Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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4A_282/2019
Arrêt du 4 novembre 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Klett et May Canellas.
Greffier : M. Curchod.
Participants à la procédure
A.________ Sàrl,
représentée par Me Tony Donnet-Monay,
recourante,
contre
1. B.________,
représentée par Me Emmanuel Hoffmann,
2. Caisse cantonale de chômage,
intimées.
Objet
Contrat de travail,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 3 mai 2019 (PT16.045017-181840, 251).
Faits :
A.a. A.________ Sàrl (ci-après : la défenderesse, la recourante) est une entreprise active dans la vente, l'entretien et le dépannage de chauffages ayant son siège à....
Par contrat du 1er septembre 2005, B.________ (ci-après : la demanderesse, l'intimée 1) a été engagée au sein de la défenderesse en qualité d'assistante de direction et de responsable des ressources humaines, tout d'abord à mi-temps puis à temps plein.
A.b. Les rapports de travail, initialement décrits comme agréables et épanouissants, se sont dégradés au fur et à mesure de l'engagement par la défenderesse dès 2008 de différents membres de la famille de son associé gérant, C.________.
Dans le contexte d'un climat de travail devenu particulièrement délétère, C.________ a organisé une réunion qui s'est tenue dans les locaux de la défenderesse le 4 mai 2016 et à laquelle ont pris part C.________, la demanderesse ainsi que trois autres employés de la défenderesse, dont la femme et le frère de C.________. Après des altercations verbales dont la teneur est contestée, la demanderesse a quitté les locaux de la défenderesse en refermant la porte d'une telle manière que la double vitre de celle-ci s'est brisée. La défenderesse soutient qu'avant de quitter les locaux, elle aurait expressément manifesté sa volonté de démissionner, ce que la demanderesse conteste.
Le même jour le Dr. D.________ a délivré un certificat médical attestant de l'incapacité de travail de la demanderesse à raison de 50% dès cette date et de 100% pour la période du 5 au 11 mai 2016.
Toujours le même jour, C.________ a adressé à la demanderesse un SMS au contenu suivant :
" B.________, vu ton comportement et ton abandon de ton poste de travail de ce matin, je te prie de me ramener avant 17h30, les clefs bureau et Boite aux lettres, je tiens compte de ta démission sur le champ, un courrier te sera adressé dans ce sens là. " [sic]
La demanderesse a répondu comme suit :
" je suis en arrêt maladie. Une éventuelle démission orale n a aucune valeur juridique. " [sic]
Le 13 mai 2016, après avoir transmis à la défenderesse une copie du certificat susmentionné, dont elle avait déjà fait parvenir une photo floue quelques jours auparavant, la demanderesse lui a envoyé un courrier électronique dans lequel elle l'informait de son intention de réintégrer son poste de travail dès que son état de santé le permettrait, précisant que l'attitude de trois de ses collègues avait causé son arrêt de travail.
Par courrier du même jour, la défenderesse a accusé réception du certificat médical, précisant néanmoins qu'il n'était pas nécessaire que la demanderesse lui remettre ledit certificat au vu du fait qu'elle avait démissionné le 4 mai 2016. Elle confirmait à ce titre accepter la démission de la demanderesse et formulait certains reproches à l'endroit de cette dernière, l'accusant d'avoir divulgué des informations confidentielles à des tiers, d'avoir injurié les personnes présentes à la réunion du 4 mai 2016, d'avoir brisé la vitre de la porte et abîmé la boîte à lettres de l'entreprise. Elle annonçait entendre effectuer un décompte tenant compte des frais de remise en état de la porte et boîte à lettres. Elle précisait enfin que si la demanderesse devait envisager de revenir sur sa décision, ce courrier aurait valeur de licenciement immédiat.
Le 14 septembre 2016, le Dr. E.________ a établi une attestation médicale faisant état de symptômes psychiques de la demanderesse en lien avec un milieu professionnel déstabilisant.
A.c. Le 22 août 2016, la demanderesse s'est inscrite à l'Office régional de placement (ORP) de Morges et a soumis une demande d'indemnité de chômage.
La Caisse cantonale de chômage a versé à la demanderesse des montants de 4'988 fr. pour la période du 22 août au 31 octobre 2016 et de 4'461 fr. 40 pour le mois de novembre 2016.
B.
B.a. Par demande du 11 octobre 2016, la demanderesse a conclu à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme brute correspondant à la somme nette de 63'868 fr. 22 avec intérêt à 5% dès le 13 mai 2016 ainsi que la somme nette correspondant à 6 mois de salaire brut, avec intérêt à 5% dès le 13 mai 2016. Dans une conclusion formulée à titre préalable, elle demandait à ce qu'il soit ordonné à la défenderesse de produire les " pièces requises " et à ce qu'il soit imparti à la demanderesse un délai pour préciser ses conclusions.
Par requête en intervention du 4 novembre 2016, la Caisse cantonale de chômage (ci-après : l'intervenante, l'intimée 2) a conclu à ce qu'il soit constaté que l'intervenante est subrogée à la partie demanderesse dans ses droits à concurrence du montant de 4'988 fr. avec intérêt à 5% dès le 21 octobre 2016 et à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser cette somme avec intérêt à 5% dès le 22 août 2016. Elle a précisé que le montant correspondant aux indemnités de chômage pour la période du 1er novembre au 31 décembre 2016 demeurait réservé.
Par jugement du 3 mai 2018, le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a condamné la défenderesse à verser à la demanderesse les montants bruts de 50'666 fr. 40 et 7'778 fr. 15, dont à déduire les charges sociales usuelles, avec intérêt à 5% l'an dès le 13 mai 2016 et sous déduction du montant à verser à l'intervenante, ainsi qu'un montant net de 5'091 fr. 55 avec intérêt à 5% l'an dès le 13 mai 2016. Il a également condamné la défenderesse à verser à l'intervenante un montant net de 9'449 fr. 40 avec intérêt à 5% l'an dès le 10 octobre 2016.
B.b. Par arrêt du 3 mai 2019, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel interjeté par la défenderesse contre le jugement précité.
C.
La défenderesse a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral visant à l'annulation de l'arrêt entrepris. Elle conclut, principalement, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants et, subsidiairement, à ce que l'appel soit admis et le jugement de première instance soit réformé en ce sens que la défenderesse ne soit condamnée à verser aucune indemnité à la demanderesse.
L'intimée 1 conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. L'intimée 2 ne s'est pas déterminée. Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt.
Les parties ont déposé spontanément une réplique et une duplique.
Par ordonnance du 24 juillet 2019, la demande d'effet suspensif a été rejetée.
Considérant en droit :
1.
1.1. Les conclusions subsidiaires de la recourante tendent à la réforme du jugement de première instance et non du jugement entrepris. Elles sont donc par nature irrecevables (art. 75 al. 1 LTF). Ainsi, les seules conclusions valablement formulées par la recourante sont de nature cassatoire, ce qui n'est pas sans poser de problèmes au vu du fait que le recours en matière civile est une voie de réforme (art. 107 al. 2 LTF; ATF 134 III 379 consid. 1.3; 133 III 489 consid. 3.1). L'interprétation des conclusions selon le principe de la confiance et à la lumière de la motivation du recours (ATF 136 V 131 consid. 1.2; 134 III 235 consid. 2) ne laissant néanmoins aucun doute quant à la volonté de la recourante de voir l'arrêt entrepris réformé en ce sens que la demanderesse n'obtienne aucune indemnité, il y a lieu d'entrer en matière.
1.2. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 LTF) par un tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance, lequel a statué sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. requise pour les affaires pécuniaires de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF). Déposé par la partie ayant succombé dans ses conclusions et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dans le délai (art. 45 al. 1 et art. 100 al. 1 LTF ) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est recevable sur le principe, sous réserve de l'examen des griefs particuliers.
1.3. Dans son arrêt, l'autorité précédente a confirmé le jugement de première instance par lequel le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a notamment condamné la défenderesse à verser un montant de 9'449 fr. 40 avec intérêts à l'intimée 2. La défenderesse a dirigé son appel contre les deux intimées. Dès lors il doit être considéré qu'il s'agit d'une simple omission de la part de l'autorité précédente si l'intimée 2 ne figure pas au rang des parties sur la première page de l'arrêt entrepris. Cette dernière a qualité de partie dans la présente procédure.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). «Manifestement inexactes» signifie ici «arbitraires» (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation évoqué ci-dessus (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit ainsi expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18).
2.2. L'appréciation des preuves est entachée d'arbitraire lorsque le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 136 III 552 consid. 4.2).
3.
La recourante reproche tout d'abord à l'autorité précédente de ne pas avoir notifié son appel à la partie intimée [sic]. Il en déduit une violation de l'art. 312 al. 1 CPC et de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).
S'il est vrai qu'au vu de la longueur et du contenu de la décision entreprise, on serait en droit de s'interroger sur le bien-fondé de la décision de l'autorité précédente de ne pas notifier l'appel aux parties adverses en application de l'art. 312 al. 1 CPC (cf. ATF 143 III 153 consid. 4), la recourante n'a pas d'intérêt juridique à soulever ce grief. En effet, ce sont les parties adverses - et non la recourante - qui se sont vues privées de la possibilité de se déterminer sur l'appel. Faute d'intérêt juridique, son grief est irrecevable.
4.
Dans un deuxième grief, la recourante soutient que l'autorité précédente a violé le droit à la preuve ainsi que le principe d'égalité. Il évoque à ce titre les art. 8 CC, 55 al. 1, 152 et 157 CPC ainsi que l'art. 8 al. 1 Cst.
La recourante se livre à une discussion sur plus de 15 pages de l'appréciation des preuves par l'autorité précédente, remettant pour l'essentiel en cause la manière dont celle-ci a évalué la force probante des éléments sur lesquels elle a fondé son jugement. Se faisant, elle méconnaît de manière fondamentale la nature de la procédure de recours devant le Tribunal fédéral. Comme rappelé précédemment (cf. supra consid. 2), la cour de céans n'intervient en effet, en matière d'appréciation des preuves, que lorsque la partie recourante démontre que la décision entreprise est entachée d'arbitraire. La critique inutilement répétitive et purement appellatoire de la recourante est, dès lors, irrecevable. Le fait qu'elle soulève de manière ponctuelle, dans le cadre de sa critique de l'appréciation des preuves, différentes questions juridiques n'y change rien, pareil procédé n'étant pas admissible.
5.
Ce n'est que dès la 26ème page de son recours que la recourante fait grief à l'autorité précédente, de manière succincte, d'avoir versé dans l'arbitraire (art. 9 Cst.). Elle lui reproche avant tout de s'être appuyée exclusivement sur les éléments en faveur de l'intimée et d'avoir nié toute valeur probante aux témoignages des personnes présentes au moment de la supposée démission de l'intimée.
Il est douteux que le recours réponde aux exigences particulièrement strictes instaurées par la jurisprudence en matière de violation de droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Quoi qu'il en soit, la recourante ne peut de toute façon pas être suivie. Rien ne permet en effet d'affirmer que le Tribunal cantonal a fait preuve d'arbitraire en retenant que les seuls témoignages des personnes ayant participé à la réunion du 4 mai 2016 ne suffisaient pas à établir que la demanderesse avait démissionné de manière claire. Il n'est en effet pas arbitraire de prendre en considération les liens professionnels et familiaux qui unissent des témoins à une partie dans le cadre de l'appréciation des preuves, particulièrement lorsqu'il s'agit comme en l'espèce notamment du frère et de la femme de l'associé gérant de la défenderesse. Inutile dès lors de s'attarder sur les formules sensationnalistes de la recourante qui estime notamment qu'après l'arrêt entrepris, " jamais plus un employeur ne pourra démontrer quoi que ce soit puisque ses employés sont décrits, implicitement, comme des témoins non fiables ".
6.
La recourante reproche enfin à la cour cantonale d'avoir violé les art. 335 al. 1 et 337 CO . Elle fonde néanmoins son grief sur des prémisses factuelles ne ressortant pas de l'arrêt entrepris, soit la résiliation par l'intimée de son contrat de travail avec effet immédiat, l'emploi par cette dernière de termes injurieux à l'endroit de ses collègues de travail au moment de quitter ses locaux de la défenderesse ainsi que sa divulgation d'informations confidentielles à des tiers. Il n'en va pas autrement de la critique de la recourante ayant trait au décompte des jours de vacances de l'intimée. Sa critique appellatoire de l'état de faits retenu ne répond pas au principe strict de l'allégation exposé précédemment (cf. supra consid. 2.1).
7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, sera condamnée à payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et à verser à l'intimée une indemnité pour ses dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile.
Lausanne, le 4 novembre 2019
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
Le Greffier : Curchod