BGer 8C_42/2019 |
BGer 8C_42/2019 vom 26.06.2019 |
8C_42/2019 |
Arrêt du 26 juin 2019 |
Ire Cour de droit social |
Composition
|
M. et Mmes les Juges fédéraux Heine, Juge présidant, Frésard et Viscione.
|
Greffière : Mme Castella.
|
Participants à la procédure
|
A.________,
|
recourant,
|
contre
|
Hospice général,
|
cours de Rive 12, 1204 Genève,
|
intimé.
|
Objet
|
Aide sociale,
|
recours contre le jugement de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 décembre 2018 (A/1124/2018-AIDSO ATA/1364/2018).
|
Faits : |
A. A.________, né en 1980, suivait le programme de Bachelor of Science in Economics and Management de la Formation universitaire à distance (UniDistance) depuis 2015. A compter du mois de novembre 2017, il a bénéficié d'une aide financière de l'Hospice général du canton de Genève. Le 24 novembre 2017, il a transmis à l'Hospice général divers documents, dont une facture d'UniDistance du 16 novembre précédent, portant sur la taxe d'étude du semestre de printemps 2018.
|
Par décision du 6 février 2018, confirmée sur opposition le 16 mars 2018, l'Hospice général a supprimé, à partir du 1 er février 2018, l'aide financière ordinaire allouée au recourant, en raison de son statut d'étudiant, et lui a reconnu le droit aux prestations d'aide exceptionnelle pour étudiants et personnes en formation, pour une durée limitée de six mois. Il précisait en outre que l'aide exceptionnelle n'incluait pas la prise en charge des frais de formation.
|
B. Saisie d'un recours contre la décision sur opposition du 16 mars 2018, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par jugement du 18 décembre 2018.
|
C. Par écriture du 21 janvier 2019 (timbre postal), A.________ a interjeté un recours en concluant, avec suite de frais et dommages-intérêts, à l'annulation du jugement cantonal et de la décision sur opposition ainsi qu'au maintien des prestations ordinaires depuis le 1 er février 2018, de son droit au supplément d'intégration jusqu'au 31 décembre 2018 ainsi que des mesures d'emploi auxquelles ont droit les chômeurs en fin de droit. Il a sollicité, par ailleurs, la restitution de l'effet suspensif et le bénéfice de l'assistance judiciaire.
|
L'Hospice général conclut au rejet du recours. La cour cantonale a renoncé à se déterminer sur le recours.
|
D. Par ordonnance du 16 avril 2019, le juge instructeur a rejeté la requête d'effet suspensif.
|
Le recourant s'est exprimé sur le refus d'effet suspensif et a requis la modification de l'ordonnance susmentionnée (lettres des 25 avril et 7 mai 2019). L'Hospice général s'est déterminé le 7 juin 2019. Le recourant a pris position le 18 juin 2019.
|
Considérant en droit : |
1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF), rendu dans une cause de droit public ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF, par une autorité supérieure de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). La voie du recours en matière de droit public est, partant, ouverte.
|
Erwägung 2 |
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé était fondé, par sa décision sur opposition du 16 mars 2018, à supprimer l'aide financière ordinaire à partir du 1
|
2.2. En tant que les conclusions du recourant, et la motivation y relative, vont au-delà de l'objet du litige, elles sont irrecevables (ATF 139 IV 1 consid. 4.3 p. 10). En particulier c'est à tort que le recourant se plaint de ce que ses griefs sur l'équivalence des mesures proposées par le chômage, ses droits au supplément d'intégration et les mesures auxquelles ont droit les chômeurs en fin de droit, n'ont pas été discutés par les premiers juges. En effet, ces derniers ont exposé que l'objet du litige portait uniquement sur la conformité au droit de la suppression de l'aide financière ordinaire et que les considérations du recourant sur les points précités étaient exorbitantes au litige. En outre, contrairement à ce que soutient le recourant, la décision sur opposition de l'intimé n'a pas porté sur ces questions.
|
3.
|
3.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il n'entre pas en matière sur des critiques appellatoires portant sur l'appréciation des preuves ou l'établissement des faits par l'autorité précédente (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266).
|
3.2. D'autre part, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), on ne peut invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, en particulier la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d'autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine alors de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiée prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 V 577 consid. 3.2 p. 579 et la référence). Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible. En outre, pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1 p. 124).
|
4. En l'espèce, la cour cantonale a confirmé le statut d'étudiant du recourant, eu égard à la charge de travail requise par la formation suivie et à sa correspondance au système de Bologne. Elle a relevé en particulier que le défaut de paiement de la taxe pour le semestre de printemps 2018 et la mise en poursuite du recourant n'entraînaient pas de facto son exmatriculation dès février 2018. Une décision d'UniDistance du 25 juillet 2018 retenait en effet comme date d'exmatriculation le 31 juillet 2018, ce qui avait d'ailleurs permis la reprise des prestations ordinaires au 1 er août 2018.
|
Comme la loi cantonale du 22 mars 2007 sur l'insertion et l'aide sociale individuelle (LIASI; RSG J 4 04) excluait du droit aux prestations ordinaires les étudiants et les personnes en formation (art. 11 al. 4 let. a a contrario), les premiers juges ont confirmé que seule une aide exceptionnelle pouvait être allouée à compter du 1 er février 2018. Quant à la facture du semestre de printemps 2018, elle n'avait pas à être prise en charge par l'intimé dans la mesure où ces frais ne faisaient pas partie des postes énumérés à l'art. 19, relatif à l'aide financière exceptionnelle, du règlement du 25 juillet 2007 d'exécution de la LIASI (RIASI; RSG J 4 04.01).
|
5.
|
5.1. Le recours contient de nombreuses assertions assez confuses, de sorte que l'on se limitera à répondre aux critiques principales développées à l'appui des violations alléguées.
|
5.2. Invoquant son droit à être traité par les organes de l'Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi (art. 9 Cst.), le recourant reproche aux premiers juges de n'avoir pas établi les faits concernant un ordre de paiement signé avec une assistance sociale (en vertu duquel le service des bourses et prêts d'études est prié de verser à l'intimé tous les paiements rétroactifs concernant les bourses qui seraient allouées). L'argumentation développée à l'appui de ce grief ne remplit pas les exigences de motivation accrues (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). En effet, quoi qu'en dise le recourant, on ne voit pas en quoi cette pièce serait susceptible d'influer sur l'issue du litige et de démontrer une quelconque violation du droit en relation avec le refus de prise en charge de la facture du semestre de printemps 2018.
|
5.3. Sous couvert de la violation de son droit au respect de la dignité humaine (art. 7 Cst.), des principes de l'égalité devant la loi (art. 8 al. 1 Cst.), de la non-discrimination (art. 8 al. 2 Cst.), ainsi que de la violation de l'art. 36 Cst. et d'autres dispositions constitutionnelles cantonales, le recourant conteste le raisonnement de la cour cantonale sur le refus de prise en charge de la facture du semestre de printemps 2018. Selon lui, l'art. 19 LIASI ne constitue pas une base légale suffisamment claire pour refuser la prise en charge des taxes universitaires, ce qu'il appartenait au législateur d'inscrire explicitement dans la loi. Ce point de vue est mal fondé. En effet, dans l'administration dite de prestation ou de promotion (Leistungsverwaltung), l'exigence de la base légale (principe de la légalité) se rapporte aux prestations ou aux services auxquelles les particuliers peuvent avoir droit. On ne saurait mettre à la charge des autorités compétentes en matière d'aide sociale toutes les dépenses des bénéficiaires qui ne sont pas expressément exclues par la loi.
|
5.4. Se prévalant de l'ordre de paiement mentionné plus haut (consid. 5.2), le recourant soutient que le refus de prendre en charge les frais universitaires relève du formalisme excessif, dans la mesure où ces frais sont par la suite versés sur le compte de l'intimé par le service des bourses. Le grief est mal fondé. En effet, il ne ressort pas du jugement attaqué, ni des pièces versées au dossier, que le recourant avait reçu l'assurance que la taxe universitaire du semestre de printemps 2018 serait remboursée par le service des bourses. Aux dires du recourant, tel n'a d'ailleurs pas été le cas.
|
5.5. Toujours sous couvert de diverses violations du droit, le recourant fait valoir, en substance, que le défaut de paiement de la taxe a entraîné le blocage de son accès à la plate-forme d'enseignement et, partant, le refus du service des bourses de lui octroyer une bourse d'études pour le semestre en cause. Selon lui, il n'avait donc pas le statut d'étudiant pendant cette période. Par ailleurs, il est d'avis que l'on ne pouvait pas attendre de lui qu'il fournisse une décision d'exmatriculation. En l'occurrence, il n'est pas contesté que le recourant est resté immatriculé durant le semestre de printemps 2018, comme cela ressort de la décision d'UniDistance du 25 juillet 2018. Dans la mesure où les frais d'études n'avaient pas à être pris en charge par l'intimé, il n'apparaît pas arbitraire de considérer que le recourant a conservé son statut d'étudiant durant le semestre de printemps et jusqu'à son exmatriculation formelle, quand bien même son accès à la plate-forme aurait été bloqué. En outre, on ne saurait partager le point de vue du recourant, lorsqu'il soutient que le blocage de son accès l'empêchait d'obtenir une décision d'exmatriculation. Le fait qu'il a finalement été en mesure de produire une telle pièce démontre précisément le contraire. Il apparaît au demeurant contradictoire de la part du recourant de soutenir qu'il n'avait pas le statut d'étudiant au printemps 2018 tout en demandant la prise en charge de la taxe universitaire correspondante. Enfin, il ne suffit pas de dire que les premiers juges auraient dû s'inspirer des directives en matière de chômage et des normes de la CSIAS (Conférence suisse des institutions d'action sociale) pour définir la notion d'étudiant, pour démontrer qu'ils ont fait preuve d'arbitraire dans l'application et l'interprétation de la LIASI (consid. 3.2).
|
6. Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé, dans la mesure où il est recevable.
|
La cause étant tranchée, la requête tendant à la modification de l'ordonnance sur l'effet suspensif devient sans objet.
|
7. Les frais afférents à la présente procédure seront supportés par le recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il a cependant déposé une demande d'assistance judiciaire visant à la dispense des frais judiciaires. Dès lors que les conditions d'octroi en sont réalisées (art. 64 al. 1 et al. 2 LTF), l'assistance judiciaire lui est accordée. Le recourant est rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral s'il retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF).
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
|
2. L'assistance judiciaire est accordée au recourant.
|
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral.
|
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
|
Lucerne, le 26 juin 2019
|
Au nom de la Ire Cour de droit social
|
du Tribunal fédéral suisse
|
La Juge présidant : Heine
|
La Greffière : Castella
|