Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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8C_107/2019
Arrêt du 4 juin 2019
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président,
Frésard et Heine.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Mes Jean-Marie Allimann et Baptiste Allimann,
recourant,
contre
Gouvernement de la République et canton du Jura, Hôtel du Gouvernement,
rue de l'Hôpital 2, 2800 Delémont,
intimé.
Objet
Droit de la fonction publique (classe de traitement),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, du 17 décembre 2018 (ADM 38 / 2017).
Faits :
A.
A.________ a été engagé par la République et Canton du Jura avec effet au 1
er août 2011. Il a exercé la fonction d'enseignant dans les branches liées à l'électronique et à l'électrotechnique à l'Ecole professionnelle technique (ci-après: l'EPT) à 91,31 %, et au Centre jurassien d'enseignement et de formation (ci-après: le CEJEF) à 8,7%. A l'occasion de l'entrée en vigueur de la nouvelle échelle salariale U, applicable à l'ensemble du personnel de l'Etat, enseignants compris, le 1
er janvier 2015, le poste occupé par A.________ a été colloqué en classe 20.
A la suite de l'entrée en vigueur du nouveau système d'évaluation de fonctions EVALUATION.JU, la fonction d'"Enseignant-e postobligatoire II", évaluée en classe 17, a été attribuée à A.________ pour le poste occupé à l'EPT dès le 1
er avril 2017 (décision du 31 janvier 2017).
B.
Par acte du 20 mars 2017, A.________ a interjeté un recours contre cette décision auprès du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative. Il concluait principalement à sa réforme et à l'attribution de la fonction d'"Enseignant-e postobligatoire III", évaluée en classe 19, subsidiairement à celle d'"Enseignant-e postobligatoire II", évaluée en classe 19 au moins, subsidiairement au bénéfice des droits acquis jusqu'à la retraite et, plus subsidiairement, à l'octroi d'une annuité supplémentaire en cas de baisse de traitement. A titre très subsidiaire, il requérait l'annulation de la décision et le renvoi de la cause au Gouvernement pour instruction complémentaire du dossier et nouvelle décision au sens des considérants à rendre.
Statuant le 17 décembre 2018, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire. Il conclut principalement à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la décision du 20 mars 2017 (recte: 31 janvier 2017) est annulée et que la fonction d'"Enseignant-e postobligatoire III", évaluée en classe 19, subsidiairement celle d'"Enseignant-e postobligatoire II", évaluée en classe 18, lui est attribuée. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation du jugement entrepris ainsi que celle de la décision administrative et le renvoi de la cause au Gouvernement pour instruction complémentaire du dossier et nouvelle décision au sens des considérants à rendre.
La Cour administrative et le Gouvernement de la République et canton du Jura ont conclu au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Le jugement entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public au sens de l'art. 83 let. g LTF. Il porte sur un litige de nature pécuniaire, de sorte que le motif d'exclusion prévu par cette disposition légale n'entre pas en considération. La valeur litigieuse dépasse par ailleurs le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine (art. 51 al. 1 let. a et 85 al. 1 let. b LTF). En conséquence, le recours constitutionnel subsidiaire - formé simultanément par le recourant - est irrecevable (art. 113 LTF a contrario).
2.
2.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). En bref, il ne suffit pas, pour qu'il y ait arbitraire, que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat. Par conséquent, le recourant doit exposer, de manière détaillée et pièces à l'appui, que les faits retenus l'ont été d'une manière absolument inadmissible, et non seulement discutable ou critiquable. Il ne saurait se borner à plaider à nouveau sa cause, contester les faits retenus ou rediscuter la manière dont ils ont été établis comme s'il s'adressait à une juridiction d'appel (ATF 134 II 349 consid. 3 p. 352). Le Tribunal fédéral n'entre ainsi pas en matière sur des critiques appellatoires portant sur l'appréciation des preuves ou l'établissement des faits par l'autorité précédente (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253).
2.2. Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), on ne peut invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d'autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine alors de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiée prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 V 577 consid. 3.2 p. 579 et la référence).
3.
La Cour administrative a confirmé la classification du recourant en tant qu'enseignant postobligatoire II en classe 17, et nié qu'il pût bénéficier des droits acquis jusqu'à la retraite, faute de base légale expresse ou de promesse de l'intimé en ce sens. La juridiction cantonale a d'abord estimé, en bref, que dans la mesure où la fonction d'enseignant postobligatoire était répartie en trois niveaux, selon la formation nécessaire à l'enseignement dispensé, et dès lors que les branches enseignées par le recourant requéraient le titre correspondant à la fonction d'"Enseignant postobligatoire II", c'était à juste titre et sans violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), que cette fonction lui avait été attribuée. Les premiers juges ont ensuite considéré que l'intimé n'avait pas fait preuve d'arbitraire lors de l'évaluation de la fonction d'"Enseignant postobligatoire II", en classe 17, en application des facteurs et critères déterminés par le système EVALUATION.JU.
4.
4.1. Dans un premier grief, le recourant invoque une violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), dans l'attribution de la fonction d'"Enseignant postobligatoire II". Il fait en substance valoir qu'en admettant que cette fonction, évaluée en classe 17, devait lui être attribuée, alors que les enseignants d'anglais auprès de l'EPT occupent actuellement la fonction d'"Enseignant postobligatoire III", évaluée en classe 19, la Cour administrative a violé le principe de l'égalité de traitement.
4.2.
4.2.1. Une décision viole le principe de l'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1 p. 323; 141 I 153 consid. 5.1 p. 157 et la référence). Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 130 I 65 consid. 3.6 p. 70).
4.2.2. De la garantie générale de l'égalité de traitement de l'art. 8 al. 1 Cst. découle l'obligation de l'employeur public de rémunérer un même travail avec un même salaire. Dans les limites de l'interdiction de l'arbitraire, les autorités disposent d'une grande marge d'appréciation, particulièrement en ce qui concerne les questions d'organisation et de rémunération. La juridiction saisie doit observer une retenue particulière lorsqu'il s'agit non seulement de comparer deux catégories d'ayants droit mais de juger tout un système de rémunération; elle risque en effet de créer de nouvelles inégalités (ATF 143 I 65 consid. 5.2 p. 67 s. et les références).
Par ailleurs, la question de savoir si des activités doivent être considérées comme identiques dépend d'appréciations qui peuvent se révéler différentes. Dans les limites de l'interdiction de l'arbitraire et du principe de l'égalité de traitement, les autorités sont habilitées à choisir, parmi les multiples éléments pouvant entrer en considération, les critères qui doivent être considérés comme déterminants pour la rémunération des fonctionnaires. Le droit constitutionnel n'exige pas que la rémunération soit fixée uniquement selon la qualité du travail fourni, voire selon des exigences effectivement posées. Les inégalités de traitement doivent cependant être raisonnablement motivées, et donc apparaître objectivement défendables. Ainsi le Tribunal fédéral a-t-il reconnu que l'art. 8 Cst. n'était pas violé lorsque les différences de rémunération reposaient sur des motifs objectifs tels que l'âge, l'ancienneté, l'expérience, les charges familiales, les qualifications, le genre et la durée de la formation requise pour le poste, le temps de travail, les horaires, le cahier des charges, l'étendue des responsabilités ou les prestations (ATF 143 I 65 consid. 5.2 p. 67 s. et les références). S'agissant spécifiquement de la rétribution des enseignants, ont été retenus comme critères objectifs de distinction la formation nécessaire à l'activité de l'enseignement, le genre d'école, le nombre d'heures d'enseignement, la grandeur des classes et la responsabilité découlant de cette activité (ATF 123 I 1 consid. 6c p. 8; 121 I 49 consid. 4c p. 53; cf. aussi arrêt 8C_991/2010 du 28 juin 2011 consid. 5.5 et les références).
4.3. En l'espèce, en se contenant de prétendre, par des affirmations de nature appellatoire, qu'il est "discriminé par rapport aux enseignants d'anglais qui bénéficient, de la classe 19 sur l'échelle de traitement", le recourant ne démontre pas en quoi la Cour administrative aurait violé le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle a confirmé sa classification dans la fonction d'"Enseignant postobligatoire II". Sur ce point, le recours ne satisfait pas aux exigences de motivation qualifiée prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (consid. 2.2 supra).
Au demeurant, le recourant ne saurait rien tirer en sa faveur du fait que l'intimé a indiqué que l'enseignement de l'anglais à l'EPT fait partie des branches de connaissances professionnelles et non pas des branches de culture générale (courrier du 30 octobre 2018). Dans cette correspondance, le Gouvernement a certes admis que les enseignants d'anglais à l'EPT devraient occuper la fonction d'Enseignant postobligatoire II, évaluée en classe 17, et non celle d'Enseignant postobligatoire III, évaluée en classe 19. A supposer toutefois que la collocation des enseignants d'anglais de l'EPT dans la fonction d'"Enseignant postobligatoire III" eût été erronée, cela ne suffirait pas pour mettre le recourant au bénéfice du même traitement que ces employés s'agissant d'un cas isolé (en principe pas d'égalité dans l'illégalité; voir p. ex. arrêt 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1). Dans son mémoire de réponse, l'intimé a en outre indiqué qu'une réévaluation des postes des enseignants d'anglais à l'EPT était en cours. Le recours est mal fondé sur ce point.
5.
5.1. Dans un second grief, le recourant se prévaut d'un établissement manifestement inexact des faits et en violation du droit pour remettre en cause la classification de la fonction d'"Enseignant postobligatoire II" opérée en application du système d'évaluation de fonctions EVALUATION.JU. II conteste le nombre de points attribués au critère I 2 relatif à la planification et à l'organisation du travail dans cette fonction. Dans la mesure où il assume "un nombre de tâches supérieur à 10 à une fréquence régulière" - étant donné qu'il enseignerait auprès de douze classes différentes et qu'une classe d'enseignement correspondrait à une tâche selon le système d'évaluation des fonctions -, le recourant considère que 35 points (et non 20) auraient dû être crédités à la fonction d'"Enseignant-e postobligatoire II". En attribuant 35 points au critère I 2 et après pondération, le total de points pour cette fonction s'élèverait à 173,95, correspondant à la classe de salaire 18 (et non 17).
5.2. Pour parvenir à la conclusion que l'appréciation de l'intimé n'apparaissait ni erronée, ni arbitraire, la Cour administrative a procédé à un examen des points attribués aux différents critères contestés par le recourant. Elle a en particulier constaté que le nombre de points à créditer sous le critère I 2 relatif à la planification et à l'organisation du travail dépend, d'une part, du nombre de tâches à planifier ou à organiser simultanément et, d'autre part, de la fréquence des situations dans lesquelles plusieurs tâches doivent être planifiées et organisées simultanément de manière autonome. Les premiers juges ont également relevé que le système d'évaluation de fonctions EVALUATION.JU ne permet l'attribution de points sous le critère I 2 que si le titulaire de la fonction concernée doit fixer seul ses priorités, ce qui n'est pas le cas lorsque l'organisation et la planification des tâches sont effectuées par un supérieur hiérarchique ou s'imposent ponctuellement en fonction d'événements imprévus (urgence absolue, p. ex.). Par ailleurs, la fonction doit nécessiter de procéder à une véritable activité d'organisation ou de planification des tâches en attente impliquant un certain effort intellectuel. L'attribution de points est dès lors en particulier exclue lorsque les tâches, même nombreuses, doivent être traitées dans un ordre d'arrivée. S'agissant spécifiquement de l'évaluation de la fonction d'"Enseignant postobligatoire II", la Cour administrative a souligné qu'EVALUATION.JU précise que les périodes d'enseignement en classe ne correspondent pas à des tâches de planification ou d'organisation et que la correction de travaux d'une classe ou d'examens constitue un seul dossier par classe. Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que les cours peuvent être préparés dans l'ordre chronologique ou à l'avance et que l'enseignement doit être dispensé conformément aux plans d'études, aux programmes d'enseignement et aux instructions des autorités scolaires.
Sur le vu de ce qui précède, la Cour administrative a considéré qu'en attribuant 20 points à la fonction d'"Enseignant postobligatoire II" sous le critère I 2, correspondant à une fonction impliquant "souvent entre 3 et 10 tâches simultanément en attente au titre d'examens à gérer, de préparation, de corrections, etc.", l'intimé n'avait pas apprécié ce critère de manière erronée, arbitraire ou abusive.
5.3. L'argumentation développée dans le recours est en grande partie appellatoire et ne permet pas de démontrer que les faits établis par la juridiction précédente l'auraient été de manière arbitraire ou en viola-tion du droit (supra consid. 2.1). A cet égard, il ne suffit en effet pas d'affirmer que le fait d'enseigner auprès de plus de dix classes différentes équivaut à assumer régulièrement plus de dix tâches selon le système d'évaluation des fonctions. Le recourant n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause l'appréciation des premiers juges. Il ne démontre en particulier pas en quoi la fonction qu'il occupe impliquerait la gestion de plus de dix tâches simultanément en attente dont l'exécution chronologique devrait être planifiée et organisée de manière autonome. Par ailleurs, comme le souligne justement l'intimé, une partie des tâches accomplies par l'employé n'a pas à être priorisée par l'intéressé lui-même, dès lors qu'elles doivent être exécutées l'une après l'autre, notamment en fonction de l'horaire des cours qui est défini avant le début de l'année par la direction de l'EPT. Sur ce point, le recours ne satisfait dès lors pas aux exigences de motivation qualifiée prévues à l'art. 106 al. 2 LTF.
6.
Le recours se révèle entièrement mal fondé, en tant que recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé n'a pas droit aux dépens qu'il prétend (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative.
Lucerne, le 4 juin 2019
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : Perrenoud