Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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4A_248/2019
Ordonnance du 29 juillet 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme la Juge fédérale
Kiss, présidente.
Participants à la procédure
Mokgadi Caster Semenya, Afrique du Sud,
représentée par Mes Dorothee Schramm, David Roney, Laureen Moret et Sabrine Schnyder, avocats, rue du Pré-de-la-Bichette 1, 1202 Genève,
ainsi que par Me Ken Daly, avocat, rue Montoyer 51, 1000 Bruxelles, Belgique,
recourante,
contre
International Association of Athletics Federation, 6 - 8 Quai Antoine 1er, BP 359, 98007 Monaco Cedex, Principauté de Monaco,
représentée par Mes Bernhard Berger, Ross Wenzel, Nicolas Zbinden et Sophie Roud, avocats, place St-François 1, 1003 Lausanne,
intimée,
Athletics South Africa, Athletics House, 3 11th Ave, Houghton Estate, 2198 Johannesburg, Afrique du Sud, représentée par Me Alexandre Zen-Ruffinen, avocat, rue des Terreaux 5, 2000 Neuchâtel,
ainsi que par Me Dev Maharaj, avocat, 5 St. Michael's Lane, 2021 Bryanston, Johannesburg, Afrique du Sud,
partie intéressée.
Objet
arbitrage international en matière de sport; mesures provisionnelles/effet suspensif,
recours en matière civile contre la sentence arbitrale rendue le 30 avril 2019 par le Tribunal Arbitral du Sport (CAS 2018/O/5794 et CAS 2018/O/5798).
Faits :
A.
A.a. Mokgadi Caster Semenya (ci-après: l'athlète, la coureuse ou la recourante), athlète sud-africaine de niveau international, est une spécialiste des courses de demi-fond. Elle a notamment remporté la médaille d'or du 800 mètres féminin aux Jeux Olympiques de Londres 2012 et de Rio 2016. Elle est également triple championne du monde de la discipline (Championnats du monde d'athlétisme de Berlin 2009, Daegu 2011 et Londres 2017).
L'Association internationale des fédérations d'athlétisme (
International Association
of Athletics Federation; ci-après: l'IAAF, selon son acronyme anglais), association ayant son siège à Monaco, est l'instance dirigeante de l'athlétisme au niveau mondial.
Athletics South Africa (ci-après: ASA) est la fédération sud-africaine d'athlétisme; son siège est à Johannesburg. Elle est membre de l'IAAF.
A.b. Le 23 avril 2018, l'IAAF a publié son nouveau règlement intitulé " Règlement régissant la qualification dans la catégorie féminine - pour les athlètes présentant des différences du développement sexuel " - (ci-après: Règlement DDS).
La différence du développement sexuel (ci-après: DDS) est définie par l'IAAF comme une anomalie congénitale causant un développement atypique du sexe chromosomique, gonadique et/ou anatomique (art. 1.1 (b) (ii) en liaison avec l'Annexe 1 du Règlement DDS).
Selon l'IAAF, le Règlement DDS a " pour unique finalité de garantir une compétition juste et pertinente au sein de la catégorie féminine, au profit de l'ensemble des athlètes féminines. Il n'a aucune visée de jugement ou de remise en question de l'identité sexuelle ou de genre d'une athlète, quelle qu'elle soit. (...) " (art. 1.1 (e) du Règlement DDS).
Le Règlement DDS fixe les conditions particulières que doit remplir une " Athlète concernée " afin de pouvoir prendre part à une " Épreuve visée " dans la catégorie féminine dans le cadre d'une compétition internationale.
Selon l'art. 2.2 du Règlement DDS, une " Athlète concernée " est celle qui répond aux trois critères cumulatifs suivants: elle présente l'une des DDS énumérées par cette disposition (i); son taux de testostérone sanguin est supérieur ou égal à 5 nanomoles par litre de sang (nmol/L) (ii); elle possède une sensibilité aux androgènes suffisante pour présenter, à ces taux de testostérone, un effet androgénisant significatif (iii).
Une " Athlète concernée " qui souhaite s'aligner sur une " Épreuve visée " au sens de l'art. 2.2 (b) du Règlement DDS, soit les courses du 400 mètres, 400 mètres haies, 800 mètres, 1'500 mètres et du
mile (1,6 kilomètre) ainsi que toute les épreuves comprises entre le 400 mètres et le
mile, doit satisfaire aux conditions cumulatives suivantes, en vertu de l'art. 2.3 du Règlement DDS:
- être reconnue officiellement en tant que femme ou intersexe;
- abaisser son taux de testostérone sanguine en dessous de 5 nmol/L pendant une période ininterrompue d'au moins six mois;
- maintenir son taux de testostérone sanguine en dessous de 5 nmol/L en permanence (qu'elle soit ou non en compétition) aussi longtemps qu'elle souhaite pouvoir participer aux " Épreuves visées " dans la catégorie féminine lors d'une compétition internationale.
B.
B.a. Mokgadi Caster Semenya est une " Athlète concernée " au sens de l'art. 2.2 (a) du Règlement DDS.
Le 18 juin 2018, la coureuse a déposé une requête d'arbitrage devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) en vue de contester la validité dudit règlement (CAS 2018/O/5794). Le 25 juin 2018, ASA a également saisi le TAS (CAS 2018/O/5798). Ce dernier a prononcé la jonction des causes en date du 29 juin 2018.
En cours de procédure, l'IAAF a modifié la liste des DDS couvertes par le Règlement DDS, de telle sorte que celui-ci s'applique uniquement aux athlètes " 46 XY-DDS ", c'est-à-dire aux personnes possédant des chromosomes XY et non des chromosomes XX.
A l'issue de l'échange d'écritures, la Formation a tenu audience à Lausanne du 18 au 22 février 2019. Au cours de ces cinq jours d'audience, elle a entendu un nombre très important d'experts.
Par sentence motivée du 30 avril 2019, la Formation a rejeté les deux requêtes d'arbitrage.
Le TAS a adressé la sentence motivée aux parties par courrier électronique du 30 avril 2019, puis leur en a notifié la version originale signée par courrier du 20 juin 2019.
B.b. Certaines constatations de fait opérées par le TAS et considérations émises par celui-ci seront brièvement mentionnées ci-après. Par souci de simplification, leur énoncé prendra en principe la forme du discours direct.
B.b.a. L'IAAF est chargée d'édicter des règlements visant à faciliter et garantir une compétition équitable. Après la puberté, les hommes surclassent les femmes en termes de performance athlétique. C'est pourquoi, l'IAAF a jugé indispensable de créer une " classe protégée " d'athlètes féminines. Une telle séparation entre les compétitions féminine et masculine n'est pas remise en cause. Une fois que l'on reconnaît qu'il est légitime d'avoir des catégories séparées hommes/femmes, il est nécessaire de concevoir un moyen objectif, équitable et effectif afin de déterminer quelles personnes peuvent accéder à la " classe protégée ". A priori, la solution semble aisée. Réserver l'accès à la " classe protégée " aux athlètes de sexe féminin, à l'exclusion des personnes de sexe masculin. Cependant, la manière de réglementer le droit d'intégrer la " classe protégée " est complexe. En effet, le sexe n'est pas une notion binaire. La classification hommes/femmes dans le domaine de l'athlétisme ne coïncide pas parfaitement avec les diverses caractéristiques sexuelles de la biologie humaine. Il est important de garder à l'esprit que les étiquettes hommes/femmes peuvent avoir plusieurs significations suivant le contexte: elle peuvent faire référence au sexe légal d'une personne (i. e son sexe au regard de la loi), à son identité subjective de genre (i. e la façon dont une personne s'identifie) ou à d'autres aspects spécifiques physiologiques (par exemple les caractéristiques gonadiques ou le profil hormonal). La seule référence au sexe légal d'une personne ne constitue pas toujours le moyen équitable et effectif de procéder à cette distinction car la raison qui justifie une séparation entre les hommes et les femmes repose
in fine sur des facteurs biologiques plutôt que sur le statut légal. L'institution de catégories séparées a pour but de protéger une classe de personnes qui ne possèdent pas certains avantages irrémédiables en termes de performance. Il s'ensuit qu'il peut être légitime de régler le droit de participer à une compétition dans la catégorie féminine par référence aux facteurs biologiques plutôt qu'à celui du sexe légal uniquement. Il est parfois nécessaire de créer une distinction qui ne repose pas exclusivement sur le critère du sexe légal.
B.b.b. Lors de la puberté, la testostérone en circulation dans l'organisme augmente la taille et la puissance des os et des muscles ainsi que le niveau du taux d'hémoglobine. A partir de cette période, les testicules produisent en moyenne 7 milligrammes (mg) de testostérone par jour, alors que la production quotidienne de testostérone demeure à 0,25 mg chez les femmes. Le taux ordinaire de testostérone chez un homme se situe entre 7,7 et 29,4 nmol/L. La concentration ordinaire de testostérone chez une femme ne présentant pas de DDS, produite essentiellement par les ovaires et les glandes surrénales, est comprise entre 0,06 et 1,68 nmol/L (exception faite des femmes affectées d'un syndrome des ovaires polykystiques, SOPK). Il n'est pas contesté que le taux de testostérone de 5 nmol/L, prévu par le Règlement DDS, constitue un seuil qu'aucune personne de caryotype XX ne pourrait dépasser (sous réserve éventuellement d'une petite fraction de personnes atteintes du SOPK). Sur la base des preuves recueillies et des avis exprimés par les experts, la Formation arrive à la conclusion que la testostérone, si elle n'est peut-être pas le seul élément expliquant l'augmentation de la masse corporelle maigre et du taux d'hémoglobine, représente néanmoins le facteur principal à l'origine des avantages physiques susmentionnés et donc de la différence existant entre les sexes en termes de performance athlétique.
B.b.c. Les DDS énumérées à l'art. 2.2 (a) (i) du Règlement DDS concernent exclusivement les athlètes possédant un caryotype XY (et non XX). Toutes les DDS comme le déficit en 5α-réductase de type 2 sont des formes de mutations génétiques susceptibles d'affecter le taux de testostérone. Les personnes présentant un déficit en 5α-réductase de type 2 (5-ARD) possèdent des chromosomes masculins (XY), des gonades mâles (des testicules et non des ovaires) et un taux de testostérone comparable à celui des hommes.
La déficience en 5-ARD entrave la conversion de la testostérone présente chez le foetus en dihydrotestostérone (DHT), avec la conséquence que les tissus génitaux externes ne se développent pas normalement. A la naissance, lors de l'examen médical des organes génitaux externes, une personne peut se voir assigner le sexe féminin ou masculin. Lors de la puberté, la testostérone augmente la taille et la puissance des muscles et des os ainsi que le taux d'hémoglobine d'une personne présentant une déficience en 5-ARD de la même manière que chez les hommes non touchés par cette mutation génétique. Les individus présentant une déficience en 5-ARD sont pleinement sensibles aux androgènes. Partant, ils ressentent pleinement les effets de la testostérone. Pour ces athlètes, la question de la sensibilité aux androgènes n'est pas pertinente, alors qu'elle peut l'être pour des athlètes présentant une autre forme de DDS.
B.b.d. Sur la base de l'analyse des différents éléments avancés par les parties et les témoignages de plusieurs experts, la Formation considère que les athlètes féminines présentant une déficience en 5-ARD ou d'autres formes de DDS ont un taux de testostérone équivalant à la concentration ordinaire présente chez un homme. Il en résulte une importante amélioration de la performance sportive. La Formation conclut que cette capacité sportive améliorée se traduit en pratique par un avantage significatif en termes de performance dans certaines disciplines d'athlétisme visées par le Règlement DDS.
La Formation souligne notamment la surreprésentation frappante des athlètes féminines présentant une DDS dans l'univers de l'athlétisme d'élite. Selon les preuves produites par l'IAAF, les DDS affectent une personne sur 20'000 dans la population; dans les compétitions féminines de l'athlétisme d'élite, 7 athlètes sur 1'000 présentent une DDS, soit une prévalence 140 fois plus importante. La déficience en 5-ARD touche moins d'une personne sur 100'000 (<0.001%), pourcentage sans commune mesure avec le nombre considérable de médailles remportées lors des compétitions internationales majeures par les athlètes présentant une telle mutation génétique. De l'avis de la Formation, la rareté de la déficience en 5-ARD au sein de la population globale contraste avec le succès écrasant obtenu - dans une épreuve d'athlétisme - par les femmes présentant une telle mutation génétique.
La Formation conclut que les preuves prod uites établissent que les athlètes présentant une DDS possèdent un avantage significatif en termes de performance par rapport aux autres athlètes féminines, d'une ampleur telle qu'il est capable d'empêcher toute compétition équitable au sein de la " catégorie protégée ".
B.b.e. Procédant à l'examen de la validité du Règlement DDS, la Formation considère que celui-ci crée certes une différenciation fondée sur le sexe légal et certaines caractéristiques biologiques innées, mais constitue un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné de garantir l'intégrité de l'athlétisme féminin et la défense de la " classe protégée " des athlètes féminines. Les règles d'éligibilité sont nécessaires et raisonnables afin d'assurer une compétition équitable car le taux de testostérone élevé des athlètes 46 XY présentant une DDS, et suffisamment sensibles aux androgènes, confère à ces athlètes un avantage insurmontable par rapport aux autres athlètes féminines. Sous l'angle de la proportionnalité, la Formation estime notamment, sur la base des preuves actuellement disponibles, que les effets secondaires que pourraient subir les " Athlètes concernées " lors de la prise de pilules contraceptives dans l'optique d'abaisser leur taux de testostérone ne l'emportent pas sur l'objectif légitime de protéger et garantir une compétition équitable dans la catégorie féminine. Par ailleurs, la Formation considère que le fait pour les athlètes de devoir se soumettre à des examens médicaux intimes en vue de déterminer leur sensibilité aux androgènes ne rend pas le Règlement DDS disproportionné. Nonobstant de sérieuses préoccupations concernant divers aspects de l'application du Règlement DDS, la Formation conclut que celui-ci n'est pas en soi disproportionné.
C.
Le 28 mai 2019, Mogkadi Caster Semenya (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles ainsi que d'une demande d'effet suspensif, en vue d'obtenir l'annulation de la sentence du 30 avril 2019.
Par ordonnance du 31 mai 2019, la Présidente de la Ire Cour de droit civil a donné l'ordre à l'IAAF, à titre superprovisionnel, de suspendre immédiatement la mise en oeuvre du Règlement DDS à l'égard de la recourante afin de maintenir la situation inchangée jusqu'à décision sur la requête de mesures provisionnelles.
Par ordonnance présidentielle du 12 juin 2019, la demande de reconsidération des mesures superprovisionnelles formée par l'IAAF a été rejetée.
Au terme de sa réponse du 25 juin 2019, l'IAAF (ci-après: l'intimée) a conclu à la levée des mesures superprovisionnelles et au rejet, dans la mesure de leur recevabilité, des requêtes de mesures provisionnelles et de restitution de l'effet suspensif.
Dans son écriture du 25 juin 2019, ASA, admise en tant que partie intéressée à la procédure pendante, a déclaré acquiescer à la requête de mesures provisionnelles et a requis la suspension du Règlement DDS à l'égard de toutes les athlètes concernées.
Le TAS, qui a produit le dossier de la cause, a renoncé à déposer des observations sur la requête de mesures provisionnelles.
Le 5 juillet 2019, l'intimée s'est déterminée spontanément sur l'écriture de la partie intéressée en persistant dans ses conclusions. Ces déterminations, reçues le 8 juillet 2019 par le Tribunal fédéral, ont été transmises le 12 juillet 2019 à la recourante sans susciter de réaction de sa part à ce jour.
Le 12 juillet 2019, la recourante a déposé des observations sur l'écriture de l'intimée du 25 juin 2019.
Considérant en droit :
1.
En règle générale, le recours en matière civile n'a pas d'effet suspensif (art. 103 al. 1 LTF). Le juge instructeur peut toutefois, d'office ou sur requête d'une partie, statuer différemment sur l'effet suspensif (art. 103 al. 3 LTF). Aux termes de l'art. 104 LTF, le juge instructeur peut, d'office ou sur requête d'une partie, ordonner les mesures provisionnelles nécessaires au maintien de l'état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts menacés. Pour rendre une décision sur l'effet suspensif ou l'octroi de mesures provisionnelles, le juge instructeur doit procéder à une pesée des intérêts en présence et se demander, en particulier, si la décision attaquée est de nature à entraîner un préjudice irréparable pour la recourante. Il lui faut également supputer les chances de succès du recours.
La pratique du Tribunal fédéral est stricte s'agissant des exigences auxquelles est soumis l'octroi de l'effet suspensif, respectivement l'octroi de mesures provisionnelles, en matière d'arbitrage international. De ce fait, l'effet suspensif n'est accordé, respectivement les mesures provisionnelles ne sont ordonnées, en règle générale, que s'il ressort d'un premier examen sommaire du dossier que le recours apparaît très vraisemblablement fondé (ordonnance présidentielle du 27 septembre 2018 dans la cause 4A_318/2018; ordonnance présidentielle du 7 novembre 2016 dans la cause 4A_624/2016).
2.
Dans son mémoire de recours, la recourante se plaint exclusivement d'une violation de l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP).
Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; ATF 132 III 389 consid. 2.2.3). Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêts 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1; 4A_600/2016 du 29 juin 2017 consid. 1.1.4). L'annulation d'une sentence arbitrale internationale pour ce motif de recours est chose rarissime (ATF 132 III 389 consid. 2.1).
Il sied de rappeler que le Tribunal fédéral ne saurait être assimilé à cour d'appel qui chapeauterait le TAS et vérifierait librement le bien-fondé des sentences en matière d'arbitrage international rendues par cet organe juridictionnel - véritable tribunal arbitral indépendant et impartial (arrêt de la CourEDH,
Mutu et Pechstein c. Suisse du 2 octobre 2018) - spécialisé dans le règlement des différends relevant du sport et jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Tel n'est pas le rôle de l'autorité judiciaire suprême du pays lorsqu'elle est saisie d'un recours au sens de l'art. 77 al. 1 LTF dans lequel est invoquée l'incompatibilité de la sentence attaquée avec l'ordre public, comme cela ressort de la définition de cette notion (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.2.3; 4A_604/2010 du 11 avril 2011 consid. 3.2.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.4.2).
S'il les particularités de l'arbitrage sportif ont certes été prises en considération par la jurisprudence fédérale dans le traitement de certaines questions de procédure spécifiques, telle la renonciation à recourir (ATF 133 III 235 consid. 4.3.2.2 p. 244), il ne s'ensuit pas pour autant qu'il faille en faire de même à l'égard du moyen de caractère général tiré de l'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public matériel, sauf à créer une véritable
lex sportiva par la voie prétorienne, ce qui pourrait soulever des problèmes du point de vue de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire de la Confédération, puisque le législateur n'a pas adopté de règles spécifiques en matière d'arbitrage sportif (arrêts 4A_312/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.3.2; 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.2.3; 4A_488/2011 du 18 juin 2012 consid. 6.2).
3.
A la lumière de ces règles et principes, dans le cadre du pouvoir d'examen dont jouit le Tribunal fédéral dans un recours en matière d'arbitrage international, l'on ne peut affirmer,
prima facie, en lisant le mémoire de recours, la sentence attaquée - et en particulier les constatations, fondées sur les avis des experts, qui lient la Cour de céans (cf.
supra lettre B.b.d) - ainsi que les déterminations de l'intimée que les conclusions de la recourante devront être très vraisemblablement admises.
3.1. La recourante dénonce en premier lieu une violation du principe de l'interdiction de la discrimination. La différenciation prétendument inadmissible repose en l'occurrence sur un règlement édicté par une association de droit privé. Or, il est douteux que la prohibition des mesures discriminatoires entre dans le champ d'application de la notion restrictive d'ordre public lorsque la discrimination est le fait d'une personne privée et survient dans des relations entre particuliers. A supposer que tel soit le cas, le grief n'apparaît pas de toute manière, à première vue, très vraisemblablement fondé, dès lors que le TAS a considéré, au terme d'un examen approfondi, que les règles d'éligibilité instaurées par le Règlement DDS créaient certes une différenciation fondée sur le sexe légal et les caractéristiques biologiques innées mais constituaient une mesure nécessaire, raisonnable et proportionnée en vue de garantir l'intégrité de l'athlétisme féminin et la défense de la " classe protégée " et d'assurer une compétition équitable.
3.2. En second lieu, la recourante se plaint d'une violation de ses droits de la personnalité et de sa dignité humaine, invoquant notamment dans ce cadre-là diverses garanties conventionnelles.
Il sied de rappeler que, dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a considéré que la Convention européenne des droits de l'homme ne s'applique pas directement à l'arbitrage. En effet, la violation des dispositions de cette convention ne compte pas au nombre des griefs limitativement énumérés par l'art. 190 al. 2 LDIP (arrêts 4A_178/2014 du 11 juin 2014 consid. 2.4; 4A_370/2007 du 21 février 2008 consid. 5.3.2).
A la lecture des écritures de la recourante, on peine à discerner en quoi les critiques émises par l'intéressée à l'encontre de la sentence suffiraient à démontrer le caractère très vraisemblablement fondé d'une contrariété à l'ordre public découlant d'une atteinte aux droits de la personnalité ou à la dignité humaine.
Pour le surplus, il n'apparaît pas de façon évidente que la situation de la recourante soit comparable à celle du footballeur brésilien
Matuzalem, lequel s'était vu infliger la menace d'une suspension illimitée de toute activité footballistique pour le cas où il ne paierait pas une indemnité supérieure à 11 millions d'euros, intérêts en sus, à son ancien club à bref délai (ATF 138 III 322).
4.
La condition du caractère très vraisemblablement fondé du recours n'étant pas réalisée, point n'est besoin d'examiner si la sentence est susceptible de causer un préjudice irréparable à la recourante.
Sur le vu de ce qui précède, la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles est rejetée.
Par identité de motifs, la requête de la partie intéressée tendant à la suspension du Règlement DDS à l'égard de toutes les athlètes concernées est également rejetée dans la mesure de sa recevabilité.
L'ordonnance présidentielle du 31 mai 2019 imposant à l'intimée, à titre superprovisionnel, de suspendre la mise en oeuvre du Règlement DDS à l'égard de la recourante est rapportée.
Par ces motifs, la Présidente ordonne :
1.
L'ordonnance présidentielle du 31 mai 2019 est rapportée.
2.
La requête de mesures provisionnelles et d'effet suspensif présentée par la recourante est rejetée.
3.
La requête formée par la partie intéressée tendant à la suspension du Règlement DDS avec effet
erga omnesest rejetée dans la mesure où elle est recevable.
4.
La présente ordonnance est communiquée aux mandataires des parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L'intimée, la partie intéressée et le TAS reçoivent simultanément un double des observations de la recourante du 12 juillet 2019 et de ses annexes (act. 40/41).
Lausanne, le 29 juillet 2019
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente :
Kiss