Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_250/2019
Arrêt du 14 juin 2019
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Merkli et Fonjallaz.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Raphaël Tinguely, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de l'Etat de Fribourg.
Objet
détention provisoire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat
de Fribourg, Chambre pénale, du 17 avril 2019
(502 2019 105).
Faits :
A.
A.a. Le 27 mars 2018, le Ministère public de l'Etat de Fribourg a ouvert une instruction pénale contre A.________, ressortissant ivoirien domicilié en France, pour abus de confiance, escroquerie, faux dans les titres et blanchiment d'argent.
En substance, il est reproché au prévenu d'avoir obtenu en 2014 de B.________, contactée par internet, un montant de l'ordre de 75'000 fr. en se faisant passer, avec des comparses, pour des membres de la direction de la Banque C.________, l'argent soutiré devant servir à débloquer un patrimoine de 1'125'000 euros, dont l'intéressée aurait été l'héritière.
En outre, entre 2015 et 2016, A.________, sous l'identité de D.________, aurait soutiré à B.________, qui était tombée amoureuse de lui, un montant total de 138'000 fr. résultant de la vente de la maison de l'intéressée, sise à E.________ (FR), sous le prétexte fallacieux d'acquérir un terrain au Canada où le prévenu disait devoir aller travailler et vouloir s'installer avec elle. Dans le cadre de leur relation, A.________ aurait par ailleurs obtenu de B.________ divers versements pour un montant de l'ordre de 50'000 francs. Enfin, le prévenu se serait servi du compte bancaire de B.________ pour y faire transiter un montant total de 145'022 fr. 10 provenant d'inconnus, victimes de stratagèmes similaires.
A.b. A.________ a été arrêté le 27 mars 2018. Par ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) du 29 mars 2018, il a été placé en détention provisoire. Cette mesure a été régulièrement prolongée par ordonnances successives du Tmc.
B.
Par ordonnance du 27 mars 2019, le Tmc a prolongé la détention provisoire jusqu'au 22 juin 2019, précisant qu'il s'agissait de la dernière prolongation qui serait ordonnée.
Le recours formé par A.________ contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt du 17 avril 2019 de la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois.
C.
Par acte du 23 mai 2019, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 17 avril 2019. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa libération immédiate. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Invitée à se déterminer, la cour cantonale a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler. Quant au Ministère public, il a conclu au rejet du recours. Le 12 juin 2019, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale est immédiatement ouvert contre une décision relative à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP nonobstant son caractère incident (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant produit un rapport de comportement établi le 30 avril 2019 par la direction de l'établissement dans lequel il est détenu. Cette pièce nouvelle, postérieure à l'arrêt attaqué, ne saurait être prise en considération à ce stade en vertu de l'art. 99 al. 1 LTF. Il appartiendra, le cas échéant, au juge de la détention d'en tenir compte dans ses décisions ultérieures. Quoi qu'il en soit, les faits contenus dans le rapport précité sont sans incidence pour le sort de la cause (cf. infra consid. 5.2.2).
3.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. ). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à l'examen de ces hypothèses, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP). En tout état de cause, la détention avant jugement ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible (art. 212 al. 3 CPP).
4.
La Chambre pénale a retenu qu'il existait de forts soupçons de culpabilité à l'égard du recourant, ce que ce dernier ne conteste pas. Il apparaît en particulier que l'examen des comptes
Facebooket
Skype du recourant avait permis de renforcer les soupçons dirigés contre ce dernier à la suite de la dénonciation initiale de B.________ (cf. ordonnance du Tmc du 28 décembre 2018, p. 3).
Le recourant ne revient pas non plus sur l'existence d'un risque de fuite, la cour cantonale ayant jugé à cet égard qu'il ne faisait aucun doute que, sitôt remis en liberté, le recourant quitterait la Suisse pour la France, où il était domicilié avec son épouse et leur fils, étant observé qu'il n'avait par ailleurs aucun lien avec la Suisse et qu'il ne bénéficiait d'aucun titre lui permettant d'y séjourner.
5.
Invoquant des violations des art. 5 par. 3 CEDH, 31 al. 3 Cst. et 212 al. 3 CPP, le recourant fait en revanche grief à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte de la durée prévisible de la peine qui serait effectivement prononcée, ni de la libération conditionnelle dont il pourrait bénéficier dans ce cadre.
5.1. En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. L'art. 212 al. 3 CPP rappelle cette exigence en précisant que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible.
Le juge peut dès lors maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 143 IV 168 consid. 5.1 p. 173; ATF 139 IV 270 consid. 3.1 p. 275 et les arrêts cités). Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car il y a lieu de veiller à ce que les autorités de jugement ne prennent pas en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention avant jugement à imputer selon l'art. 51 CP. Afin d'éviter d'empiéter sur les compétences du juge du fond, le juge de la détention ne tient en principe pas compte de la possibilité éventuelle de l'octroi, par l'autorité de jugement, d'un sursis, d'un sursis partiel ou d'une libération conditionnelle au sens de l'art. 86 al. 1 CP (ATF 143 IV 168 consid. 5.1 p. 173; arrêt 1B_116/2019 du 11 avril 2019 consid. 3.4, destiné à la publication); pour entrer en considération sur cette dernière hypothèse, son octroi doit être d'emblée évident (arrêt 1B_23/2019 du 28 janvier 2019 consid. 2.1; arrêt 1B_82/2013 du 27 mars 2013 consid. 3.2 in Pra 2013 74 54). En outre, pour examiner si la durée de la détention provisoire s'approche de la peine à laquelle il faut s'attendre en cas de condamnation et ainsi respecter le principe de la proportionnalité, il appartient au juge de la détention de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Dans ce contexte, le seul fait que la durée de la détention provisoire dépasserait les trois quarts de la peine prévisible n'est pas décisif en tant que tel (arrêt 1B_116/2019 du 11 avril 2019 consid. 3.5, destiné à la publication).
5.2.
5.2.1. En l'espèce, au moment de déterminer si la détention provisoire subie restait proportionnée sur le plan temporel, l'autorité précédente a constaté que les faits reprochés au recourant étaient graves en tant qu'ils portaient sur des montants importants et s'étalaient sur une longue période, relevant également que le recourant avait suscité de la part de B.________ des sentiments profonds et sincères qu'il aurait ensuite exploités sans scrupule afin de la dépouiller à des fins égoïstes. Ces éléments laissaient ainsi supposer que le recourant risquait une peine importante (cf. arrêt entrepris, consid. 2.3.4 p. 4 et consid. 3.3 p. 5).
En tant que la cour cantonale a tenu compte des circonstances pertinentes du cas d'espèce, susceptibles d'être également prises en considération par le juge du fond au moment de fixer la peine, elle n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les exigences découlant de l'art. 212 al. 3 CPP demeuraient préservées en l'espèce.
5.2.2. Au surplus, c'est à raison que la cour cantonale a relevé que toute comparaison d'une peine avec celles prononcées dans d'autres affaires s'avérait délicate et hasardeuse compte tenu des nombreux paramètres entrant en ligne de compte (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 p. 69; arrêt 6B_458/2019 du 23 mai 2019 consid. 4.3.2). Cela étant, il n'apparaît pas que les arrêts cités par le recourant étaient propres à exclure, pour des cas semblables, une peine privative de liberté de plus de 12 mois, l'évaluation de la peine encourue pouvant quoi qu'il en soit n'être qu'approximative. Dans ce contexte, on ne distingue pas - comme le soutient le recourant - une violation de son droit d'être entendu en raison d'une décision insuffisamment motivée. On observera de surcroît que, contrairement à ce qui ressort des arrêts du Tribunal fédéral cités par le recourant (arrêts 6B_1383/2017, 6B_883/2013, 6B_587/2012 et 6B_919/2008), celui-ci, dont la détention provisoire ne devrait pas être maintenue au-delà du 22 juin 2019, est prévenu à la fois d'escroquerie, d'abus de confiance, de faux dans les titres et de blanchiment d'argent, s'agissant à tout le moins de deux états de faits distincts et espacés dans le temps.
Par ailleurs, la cour cantonale n'a pas non plus violé le droit fédéral en ne tenant pas compte d'une éventuelle libération conditionnelle au sens de l'art. 86 CP. On ne saurait en effet déduire des faits retenus par la cour cantonale que les conditions de son octroi étaient manifestement réunies. Ainsi, le bon comportement adopté en détention, pour autant qu'il soit établi en l'espèce, n'est pas suffisant, le pronostic à émettre dans ce cadre devant être posé sur la base d'une appréciation globale (cf. ATF 133 IV 201 consid. 2.2 et 2.3; arrêt 6B_353/2019 du 25 avril 2019 consid. 1.2.1).
Enfin, aucune mesure de substitution ne paraît propre à écarter le risque de fuite retenu par l'autorité précédente, de sorte que le principe de proportionnalité est également respecté sous cet angle.
Il s'ensuit qu'en l'état, le maintien en détention du recourant se justifie.
6.
Le recours doit par conséquent être rejeté.
Le recourant a sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Les conditions y relatives étant réunies, il y a lieu d'admettre cette requête et de désigner Me Raphaël Tinguely en tant qu'avocat d'office et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Raphaël Tinguely est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'Etat de Fribourg et au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Chambre pénale.
Lausanne, le 14 juin 2019
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
Le Greffier : Tinguely