BGer 5A_828/2019 |
BGer 5A_828/2019 vom 27.11.2019 |
5A_828/2019 |
Arrêt du 27 novembre 2019 |
IIe Cour de droit civil |
Composition
|
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
|
von Werdt et Schöbi.
|
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
|
Participants à la procédure
|
A.________,
|
représentée par Me Pierre Gabus, avocat,
|
recourante,
|
contre
|
B.________,
|
représenté par Me Hervé Crausaz, avocat,
|
intimé.
|
Objet
|
action en revendication de la propriété
|
(évacuation, cas clair),
|
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 16 septembre 2019 (C/22805/2018, ACJC/1343/2019).
|
Considérant en fait et en droit : |
Erwägung 1 |
Erwägung 1.1 |
1.1.1. Par jugement de mesures protectrices de l'union conjugale du 8 mars 2010, le Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après: le Tribunal) a notamment autorisé les époux B.________ et A.________ à vivre séparés, attribué à celle-ci la jouissance exclusive de la villa sise [...] à U.________, propriété de l'époux, et fixé la contribution d'entretien due par celui-ci à l'entretien de la famille.
|
Les frais relatifs à la villa, qu'il incombait à l'épouse de prendre en charge, on été fixés à 5'750 fr., B.________ étant autorisé à retenir ce montant sur les contributions dues à son épouse dans l'hypothèse où elle n'assumait pas directement ces charges.
|
1.1.2. Le divorce des époux a été prononcé par jugement du Tribunal du 23 novembre 2015. Les deux parties en ont fait appel.
|
Le 29 août 2016, B.________ a sollicité de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) le prononcé de mesures provisionnelles tendant à la modification du jugement de mesures protectrices du 8 mars 2010 en tant qu'il attribuait la jouissance du domicile conjugal à A.________. Cette requête a été rejetée par arrêt du 16 janvier 2018.
|
La Cour de justice a statué sur l'entier du litige par arrêt du 31 mai 2018, contre lequel aucun recours n'a été déposé.
|
Il résulte des décisions cantonales successives, désormais définitives et exécutoires, que le divorce est prononcé et le régime matrimonial des parties liquidé. B.________ a été condamné à payer à A.________ 974'616 fr. 55, intérêts en sus, à titre de liquidation du régime matrimonial, et 372'070 fr. 10, intérêts en sus, à titre de contribution d'entretien post-divorce. La cour cantonale a notamment retenu que l'époux avait indiqué devoir vendre la villa occupée par l'épouse pour s'acquitter des montants qu'il lui devait; celle-ci disposait ainsi d'un intérêt à la conclusion de la vente immobilière en vue d'obtenir les montants qui lui étaient dus; aucun élément du dossier ne permettait dès lors de retenir qu'elle ne libérerait pas la villa en temps voulu.
|
A.________ occupe cependant toujours le bien immobilier.
|
Elle a par ailleurs obtenu un séquestre sur celui-ci pour ses créances résultant du jugement de divorce.
|
1.2. Agissant le 1er octobre 2018 par la procédure de protection dans les cas clairs avec demande de mesures superprovisionnelles, B.________ a requis que le Tribunal ordonne à A.________ d'évacuer l'immeuble sis [...] à U.________ dans un délai de 10 jours, lui en restitue les clés sous la menace de la peine de l'art. 292 CP et ordonne à l'autorité chargée de l'évacuation d'y procéder avec l'assistance de l'autorité compétente si l'intéressée ne s'exécutait pas dans les dix jours suite à l'entrée en force de la décision.
|
La requête de mesures superprovisionnelles a été rejetée par ordonnance du 23 octobre 2018. La requête en évacuation a été déclarée irrecevable le 3 mai 2019.
|
Statuant sur appel de B.________ le 16 septembre 2019, la Cour de justice a annulé la décision de première instance et, statuant à nouveau, a ordonné à A.________ d'évacuer l'immeuble litigieux dans les dix jours dès le prononcé de son arrêt, l'autorité chargée de l'exécution devant procéder à l'évacuation en cas d'inexécution.
|
1.3. Agissant le 18 octobre 2019 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.________ (ci-après: la recourante) conclut à l'annulation de l'arrêt rendu par la cour cantonale et à l'irrecevabilité de la requête formée par B.________ (ci-après: l'intimé).
|
La requête d'effet suspensif formée par la recourante a été admise par ordonnance présidentielle du 15 novembre 2019.
|
Des déterminations n'ont pas été demandées.
|
Erwägung 2 |
2.1. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF). La recourante, dont l'évacuation a été ordonnée, a qualité pour recourir (art. 76 LTF). Vu le montant des charges de la villa en 5'750 fr. par mois, il convient d'admettre que la valeur litigieuse de 30'000 fr. est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF), étant précisé que celle-ci est fondée sur la valeur que représente l'usage des locaux pendant la durée prévisible d'un procès en procédure sommaire permettant d'obtenir une décision d'expulsion, laquelle peut être estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1).
|
2.2. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties (ATF 143 V 19 consid. 2.3; 140 III 86 consid. 2). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ( "principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4).
|
Erwägung 3 |
3.1. La recourante reproche à la cour cantonale une violation de l'art. 84 CPC en lien avec l'interdiction du formalisme excessif. Elle relève que son ex-époux n'aurait pas introduit une action en revendication, mais une requête en évacuation, réclamant ainsi l'exécution d'une décision qui, sur le fond, n'existerait pas. La juridiction ne pouvait ainsi déduire de la requête formée par son ex-époux qu'il entendait former une action condamnatoire, sauf à se méprendre sur la portée de sa démarche. La requête devait en réalité être déclarée irrecevable, ainsi qu'en avait conclu à juste titre l'autorité de première instance.
|
3.2. Cette critique est manifestement infondée, la défaillance des conclusions de l'action en revendication de l'intimé devant à l'évidence être écartée au regard des exigences relatives à la formulation des conclusions d'une action en revendication et du principe de l'interdiction du formalisme excessif, lequel nécessite d'interpréter les conclusions selon les règles de la bonne foi (sur cette notion: ATF 142 I 10 consid. 2.4.2 et les références). Il est renvoyé pour le surplus à la motivation développée sur ce point par la cour cantonale (art. 109 al. 3 LTF), complète et précise dès lors que cette dernière autorité s'écartait à cet égard de la décision de première instance.
|
4. La recourante considère également que les conditions du cas clair ne seraient pas remplies et reproche à la cour cantonale une violation de l'art. 257 al. 1 CPC.
|
4.1. La cour cantonale a estimé que les conditions posées par l'art. 641 al. 2 CC étaient clairement réalisées en sorte que l'intimé était fondé à agir par la procédure de protection dans les cas clairs selon l'art. 257 CPC. Il n'était en effet pas contesté que l'intimé était propriétaire de la villa occupée par la recourante, que celle-ci ne disposait d'aucun titre l'autorisant à rester dans les locaux et que l'intimé ne commettait aucun abus de droit en revendiquant son bien.
|
4.2. Les critiques élevées par la recourante sont manifestement infondées. Contrairement à ce qu'elle affirme et comme l'a d'ailleurs parfaitement constaté la cour cantonale, le fait que l'immeuble soit sous séquestre n'empêche nullement son ex-époux de le revendiquer et d'exiger son évacuation, ses prérogatives de propriétaires étant maintenues à cet égard, malgré la limitation de son pouvoir de disposition résultant de la procédure de séquestre (art. 96 LP sur renvoi de l'art. 275 LP). La recourante ne dispose par ailleurs d'aucun titre l'autorisant à rester dans la maison appartenant à l'intimée dès lors que, comme l'indique également à juste titre la cour cantonale, la décision de mesures provisionnelles lui attribuant la jouissance exclusive de l'immeuble est devenue caduque dès l'entrée en force de l'arrêt de la Cour de justice du 31 mai 2018 (art. 268 al. 2 CPC). Le fait que celui-ci ne statue pas précisément sur la libération du domicile conjugal n'est d'aucune pertinence à cet égard, dite libération pouvant se déduire des considérants de ce dernier arrêt (cf. consid. 1.1.2 supra). Au contraire de ce que prétend la recourante, aucun abus de droit ne peut enfin être retenu à l'endroit de l'intimé du fait qu'il revendiquerait son bien sans s'être acquitté de l'entier des montants qui lui seraient dus à titre de liquidation du régime matrimonial. Comme l'a relevé la cour cantonale, l'intimé dispose d'abord d'un intérêt légitime à occuper la villa; contrairement ensuite à ce qu'affirme la recourante, la location du bien immobilier, voire sa mise en gage reste envisageable malgré le séquestre, avec le consentement du préposé (art. 96 al. 1 LP sur renvoi de l'art. 275 LP); à supposer au demeurant que l'intimé doive réaliser la villa - éventualité qui peut également entrer en ligne de compte avec l'accord du préposé (art. 96 al. 1 LP sur renvoi de l'art. 275 LP) - pour s'acquitter des montants qu'il reste devoir à son ex-épouse, l'absence d'occupation du bien immobilier lui permettra vraisemblablement d'en obtenir un prix plus intéressant, constatation également relevée par l'autorité intimée et qui n'est pas contestée par la recourante.
|
5. En définitive, le recours, manifestement infondé, doit être rejeté selon la procédure de l'art. 109 al. 2 let. a et al. 3 LTF. Dès lors que le recours se révèle d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire formée par la recourante est rejetée (art. 64 LTF) et les frais judiciaires sont mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé ne peut en revanche prétendre à aucune indemnité de dépens pour sa détermination sur la requête d'effet suspensif présentée avec succès par sa partie adverse.
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté.
|
2. La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
|
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
|
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
|
Lausanne, le 27 novembre 2019
|
Au nom de la IIe Cour de droit civil
|
du Tribunal fédéral suisse
|
Le Président : Herrmann
|
La Greffière : de Poret Bortolaso
|