Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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6B_89/2019
Arrêt du 17 mai 2019
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffière : Mme Musy.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Madalina Diaconu, avocate,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel,
intimé.
Objet
Empêchement d'accomplir un acte officiel,
recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 13 novembre 2018 (CPEN.2018.48/der).
Faits :
A.
Par jugement du 24 juillet 2017, le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers a reconnu X.________ coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et l'a condamné à 8 jours-amende à 180 fr. le jour avec sursis pendant deux ans.
B.
Par jugement du 13 novembre 2018, la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté l'appel formé par X.________ contre ce jugement. Elle s'est fondée en substance sur les faits suivants.
X.________ est le gérant de l'établissement public " A.________ " situé à la rue B.________xx à C.________. Il est le titulaire de l'autorisation délivrée pour l'exploitation de ce bar. Le 27 octobre 2016 vers 19h50, quatre patrouilles de police (soit huit agents) sont intervenues dans l'établissement précité. Cette intervention s'inscrivait dans le cadre d'une opération plus générale dans les secteurs de D.________ et C.________, visant à contrôler des établissements publics et particulièrement le respect par ceux-ci de la Loi neuchâteloise sur les établissements publics (RS/NE 933.10; LEP/NE) et du Règlement d'exécution des lois sur la police du commerce et sur les établissements publics (RS/NE 941.010). Les agents se sont légitimés auprès du tenancier et l'ont informé qu'ils souhaitaient procéder au contrôle des clients présents et avoir accès aux locaux conformément à la LEP/NE. Ils ont procédé au contrôle de la salle de débit, mais X.________ leur a refusé l'accès aux locaux fermés à clé. Les agents lui ont expliqué qu'il devait, conformément à la loi, permettre le contrôle des locaux attenants à la salle de débit, y compris ceux fermés à clé. X.________ a refusé d'obtempérer et a exigé un mandat de perquisition. Ce n'était finalement qu'après délivrance du mandat de perquisition, et après que les gendarmes lui ont expliqué qu'ils étaient habilités à forcer les portes, ce qui pouvait occasionner des dégâts, que X.________ a ouvert les locaux et permis l'inspection de ceux-ci.
C.
X.________ forme un recours en matière pénale contre ce jugement. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à son acquittement et à l'allocation d'un montant de 13'545 fr. 60 à titre d'indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, subsidiairement à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause vers l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Le recourant conteste sa condamnation pour empêchement d'accomplir un acte officiel au sens de l'art. 286 CP.
1.1.
1.1.1. En vertu de l'art. 286 CP, celui qui aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire d'accomplir un acte entrant dans ses fonctions sera puni d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende au plus.
Selon la jurisprudence, pour qu'il y ait opposition aux actes de l'autorité, il faut que l'auteur, par son comportement, entrave l'autorité ou le fonctionnaire dans l'accomplissement d'un acte officiel; il ne suffit pas qu'il se borne à ne pas obtempérer à un ordre qui lui est donné, par exemple de souffler dans l'éthylomètre, de parler moins fort ou de ne pas conduire (ATF 127 IV 115 consid. 2 p. 117 s.; 120 IV 136 consid. 2 a p. 139 et les références citées). Il n'est en revanche pas nécessaire que l'auteur parvienne à éviter effectivement l'accomplissement de l'acte officiel, il suffit qu'il le rende plus difficile, l'entrave ou le diffère (ATF 127 IV 115 consid. 2 p. 117 s.; 124 IV 127 consid. 3a p. 129; arrêt 6B_410/2018 du 20 juin 2018 consid. 5.4). L'infraction se distingue tant de celle prévue à l'art. 285 CP, en ce que l'auteur ne recourt ni à la violence ni à la menace, que de celle visée à l'art. 292 CP, car une simple désobéissance ne suffit pas.
Le comportement incriminé à l'art. 286 CP suppose une résistance qui implique une certaine activité (ATF 133 IV 97 consid. 4.2 p. 100; 127 IV 115 consid. 2 p. 117 s. et les références citées) qui est réalisée, par exemple, par le fait de prendre la fuite (ATF 120 IV 136 consid. 2a p. 140 et les références citées). Il peut s'agir d'une obstruction physique: l'auteur, par sa personne ou un objet qu'il dispose à cette fin, empêche ou gêne le passage du fonctionnaire pour lui rendre plus difficile l'accès à une chose. On peut aussi penser à celui qui, en restant fermement à sa place, ne se laisse pas ou difficilement emmener (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3ème éd., 2010, n° 13 ad art. 286 CP). Selon la jurisprudence, imposer sa présence dans une salle pour empêcher une autorité d'y tenir séance constitue, par une action, une opposition aux actes de l'autorité (ATF 107 IV 113 consid. 4 p. 118; arrêt 6B_333/2011 du 27 octobre 2011 consid. 2.2.1).
La légalité matérielle de l'acte officiel n'est pas une condition de l'application de l'art. 286 CP (Stratenwerth/Bommer, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, 7ème éd. 2013, n° 7 p. 345). Aussi le juge pénal n'a-t-il pas à contrôler la légalité (et encore moins l'opportunité) de l'acte, sauf s'il apparaît un vice manifeste et grave qui permet de dire d'emblée que l'autorité ou le fonctionnaire était sorti du cadre de sa mission ou que son acte était nul (Bernard Corboz, op. cit., n° 6 ad art. 286; Stratenwerth/Bommer, op. cit., n° 6 p. 345 et les références citées).
1.1.2. Selon l'art. 11 LEP/NE, le propriétaire de l'immeuble qui abrite un établissement public doit être titulaire d'un permis d'exploitation. L'art. 14 LEP/NE prévoit que le Conseil d'Etat peut fixer des types de permis en fonction des domaines d'activités de l'établissement public (al. 1). Pour des motifs d'ordre, de sécurité ou de santé publiques, le permis peut être limité: a) à une partie de l'immeuble; b) à une durée déterminée; c) par des charges ou des conditions (al. 2). Selon l'art. 42 al. 1 LEP/NE, dans l'accomplissement de leur tâche, les agents du service ont accès, pendant les heures d'exploitation usuelles, aux biens-fonds, exploitations, locaux et véhicules. A teneur de l'art. 45 LEP/NE, le titulaire du permis d'exploitation est tenu de seconder gratuitement les organes de contrôle dans l'accomplissement de leurs tâches et de fournir les renseignements nécessaires.
1.2. La cour cantonale a retenu que les policiers avaient informé le prévenu qu'il devait leur laisser accès aux locaux privés en application de l'art. 42 LEP/NE, qui les autorisait à accéder sans restriction aux biens-fonds, exploitations, locaux et véhicules. Les agents n'avaient pas besoin du consentement du prévenu ou d'un mandat pour procéder à l'inspection des locaux puisque l'ingérence dans le droit au domicile était expressément prévue dans la LEP/NE. Il était évident que les parties d'un établissement public qui pouvaient d'une manière ou d'une autre être en lien avec l'exploitation de celui-ci (tels qu'une remise, une chambre froide, une cave, des cuisines ou même un bureau) devaient pouvoir être contrôlées conformément à l'art. 42 LEP/NE. Les locaux auxquels les policiers ont demandé à avoir accès correspondaient à ceux figurant sur le plan déposé au Service de la consommation et des affaires vétérinaires à l'appui de la demande du concept d'hygiène (D. 167 et 168). Le fait que ces locaux soient signalés par un panneau " privé ", indication qui s'adressait à la clientèle, ne permettait pas de les soustraire aux inspections effectuées en application de cette loi. Les locaux, qui consistaient, selon les pièces déposées par l'appelant (D. 140), en une cave, une chaudière (qui chauffe tout l'immeuble), un local contenant une citerne à mazout ainsi qu'un bureau (dans lequel se trouvait de la comptabilité du bar), pouvaient tous avoir un lien, même ténu, avec l'exploitation de l'établissement public géré par le prévenu. Celui-ci avait lui-même admis en audience que le 5% de ce qui se trouvait dans ces locaux pouvait être en lien avec son bar. Ce n'était donc pas à l'appelant qu'il revenait de déterminer à quelles parties de son établissement public les agents pouvaient avoir accès.
La résistance dont avait fait preuve le prévenu, en n'ouvrant pas certains locaux fermés à clé, relevait d'un comportement délibéré tendant à empêcher illicitement l'accès à ceux-ci. En refusant d'ouvrir les pièces fermées à clé, avant l'obtention d'un mandat de perquisition, il avait rendu impossible, même brièvement, l'inspection de celles-ci, et, partant, la mission des policiers, ce qui s'apparentait à un acte d'entrave. Le prévenu ne pouvait pas ignorer, à la suite des explications données par les policiers afin d'éviter de requérir un mandat et l'invitant à obtempérer, qu'il était tenu de laisser, sans opposition, les agents accéder aux locaux fermés à clé. En définitive, force était de considérer que l'infraction à l'art. 286 CP était réalisée.
1.3. Le recourant soutient que les locaux séparés du reste de son bar par une porte fermée à clé et portant le panneau " privé " ne faisaient pas partie de l'établissement public auquel les policiers avaient un droit d'accès en vertu de l'art. 42 LEP/NE, de sorte qu'il était fondé à s'opposer à l'inspection de ces locaux.
Le recourant remet ainsi en cause la validité de l'acte officiel, ce qu'il n'est pas autorisé à faire, sous réserve de l'existence d'un vice grave et manifeste (consid. 1.1.1 in fine). Il convient dès lors de se limiter à examiner si un tel vice aurait dû être constaté en l'espèce.
En ce qui concerne la délimitation de son établissement public, le recourant se réfère à un plan produit devant l'instance cantonale sur lequel figurent l'ensemble des locaux inspectés par les policiers, avec l'annotation " privée " s'agissant des locaux séparés par la porte fermée à clé (cf. pièce n° 140). Il soutient que ce plan avait été dûment déposé, de longue date, auprès des autorités neuchâteloises. Il affirme par ailleurs que les locaux privés font partie de l'immeuble voisin (rue B.________yy), alors que l'établissement public figure au rue B.________xx. Ces faits ne ressortent toutefois pas du jugement cantonal et le recourant ne démontre pas en quoi ils auraient été arbitrairement omis (cf. art. 97 al. 1 et art. 105 al. 1 LTF ). Aussi n'est-il pas établi que la délimitation, telle qu'elle ressort de ce plan, entre les locaux de l'établissement public et ceux relevant de l'usage privé du recourant, avait été avalisée par l'autorité compétente. De même, il n'est pas démontré que les locaux considérés comme " privés " par le recourant se trouveraient sur un autre bien-fonds (l'extrait de cadastre produit par le recourant tend plutôt à indiquer une seule parcelle: cf. pièce n° 168). Le recourant se réfère encore à un plan déposé auprès du Service de la consommation et des affaires vétérinaires, sur lequel figure la pièce de la chaudière (qu'il affirme être " privée ") mais pas les autres pièces auxquelles il a refusé de donner accès (pièce n° 167). Cela étant, la cour cantonale a constaté que les locaux en question pouvaient tous avoir un lien, même ténu, avec l'exploitation de l'établissement public, ce que le recourant ne remet pas en cause.
Au regard de ce qui précède, il n'est pas établi que le permis d'exploitation de l'établissement public en question aurait été limité à une partie de l'immeuble (cf. art. 14 al. 1 let. a LEP/NE). On relèvera encore que les agents de police n'ont pas cherché à pénétrer dans l'appartement du recourant ou de sa famille, mais seulement dans des locaux attenants à la salle de débit, lesquels consistaient en une cave, une chaudière, un local contenant une citerne à mazout ainsi qu'un bureau. Aussi n'apparaît-il pas que l'inspection des locaux attenants à la salle de débit du " A.________ " aurait été affectée d'un vice grave et manifeste. Partant, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en ne constatant pas la nullité de l'acte officiel en cause.
1.4. Le recourant soutient qu'il n'a pas empêché l'acte officiel au sens de l'art. 286 CP. Il n'avait que très brièvement retardé le contrôle des policiers en priant ces derniers de lui présenter un mandat de perquisition.
Le recourant a refusé d'ouvrir les portes fermées à clé donnant accès aux locaux que souhaitaient inspecter les agents de police, les contraignant à requérir un mandat de perquisition, alors qu'un tel document n'est pas nécessaire pour exécuter une inspection fondée sur l'art. 42 LEP/NE. Il s'ensuit que le recourant n'a pas simplement refusé d'obtempérer, mais, par son comportement, il a fait obstacle au passage des fonctionnaires dans l'ensemble des pièces de son établissement. Il a ainsi rendu plus difficile l'accomplissement d'un acte officiel auquel il était tenu, de par la loi, de collaborer (cf. art. 45 LPE/NE). L'élément constitutif de l'opposition à un acte officiel est dès lors réalisé.
1.5. Le recourant conteste la réalisation de l'élément constitutif subjectif.
L'infraction de l'art. 286 CP requiert l'intention, mais le dol éventuel suffit (arrêt 6B_783/2018 du 6 mars 2019 consid. 2.5.1). Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève des constatations de fait, que le Tribunal fédéral n'examine que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 142 IV 137 consid. 12 p. 152; 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).
Le recourant se limite à faire valoir qu'il n'a jamais eu l'intention d'empêcher les agents de police de contrôler son établissement. Il ressort cependant des faits constatés, que le recourant ne conteste pas, qu'il a refusé d'ouvrir la porte fermée à clé donnant accès aux locaux attenants à la salle de débit. Partant, c'est bien de manière intentionnelle que le recourant a rendu plus difficile l'inspection d'une partie de son établissement. Ce grief est infondé.
2.
A titre subsidiaire, le recourant se prévaut d'une erreur sur les faits.
2.1. Aux termes de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictueuse fait défaut. L'auteur doit être jugé selon son appréciation erronée si celle-ci lui est favorable (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240; arrêts 6B_1131/2018 du 21 janvier 2019 consid. 2.1; 6B_1012/2017 du 23 mars 2018 consid. 2.1). Ainsi, celui qui empêche un acte de poursuite en croyant par erreur que l'office ne peut procéder un samedi ne se rend pas coupable d'opposition aux actes de l'autorité (ATF 116 IV 155 consid. 3).
2.2. La cour cantonale n'a pas constaté que le recourant aurait erronément cru qu'il était fondé à s'opposer à l'inspection des locaux qu'il considérait comme étant privés. Au contraire, elle a relevé que celui-ci ne pouvait pas ignorer, à la suite des explications données par les policiers afin d'éviter de requérir un mandat de perquisition et l'invitant à obtempérer, qu'il était tenu de les laisser accéder aux locaux fermés à clé.
2.3. Se reportant à son argumentation développée en lien avec la contestation de la validité de l'acte officiel (consid. 1 supra), le recourant soutient qu'il avait toutes les raisons légitimes de croire que les parties marquées en rouge sur les plans déposés étaient privées et qu'elles ne faisaient pas partie de l'établissement public " A.________ ".
Or, comme vu plus haut, le recourant n'a pas établi que le plan en question (pièce n° 140) avait été avalisé par l'autorité compétente, ou même qu'il lui aurait été soumis, ce qui l'aurait fondé à croire que les locaux séparés par une porte fermée à clé ne faisaient pas partie de son établissement public. En tant qu'il se limite, en définitive, à affirmer qu'il considérait que cette partie des locaux était privée, le recourant procède de manière appellatoire, partant irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). Il ne démontre pas que la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire faute d'avoir constaté qu'il pensait être en droit de s'opposer à l'inspection des agents de police.
Partant, la condamnation du recourant du chef d'infraction de l'art. 286 CP ne viole pas le droit fédéral.
Il s'ensuit également que la demande d'indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 CPP est sans objet.
3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 17 mai 2019
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Musy