BGer 8C_725/2018 |
BGer 8C_725/2018 vom 10.01.2020 |
8C_725/2018 |
Arrêt du 10 janvier 2020 |
Ire Cour de droit social |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Maillard, Président,
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Wirthlin et Abrecht.
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Greffier : M. Beauverd.
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Participants à la procédure
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Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
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recourante,
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contre
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A.________,
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représenté par Me Maurice Utz, avocat,
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intimé.
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Objet
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Assurance-accidents (condition de recevabilité),
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recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 17 septembre 2018 (A/908/2018 ATAS/819/2018).
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Faits : |
A. A.________, né en 1986, a travaillé en qualité de carreleur-peintre au service de la société B.________ SA. A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 5 juin 2013, il s'est blessé à la main et au bras gauches en chutant d'une échelle. La CNA a pris en charge le cas.
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Par courrier du 29 septembre 2017, elle a informé l'assuré qu'elle mettrait fin à la prise en charge des soins médicaux et au paiement de l'indemnité journalière avec effet au 31 octobre suivant, motif pris que la situation était stabilisée sur le plan médical et qu'un traitement n'était plus nécessaire. Par décision du 19 octobre 2017, confirmée sur opposition le 12 février 2018, la CNA a dénié à l'assuré le droit à une rente d'invalidité et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 10 %.
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B. A.________ a recouru contre la décision sur opposition devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Il concluait principalement au paiement en sa faveur d'un montant correspondant à 100 % de l'indemnité journalière à compter du 1 er novembre 2017, jusqu'à épuisement du droit. Subsidiairement, il demandait l'octroi d'une rente d'invalidité "pleine et entière" à partir de cette date.
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Par jugement du 17 septembre 2018, la cour cantonale a déclaré irrecevables les conclusions tendant au versement d'une indemnité journalière et a admis partiellement le recours en ce sens que la décision du 19 octobre 2017 et la décision sur opposition du 12 février 2018 ont été annulées. En outre, elle a invité la CNA "à se prononcer, dans une décision formelle, sur les questions de la stabilisation du cas au 31 octobre 2017 et de la suppression du droit aux indemnités journalières à cette même date".
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C. La CNA forme un recours en concluant à l'annulation de ce jugement et à la confirmation de sa décision du 19 octobre 2017 ainsi que de sa décision sur opposition du 12 février 2018.
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L'intimé n'a pas donné suite à l'invitation à répondre au recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit : |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 136 I 42 consid. 1 p. 43).
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1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), contre les décisions partielles (art. 91 LTF) ainsi que contre les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Selon l'art. 93 al. 1 LTF, les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).
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1.2. Les jugements qui renvoient la cause à l'autorité inférieure constituent des décisions incidentes car ils ne mettent pas fin à la procédure (ATF 134 II 124 consid. 1.3 p. 127; 133 V 477 consid. 4 p. 480 ss). En revanche, lorsque l'autorité inférieure à laquelle la cause est renvoyée ne dispose plus d'aucune marge de manoeuvre parce que le renvoi ne porte que sur l'exécution (par simple calcul) des injonctions de l'autorité supérieure, le jugement constitue matériellement une décision finale (ATF 135 V 141 consid. 1.1 p. 143; 134 II 124 consid. 1.3 p. 127; cf. aussi StE 2009 B 96.21 n° 14, 2C_258/2008 du 27 mars 2009, consid. 3.3). Etant donné le but de l'art. 93 LTF, ce n'est que dans le cas où l'on peut exclure que le Tribunal fédéral doive statuer une seconde fois sur l'objet du litige qu'un jugement de renvoi peut être considéré comme n'étant pas une décision incidente (arrêt 2C_394/2015 du 4 juin 2015 consid. 2.1 et les arrêts cités).
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Erwägung 2 |
2.1. Par le jugement attaqué, la cour cantonale a renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle statue formellement sur la stabilisation du cas au 31 octobre 2017 et sur la suppression du droit à l'indemnité journalière à partir de cette date. Elle a considéré que la date de la stabilisation de l'état de santé de l'assuré avait fait l'objet du courrier du 29 septembre 2017, lequel ne constituait toutefois pas une décision formelle mais une simple communication relevant de la procédure simplifiée. Comme une telle communication acquiert les mêmes effets qu'une décision à l'expiration d'un délai d'un an, l'assuré peut, dans ce délai, contester l'application de la procédure simplifiée et solliciter la notification d'une décision formelle (cf. ATF 134 V 145). Les premiers juges ont ainsi retenu que dans la mesure où l'intimé avait contesté la stabilisation de son état de santé dans son opposition du 21 novembre 2017 à la décision du 19 octobre précédent, il fallait interpréter ce grief comme une demande - formée dans le délai d'un an - tendant à ce que la CNA rendît une décision formelle sur cette question. C'est pourquoi la cour cantonale a déclaré irrecevable la conclusion du recours tendant au maintien du droit à l'indemnité journalière au-delà du 31 octobre 2017 et a renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle rende une décision formelle au sujet de la stabilisation du cas et du droit à ladite indemnité.
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2.2. La recourante soutient que le jugement attaqué constituerait une décision incidente au sens de l'art. 93 al. 1 LTF et qu'il aurait pour elle un effet contraignant en ce sens qu'il annule sa décision de rente et d'indemnité pour atteinte à l'intégrité et l'oblige à statuer sur la stabilisation du cas et la suppression de ladite indemnité, soit une prestation temporaire. Dans la mesure où elle considère qu'elle s'est prononcée sur ces questions dans sa décision du 19 octobre 2017, respectivement dans sa décision sur opposition du 12 février 2018, la recourante soutient que le jugement attaqué l'oblige à rendre une décision contraire au droit qu'elle ne pourra pas elle-même contester.
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2.3. En l'occurrence, il est vrai que lorsqu'elle a statué sur l'opposition à sa décision du 19 octobre 2017, la recourante s'est prononcée sur la stabilisation du cas et l'a admise. D'ailleurs, la juridiction cantonale le reconnaît explicitement dans le jugement attaqué. C'est pourquoi on ne saisit pas pour quel motif les premiers juges sont d'avis "qu'aucune décision [n'était] entrée en force sur cette question" et que la décision du 19 octobre 2017 et la décision sur opposition du 12 février 2018 étaient prématurées en tant qu'elles portaient sur la rente d'invalidité et l'indemnité pour atteinte à l'intégrité et devaient être annulées pour ce motif. Il n'en demeure pas moins que le jugement de renvoi ne contient aucune injonction, ni même aucune prescription ou recommandation à l'intention de la recourante quant à la manière dont elle devra trancher la question de la stabilisation du cas et, partant, statuer sur le maintien éventuel de l'indemnité journalière au-delà du 31 octobre 2017. La CNA, dont la marge de manoeuvre n'est en aucun cas limitée par le jugement de renvoi, pourra donc statuer librement sur la stabilisation du cas, soit également dans le sens de sa décision sur opposition du 12 février 2018. Elle ne saurait par conséquent invoquer l'existence d'un préjudice irréparable du fait qu'elle ne pourra pas recourir contre sa propre décision.
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Erwägung 3 |
3.1. Par ailleurs, la cour cantonale a relevé que même si elles n'avaient pas dû être annulées en raison de leur caractère prématuré, les décisions en question auraient de toute manière dû l'être pour un motif matériel. En effet, pour les juges cantonaux, la recourante ne pouvait pas se fonder sur les conclusions des médecins de la Clinique romande de réadaptation (rapport du 7 août 2017) ni sur l'appréciation du docteur C.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement (avis du 26 septembre 2017 et rapport du 6 février 2018), pour nier le droit de l'assuré à une rente d'invalidité. Par ailleurs, la CNA ne pouvait pas évaluer le revenu d'invalide de l'intéressé sur la base des cinq descriptions de postes de travail (DPT) retenues, motif pris que l'une d'entre elles concernait l'activité d'ouvrier magasinier, laquelle exigeait la préhension en force des deux mains, alors que, selon les médecins, la préhension en force de la main gauche était incompatible avec l'état de santé de l'assuré.
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3.2. Sur ce point également, le jugement attaqué ne comprend aucune injonction, prescription ou recommandation de nature à limiter la marge de manoeuvre de la recourante quant à la manière dont elle devra statuer une nouvelle fois sur le droit éventuel de l'intimé à une rente d'invalidité. L'impossibilité de recourir contre sa propre décision concernant cette prestation n'est pas non plus de nature à occasionner un préjudice irréparable pour la recourante.
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3.3. Vu ce qui précède, les conditions de l'ouverture d'un recours immédiat selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF ne sont pas réalisées.
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4. Par ailleurs, quand bien même l'admission éventuelle du présent recours par le Tribunal fédéral pourrait conduire immédiatement à une décision finale, il n'en demeure pas moins qu'on ne voit pas, et la recourante ne l'expose pas, que la poursuite du litige entraînerait une procédure probatoire longue et coûteuse, ce qui justifierait un recours immédiat selon l'art. 93 al. 1 let. b LTF. En effet, tout complément d'instruction entraîne nécessairement des frais et un prolongement de la procédure, ce qui ne suffit pas pour ouvrir le recours immédiat. Encore faut-il que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels, ce qui n'est pas le cas lorsque l'administration des preuves doit se limiter à entendre les parties, à leur permettre de produire des pièces et à procéder à l'interrogatoire de quelques témoins (arrêts 4A_480/2019 du 30 octobre 2019 consid. 5.1; 5A_286/2019 du 10 septembre 2019 consid. 2.1; 4A_243/2016 du 29 avril 2016 consid. 2.2).
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5. En conséquence, les conditions de l'art. 93 al. 1 let. a et b LTF ne sont pas réalisées et le recours doit être déclaré irrecevable.
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La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle n'aura cependant pas à payer des dépens à l'intimé (art. 68 LTF) puisque celui-ci a renoncé à déposer une réponse.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
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Lucerne, le 10 janvier 2020
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Maillard
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Le Greffier : Beauverd
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