Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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2C_328/2019
Arrêt du 16 septembre 2019
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffier : M. Jeannerat.
Participants à la procédure
1. A.A.________,
2. B.A.________,
tous les deux représentés par Me Laurent Kyd, avocat,
recourants,
contre
Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève,
intimée.
Objet
Impôt cantonal et communal 2010,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, du 26 février 2019 (ATA/189/2019).
Faits :
A.
A.a. En 2010, A.A.________, domicilié à cette époque dans le canton de Genève, était l'administrateur président avec signature individuelle de la société C.________ SA, qui était inscrite au Registre du commerce de Genève et dont le but était l'achat, la vente, la négociation, l'entreposage, l'assemblage et le traitement de tous produits dans le domaine de l'énergie, ainsi que tous services s'y rattachant (affrètement, financement, assurance, inspection, gestion, mise en place et réalisation de telles opérations). Il en détenait 50 % des actions, chacune d'une valeur nominale de 1'000 fr. Cette année-là, la société lui a versé un salaire brut de 1'020'000 fr.
En mars 2010 (recte: mars 2011; cf. recours, p. 4; art. 105 al. 2 LTF), A.A.________ a fait valoir ses droits à une retraite anticipée.
Le 7 février 2012, A.A.________ et son épouse, B.A.________, ont retourné à l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale cantonale) leur déclaration fiscale pour l'année 2010. Le document faisait état d'un revenu net imposable de 947'210 fr. pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD), ainsi que d'un revenu net imposable de 843'769 fr. et d'une fortune nette imposable de 10'505'865 fr. pour les impôts cantonal et communal 2010 (ci-après: ICC). Parmi les éléments de fortune mobilière, les époux A.________ ont plus particulièrement déclaré 75 actions de la société C.________ SA, pour une valeur totale de 16'545'225 fr.
A.b. Par courrier du 10 mai 2013, l'Administration fiscale cantonale a informé la société C.________ SA que, sur la base de ses comptes annuels 2009, elle avait déterminé la valeur fiscale nette des actions précitées à 776'370 fr. l'unité. Elle l'invitait à communiquer cette estimation à ses actionnaires afin qu'ils puissent compléter leur déclaration fiscale 2010 en vue de l'imposition sur la fortune.
A.c. Le 28 novembre 2013, C.________ SA a été dissoute par décision de l'assemblée générale et mise en liquidation.
Le 2 décembre 2013, A.A.________ a demandé à l'Administration fiscale cantonale de suspendre l'émission des bordereaux de taxation s'agissant des ICC 2010 en raison du dépôt, le même jour, d'une demande de modification de l'estimation des actions de la société C.________ SA.
C.________ SA a transféré son siège social dans le canton de Schwytz le 1er décembre 2015. Le 15 février 2016, son assemblée générale a annulé la décision de dissolution du 28 novembre 2013.
B.
Dans l'intervalle, le 21 octobre 2015, l'Administration fiscale cantonale a adressé aux époux A.________ un bordereau de taxation pour l'IFD 2010 et un bordereau de taxation pour les ICC 2010. Le second retenait une fortune mobilière des contribuables d'une valeur de 65'717'286 fr., dont 58'227'750 fr. pour les actions de la société C.________ SA.
Le 22 décembre 2016, statuant sur réclamation des contribuables, l'Administration fiscale cantonale a décidé de rectifier l'imposition en leur défaveur et de fixer la valeur des actions de C.________ SA détenues par A.A.________ à 60'499'125 fr.
Par acte du 23 janvier 2017, les époux A.________ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève contre la décision susmentionnée. Ils ont demandé la rectification de leur taxation relative aux ICC 2010 en ce sens que les actions qu'ils possédaient devaient être estimées sur la base de la valeur substantielle de la société C.________ SA. Le tribunal a rejeté le recours par jugement du 11 septembre 2017.
Statuant sur recours, la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a confirmé le jugement précité par arrêt de la Chambre administrative du 26 février 2019.
C.
Les époux A.________ déposent un recours en matière de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice précité. Ils exigent à titre principal, outre l'annulation de celui-ci, la rectification de leur taxation 2010 en ce sens que la valeur fiscale de leurs actions doit être estimée en se fondant sur une valeur de la société C.________ SA fixée à 59'720'818 fr. Subsidiairement, ils demandent le renvoi de la cause aux autorités de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit :
1.
Le recours est en l'espèce dirigé contre un arrêt de la Cour de justice confirmant une décision de taxation des recourants au titre des ICC 2010. Il conteste ainsi une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF), par une autorité judiciaire cantonale supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte (cf. également l'art. 73 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]). Comme le recours a de surcroît été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi par les contribuables concernés qui ont qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), il convient d'entrer en matière.
2.
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. En matière fiscale, il examine donc en principe librement l'application du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (ATF 134 II 207 consid. 2 p. 210; arrêt 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 2 non publié in ATF 143 I 73). Cependant, lorsque la loi précitée laisse une marge de manoeuvre aux cantons, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral se limite à l'arbitraire, dont la violation doit être motivée conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 134 II 207 consid. 2 p. 209 s.; arrêts 2C_180/2013 du 5 novembre 2013; 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.4 et les références citées).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358; 139 II 373 consid. 1.6 p. 377). La partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (cf. art. 106 al. 2 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288).
En l'occurrence, dans leurs écritures, les recourants reprochent à la Cour de justice d'avoir établi les faits de la cause de manière incomplète, en violation de l'art. 97 al. 1 LTF. Selon eux, les faits retenus ne permettraient aucunement de déterminer la valeur vénale de la société C.________ SA dont ils détiennent des actions et, par voie de conséquence, la valeur vénale, respectivement fiscale de leur fortune qui fait l'objet du présent litige. L'arrêt attaqué ferait abstraction, entre autres éléments, de l'évolution des états financiers et du chiffre d'affaires de la société de 2008 à 2011. De telles critiques - à supposer qu'elles respectent les exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF - ne relèvent toutefois pas directement de l'établissement des faits opéré par l'autorité précédente. Elles concernent en réalité la manière dont la Cour de justice a appliqué le droit au moment d'évaluer la fortune imposable des recourants. Dans son arrêt, la Cour de justice n'a en effet pas ignoré la décroissance du chiffre d'affaires de la société lors des exercices précités, mais a estimé que cette fluctuation n'avait aucune influence sur la façon dont il convenait d'évaluer la valeur de la société et, partant, de ses actions pour l'année fiscale 2010. Savoir si un tel raisonnement se justifie sera vérifié ci-après, au moment d'examiner la conformité de l'arrêt au droit.
3.
Comme cela vient d'être dit, le présent litige porte, au fond, sur l'estimation de la valeur fiscale des actions non cotées en bourse de la société C.________ SA, dans la mesure où elles étaient détenues par les recourants en 2010.
En l'occurrence, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a confirmé la décision des autorités cantonales précédentes selon laquelle la société C.________ SA devait être évaluée conformément à la méthode d'estimation générale prévue dans la Circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts (appelée "méthode des praticiens"), soit en se référant à la valeur de rendement doublée et à la valeur substantielle. En application de cette méthode, elle a abouti à la conclusion selon laquelle les 75 actions détenues par les recourants valaient, d'un point de vue fiscal, 60'499'125 fr. au total, soit 806'655 fr. chacune (art. 105 al. 2 LTF).
4.
Les recourants invoquent plusieurs griefs pour contester la manière dont la Cour de justice a fixé la valeur fiscale de leurs actions, laquelle tiendrait à tort compte de la valeur de rendement de la société C.________ SA en application de la circulaire précitée.
4.1. Les recourants sont notamment d'avis que la Cour de justice aurait appliqué arbitrairement le droit cantonal. Celui-ci interdirait d'utiliser la valeur de rendement d'une entreprise non cotée en bourse en vue d'évaluer la valeur des titres qui s'y rapportent. Le législateur genevois aurait choisi, de manière consciente et volontaire, de ne pas se référer à la valeur de rendement - ainsi qu'aux méthodes d'évaluation qui se fondent sur celle-ci - au moment d'adopter les règles de fixation de la valeur fiscale déterminante pour l'impôt sur la fortune. Il aurait voulu éviter que le recours à une telle valeur ne conduise à des résultats "sans connexion aucune avec la réalité économique", comme ce serait le cas en la présente cause. Les recourants en concluent que la valeur de leurs actions devrait dès lors être calculée sur la base de la seule valeur substantielle de la société C.________ SA, à savoir 59'720'818 fr., et qu'il conviendrait dès lors de retenir une valeur vénale de 398'138 fr. pour chacun de ces titres (59'720'818 fr. / 150).
4.2. Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. S'agissant de l'application du droit cantonal, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité de dernière instance cantonale que si la décision attaquée apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain (ATF 139 I 57 consid. 5.2 p. 61). Ainsi, pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51 et les arrêts cités).
4.3. Sur le plan fédéral, l'impôt cantonal sur la fortune des personnes physiques fait l'objet d'une réglementation sommaire aux art. 13 et 14 LHID . Il a pour objet l'ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID) qui se détermine selon les règles d'évaluation prévues à l'art. 14 LHID. Selon l'art. 14 al. 1 LHID, la fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur de rendement peut être prise en considération de façon appropriée. Le Tribunal fédéral considère, de jurisprudence constante, que la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale et, en particulier, l'art. 14 al. 1 LHID ne prescrivent pas au législateur cantonal une méthode d'évaluation précise pour établir la valeur déterminante de la fortune imposable au titre des ICC. Les cantons disposent en la matière d'une marge de manoeuvre importante pour élaborer et appliquer leur réglementation, aussi bien dans le choix de la méthode de calcul que pour déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1, 2ème phrase LHID, dans quelle mesure la valeur de rendement doit être prise en considération dans l'estimation (ATF 134 II 207 consid. 3.6 p. 214; 131 I 291 consid. 3.2.2 p. 307 s.; 128 I 240 consid. 3.2.3 et 3.2.4 p. 249 s.; 124 I 145 consid. 6b et 6c p. 159 s.; aussi arrêts 2C_516/2019 du 5 juin 2019 consid. 4; 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 4.4 non publié in ATF 143 I 73).
4.4. Dans le canton de Genève, l'impôt sur la fortune est réglé, depuis le 1er janvier 2010, par la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP/GE; RSG D 3 08) et par son règlement d'application. D'après le législateur cantonal, cet impôt a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 46 LIPP/GE), qui comprend notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature (art. 47 let. b LIPP/GE). Aux termes de l'art. 49 LIPP/GE, l'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû (al. 1) et la fortune est estimée, en général, à la valeur vénale (al. 2).
Notons que le droit genevois ne contient plus, depuis l'entrée en vigueur de la LIPP/GE, de règle expresse sur la manière dont il convient d'évaluer la valeur fiscale des titres non côtés en bourse. La loi actuelle se distingue sur ce point de l'ancienne loi du 22 septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur la fortune (aLIPP-III/GE) et de l'ancien Règlement d'application du 19 décembre 2001 de la loi sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur la fortune (aRIPP-III), lesquels traitaient expressément cette question. L'art. 5 aLIPP-III/GE prévoyait que les actions, parts sociales des sociétés coopératives et autres droits de participation non cotés en bourse étaient évalués en fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa valeur intrinsèque. D'après l'art. 1 aRIPP-III, les « instructions concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune» étaient applicables si elles ne dérogeaient pas à l'art. 5 aLIPP-III notamment. Les instructions en question se référaient à la méthode d'évaluation exposée dans la circulaire de la Conférence suisse des impôts intitulée "Instructions concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune" (ci-après: les Instructions).
4.5. En pratique, l'Administration fiscale cantonale se fonde toujours sur les Instructions précitées pour évaluer les titres non cotés en bourse. La Conférence suisse des impôts, qui regroupe les administrations fiscales cantonales et l'Administration fédérale des contributions, les a éditée afin de favoriser une estimation uniforme en Suisse, pour l'impôt sur la fortune, des titres nationaux et étrangers qui ne sont négociés dans aucune bourse. Le document a fait l'objet de plusieurs éditions depuis les années 40, la dernière datant du 28 août 2008 (Circulaire 28 consultable sur internet à l'adresse http://www.steuerkonferenz.ch/fr > Documents > Circulaires).
Les Instructions prévoient en l'occurrence que la méthode d'estimation générale des titres non cotés d'une société, dans la mesure où ils n'ont jamais été transférés, s'effectue par la moyenne pondérée entre la valeur de rendement doublée et la valeur intrinsèque déterminée selon le principe de la continuation (Instructions, chap. A/2, ch. 2 et chap. B/3.2, ch. 34 de l'édition du 28 août 2008). Cette méthode est généralement appelée "méthode des praticiens" (cf. notamment arrêts 2C_583/2013 du 23 décembre 2013 consid. 3.1.2, ainsi que 2C_309/2013 et 2C_310/2013 du 18 septembre 2013 consid. 3.6). Selon les Instructions, il peut y être dérogé durant l'année de fondation et la période de lancement de la société ou si celle-ci constitue une société holding pure, de gérance de fortune, une société de financement ou une société immobilière. Dans ces hypothèses, les titres sont estimés à partir de la valeur substantielle de la société (Instructions, chap. B/3.1 et 3.4, ch. 32 et 38). Enfin, si la société est en liquidation, sa valeur est déterminée par l'excédent de liquidation présumé (Instructions, chap. 3.6, ch. 48).
4.6. Comme exposé ci-avant, l'art. 49 al. 2 LIPP/GE dispose que "[l]a valeur fiscale de la fortune mobilière est estimée, en général, à sa valeur vénale" (cf. supra consid. 4.4). Sa lettre n'interdit donc pas, par principe, la prise en compte de la valeur de rendement d'un bien avant de fixer sa valeur fiscale (le cas échéant en se fondant sur la méthode des praticiens exposée ci-avant), ne serait-ce que parce que le recours à la valeur vénale ne vaut de toute manière pas de façon absolue au sens du droit cantonal, mais uniquement "en général". À cela s'ajoute que la valeur vénale de certains biens est de toute manière corrélée - dans une mesure plus ou moins grande - au rendement que ceux-ci peuvent procurer, de sorte que son estimation ne peut - par la force des choses - pas en faire totalement fi. Il est par exemple admis que la valeur vénale d'un immeuble construit se calcule en règle générale sur la base combinée de sa valeur réelle et de sa valeur de rendement, que celle d'une entreprise se fonde selon les circonstances sur la valeur de continuation, calculée en fonction des bénéfices prévisibles etc. (cf. notamment ATF 134 III 42 consid. 4 p. 44; 125 III 1 consid. 5c p. 6; aussi arrêt 5A_591/2009 du 22 octobre 2009 consid. 2.3). Pour le reste, quoi que prétendent les recourants dans leur mémoire, rien n'indique dans les travaux préparatoires de la LIPP/GE que le législateur cantonal aurait eu l'intention d'interdire le recours à la valeur de rendement pour déterminer la valeur vénale des titres. L'abandon de l'ancienne disposition selon laquelle les actions devaient être évaluées en fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa valeur intrinsèque, le cas échéant sur la base des Instructions, avait pour objectif de flexibiliser la détermination de la valeur fiscale de ces biens mobiliers en abandonnant une disposition jugée trop rigide quant au recours systématique à la valeur de rendement (cf. Rapport du 26 mai 2009 de la Commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi sur l'imposition des personnes physiques, PL 10199-A). Cela ne signifiait pas que la valeur de rendement ne pouvait plus du tout être prise en compte de manière appropriée au moment d'estimer la valeur vénale de la fortune mobilière d'un contribuable.
4.7. Les recourants ne démontrent enfin pas en quoi la valeur fiscale qui a finalement été retenue pour leurs titres, en application des Instructions, serait arbitraire dans son résultat, en ce sens que celui-ci ne correspondrait manifestement pas à la valeur vénale de leurs biens à la fin de l'année 2010. La comparaison qu'ils opèrent avec la valeur substantielle de la société C.________ SA qu'ils allèguent dans leur mémoire de recours (inférieure d'environ 50% de celle retenue), de même que la référence à une autre évaluation effectuée par le canton de Schwytz, ne constituent pas des preuves de ce caractère. Il n'apparaît pour le reste pas choquant de considérer que la valeur vénale de leurs titres, qui correspondent à la moitié du capital-actions de la société, se monte à 60'499'125 fr., étant précisé que les recourants reconnaissent que la société a réalisé plusieurs milliards de francs de chiffres d'affaires entre 2008 et 2009, ainsi que des bénéfices de plusieurs dizaines de millions de francs, lesquels ont été en partie capitalisés par la société.
4.8. Il s'ensuit que la Cour de justice n'a pas appliqué arbitrairement le droit cantonal en prenant en compte la valeur de rendement de la société C.________ SA pour déterminer la valeur fiscale des actions détenues par les recourants.
5.
Les recourants affirment encore que l'application de la méthode des praticiens telle que prévue par les Instructions conduirait en l'occurrence à un résultat non conforme au droit fédéral et à l'art. 14 al. 1 LHID plus spécialement. Ils se prévalent de circonstances particulières au cas d'espèce, comme le fait que C.________ SA ait vu son chiffre d'affaires drastiquement baisser entre 2008 et 2010 (diminution d'environ 95 %), se soit séparée de la majorité de ses employés et n'ait presque plus eu d'activité opérationnelle en 2010.
5.1. Comme cela a déjà été rappelé, le droit fédéral ne prescrit pas au législateur cantonal une méthode d'évaluation précise pour établir la valeur déterminante selon l'art. 14 al. 1 LHID, de sorte que les cantons disposent en la matière d'une marge de manoeuvre importante pour élaborer et appliquer leur réglementation, aussi bien dans le choix de la méthode de calcul que pour déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1, 2ème phrase LHID, dans quelle mesure la valeur de rendement doit être prise en considération dans l'estimation (cf. supra consid. 4.3). Il en découle que le Tribunal fédéral a toujours procédé à un examen limité à l'arbitraire lorsqu'il s'est agi de contrôler l'estimation de la valeur fiscale d'un bien sous l'angle de l'impôt sur la fortune (cf. supra consid. 2.1 et arrêts 2C_286/2015 du 5 janvier 2017 consid. 4.4 non publié in ATF 143 I 73; 2C_442/2012 du 14 décembre 2012 consid. 3; 2C_952/2010 du 29 mars 2011 consid. 2.1; 2C_504/2009 du 15 avril 2010 consid. 3.1).
5.2. En tant que directives, les Instructions ne constituent pas du droit fédéral et ne lient donc pas les juges (arrêts 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3; 2C_1168/2013 du 30 juin 2014 consid. 3.6; arrêt 2C_504/2009 du 15 avril 2010 consid. 3.3). Il n'en demeure pas moins que la méthode générale d'estimation dite "des praticiens" contenue dans les Instructions - que les recourants contestent - a été admise par le Tribunal fédéral comme méthode d'estimation de titres non cotés en bourse (cf. dans un contexte similaire arrêt 2C_826/2015 du 5 juillet 2017 consid. 4 non publié in ATF 143 I 73). Dans sa jurisprudence concernant des affaires antérieures à l'entrée en vigueur de la LHID, la Cour de céans avait déjà constaté que cette méthode prenait en compte les éléments pertinents pour estimer la valeur vénale des titres non cotés et non régulièrement négociés (cf. arrêt 2A.213/1994 du 8 octobre 1996 consid. 4 et les références citées, in Archives 66, p. 484 et RDAF 1998 II 351). Après l'entrée en vigueur de la LHID, elle a souligné qu'en prévoyant des règles unifiées d'estimation des titres non cotés en vue de leur imposition sur la fortune dans un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir d'appréciation, les Instructions poursuivaient un but d'harmonisation fiscale horizontale et concrétisaient ainsi l'art. 14 al. 1 LHID (arrêt 2C_800/2008 du 12 juin 2009 consid. 5.2, RF 64/2009, p. 910; cf. également arrêt 2C_952/2010 du 29 mars 2011 consid. 2.1). Sur le fond, elle a réaffirmé que les Instructions prenaient en compte les éléments déterminants pour l'évaluation des titres non cotés et qu'elles étaient appropriées pour l'estimation des sociétés en vue de l'imposition sur la fortune des actionnaires (arrêts 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 4.3 non publié in ATF 143 I 73; 2C_583/2013 du 23 décembre 2013 consid. 3.1.3; 2C_504/2009 du 15 avril 2010 consid. 3.3 et les références citées).
5.3. Sur le vu de ce qui précède, on ne voit donc pas en quoi la Cour de justice aurait violé l'art. 14 al. 1 LHID. Au regard d'une jurisprudence constante et établie du Tribunal fédéral, elle pouvait se fonder sur les Instructions pour déterminer la valeur des actions de C.________ SA et, partant, prendre en considération la valeur de rendement de celle-ci pour estimer celle des titres détenus par les recourants au 31 décembre 2010, étant du reste précisé que cette possibilité est expressément réservée par le droit fédéral. Le grief de violation de l'art. 14 al. 1 LHID doit dès lors être rejeté.
6.
Reste enfin à déterminer si, comme le soutiennent les recourants dans un ultime grief, la Cour de justice aurait appliqué arbitrairement les Instructions - qui ne lient certes pas les juges, mais reflètent une pratique cantonale constante (cf. supra consid. 4.5 et 5.2) - en ne tenant pas compte de l'importante baisse du chiffre d'affaires et de la réduction des activités de C.________ SA entre 2008 et 2010. Les recourants reprochent en particulier à l'autorité cantonale précédente d'avoir considéré qu'une diminution du chiffre d'affaires de près de 95 % était insuffisante pour renoncer à estimer la valeur de la société selon la méthode des praticiens. Pour les recourants, une telle affirmation s'inscrirait en faux avec le commentaire des Instructions qui précise qu'une variation du chiffre d'affaires de 20 % d'une société doit en règle générale être qualifiée de "considérable".
6.1. Comme exposé ci-avant, les Instructions prévoient que la méthode d'estimation générale des titres non cotés - qui n'ont pas fait l'objet d'un transfert substantiel entre tiers indépendants - s'effectue en principe par la moyenne pondérée entre la valeur de rendement doublée et la valeur intrinsèque déterminée. Des exceptions ne sont envisagées que dans trois hypothèses: durant l'année de fondation, pour la période de constitution et pour les sociétés holdings pures, de gérance de fortune, de financement et immobilières, où les titres sont estimés généralement selon leur valeur intrinsèque, et si la société est en liquidation, auquel cas la valeur est déterminée par l'excédent de liquidation présumé (cf. supra consid. 4.5).
Il est précisé que, selon les Instructions, une société est considérée comme étant en liquidation lorsque, le jour déterminant pour l'estimation, elle ne poursuit plus son but social statutaire, mais procède à la réalisation de ses actifs et exécute ses engagements, indépendamment de l'inscription de la liquidation au registre du commerce (Instructions, chap. B/3.6, ch. 47). Le fait est que l'autorité fiscale doit, de manière générale, se fonder sur l'activité effective d'une société pour déterminer son mode d'estimation (Instructions, chap. A, ch. 6). Aussi le Tribunal fédéral a-t-il déjà jugé qu'il n'était pas arbitraire, en application des Instructions, de se fonder sur la valeur substantielle pour évaluer la valeur d'une société qui, certes, semblait toujours poursuivre son but d'origine au regard de ses statuts, mais qui se limitait en réalité depuis deux ans à recouvrer et à liquider ses prétentions et ses valeurs mobilières, ainsi qu'à administrer ses biens immobiliers. Comme la reprise de l'activité statutaire de la société n'était pas prévisible, il apparaissait pertinent d'évaluer l'entreprise comme une société de gérance de fortune et non sur la base de la méthode des praticiens habituellement employée pour les sociétés d'exploitation (cf. arrêt 2C_800/2008 du 12 juin 2009).
6.2. En l'occurrence, il ne ressort pas de l'arrêt que la société aurait été en liquidation à la fin de l'année 2010. Une décision de dissolution et de mise en liquidation est certes intervenue, mais deux ans plus tard, soit le 28 novembre 2013, avant d'être du reste révoquée le 15 février 2016. Il n'est pas non plus établi qu'à la fin 2010, la société n'aurait plus poursuivi ses buts statutaires depuis un certain temps et qu'elle aurait alors décidé de limiter de manière durable son activité à la gestion de ses biens. Selon les constatations de Cour de justice, qui lient la Cour de céans (cf. art. 105 al. 1 LTF), la société aurait au contraire continué à avoir une activité dans le domaine qui était le sien selon son but social, quand bien même au ralenti. Elle n'a d'ailleurs pas été liquidée, mais a poursuivi son activité dans un autre canton, avec les mêmes actionnaires dirigeants. Les recourants ne prétendent pas le contraire dans leur recours. Ils se contentent de faire grand cas de la baisse du chiffre d'affaires de la société et du nombre de personnes qu'elle employait, ainsi que du commentaire des Instructions qui, d'après eux, obligerait l'autorité fiscale à tenir compte des variations du chiffre d'affaires de 20 % au moment d'évaluer la valeur d'une société. Ce faisant, ils se trompent sur le sens et la portée des Instructions et de leur commentaire. Celles-ci prévoient certes la prise en compte de telles fluctuations, mais uniquement lorsqu'il s'agit d'évaluer des titres ayant déjà fait l'objet d'un transfert, la valeur vénale correspondant alors au prix d'acquisition tant et aussi longtemps que la situation de la société n'a pas considérablement changé (Instructions, chap. A, ch. 2, et Commentaire 2017 des Instructions, p. 4, consultable sur internet à l'adresse http://www.steuerkonferenz.ch/fr > Documents > Circulaires). Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque les actions des recourants n'ont jamais fait l'objet de transfert et n'ont donc jamais été évaluées sur la base d'un prix d'acquisition.
6.3. Il découle de ce qui précède qu'il n'existait pas d'éléments probants démontrant que la société C.________ SA aurait été en liquidation à la fin 2010 ou aurait équivalu à une société de gérance de fortune. La Cour de justice n'a dès lors pas appliqué de manière arbitraire les instructions en jugeant que la valeur fiscale de leurs actions pouvait être évaluée conformément à la méthode des praticiens, étant précisé que le calcul technique effectué sur cette base par les autorités genevoises n'est pas contesté en l'espèce, les recourants admettant ainsi sa justesse.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, les recourants doivent supporter les frais de la procédure fédérale solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Ces frais sont fixés en tenant compte de la valeur litigieuse de la présente cause, laquelle correspond à la différence d'impôts selon que l'on se fonde sur la valeur des actions finalement retenue, soit 60'499'125 fr., ou sur celle de 29'860'444 fr. prétendue par les recourants ([59'720'888 fr. / 2]; art. 65 al. 2 et 3 LTF en lien l'art. 1 du tarif des émoluments judiciaires du Tribunal fédéral du 31 mars 2006 [RS 173.110.210.1]). Il n'est pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4
ème section.
Lausanne, le 16 septembre 2019
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Seiler
Le Greffier : Jeannerat