dépens de la procédure fédérale sont mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis et le jugement a donc la teneur suivante:
1.1. L'augmentation de conclusions de 172'086 fr.20 formée le 13 janvier 2017 par la demanderesse, à titre de remboursement d'imputations opérées à tort sur ses salaires 2009 à 2014, est irrecevable.
1.2. Les pages 2 à 9 du courrier du 15 juin 2016 de la demanderesse sont irrecevables.
1.3. La demanderesse est condamnée à payer à la défenderesse la somme brute de 30'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 1er mars 2015.
1.4. Les parties sont déboutées de toute autre conclusion.
1.5. Les frais de première instance de 12'780 fr., compensés avec l'avance de frais du même montant effectuée par les parties (et qui reste acquise à l'Etat de Genève), sont répartis à raison de 10'926 fr.70 à la charge de la demanderesse et de 1'853 fr.30 à la charge de la défenderesse.
1.6. La demanderesse est condamnée à verser à la défenderesse la somme de 926 fr.70 à titre de remboursement partiel d'avance de frais.
1.7. Il n'est pas alloué de dépens.
2.
La cause est renvoyée à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure d'appel.
3.
3.1. Les frais judiciaires de la procédure fédérale, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge de la demanderesse intimée.
3.2. La demanderesse intimée versera à la défenderesse recourante le montant de 7'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes.
Lausanne, le 11 avril 2019
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
Le Greffier : Piaget