Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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1B_372/2019
Arrêt du 27 août 2019
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Fonjallaz et Muschietti.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Sylvain Zihlmann, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève.
Objet
Exécution anticipée de peine,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale
de recours, du 27 juin 2019 (ACPR/486/2019 - P/12004/2017).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1996, fait l'objet d'une instruction pénale menée par le Ministère public de la République et canton de Genève pour assassinat (art. 112 CP), subsidiairement pour meurtre (art. 111 CP). Il lui est reproché d'avoir causé la mort de B.________, dans la nuit du 8 au 9 juin 2017, sur un parking, à Meyrin (GE), en dirigeant volontairement son véhicule en direction de la victime, la projetant sur le pare-brise, puis par-dessus le véhicule, et lui roulant ensuite délibérément sur le corps, avant de prendre la fuite. Les faits trouveraient leur origine dans une rivalité amoureuse, B.________ ayant fréquenté C.________, l'ex-amie intime de A.________.
En cours d'instruction, le prévenu a reconnu les faits, mais a nié avoir voulu tuer la victime.
A.b. A.________ a été arrêté le 9 juin 2017. Par ordonnance du 11 juin 2017 du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc), il a été placé en détention provisoire. Cette mesure a été régulièrement prolongée par ordonnances successives du Tmc.
A.c. A teneur de leur rapport d'expertise psychiatrique du 3 janvier 2018, les Drs E.________ et F.________ ont relevé que A.________ présentait un trouble mixte de la personnalité avec composante borderline, narcissique et immature, assimilable à un grave trouble mental, de sévérité légère.
A.d. Le 25 janvier 2019, le Ministère public a adressé aux parties un avis de prochaine clôture (art. 318 al. 1 CPP).
B.
Après qu'une première requête de A.________ tendant à l'exécution anticipée de la peine a été rejetée le 22 novembre 2018 par le Ministère public, le prévenu a réitéré sa requête le 29 mai 2019.
Par ordonnance du 3 juin 2019, le Ministère public a refusé de mettre A.________ au bénéfice de l'exécution anticipée de la peine en raison du danger de collusion. Le recours dirigé par l'intéressé contre cette décision a été rejeté par arrêt du 27 juin 2019 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 27 juin 2019. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que l'exécution anticipée de la peine est immédiatement ordonnée. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle ordonne l'exécution anticipée de la peine, moyennant la mise en place d'un contrôle de ses contacts avec l'extérieur. Plus subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue dans le sens des considérants. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Invitée à se déterminer sur le recours, la cour cantonale a renoncé à présenter des observations, se référant aux considérants de son arrêt. Le Ministère public a conclu au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la demande d'exécution anticipée des peines et mesures au sens de l'art. 236 CPP (arrêts 1B_186/2018 du 8 mai 2018 consid. 1; 1B_127/2017 du 20 avril 2017 consid. 1.1). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre un prononcé pris en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.
2.
Le recourant invoque une violation de l'art. 236 CPP. Il soutient à cet égard qu'il n'existait aucun indice concret d'un risque de collusion propre à justifier le refus de l'exécution anticipée de la peine.
2.1. Selon l'art. 236 al. 1 CPP, la direction de la procédure peut autoriser le prévenu à exécuter de manière anticipée une peine privative de liberté ou une mesure entraînant une privation de liberté si le stade de la procédure le permet. Le but de la disposition est d'offrir au détenu un régime d'exécution tenant compte notamment de sa situation et de lui assurer, cas échéant, de meilleures chances de resocialisation (ATF 143 IV 160 consid. 2.1 p. 162). Dès l'entrée du prévenu dans l'établissement, l'exécution de la peine ou de la mesure commence et le prévenu est soumis au régime de l'exécution, sauf si le but de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté s'y oppose (art. 236 al. 4 CPP).
L'art. 236 al. 1 in fine CPP suppose de plus que le "stade de la procédure" concernée permette une exécution anticipée de la peine. Ce stade correspond au moment à partir duquel la présence du prévenu n'est plus immédiatement nécessaire à l'administration des preuves : tel est en principe le cas lorsque l'instruction est sur le point d'être close. Cette restriction répond principalement à des besoins pratiques, en raison de l'éventuel éloignement géographique entre les lieux d'exécution de peine et ceux où a lieu l'administration des preuves (arrêt 1B_189/2014 du 28 juillet 2014 consid. 2.3 et les références citées).
Même après ce stade, l'exécution anticipée de la peine doit être refusée lorsqu'un risque élevé de collusion demeure de sorte que le but de la détention et les besoins de l'instruction seraient compromis si le régime de l'exécution anticipée devait être mis en oeuvre (arrêt 1B_449/2015 du 15 janvier 2016 consid. 2.3). Il appartient alors à l'autorité de démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manoeuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi le régime d'exécution de peine du prévenu, même avec les mesures possibles de l'art. 236 al. 4 CPP, en compromettrait l'accomplissement (arrêts 1B_186/2018 du 8 mai 2018 consid. 2.1; 1B_400/2017 du 18 octobre 2017 consid. 2.1; 1B_127/2017 du 20 avril 2017 consid. 2.1).
2.2. Il ressort de l'arrêt entrepris qu'en cours d'instruction, le recourant avait à plusieurs reprises tenté de prendre contact, depuis la prison D.________, avec des personnes en lien avec l'affaire, qui pour certaines avaient été entendues en qualité de témoins. A cet égard, des éléments laissaient craindre que le recourant, qui était conscient des enjeux liés à l'éventuelle qualification juridique des faits incriminés - meurtre (art. 111 CP), assassinat (art. 112 CP) ou meurtre passionnel (art. 113 CP) -, ne tentât de manipuler ses interlocuteurs pour le faire apparaître comme une victime de ses sentiments amoureux envers C.________, de manière à pouvoir bénéficier, le cas échéant, d'une peine plus clémente, qui serait prononcée dans le cadre d'une condamnation pour meurtre passionnel (cf. arrêt entrepris, consid. 3.3 p. 6).
Ainsi en particulier, en octobre 2018, à l'occasion d'une conversation téléphonique avec son ami G.________, le recourant lui avait expliqué qu'une condamnation pour meurtre passionnel " l'arrangerait " et avait dans ce contexte essayé d'orienter les souvenirs de son interlocuteur quant à une dispute avec C.________ en 2016, en la décrivant d'une manière différente de celle qui ressortait d'autres déclarations recueillies par la police. Cet épisode faisait suite à l'envoi par le recourant d'un bouquet de fleurs à C.________, lui assurant à cette occasion de ses sentiments (" Tu me manques terriblement, je t'aime très fort "; cf. arrêt entrepris, p. 3).
Par ailleurs, à teneur d'un rapport d'incident du 3 novembre 2018 de la Prison D.________, un message contenant des directives à suivre, s'agissant d'un véhicule, avait été découvert lors du contrôle du sac de linge sale du recourant, destiné à être remis à la mère et au frère de ce dernier lors de leur visite (cf. arrêt entrepris, p. 3).
2.3. Les arguments du recourant consistent principalement à minimiser l'importance et le caractère concret du risque de collusion retenu par la cour cantonale, dès lors notamment que l'instruction est pratiquement terminée, les témoins ayant déjà été entendus, pour certains à plusieurs reprises.
A cet égard, on relève d'une part que, si le Ministère public a certes informé les parties, le 25 janvier 2019, de la prochaine clôture de l'instruction et de son intention de renvoyer le recourant devant le Tribunal criminel, l'instruction est toujours en cours, l'extraction des données du téléphone portable de C.________ - rendue désormais possible par une évolution technologique en la matière - ayant été ordonnée le 9 mai 2019. Les parties plaignantes ont en outre sollicité une nouvelle audition de C.________.
D'autre part, si l'on peut admettre que l'instruction se trouve à un stade avancé, il convient de prendre en considération que l'administration de certaines preuves, telles que notamment les auditions de témoins, devrait très vraisemblablement être répétée lors des débats qui devraient se tenir devant le Tribunal criminel. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a insisté sur le principe de l'oralité et de l'immédiateté des débats, lesquels conduisent à l'instruction définitive de l'affaire par le biais de l'intime conviction du juge (art. 10 al. 2 CPP) : celui-ci doit non seulement tenir compte du contenu des témoignages, mais aussi de la manière dont s'expriment les témoins (ATF 140 IV 196 consid. 4.4.2 p. 199 s.). Les déclarations que pourraient être amenés à faire les différents participants - tels que les témoins (arrêt 1B_400/2017 du 18 octobre 2017 consid. 2.3) - représentent donc un moyen de preuve dont la connaissance directe par le tribunal apparaît nécessaire au prononcé du jugement (art. 343 al. 3 CPP; ATF 140 IV 196 consid. 4.4.3 p. 200; arrêt 1B_144/2017 du 27 avril 2017 consid. 3.2) et qu'il peut s'avérer indispensable de préserver de toute influence de la part du prévenu (arrêts 1B_318/2019 du 15 juillet 2019 consid. 2.1; 1B_144/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.1). En l'occurrence, dans le contexte des faits incriminés et de leur qualification juridique, l'appréciation des déclarations des témoins pourrait être décisive. Il est dès lors primordial que les intéressés puissent s'exprimer lors des débats sans que leurs déclarations ne soient orientées par de quelconques pressions extérieures. Or, les contacts entretenus jusqu'alors par le recourant, couplés avec les composantes narcissiques et immatures de son trouble de personnalité diagnostiqué par expertise, laissent subsister des doutes quant à sa capacité de s'abstenir de toute tentative de contact avec des personnes concernées par la procédure.
Dans ces circonstances, une incarcération du recourant dans un établissement dédié à l'exécution des peines n'apparaît pas adéquate. De même, les restrictions proposées par l'intéressé, qui pourraient prendre la forme d'une surveillance, voire d'une restriction ou d'une interdiction, de ses relations avec l'extérieur (cf. art. 84 al. 2 CP), ne sont pas propres à éviter qu'il ne tente à nouveau, par des moyens détournés (par exemple par des messages cachés ou des contacts avec des détenus soumis à un régime plus souple), de communiquer avec les personnes intéressées. Dans ce contexte, le souhait exprimé par le recourant de suivre une formation durant sa détention ne saurait justifier à lui seul l'exécution anticipée de la peine.
2.4. En définitive, en tant qu'il se fonde sur l'existence d'un risque important et concret de collusion, le refus d'ordonner l'exécution anticipée de la peine ne viole pas le droit fédéral.
3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.
Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Sylvain Zihlmann en tant qu'avocat d'office et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Sylvain Zihlmann est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 27 août 2019
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
Le Greffier : Tinguely