Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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9C_441/2019
Arrêt du 28 octobre 2019
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente,
Parrino et Moser-Szeless.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
Office AI Canton de Berne,
Scheibenstrasse 70, 3014 Berne,
recourant,
contre
A.________,
représentée par Inclusion Handicap,
intimée.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 19 mai 2019 (200.2018.441.AI).
Faits :
A.
A.________, née en 1978, est titulaire notamment d'un certificat fédéral de capacité d'aide familiale obtenu à la suite d'un reclassement de l'assurance-invalidité; elle travaillait à 80 % pour le service d'aide et de soins à domicile de B.________. Au mois d'octobre 2015, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Elle y indiquait souffrir d'une sclérose en plaques et être en arrêt de travail depuis le 3 juillet 2015.
Entre autres mesures d'instruction, l'Office AI Canton de Berne (ci-après: l'office AI) a soumis l'assurée à une expertise bidisciplinaire (rapport des docteurs C.________, spécialiste en neurologie, et D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 9 novembre 2016). Après avoir également diligenté une enquête économique sur le ménage et l'activité lucrative (rapport du service d'enquêtes du 22 juin 2017), l'administration a octroyé à A.________ trois quarts de rente d'invalidité à compter du 1er juillet 2016 (décision du 18 mai 2018).
B.
Statuant le 19 mai 2019 sur le recours interjeté par A.________ contre cette décision, le Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, l'a admis. Il a annulé la décision du 18 mai 2018 et reconnu le droit de A.________ à une rente entière d'invalidité dès le 1er juillet 2016. Il a par ailleurs renvoyé le dossier à l'office AI pour qu'il procède au calcul et au versement de la rente.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'office AI demande au Tribunal fédéral d'annuler le jugement cantonal et de confirmer sa décision du 18 mai 2018. Il sollicite par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif au recours.
A.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
1.1. Bien que le dispositif du jugement entrepris renvoie la cause à l'office recourant, il ne s'agit pas d'une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF, car l'autorité précédente a statué définitivement sur les points contestés, le renvoi de la cause ne visant que le calcul de la prestation allouée à partir du 1
er juillet 2016. Le recours est dès lors recevable puisqu'il est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF; ATF 134 II 124 consid. 1.3 p. 127).
1.2. Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
2.
2.1. Le litige porte sur l'étendue du droit de l'intimée à une rente de l'assurance-invalidité à compter du 1er juillet 2016 (droit à trois quarts de rente comme admis par l'office recourant ou à une rente entière comme reconnu par la juridiction cantonale). Compte tenu des conclusions et motifs du recours, est seule litigieuse la question de savoir si les premiers juges ont violé le droit fédéral en considérant que l'intimée n'était pas en mesure de mettre à profit sa capacité résiduelle de travail sur le marché équilibré du travail, de sorte qu'aucun revenu d'invalide ne pouvait lui être imputé.
2.2. Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d'invalidité ( art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI), à la mise en valeur de la capacité résiduelle de travail sur le marché équilibré du travail (ATF 110 V 273 consid. 4b p. 276 s.; cf. aussi 138 V 457 consid. 3.1 p. 456 s. et arrêt 9C_716/2014 du 19 février 2015 consid. 4.1), ainsi qu'au rôle respectif des médecins et des organes d'observation professionnelle (ATF 140 V 193 consid. 3.2 p. 195 s.; ATF 107 V 17 consid. 2b p. 20), à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 p. 126 s.; 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3 p. 352), et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). Il suffit d'y renvoyer.
3.
Les constatations cantonales, selon lesquelles, d'un point de vue strictement médical, l'intimée dispose d'une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle d'aide familiale, en raison de troubles de l'équilibre, d'un trouble de la concentration, ainsi que d'une fatigue accrue, mais de 50 % dans une activité adaptée, ne sont pas remises en cause par les parties. En revanche, l'office recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir constaté les faits de manière arbitraire et violé l'art. 16 LPGA en ce qu'elle s'est fondée sur l'appréciation du service de réadaptation pour exclure la présence, sur le marché équilibré du travail, d'une activité adaptée à la capacité résiduelle de travail de l'assurée telle que définie par les experts C.________ et D.________.
3.1. Comme le relève à juste titre l'office recourant en se référant à l'arrêt 9C_646/2016 du 16 mars 2017 consid. 4.2.2, c'est aux experts médicaux qu'il appartient d'évaluer l'état de santé de la personne assurée et les répercussions de celui-ci sur la capacité de travail (ATF 140 V 193 consid. 3.2 p. 195 s.). Il est également exact que le Tribunal fédéral a jugé que les données médicales l'emportent en principe sur les constatations qui peuvent être faites notamment à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de la personne assurée (arrêt 9C_323/2018 du 20 août 2018 consid. 4.2 et les références). Ces principes ne signifient cependant pas que le médecin a la compétence de statuer en dernier ressort sur les conséquences de l'atteinte à la santé sur la capacité de travail. Son rôle consiste à prendre position sur l'incapacité de travail, à savoir à procéder à une évaluation qu'il motive de son point de vue le plus substantiellement possible. Les données médicales constituent un élément important pour l'appréciation juridique de la question des travaux pouvant encore être exigés de l'assuré. Elles peuvent si nécessaire être complétées pour évaluer la capacité fonctionnelle pouvant être mise économiquement à profit par l'avis des spécialistes de l'intégration et de l'orientation professionnelles (ATF 140 V 193 consid. 3.2 p. 195 s. et les arrêts cités). Dans les cas où les appréciations (d'observation professionnelle et médicale) divergent sensiblement, il incombe à l'administration, respectivement au tribunal - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (arrêts 9C_68/2017 du 18 avril 2017 consid. 4.4.2; 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1 et les arrêts cités).
3.2. Pour nier l'existence d'une activité exigible sur le marché équilibré du travail, la juridiction cantonale s'est référée à l'avis du service de réadaptation de l'assurance-invalidité, selon lequel les exigences du profil d'exigibilité médico-théorique fixées par les experts médicaux n'étaient pas réalisables sur le marché primaire de l'emploi, une réintégration n'étant tout au plus possible que dans un cadre protégé (avis du 28 décembre 2016, notamment).
Dans la mesure où ce n'est pas le profil d'exigibilité qui est litigieux, mais l'existence d'une activité adaptée correspondant à celui-ci sur le marché équilibré du travail, et au vu de la jurisprudence rappelée (consid. 3.1 supra), on ne saurait reprocher à la juridiction de première instance d'avoir considéré que les informations fournies par le service de réadaptation complétaient utilement les données médicales en montrant, concrètement, que l'intimée n'était plus à même de mettre en valeur de manière significative la capacité de travail résiduelle retenue sur le plan médico-théorique.
3.3.
3.3.1. Quant aux autres critiques formulées par l'office recourant, son argumentation selon laquelle les premiers juges ne pouvaient pas se fonder sur "l'appréciation abstraite du service de réadaptation", en l'absence d'un test concret du profil d'exigibilité médico-théorique, ne résiste tout d'abord pas à l'examen. En l'occurrence, ledit service a examiné si une activité adaptée aux limitations de l'intimée décrites par les médecins existait concrètement sur le marché équilibré du travail. Sa conclusion prend en considération les limitations décrites par les docteurs C.________ et D.________ (cf. avis des 20 et 28 décembre 2016). A cet égard, les experts ont indiqué qu'un profil d'exigibilité dans une activité adaptée devait être défini pour l'assurée, avec des limitations importantes, et qu'une activité avec plus qu'une légère sollicitation du sens de l'équilibre était exclue, tout comme des activités faisant davantage appel à la capacité de concentration et à la capacité d'assumer de nouveaux contenus. Dès lors que le service de réadaptation s'est fondé sur les données médicales, une observation professionnelle concrète n'apparaissait pas nécessaire. Tout au long de la procédure, l'Office AI n'a du reste pas donné d'exemples d'une activité adaptée correspondant à la capacité résiduelle de travail médico-théorique de l'assurée de 50 % et à ses limitations fonctionnelles, tout en admettant que l'éventail des activités exigibles était nettement réduit.
3.3.2. L'office recourant ne peut pas non plus être suivi lorsqu'il reproche aux premiers juges de s'être fondés sur une appréciation portant sur des faits antérieurs à l'expertise médicale et rendue à propos de l'activité habituelle exercée alors par l'assurée, pas plus que lorsqu'il affirme qu'ils auraient déduit de l'appréciation faite par le service de réadaptation de la capacité fonctionnelle dans le ménage de l'intimée une absence de capacité fonctionnelle dans toute activité lucrative.
Il est exact que le service de réadaptation s'est référé à l'activité d'aide familiale coordinatrice d'équipe exercée à l'époque par l'assurée pour exclure qu'une activité simple et répétitive ne comportant pas d'exigences particulières au niveau de la capacité de concentration et de la capacité d'apprentissage, telle que préconisée par le service d'enquêtes (prise de position du 3 novembre 2017), fût exigible. Cette référence était cependant motivée par le fait que près de trois quarts des tâches que l'intimée avait assumées dans cet emploi portaient sur des activités administratives et qu'elle n'était pas parvenue à accomplir dans ce cadre même des tâches simples et répétitives (avis des 14 février 2011 et 20 décembre 2016); elle a en outre été complétée au regard de l'expertise du 9 novembre 2016. Par ailleurs, les premiers juges ont examiné si d'autres activités adaptées étaient disponibles sur le marché équilibré du travail - et non pas seulement dans un cadre protégé -, ce qu'ils ont nié. Ils ont en effet exclu, en se fondant sur le profil d'exigibilité médical et sur les conclusions du service d'enquêtes (prise de position du 3 novembre 2017), qu'un travail de bureau pût être exigé de l'assurée. Ils en ont fait de même d'une activité de surveillance, au vu des difficultés de concentration et de la tendance à la distraction mises en évidence par les experts médicaux.
Enfin, à l'inverse de ce que prétend l'office recourant, la juridiction cantonale a précisément retenu que les restrictions dans les tâches ménagères "ne sauraient en tant que telles empêcher l'exercice d'une activité lucrative" (jugement entrepris, consid. 6.2.3 p. 17), de sorte qu'elle n'a pas fait de déduction tirée du domaine ménager pour le domaine professionnel.
3.4. Au vu de ce qui précède, les constatations de la juridiction cantonale quant à l'absence d'une activité adaptée à la capacité résiduelle de travail de l'intimée sur le marché équilibré du travail et quant à l'incapacité totale de travail et de gain en découlant sont dénuées d'arbitraire; il n'y a pas lieu de s'en écarter. Le recours est mal fondé.
4.
Le présent arrêt rend sans objet la demande d'effet suspensif déposée par l'office recourant.
5.
Compte tenu de l'issue du litige, l'office recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), ainsi que les dépens que peut prétendre l'intimée (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 28 octobre 2019
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Pfiffner
La Greffière : Perrenoud