Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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4A_33/2019
Arrêt du 5 septembre 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.
Greffière : Mme Schmidt.
Participants à la procédure
1. A.________ SA,
2. B.________,
tous les deux représentés par Me Christian Lüscher,
recourants,
contre
1. C.________,
2. D.________,
tous les deux représentés par Me Pascal Pétroz,
intimés.
Objet
contrat de bail; résiliation,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers, du 3 décembre 2018 (C/14115/2016 ACJC/1676/2018).
Faits :
A.
A.a. A.________ SA, créée en 1983 par C.________ (né en 1933) et D.________ (né en 1935) (ci-après: les bailleurs ou les défendeurs), loue depuis cette même année les locaux d'un immeuble à Genève, dans lesquels elle est autorisée à exploiter un établissement médical. En août 1984, C.________ et D.________, médecin répondant auprès de A.________ SA respectivement administrateur avec signature individuelle, sont devenus copropriétaires desdits locaux.
Par contrat du 21 décembre 1999, C.________ et D.________ ont remis à bail à A.________ SA, représentée par E.________ et B.________, les locaux en question. Le bail a été conclu pour une période de cinq ans, du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2004, renouvelable ensuite tacitement d'année en année.
B.________ et E.________ ont été directeur, respectivement administratrice de A.________ SA dès décembre 1999; dès juin 2016, F.________ et G.________ en sont les administrateurs.
A.b. Le 27 mai 2008, B.________, faisant suite à des discussions avec les bailleurs, a confirmé son intention de résilier le bail pour le 31 août 2008. Les bailleurs ont accepté cette résiliation par courrier du 26 septembre 2008, à titre exceptionnel, pour le 31 décembre 2008, sans aucune prolongation possible.
Le 10 janvier 2009, en raison d'un changement de circonstances, les bailleurs ont toutefois conclu un nouveau contrat de bail portant sur les mêmes locaux, avec A.________ SA et B.________ (ci-après: les locataires ou les demandeurs). Le bail a été conclu pour une période de cinq ans, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013, renouvelable de cinq ans en cinq ans, sauf résiliation respectant un préavis de douze mois. Le loyer annuel a été fixé à 161'688 fr., charges de 8'736 fr. non comprises, soit 14'202 fr. par mois, charges comprises.
A.c. En cours de bail - dès 1999 selon les locataires - un désaccord est survenu entre les parties au sujet de défauts affectant les locaux loués. En 2010, les locataires ont consigné les loyers et déposé deux requêtes, l'une de mesures provisionnelles pour que certains travaux soient effectués dans les locaux, l'autre en validation de la consignation et en exécution de travaux. Ils ont obtenu gain de cause, les bailleurs ayant été condamnés à effectuer les travaux requis par jugement du 7 février 2012 et arrêt de la cour cantonale du 17 décembre 2012.
A.d. Dès la fin de l'année 2014, les bailleurs ont contacté des personnes, dont les locataires, en vue de la vente des locaux. Le 5 décembre 2014, les bailleurs ont informé le directeur de la Clinique et H.________ SA et le conseil d'administration de la Clinique I.________ SA du prix de vente et des conditions de la location actuelle.
Par courrier du 24 mars 2015, J.________, courtier, a informé les bailleurs qu'il avait proposé la vente des locaux aux locataires pour une somme de 4'800'000 fr. Il a précisé que les locataires étaient intéressés par un autre bien.
A.e. Par avis officiel du 20 juin 2016, les bailleurs ont résilié le bail pour le 31 décembre 2018, au motif qu'ils souhaitaient vendre les locaux libres de locataires.
B.
B.a. Par requête de conciliation du 13 juillet 2016, puis, ensuite de l'échec de la conciliation, par demande du 5 décembre 2016 devant le Tribunal des baux et loyers, les locataires ont conclu, principalement, à ce que le Tribunal annule le congé et, subsidiairement, à ce qu'il leur accorde une prolongation de bail de six ans.
Les bailleurs ont conclu à ce que le Tribunal déclare valable le congé, refuse toute demande de prolongation et déboute les locataires de leurs conclusions.
B.b. En 2017, parallèlement à la procédure initiée, les locataires ont conclu un contrat de mandat exclusif de recherche afin de trouver des locaux de remplacement, soit des locaux d'une surface minimale de 450 m2, à une distance maximale de 1 km des hôpitaux universitaires, avec comme but commercial l'exploitation d'une permanence médico-chirurgicale. Le courtier les a toutefois informés que, malgré une recherche intensive, il n'avait pour le moment pu trouver un bien immobilier correspondant aux spécificités demandées. Selon lui, le manque d'emplacements disponibles s'expliquait par le marché immobilier volatile et instable ainsi que par le but d'exploitation très spécifique de A.________ SA.
B.c. Le 14 décembre 2017, les locataires ont communiqué au Tribunal une expertise, portant la mention " document confidentiel " sur sa page de garde, qu'ils avaient commandée dans le contexte d'une éventuelle solution amiable. Lors d'une audience qui s'est tenue le 19 décembre 2017, les bailleurs ont allégué que ladite expertise avait été demandée dans le cadre de négociations et qu'elle était couverte par les réserves d'usage. Les locataires ont contesté avoir violé dites réserves.
Par jugement du 10 avril 2018, le Tribunal des baux et loyers a validé le congé du 20 juin 2016 pour le 31 décembre 2018 et n'a accordé aucune prolongation de bail aux locataires.
B.d. Statuant sur l'appel des demandeurs le 3 décembre 2018, la Cour de justice a réformé le jugement entrepris, en ce sens qu'une unique prolongation de deux ans, échéant au 31 décembre 2020, était accordée à ceux-ci. Les motifs retenus à l'appui de son arrêt seront repris ultérieurement, dans la mesure utile.
C.
Contre cet arrêt, les locataires demandeurs ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 21 janvier 2019, concluant à sa réforme en ce sens que, principalement, la résiliation du bail soit mise à néant, subsidiairement qu'une prolongation de six ans, soit jusqu'au 31 décembre 2024, leur soit octroyée. Ils se plaignent d'arbitraire dans la constatation des faits et l'appréciation des preuves ainsi que de violation des art. 271, 271a, 272 et 272b CO et 4 CC.
Les défendeurs ont conclu au rejet du recours et la cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. Les parties ont encore répliqué respectivement dupliqué.
Considérant en droit :
1.
Interjeté en temps utile compte tenu des féries (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. c LTF), par les locataires qui ont partiellement succombé dans leurs conclusions (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF), dans une affaire de bail à loyer (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si l'état de fait est incomplet, il n'y a pas lieu d'invoquer la violation d'un principe constitutionnel (i.e. de l'interdiction de l'arbitraire de l'art. 9 Cst.), mais le recourant qui souhaite obtenir le complètement de l'état de fait, doit satisfaire aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF: il doit ainsi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'il a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure civile, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats; si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261 s.).
2.2. Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).
3.
Les locataires recourants se plaignent d'arbitraire dans la constatation des faits et l'appréciation des preuves sur trois points.
3.1. Premièrement, les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire en refusant de tenir compte de l'expertise immobilière qu'ils ont produite le 14 décembre 2017 (cf. consid. B.c
supra) et d'avoir violé leur droit d'être entendus, faute de motivation quant à ce refus. L'expertise serait un indice important de " congé-vente ", puisqu'elle attesterait de ce que le prix réel des locaux est inférieur à celui que leur ont proposé les défendeurs.
Si la cour cantonale a laissé ouverte la question de la recevabilité de cette pièce, il apparaît qu'elle en a néanmoins tenu compte dans son raisonnement. Elle a ainsi retenu l'intérêt des demandeurs à l'acquisition des locaux, dans la mesure où ils avaient pris la peine de les faire expertiser, ce qui en tant que tel excluait que le rachat leur ait été imposé. Elle a également précisé que le prix déterminé par l'expertise, par hypothèse inférieur à celui proposé par les défendeurs, ne démontrait en tant que tel pas l'existence d'une transaction couplée prohibée par la loi. Il n'y a dès lors pas lieu de compléter l'état de fait sur ce point, la cour cantonale en ayant tenu compte à titre hypothétique.
3.2. Deuxièmement, les recourants se plaignent de ce que la cour cantonale a admis les motifs de congé allégués par les défendeurs, soit la vente des locaux libres de locataires et leurs âges respectifs. Ces deux motifs ne seraient toutefois que des prétextes, sans compter qu'ils auraient changé en cours de procédure.
Concernant la vente libre de locataires, les recourants soutiennent que la cour cantonale aurait arbitrairement retenu que les bailleurs ont proposé les locaux à la vente à plusieurs personnes, alors que seule la Clinique et H.________ SA aurait été approchée. D'emblée, l'on ne voit pas que cette constatation serait arbitraire, puisque la vente des locaux a été proposée dès fin 2014 non seulement à la Clinique et H.________ SA, mais également à la Clinique I.________ SA et aux demandeurs eux-mêmes (consid. A.d.
supra), ce dont ils se plaignent d'ailleurs dans le cadre de leur argumentation sur le congé-vente. Il n'était donc pas arbitraire de retenir que les locaux loués ont été proposés à la vente à plusieurs personnes. Enfin, l'affirmation des recourants relative à l'initiation des négociations en vue de l'achat des locaux par les défendeurs, non pas par eux-mêmes, ne rend pas arbitraire la constatation de la cour cantonale, selon laquelle les parties sont entrées en négociations en vue de la vente respectivement l'achat des locaux, sans qu'il soit nécessaire de trancher laquelle des deux a pris contact en premier avec l'autre.
S'agissant de l'âge des bailleurs, les recourants affirment qu'il entrerait en contradiction avec l'affirmation que ceux-ci souhaitaient vendre les locaux depuis quinze ans. Or, la volonté de trouver un repreneur pour les locaux, même depuis quinze ans, n'exclut pas nécessairement la volonté de résilier liée à l'âge, étant précisé que les défendeurs étaient âgés de 83 respectivement 81 ans au moment de la résiliation. De plus, rien n'indique que cette explication de leur motivation, certes alléguée seulement dans le mémoire de réponse déposé en première instance, n'aurait pas existé au moment de la résiliation et ne se cumulerait pas avec la vente libre de locataires. L'on ne discerne dès lors aucun arbitraire dans la constatation de la cour cantonale selon laquelle le motif du congé est resté inchangé.
En outre, il n'y a pas lieu de retenir que la cour cantonale aurait arbitrairement occulté l'historique du litige relatif aux défauts des locaux loués, faute pour les recourants d'avoir démontré à satisfaction que cet élément aurait une influence sur le sort de la cause. Il n'est d'ailleurs pas contesté que le congé a été donné hors du délai de protection lié à la procédure ayant abouti aux décisions judiciaires de 2012 (cf. consid. A.c
supra).
3.3. Troisièmement, en relation avec la prolongation du bail, les recourants reprochent à la cour cantonale de n'avoir pas retenu qu'ils risquaient de perdre des médecins au profit de concurrents du fait de la résiliation, alors qu'elle a reconnu le risque de perdre la patientèle de quartier, la mise à mal de la collaboration avec les hôpitaux universitaires et la pénurie des locaux alentours. La cour cantonale pouvait cependant, sans commettre d'arbitraire, retenir que les recourants n'ont pas démontré la réalité de ce risque, la seule preuve offerte à cet égard étant le témoignage de F.________, administrateur de A.________ SA directement intéressé à l'issue du litige.
4.
Les recourants font ensuite grief à la cour cantonale d'avoir violé les art. 271 et 271a CO en n'annulant pas le congé reçu le 20 juin 2016.
4.1.
4.1.1. Chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu. La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 145 III 143 consid. 3.1 p. 146; 142 III 91 consid. 3.2.1 p. 92; 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62).
Lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, la seule limite à la liberté contractuelle des parties réside dans les règles de la bonne foi: le congé qui y contrevient est alors annulable (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO). La protection assurée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). De manière générale, un congé est contraire aux règles de la bonne foi lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu'il apparaît ainsi purement chicanier ou consacrant une disproportion crasse entre l'intérêt du preneur au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 145 III 143 consid. 3.1 p. 146; 142 III 91 consid. 3.2.1 p. 92; 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62).
Il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne foi. L'auteur du congé doit toutefois collaborer à la manifestation de la vérité en motivant la résiliation sur requête et, en cas de contestation, en fournissant les documents nécessaires pour établir le motif du congé (cf. art. 271 al. 2 CO; ATF 145 III 143 consid. 3.1 p. 146; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62; 135 III 112 consid. 4.1 p. 119). Une motivation lacunaire ou fausse n'implique pas nécessairement que la résiliation est contraire aux règles de la bonne foi, mais elle peut constituer un indice de l'absence d'intérêt digne de protection à mettre un terme au bail; en particulier, le caractère abusif du congé sera retenu lorsque le motif invoqué n'est qu'un prétexte alors que le motif réel n'est pas constatable (ATF 143 III 344 consid. 5.3.1; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62; 132 III 737 consid. 3.4.2 p. 744 s. et l'arrêt cité).
La loi ne précise pas jusqu'à quand les motifs pour un congé ordinaire peuvent être formulés. Le Tribunal fédéral en a déduit, au regard des dispositions de procédure sur les faits nouveaux, que les motifs du congé peuvent en principe encore être donnés lors de la procédure de première instance. Il n'est ainsi pas exclu, sous réserve de l'interdiction de l'abus de droit, d'alléguer ultérieurement les motifs de résiliation, une telle allégation pouvant néanmoins éventuellement constituer un indice en défaveur de la partie qui a donné le congé ou avoir une conséquence sur les frais. Enfin, le fait de compléter ou de préciser les motifs de résiliation déjà présentés est sans autre admis (ATF 143 III 344 consid. 5.3.1.; 138 III 59 consid. 2.3).
Déterminer quel est le motif du congé et si ce motif est réel ou n'est qu'un prétexte relève des constatations de fait (ATF 145 III 143 consid. 3.1 p. 146; 136 III 190 consid. 2 p. 192). Pour ce faire, il faut se placer au moment où le congé a été notifié (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1 p. 92 s.; 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62); à cet égard, des faits survenus ultérieurement peuvent tout au plus fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (arrêt 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.1 et les arrêts cités).
En revanche, le point de savoir si le congé contrevient aux règles de la bonne foi est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (arrêt 4A_200/2017 précité consid. 3.2.3 et l'arrêt cité).
4.1.2. La jurisprudence reconnaît qu'un congé donné par le bailleur pour des motifs économiques, c'est-à-dire en vue d'en tirer un profit, est en principe valable, l'ordre juridique suisse permettant à chacune des parties, sous réserve de dispositions particulières, d'optimiser sa situation économique (ATF 120 II 105 consid. 3b/bb p. 110; 136 III 190 consid. 2 p. 192). Il s'ensuit que le congé signifié dans le but de favoriser une vente n'est en principe pas abusif lorsque, d'après les constatations de fait de la juridiction cantonale, la présence d'un locataire est effectivement de nature à rendre une vente plus difficile (arrêts 4A_485/2018 du 8 avril 2019 consid. 6; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 5.2; 4A_300/2010 du 2 septembre 2010 consid. 4.2; 4C.425/2004 du 9 mars 2005 consid. 1.2.4; 4C.267/2002 du 18 novembre 2002 consid. 2.3)
4.1.3. Selon l'art. 271a al. 1 let. a CO, parmi d'autres cas spécialement énumérés par cette disposition, le congé est annulable lorsqu'il est donné par le bailleur parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions fondées sur le bail. Cette disposition vise à permettre au locataire d'exercer librement ses droits sans avoir à craindre un congé en représailles. Il incombe au locataire de prouver qu'il existe un rapport de cause à effet entre la prétention qu'il a élevée et la résiliation. Le bailleur a le droit d'apporter la contre-preuve en démontrant que le congé répond à un autre motif. Le juge constate alors le véritable motif du congé selon l'impression objective qui résulte de toutes les circonstances; le congé-représailles est d'autant plus vraisemblable qu'il survient rapidement après que le locataire a élevé une prétention (Raoul Futterlieb, in Das schweizerische Mietrecht, SVIT-Kommentar, 4e éd. 2018, n° 15 ss ad art. 271a CO; Lachat et. al., Le bail à loyer, 2019, n° 5.2.4 p. 969 s., avec références à d'autres auteurs).
4.1.4. Le congé-vente de l'art. 271a al. 1 let. c CO se distingue du congé économique (cf. consid. 4.1.2
supra), en ce sens que la vente de " l'appartement loué " n'est pas proposée à un tiers quelconque mais au locataire en place. Certains auteurs estiment que cette disposition est également applicable aux locaux commerciaux; d'autres le contestent (Peter Higi, in Zürcher Kommentar, n° 110 ad art. 271a CO;
contra Lachat et al, op. cit., p. 972 s.); d'autres enfin admettent qu'à défaut la situation visée par cette disposition est englobée par les art. 271a al. 1 let. b CO ou 271 al. 1 CO (Futterlieb, op. cit., n° 27 ad art. 271a CO; Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n° 2242; Roger Weber, Commentaire bâlois, 6e éd. 2015, n° 17 ad art. 271/271a CO). La question souffre de demeurer indécise en l'espèce. Le congé n'est annulable que s'il a été donné par le bailleur uniquement pour amener le locataire à acheter l'appartement loué. Il doit exister un rapport de cause à effet qualifié entre la résiliation du bail et le désir du bailleur de vendre le logement loué au locataire congédié; il faut un lien de causalité naturelle entre le congé et la pression tendant à entraîner le locataire à acheter le logement et, pour que cette relation de causalité soit adéquate, le congé doit être l'expression reconnaissable du motif déloyal du bailleur consistant uniquement à conduire le locataire à acheter. La relation de causalité adéquate entre le congé et le désir d'amener le locataire à acheter fait défaut lorsque le motif du congé ne consiste pas uniquement à entraîner le locataire à acheter, mais trouve sa source dans le souhait de vendre la chose à n'importe qui, ou de l'offrir au même prix au locataire et à des tiers avec priorité au premier (arrêt 4C.446/1996 précité consid. 4a). La preuve du rapport de causalité entre le congé et l'éventuel achat par le locataire incombe à ce dernier (Futterlieb, op. cit., n° 29 ad art. 271a CO; Higi, op. cit., n° 119 ad art. 271a CO; Lachat et al, op. cit., p. 973).
4.2. Selon la cour cantonale, la volonté de vendre les locaux libres de tout locataire invoquée par les défendeurs à l'appui de la résiliation n'est en principe pas abusive et répond à un intérêt digne de protection, la présence de locataires étant de nature à rendre la vente plus difficile. Aucun élément du dossier ne permet en outre de douter de la véracité de ce motif, resté inchangé au cours de la procédure et confirmé par le fait que les défendeurs ont proposé la vente du bien à plusieurs personnes, dont les demandeurs qui sont entrés en négociations avec eux. L'absence de vente jusqu'ici n'y change rien, puisqu'il est légitime que les bailleurs attendent de connaître la date effective du départ des locataires pour procéder plus aisément à la vente des locaux. Les demandeurs n'avaient donc pas établi que la résiliation constituerait un prétexte pour se débarrasser d'eux.
La cour cantonale a en outre considéré que les demandeurs n'avaient pas démontré que la résiliation du bail constituerait une transaction couplée, puisque l'achat des locaux ne leur avait pas été imposé comme condition de la signature du bail ou du renouvellement du bail existant. Ils avaient en outre manifesté leur intérêt pour l'achat des locaux, ce qui exclut l'existence d'une transaction couplée. Cet intérêt était attesté par le fait qu'ils avaient pris la peine de faire expertiser les locaux; peu importait à cet égard que le prix retenu dans cette expertise était, par hypothèse, inférieur à celui proposé par les intimés. Savoir laquelle des parties avait pris contact en premier avec l'autre importait peu, compte tenu de la volonté des demandeurs d'entrer en matière sur une éventuelle transaction, tout comme l'insuccès des négociations. Les défendeurs avaient par ailleurs proposé la vente du bien tant aux locataires qu'à des tiers, ce qui démontrait qu'ils essayaient de se séparer des locaux, non pas d'en imposer la vente aux demandeurs.
Aucun lien entre la résiliation du bail et le litige ayant opposé les parties n'était enfin établi, cela même si le congé avait été notifié peu après l'écoulement du délai de protection de trois ans.
4.3.
4.3.1. Les demandeurs se plaignent d'un déséquilibre patent entre leur intérêt à la continuation du bail et celui des défendeurs à la résiliation, qui aurait dû conduire à l'annulation du congé qui leur a été signifié en vertu de l'art. 271 al. 1 CO. Ils invoquent les investissements conséquents effectués pour aménager les locaux, la localisation essentielle de ceux-ci au vu de la patientèle créée dans le quartier et la collaboration avec les hôpitaux universitaires, la pénurie de locaux dans ledit quartier et le risque de départ des médecins en cas de déménagement. Ils tiennent l'intérêt des défendeurs à la vente libre de locataires pour largement secondaire, dans la mesure où les défendeurs, qui affirment vouloir vendre depuis quinze ans, n'ont entrepris aucune démarche sérieuse à cet égard. La vente ne serait en tout état pas plus facile sans les locataires en place et le motif invoqué aurait changé en cours de procédure, l'âge des bailleurs n'ayant été invoqué qu'au stade de la réponse seulement. Enfin, ils n'étaient eux-mêmes entrés en négociations pour acquérir les locaux qu'en 2017, lors de pourparlers transactionnels en cours de procédure rendus nécessaires par le risque existentiel induit par le congé donné en 2016.
Par cette argumentation, les demandeurs ne démontrant pas une disproportion crasse entre les intérêts des parties, rendant le congé annulable parce que contraire aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO. S'agissant de leur propre intérêt au maintien du contrat, s'ils ont certes établi l'importance de la localisation des locaux au regard de la patientèle créée et de la collaboration avec les hôpitaux universitaires, il n'en va pas de même du risque de départ des employés (cf. consid. 3.3
supra), encore moins des investissements qu'ils disent avoir effectués dans les locaux. S'agissant de l'intérêt des défendeurs à mettre fin au bail, c'est de manière péremptoire qu'ils affirment que l'intérêt à la vente libre de locataires est largement secondaire et qu'une vente ne serait d'ailleurs pas plus facile sans locataires, étant rappelé que déterminer si un motif de congé est réel ou relève du prétexte est une constatation de fait qui, en cas de contestation, requiert la démonstration de l'arbitraire (cf. consid. 2.1 et 4.1.1
supra). L'affirmation selon laquelle les défendeurs n'auraient entrepris aucune démarche sérieuse en vue de la vente est également privée de fondement, plusieurs personnes ayant été contactées à cet effet dès 2014, dont les demandeurs eux-mêmes (cf. consid. A.d
supra), sans qu'il importe que ceux-ci n'aient été intéressés à la négociation qu'à compter de 2017, une fois le bail résilié. Enfin, il est rappelé que le motif donné à l'appui de la résiliation n'a pas changé au cours de la procédure, mais que l'intention de vendre les locaux libres de locataires a été explicitée par l'âge des bailleurs, âgés de 83 respectivement 81 ans au moment de la résiliation, dont on ne voit pas en quoi il serait abusif.
4.3.2. Les demandeurs affirment ensuite que la cour cantonale n'a, à tort, pas retenu le congé-vente pour annuler la résiliation. Ils rappellent qu'ils ne sont pas entrés en négociations avec les défendeurs avant 2017 et que le prix qui leur a été proposé était démesuré au regard de la valeur réelle des locaux attestée par expertise. En outre, le souhait du bailleur d'obtenir du locataire un prix plus élevé qu'il ne l'obtiendrait de la part d'un tiers ou l'absence de toute offre de tiers seraient des indices suffisants de congé-vente. Or, les défendeurs n'auraient entrepris aucune démarche sérieuse à l'égard de tiers et l'" épisode de 2008 " démontrerait qu'ils ne trouvaient aucun acheteur potentiel, même sans locataires. Il serait au demeurant établi qu'ils souhaitaient uniquement obtenir un prix largement supérieur à celui du marché, en l'absence d'offre de tout tiers. S'y ajoutent la pression d'autant plus grande qu'une pénurie de locaux sévit dans le quartier et le fait qu'un déménagement met les demandeurs dans une situation difficile, ce que savent les défendeurs.
Ce faisant, les demandeurs ne démontrent pas que le congé leur a été donné uniquement dans le but de les convaincre à acheter. D'abord, ils n'établissent pas à satisfaction qu'ils auraient un jour été placés devant l'alternative d'acheter les locaux loués ou de les libérer. Se plaignant de l'absence de démarches sérieuses entreprises par les défendeurs pour vendre les locaux, ils passent volontairement sous silence que la vente du bien a été proposée à eux-mêmes ainsi qu'à des tiers, cela plus d'un an avant la résiliation de juin 2016. L'" épisode de 2008 ", dont on peine à comprendre la pertinence dans ce contexte, n'y change rien. Sans se prononcer sur la démesure du prix proposé aux demandeurs, laquelle ressortirait de l'expertise communiquée au Tribunal de première instance le 14 décembre 2017, l'on relèvera qu'il n'est pas établi que des tiers se seraient vu proposer un prix inférieur. Dans les circonstances de l'espèce, la prétendue absence d'offre de tiers se trouve en adéquation avec le congé motivé par la volonté de faciliter la vente du bien libre de locataires. Comme l'a constaté la cour cantonale, ce motif répond en l'occurrence à un intérêt digne de protection et il est compréhensible que les bailleurs attendent de connaître la date effective du départ des locataires pour procéder plus aisément à la vente des locaux. Enfin, si la pénurie de locaux disponibles et certaines conséquences pénibles du déménagement sont établies, elles ne démontrent en tant que telles pas que le congé serait abusif parce que donné uniquement pour amener le locataire à acheter. Il n'existe par conséquent aucun élément concret qui permettrait de penser que la résiliation n'est qu'un moyen de pression pour amener les locataires à acquérir les locaux.
4.3.3. Les recourants plaident encore qu'il s'agirait d'un congé-représailles. Ils relèvent que la résiliation a été prononcée peu après la période de protection, ce qui est un indice de congé-représailles, ce d'autant plus que le litige entre les parties dure depuis 1999. Ils affirment en outre que les défendeurs ont calculé la période de protection et pris la décision de donner le congé avant l'écoulement de celle-ci, quelle que soit l'issue du processus de négociation avec H.________ SA.
Contrairement à ce que semblent penser les recourants, le fait que le congé a été donné peu après la fin de la période de protection de l'art. 271a al. 1 let. e CO ne suffit pas en soi à démontrer un congé-représailles, sauf à rendre superflu le délai prévu par dite disposition. L'on ne voit en outre pas ce qu'ils entendent déduire du fait que le litige entre les parties dure prétendument depuis 1999, puisqu'il n'y a eu aucune résiliation par les défendeurs jusqu'à 2016. Enfin, le fait que les défendeurs auraient calculé le délai de protection et pris la décision de résilier avant l'écoulement de celui-ci n'est ni pertinent, ni établi.
5.
Les recourants se plaignent enfin de violation des art. 272 et 272b CO , en ce que la cour cantonale n'a accordé qu'une prolongation du bail limitée à deux ans, alors qu'ils sollicitaient à titre subsidiaire une prolongation du bail de six ans.
5.1. Aux termes des art. 272 al. 1 et 272b al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de locaux commerciaux pour une durée de six ans au maximum, lorsque la fin du contrat aurait pour lui des conséquences pénibles et que les intérêts du bailleur ne les justifient pas. Dans cette limite de temps, le juge peut accorder une ou deux prolongations.
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement. Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 136 III 190 consid. 6 p. 195; 135 III 121 consid. 2 p. 123; 125 III 226 consid. 4b p. 230).
5.2. La cour cantonale a retenu que les demandeurs avaient entrepris des démarches concrètes pour trouver des locaux de substitution quelques mois après la notification du congé. La société qu'ils ont engagée à cet effet n'avait toutefois pu leur trouver des locaux compte tenu des spécificités de leur activité, constatant à cette occasion une pénurie sur le marché local dans le quartier pour ce type de bien immobilier. La cour cantonale a également retenu que A.________ SA occupait les locaux depuis 1983, qu'elle disposait d'une patientèle de quartier qu'elle risquait de perdre dans l'hypothèse d'un déménagement et que la collaboration avec les hôpitaux universitaires pouvait être mise à mal pour le même motif, de sorte que le congé pouvait entraîner des conséquences pénibles pour elle. En revanche, elle a considéré que les demandeurs n'avaient pas rendu vraisemblable le risque de départ des médecins travaillant à A.________ SA et que les coûts pour aménager de nouveaux locaux aux normes n'étaient qu'une suite habituelle liée à une résiliation du bail, laquelle n'avait pas à être atténuée par une prolongation. Les défendeurs n'avaient quant à eux pas démontré l'existence d'une urgence particulière à vendre les locaux, ce projet existant depuis une quinzaine d'années sans avoir été concrétisé et aucune nécessité financière n'ayant été alléguée, quoiqu'il était compréhensible qu'au vu de leurs âges respectifs ils souhaitaient régler sans retard excessif le sort de leur bien immobilier. Dans ces circonstances, vu le délai de congé très long donné aux locataires (deux ans et demi), la cour cantonale a accordé une unique prolongation du bail de deux ans.
5.3. Les recourants reviennent sur les différents éléments plaidant en faveur d'une prolongation, sans prétendre que la cour cantonale en aurait omis certains dans le cadre de son appréciation. Pour le reste, ils ne contestent pas les éléments retenus à l'encontre d'une prolongation plus longue, notamment le très long délai de congé dont ils ont bénéficié. Les quelques similarités qu'ils relèvent avec l'état de fait à la base de l'ATF 136 III 190, dans lequel le locataire s'est vu accorder une prolongation du bail de six ans, ne rendent pas pour autant choquante la prolongation unique de deux ans accordée par la cour cantonale dans le cas d'espèce.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, avec suite de frais et dépens à la charge des recourants (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
3.
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimée une indemnité de 10'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers.
Lausanne, le 5 septembre 2019
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
La Greffière : Schmidt