BGer 9C_423/2019 |
BGer 9C_423/2019 vom 23.01.2020 |
9C_423/2019 |
Arrêt du 23 janvier 2020 |
IIe Cour de droit social |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Meyer et Moser-Szeless.
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Greffier : M. Berthoud.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représenté par Me David Métille, avocat,
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recourant,
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contre
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Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
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avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
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intimé.
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Objet
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Assurance-invalidité,
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recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 7 mai 2019 (AI 102/15 - 148/2019).
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Faits : |
A. A.________, né en 1976, a subi une lésion traumatique du genou droit en 2005. La demande de prestations qu'il avait déposée en 2006 en raison de cette atteinte à la santé a été rejetée par l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) en 2007.
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Le 1 er novembre 2011, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations consécutive à une intervention sur le genou droit effectuée en février 2011. D'autres opérations ont eu lieu en 2013, 2014 et 2015. Par décision du 9 mars 2015, l'office AI a rejeté la nouvelle demande (rente d'invalidité et mesures professionnelles), car le taux d'invalidité (4 %) était insuffisant pour ouvrir droit à ces prestations.
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B. A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales. Un mandat d'expertise orthopédique a été confié aux docteurs B.________ (spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, chef de clinique au sein du Service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur de l'hôpital D.________), et C.________ (interniste dans le même service), qui ont déposé leur rapport le 12 février 2019.
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Par jugement du 7 mai 2019, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
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C. A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. A titre principal, il conclut au versement d'une rente entière d'invalidité du 1 er janvier 2014 au 30 septembre 2018 sur la base d'un taux d'invalidité de 100 %, ainsi qu'à l'octroi de mesures de reclassement professionnel en raison d'un degré d'invalidité de 17,46 %. A titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente, respectivement à l'administration, afin d'instruire la situation médicale après l'intervention du 7 septembre 2015. Il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire.
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Considérant en droit : |
1. Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
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2. Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent d'une question de fait et ne peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 398). On rappellera, en particulier, qu'il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable (ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 p. 53).
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Erwägung 3 |
3.1. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2018 ainsi qu'à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, il s'agit en particulier de déterminer si la juridiction cantonale a admis à juste titre que le recourant présentait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Il faut aussi préciser que le droit éventuel du recourant à une rente d'invalidité au-delà du 9 mars 2015 ne saurait être examiné dans le cadre du présent procès, car la date de la décision administrative marque la limite temporelle du pouvoir d'examen du juge (cf. ATF 143 V 409 consid. 2.1 p. 411 et les références).
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3.2. La solution du litige ressortit aux art. 8, 28 al. 1 et 2, 28a et 29 al. 1 LAI, et 16 LPGA, mentionnés par la juridiction cantonale. Cette dernière a aussi rappelé les principes relatifs à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232 et les références), et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). Il suffit d'y renvoyer.
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Erwägung 4 |
4.1. Sur la base de l'appréciation des experts judiciaires (rapport des docteurs B.________ et C.________ du 12 février 2019), la Cour des assurances sociales a constaté que le recourant présentait une instabilité postéro-interne post-traumatique du genou droit de grade I à II. Au jour de l'expertise, la situation devait être considérée comme stable, mais à un degré insatisfaisant, dans la mesure où aucune intervention chirurgicale ne pourrait à l'avenir améliorer la situation du recourant. Nonobstant la persistance d'une sensation d'instabilité et de douleurs, le recourant disposait d'une pleine capacité de travail dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles (principalement sédentaire, sans port de charges, sans déplacement de plus de 20 à 40 minutes par jour), une activité dans le domaine de la manutention ou un travail de précision léger étant parfaitement envisageable. Malgré les multiples interventions subies depuis le 18 février 2011, la situation n'avait pas connu de modification notable.
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Sur un plan médical strict, les juges cantonaux ont constaté que le recourant n'avait fait valoir aucun grief susceptible de remettre en cause les conclusions circonstanciées des docteurs B.________ et C.________. Les brèves considérations du recourant relatives à la multiplicité des interventions chirurgicales, dont il déduisait une absence de capacité de travail et d'aptitude à la réadaptation, n'étaient pas de nature à jeter le doute sur le bien-fondé des conclusions de l'expertise.
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4.2. Les premiers juges ont arrêté le degré d'invalidité à 7 %, découlant de la comparaison d'un revenu sans invalidité de 63'173 fr. 15 en 2012 (valeur indexée), avec un revenu d'invalide établi sur la base des statistiques salariales de l'Enquête suisse sur la structure des salaires auquel a été appliqué un abattement de 10 %, soit 58'659 fr. 10.
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Compte tenu du taux d'invalidité de 7 %, le droit du recourant à un reclassement dans une nouvelle profession a été nié.
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Erwägung 5 |
5.1. Le recourant déclare ne pas remettre en cause la valeur probante de l'expertise judiciaire. En revanche, il conteste la lecture qu'en a faite la juridiction cantonale, à qui il reproche d'avoir retenu qu'il aurait présenté un taux de capacité de travail constant depuis février 2011 jusqu'à la date de la consultation par les experts de l'hôpital D.________. A cet égard, il fait observer que tant dans le rapport d'expertise des docteurs B.________ et C.________ que dans l'exposé de l'évolution de sa situation médicale, il avait été rappelé qu'il avait subi de très nombreuses interventions chirurgicales entre 2011 et 2015, respectivement qu'il s'était trouvé en incapacité de travail durant les périodes suivantes: du 18 février au 30 août 2011 (100 % d'incapacité), du 1er septembre au 30 novembre 2011 (50 % d'incapacité), du 1er décembre 2011 au 1er janvier 2012 (25 % d'incapacité). Compte tenu de l'évolution de l'état de son genou droit et en particulier des interventions médicales pratiquées les 14 janvier 2013, 1er septembre 2014 puis le 7 septembre 2015, de l'absence de stabilisation suffisante de son état de santé, et du fait qu'il se déplaçait encore avec une canne lors d'une consultation au Service médical régional le 27 mai 2014, le recourant soutient qu'il n'est pas question de lui reconnaître la moindre capacité de travail de manière continue entre le 1er janvier 2013 jusqu'au 6 juin 2018, date de la consultation d'expertise, même dans le cadre d'une activité adaptée, pas plus qu'une aptitude à suivre un reclassement professionnel.
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En conséquence, son droit à une rente d'invalidité devrait être reconnu de manière provisoire entre le 1er janvier 2014, soit à l'échéance d'une année après l'intervention d'ostéotomie de valgisation de janvier 2013, jusqu'au 30 septembre 2018, trois mois après le jour de la consultation d'expertise (6 juin 2018) où la situation était pratiquement stabilisée.
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5.2. En ce qui concerne la comparaison des revenus, le recourant conteste uniquement l'abattement de 10 % appliqué sur le revenu d'invalide statistique. Il demande la prise en compte d'un taux de 15 % voire de 20 % à ce titre, compte tenu de l'existence de différents facteurs défavorables, soit des difficultés linguistiques, une absence de formation, ainsi que des séquelles importantes de complications au niveau du genou droit.
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Dès lors qu'un abattement de 20 % aboutirait à un taux d'invalidité de 17,46 %, le recourant soutient avoir droit à un reclassement professionnel.
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Erwägung 6 |
6.1. Dans leur rapport d'expertise du 12 février 2019, les docteurs B.________ et C.________ ont attesté que la situation était insatisfaisante après plusieurs chirurgies et que le pronostic de stabilisation du genou était mauvais, si bien que l'état n'était pas stabilisé (rapport, p. 16, ch. 7). Les experts ont toutefois aussi indiqué que la situation pouvait être considérée comme stable à un degré insuffisant, malgré tous les traitements de physiothérapie et de rééducation (p. 16, ch. 9).
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La question de la stabilisation de l'état de santé et de l'étendue de la capacité de travail n'a pas été concrètement discutée par la juridiction cantonale qui s'est limitée à reprendre les réponses des experts judiciaires (cf. consid. 5b du jugement attaqué). Le recourant, qui est seul à soutenir qu'il était resté entièrement incapable de travailler durant plusieurs années à compter du 1er janvier 2013, ne démontre toutefois pas en quoi l'administration et l'appréciation des preuves procéderaient d'une violation du droit (art. 61 let. c LPGA); en particulier il ne fait pas état d'éléments cliniques ou diagnostiques concrets et objectifs susceptibles de mettre en cause les constatations de fait de la juridiction cantonale, ni de motifs pouvant établir le caractère arbitraire de l'appréciation du tribunal cantonal.
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On précisera que les arrêts 8C_1023/2008 et 8C_584/2009 cités par le recourant ne sont pas pertinents parce qu'ils concernent des règles propres à l'assurance-accidents qui ne sont pas applicables dans le présent cas. En tout état de cause, en vertu de son obligation de réduire le dommage, il incombe à l'assuré de mettre sa capacité de gain à profit dès que cela est médicalement exigible. A cet égard, il ressort de l'anamnèse figurant dans le rapport d'expertise judiciaire qu'une incapacité de travail durable (y compris dans une activité adaptée) avait prévalu uniquement au cours de l'année 2011; elle avait toutefois cessé en 2012 et n'entrait donc plus en ligne de compte pour l'octroi d'une rente (cf. art. 28 al. 1 let. b LAI). Au début de l'année 2012, le recourant se trouvait ainsi en mesure d'occuper à plein temps une activité lucrative adaptée à l'état non entièrement stabilisé de son genou droit, les docteurs B.________ et C.________ n'ayant pas attesté que les interventions chirurgicales pratiquées au cours des années suivantes auraient causé ou pu engendrer des incapacités de travail durables dans une activité adaptée.
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Il s'ensuit que le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité précédente relatives à sa capacité de travail (art. 105 al. 1 LTF).
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6.2. En ce qui concerne la fixation du revenu d'invalide, les premiers juges ont exposé les raisons pour lesquelles ils n'entendaient pas s'écarter de l'abattement de 10 % que l'intimé avait appliqué sur le salaire statistique (ATF 126 V 75; consid. 6c/cc du jugement entrepris). Comme le recourant ne démontre pas que la juridiction cantonale aurait commis un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation en confirmant cette valeur (les difficultés linguistiques et l'absence de formation invoquées ne sont pas pertinentes dans ce contexte), l'abattement de 10 % ne sera donc pas modifié.
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En conséquence, le taux d'invalidité est de 7 % et se situe donc largement en-dessous du seuil de 20 % permettant d'ouvrir droit à un reclassement (art. 17 LAI; ATF 139 V 399 consid. 5.3 p. 403). Le recours s'avère également mal fondé sur ce point.
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7. Vu l'issue de la procédure, le recourant doit supporter les frais y afférents (art. 66 al. 1 LTF). Il a cependant déposé une demande d'assistance judiciaire visant à la dispense des frais judiciaires et à la désignation d'un avocat d'office. Dès lors que les conditions d'octroi en sont réalisées (art. 64 al. 1 et 2 LTF), l'assistance judiciaire lui est accordée. Le recourant est toutefois rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral, s'il retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté.
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2. L'assistance judiciaire est accordée pour la procédure fédérale et Maître David Métille est désigné comme avocat d'office du recourant.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral.
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4. Une indemnité de 2800 fr. est allouée à l'avocat du recourant à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.
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5. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 23 janvier 2020
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Parrino
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Le Greffier : Berthoud
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