Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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8C_448/2018
Arrêt du 30 septembre 2019
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président,
Heine et Geiser Ch., Juge suppléant.
Greffière : Mme von Zwehl.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Nicolas Rouiller, avocat,
recourante,
contre
Caisse cantonale de chômage,
Division juridique, rue Caroline 9bis, 1014 Lausanne,
intimée.
Objet
Assurance-chômage (indemnité de chômage; position analogue à un employeur),
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 9 mai 2018 (ACH 254/16 - 81/2018).
Faits :
A.
A.________, née en 1963, a été engagée dès le 1er février 2004 par l'Association B.________, à C.________, en qualité de responsable du pilotage et de la coordination du projet mentoring et du management. Cette association avait pour but de promouvoir les femmes dans le monde du travail ainsi que la mixité du genre dans l'économie. A.________ était membre du comité et directrice. Son taux d'activité, initialement de 60 %, a ensuite été porté à 100 %.
En raison notamment d'une réorientation des aides financières accordées par la Confédération dans le cadre de la loi fédérale sur l'égalité entre hommes et femmes, l'Association B.________ s'est trouvée en manque de liquidités pour faire face à ses engagements. Une assemblée générale extraordinaire s'est tenue le 24 mai 2016 lors de laquelle il a été décidé de dissoudre l'association. Le contrat de travail de A.________ a été résilié avec effet immédiat. Elle a toutefois été désignée liquidatrice, conjointement avec D.________, conseiller financier non membre de l'association. Les projets en cours, notamment le service de conseil de consultations E.________, avec la première consultation au tarif subventionné, devaient être gérés par la prénommée, laquelle devait en outre supporter, dès le 1er juin 2016, les loyers des locaux, le bail étant à son nom.
Le 25 mai 2016, A.________ s'est inscrite à l'office régional de placement de Lausanne (ORP), sollicitant de la Caisse cantonale vaudoise de chômage, agence de Lausanne (ci-après: la caisse), des indemnités de chômage pour un travail à temps complet dès son inscription. L'assurée a elle-même signé, au nom de l'Association B.________, l'attestation de l'employeur, répondant affirmativement à la question de savoir si elle avait une participation financière à l'entreprise ou si elle occupait une fonction dirigeante.
Le même jour, A.________ a fondé la société "F.________ Sàrl" dont le but est de procurer des services dans le domaine de la promotion de la mixité hommes/femmes dans l'entreprise et des nouvelles formes d'aménagement du temps de travail. La prénommée a été inscrite au registre du commerce comme associée-gérante unique avec signature individuelle. Cette inscription a été radiée le (...) suivant, après cession des parts sociales par l'intéressée.
Par décision du 23 juin 2016, la caisse a rejeté la demande de prestations de l'assurée, au motif que cette dernière avait occupé la qualité de directrice et de membre du comité de l'Association B.________, puis avait été nommée liquidatrice après la dissolution de l'association, de sorte qu'elle conservait encore un pouvoir décisionnel au sein de celle-ci.
L'assurée a formé opposition contre cette décision, faisant valoir que son pouvoir décisionnel au sein de l'association qui l'employait était très restreint et que dans le cadre de son activité de liquidatrice, elle ne faisait que donner une aide ponctuelle à D.________. Dans une nouvelle décision du 26 septembre 2016, la caisse a écarté cette opposition.
B.
Par jugement du 9 mai 2018, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par l'assurée contre la décision sur opposition du 26 septembre 2016.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande la réforme, en ce sens que le droit aux indemnités de chômage lui soit reconnu à compter du 1er juin 2016, subsidiairement dès le 27 juillet 2016; plus subsidiairement encore, elle conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement. La recourante sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
La caisse, la juridiction cantonale et le Secrétariat d'Etat à l'économie ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.
3.
D'après la jurisprudence (ATF 123 V 234), un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI (RS 837.0). Selon cette disposition, n'ont pas droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, notamment, les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise. Le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de la clause d'exclusion de l'art. 31 al. 3 let. c LACI lorsque dans un contexte économique difficile, ces personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l'indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l'entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l'entreprise ultérieurement et d'en reprendre les activités dans le cadre de son but social. La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci. Dans ce cas, l'intéressé peut en principe prétendre des indemnités de chômage (ATF 123 V 234 précité consid. 7b/bb p. 238).
4.
En résumé, la cour cantonale a constaté qu'en sa qualité de directrice de l'Association B.________, la recourante avait une position assimilable à celle d'un employeur. Vu la dissolution de cette association, la question se posait de savoir si elle était toujours en mesure d'influencer les décisions de celle-ci du fait de sa nomination en qualité de liquidatrice. La cour cantonale a toutefois laissé cette question ouverte. Elle a retenu qu'en créant la société F.________ Sàrl, dont le but social visait le même objectif que celui de l'Association B.________, et en en devenant l'associée-gérante unique, la recourante avait manifesté sa volonté de maintenir l'association dissoute en vie et d'en poursuivre l'exploitation quoique sous une autre forme juridique, comme cela ressortait d'ailleurs explicitement de ses déclarations lors de la réunion de l'assemblée générale extraordinaire du 24 mai 2016. Le procès-verbal y relatif mentionnait en outre qu'elle allait gérer les projets en cours de l'association. Dans ces circonstances, toujours selon la cour cantonale, il n'était pas établi que la recourante avait rompu ses liens avec l'association et sa situation présentait une analogie avec celle d'une personne économiquement propriétaire de plusieurs entreprises liées entre elles dont l'une tombe en faillite et qui a la possibilité d'exercer une activité du même type au sein d'une autre entreprise qu'elle contrôle. Or, dans cette configuration, la jurisprudence avait également identifié un risque de contournement de la clause d'exclusion de l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Enfin, la cour cantonale a retenu, en se fondant sur une facturation d'honoraires du 4 novembre 2016 sous le nom de la recourante et l'adresse de la société F.________ Sàrl pour l'organisation d'un atelier, que celle-ci avait dans les faits continué à gérer la Sàrl malgré la cession de ses parts sociales et la radiation de son inscription au registre du commerce en date du (...). Aussi bien a-t-elle jugé que la recourante ne pouvait prétendre les prestations de chômage.
5.
La recourante invoque un établissement inexact des faits par les juges précédents (art. 97 al. 1 LTF). La recourante relève que l'Association B.________ n'avait plus de liquidités et présentait, au moment de sa dissolution, une situation assimilable à celle d'une société commerciale dont la faillite est suspendue faute d'actifs. Une éventuelle reprise de ses activités au sein de cette association était dès lors exclue, ce que la caisse AVS avait d'ailleurs reconnu. En outre, il était erroné de retenir que la société F.________ Sàrl était une continuation de l'association dissoute. Ces deux entités étaient en effet fondamentalement différentes. L'Association B.________ était une association à but non lucratif qui dépendait uniquement de subventions étatiques et d'éventuelles donations. En revanche, la société F.________ Sàrl exerçait une activité commerciale et poursuivait un but économique. Au sujet de son implication dans le projet E.________ après la dissolution de l'association, la recourante précise qu'il s'agissait uniquement de terminer un mandat pour lequel l'Association B.________ avait déjà reçu une subvention et d'obtenir des liquidités pour payer les arriérés de salaire. C'était un travail qu'elle avait fait bénévolement et non pas par le biais de la société F.________ Sàrl. Enfin, F.________ Sàrl n'avait pas acquis suffisamment de mandats lui permettant de tirer un revenu assimilable à celui d'un employeur. Dans ces conditions, la recourante estime que c'est de manière arbitraire (art. 9 Cst.) que l'instance précédente a jugé qu'il existait dans son cas un risque d'abus conduisant à nier son droit aux indemnités de l'assurance-chômage. Elle se réfère pour le surplus aux art. 2 CEDH et 11 Pacte ONU I, ainsi qu'à l'art. 29 al. 2 Cst.
6.
En l'espèce, l'argumentation développée par la recourante consiste en réalité à se plaindre d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. Selon la jurisprudence, il y a arbitraire dans l'appréciation des preuves si le juge ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, il en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266).
Selon les faits retenus dans le jugement attaqué lesquels ne sont pas remis en cause par la recourante, cette dernière occupait une position décisionnelle au sein de l'Association B.________. Au moment de la mise en liquidation de cette association, la recourante a déclaré vouloir "poursuivre ses activités, sous une autre forme juridique, à déterminer, toujours dans l'esprit et la ligne de B.________" et elle s'est engagée à reprendre les loyers des locaux de l'association dès le 1er juin 2016, le bail étant d'ailleurs à son nom. Le 25 mai 2016, elle a fondé la société F.________ Sàrl, dont le siège se situe dans lesdits locaux et dont elle était l'associée-gérante unique. Les buts de l'association et de la Sàrl étaient similaires, soit la promotion de la mixité dans le monde du travail. Du reste, la recourante reconnaît elle-même dans son mémoire de recours que les deux entités visaient le même objectif et poursuivaient un intérêt commun. Sur la base de tels faits, il n'était pas insoutenable de considérer que l'activité de la recourante au sein de la Sàrl constituait en quelque sorte la continuation sous une autre forme de celle antérieure exercée pour l'Association B.________. De plus, la recourante ne critique pas la constatation de la cour cantonale, résultant de l'appréciation des éléments de preuve au dossier, selon laquelle elle avait conservé une influence de fait sur les décisions de F.________ Sàrl malgré la cession de ses parts sociales et la radiation de son inscription au registre du commerce.
Cela étant, le chômage de la recourante, qui, à peine licenciée par l'Association B.________ où elle occupait une position décisionnelle, fonde et contrôle une autre société dont l'activité apparaît être la continuation de celle de l'association précitée, s'apparente à une réduction de l'horaire de travail qui se manifesterait par une suspension d'activité. On rappellera que les associés-gérants d'une société à responsabilité limitée disposent ex lege d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (cf. arrêt 8C_515/2007 du 8 avril 2008, consid. 2.2 et les références; voir également l'arrêt 8C_143/2012 du 19 septembre 2012 consid. 4.3 où le Tribunal fédéral a appliqué la notion d'organe de fait pour admettre qu'un assuré avait conservé une influence sur les décisions d'une société en dépit de sa radiation du registre du commerce). Or l'assurance-chômage n'a pas pour vocation à indemniser la perte ou les fluctuations de gain liées à une activité indépendante mais uniquement la perte de travail, déterminable et contrôlable, du travailleur ayant un statut de salarié qui, à la différence de celui occupant une position décisionnelle, n'a pas le pouvoir d'influencer la perte de travail qu'il subit et pour laquelle il demande l'indemnité de chômage (sur l'ensemble de cette problématique, voir BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ad art. 10 n° 18 ss; également du même auteur, Droit à l'indemnité de chômage des personnes occupant une position assimilable à celle d'un employeur, in DTA 2013 n° 1, p. 1-12). On soulignera à cet égard que ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner ici, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur (DTA 2003 n° 22 p. 242 consid. 4 [arrêt C 92/02 du 14 avril 2003]; arrêt C_157/06 du 22 janvier 2007, consid. 3.2). En fait, il suffit qu'une continuité des activités soit possible pour que le droit doive être nié en raison d'un risque de contournement de la loi.
7.
Quant aux autres moyens soulevés dans le recours, fondés sur les art. 2 CEDH et 11 Pacte ONU I, ainsi que sur l'art. 29 al. 2 Cst., ils sont irrecevables car non motivés à satisfaction de droit (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF).
8.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
9.
Une partie ne remplit les conditions de l'assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (cf. art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1 p. 537).
Au regard des dispositions et principes jurisprudentiels applicables, ainsi que des motifs avancés dans le mémoire de recours, la condition des chances de succès du recours n'est pas réalisée. La recourante doit par conséquent supporter ses dépens et les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois et au Secrétariat d'Etat à l'économie.
Lucerne, le 30 septembre 2019
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : von Zwehl